Chapitre 20 -Accession-

Ce matin-là, Ulrich s'éveilla d'une humeur festive. Il n'avait, de toute sa vie, jamais si bien dormi. Le souvenir de toutes ces nuits de dure labeur pour trouver le sommeil et empêcher son esprit de partir dans d'épuisants calculs et démonstrations lui revint en tête et il n'en éprouva qu'une plus grande satisfaction.

Il touchait enfin son rêve du bout des doigts, il le sentait.
Tout ