Chapitre 23-Mission-
Flore avait le devoir de sauver sa fille. Si son mari ne le faisait pas, elle le ferait. Elle devrait néanmoins faire intervenir une tierce personne. La vue de ce parchemin dans le bureau de Petrus avait déclenché en elle des mécanismes de vengeance et de protection jusqu'alors insoupçonnés. Il était prêt à sacrifier la vie de sa fille pour la couronne, elle était par conséquent prête à sacrifier la couronne de son mari pour sa fille.
Elle se dirigeait donc le long des quais, sur le port de Wayton jusqu'à une légère embarcation qui flottait non loin de l'embarcadère. Un jeune homme aux magnifiques boucles blondes s'affairait déjà sur le pont, comme s'il préparait son départ imminent.
Sans même se faire apercevoir, Flore se hissa sur l'embarcation et vint à sa rencontre.
-Firmin !
Le jeune voleur sursauta lorsqu'il l'aperçut, puis se remettant de sa petite frayeur la dévisagea.
-Vous m'avez fait peur, j'ai cru qu'il s'agissait de gardes royaux, confia-t-il.
-Ai-je l'air d'un garde royal ?
Il la toisa de toute sa hauteur, considérant sa longue robe de dentelle et ses petites chaussures à talons si délicates mais il ne fit aucun commentaire.
-Que faites vous ici ? s'enquit-il. Je suis sur le point de partir pour d'autres terres.
Flore l'observa avec stupéfaction. Comment pouvait-il ne pas savoir ? Le simple fait qu'un personne dans cette contrée n'ait pas connaissance du malheur qui s'abattait sur sa famille lui paraissait si absurde. Elle avait été tellement absorbée par cette histoire qu'elle en était même venue à oublier qu'il existait encore des lieux de paix et de complaisance où chacun vivait en harmonie avec sa propre personne.
Elle s'en voulut de priver Firmin de l'un de ces instants si précieux, mais elle n'avait pas le choix. Lui seul pouvait encore faire quelque chose.
-Tu ne sais donc pas, murmura-t-elle avec tristesse plus pour elle-même que pour le pauvre Firmin.
Firmin lâcha les cordes qu'il avait commencé à rouler et reporta son attention vers la femme, ses yeux exprimant clairement la peur mêlée à de la surprise et de la tristesse.
-Que s'est-il passé ?
Flore entreprit alors de lui raconter toute l'affaire, en prenant bien soin de n'omettre aucun détail, du moins de ce dont elle avait connaissance.
-Je ne comprend pas comment Aure ne peut empêcher cela, avoua-t-il avec colère sitôt que Flore eut terminé son récit.
-Elle est aveuglée par la tristesse et la haine. J'ai bien tenté de la faire réagir, tout comme...
Elle marqua une pause. Le moment critique était venu. Flore allait devoir dévoiler son secret. Celui qui lui avait tant coûté et qu'elle avait gardé pendant de si nombreuses années. Elle n'avait pas le choix, elle avait menti à sa fille et le moins qu'elle puisse faire désormais était de tout mettre en œuvre pour la sauver, même si cela impliquait de trahir son mari et, indirectement, de se trahir elle-même.
Si Firmin devait lui venir en aide, il devait avoir connaissance des moindres pièces du dossier, y compris son véritable lien avec le responsable de cette infamie.
-Firmin, toi seul peut encore sauver Louise. Pour cela, tu dois t'emparer d'un document top secret qui prouve la culpabilité de Ulrich et de Petrus dans toute cette affaire dans le bureau de ce dernier.
-Quel document ? demanda-t-il subitement.
Puis, les liens se firent dans son esprit et il demanda, les dents serrées et une lueur de doute et de ressentiment envahissant ses yeux azur :
-Et comment en avez-vous eu connaissance ?
Firmin recula de quelques pas et lança d'une voix forte et avec autant de dégoût qu'il put :
-Vous travaillez pour eux ! Vous avez trahi le royaume. Vous rendez-vous seulement compte de ce que vous avez fait ? Le roi a été assassiné, le royaume sera bientôt à feu et à sang si nous ne parvenons pas à stopper ces effroyables machinations! Et, par votre faute, Louise risque d'être exécutée !
Des larmes commencèrent silencieusement à rouler le long des joues de Flore. Bien entendu, Firmin avait entièrement raison. Mais que ne ferait pas une femme par amour ?
-C'est bien plus compliqué que tu ne le penses Firmin, murmura-t-elle d'une voix calme, tentant un tant soit peu d'apaiser la colère du jeune homme.
-Ne prononcez plus jamais mon prénom, lança ce dernier aussi sèchement et distinctement que lui permettaient les tremblements de colère qui l'animaient en cet instant.
Il s'assit sur le bord de son navire et entreprit de quitter le rivage pour partir du port.
-Je t'en prie Firmin, écoute au moins ce que j'ai à te confier. Si ce n'est pour moi, fais le pour Louise, je sais qu'elle compte beaucoup à tes yeux, tu n'abandonnerais pas ton amie.
Le jeune voleur stoppa son geste et lui lança un regard noir avant de se rapprocher d'elle, de manière à ce que leurs deux visages se touchent presque et lui fit signe d'entamer son récit. Il ne pouvait décemment pas abandonner son amie d'enfance à son triste sort. De plus, Flore avait raison : elle comptait beaucoup à ses yeux, bien plus qu'il n'osait se l'avouer. Au fur et à mesure des années, voir son amie était devenu vital pour ce pauvre orphelin et devenir dépendant d'une tierce personne heurtait fortement la fierté de ce jeune mâle.
Flore, résignée vint à son tour s'asseoir sur le bastingage et prit une grande inspiration avant de se jeter, tête la première dans ses explications.
-Lorsqu'elle était jeune, une femme est tombée amoureuse du jeune prince d'une contrée lointaine. Elle l'aimait éperdument et aurait fait n'importe quoi pour lui. Ses idéaux de puissance et d'intelligence prenaient forme devant elle. Tous deux se planifièrent une vie de richesse et de bonheur, loin des tracas de la cour et quelques mois plus tard, ils ont fini par s'unir.
Après quelques années, son frère ainé, qui était l'héritier du trône de son royaume est décédé des suites de ses blessures lors d'une bataille, ce qui l'a donc placé à la tête du gouvernement.
Le mari hérita donc du trône et les rêves furent pousses jusqu'aux oubliettes. Il était un roi ferme et exigent mais qui maintenait les finances et l'équilibre du royaume.
Son mari changeait de jour en jour tandis que son cœur s'emplissait de désir. Il a vite voulu tourner ses rêves de puissance et de conquête à la réalité et a commencé à comploter pour acquérir les royaumes voisins, et peu à peu, des royaumes plus loin et plus vastes encore.
L'un d'eux, extrêmement riche de par ses mines d'or et de diamants et son extrême diversité des paysages l'attirait inlassablement. Cependant, ce dernier était puissant et difficile à atteindre. De plus, il n'allait pas tarder à se faire de puissants alliés. Le puissant roi eut alors une idée insensée : le conquérir de l'intérieur. Et qui d'autre aurait pu mieux remplir cette mission et garder ce secret que sa propre femme ?
Seulement voila, la jeune femme était enceinte. Elle lui avait déjà donné un premier enfant, un fils, l'héritier du royaume et quelques mois plus tard, elle devait donner naissance à leur deuxième enfant. Elle devait donc se hâter de s'intégrer et de trouver un nouveau mari. Qui de mieux que le conseiller du roi de Wayton ?
Une belle petite fille est née de "leur" union : elle s'appelait Louise.
Leur famille a évolué et pendant plus de 17 ans, a vécu plus heureuse qu'aucune autre, comme si au final, la vraie vie de la femme était ici et sa vie secrète à Pyrgos. Toutes les semaines, elle rencontrait son premier mari dans une auberge où elle lui livrait toutes les informations dont elle disposait grave à Guillaume. Elle supportait tout cela car elle savait que lorsque ce royaume serait conquis, elle pourrait rentrer chez elle et revoir son fils.
Puis tout a basculé, le monde s'est inversé et s'est transformé en un cauchemar innommable.
Mais cette partie de l'histoire, tu la connais.
Firmin ne l'avait pas lâchée du regard de toute la conversation. Flore était détruite et se laissait envahir par les remords. Elle avait laissé l'amour guider toute sa vie et la planifier aveuglement, pensant bien faire. Aujourd'hui pourtant elle en payait le prix fort.
A défaut d'excuser ses actes, il parvenait à les comprendre et à comprendre cette femme, la mère de sa meilleure amie.
Il saluait tout de même le courage dont elle avait fait preuve pour se confier de la sorte à un inconnu tel que lui.
-Je vais le faire, je vais voler le document.
Flore ouvrit de grands yeux qui laissaient le soulagement transparaître et s'apprêta à le remercier lorsque Firmin leva un doigt et continua :
-Je vais le faire, mais certainement pas pour vous, pour Louise.
Une fois qu'elle sera sortie d'affaire, je lui dirai la vérité.
La voix et le visage de Flore se firent suppliants.
-Firmin, je t'en prie. Cela la détruirait.
Je te conjure de ne pas le faire, pour son propre bien. Elle ne me le pardonnerait jamais.
-Ce n'est pas négociable.
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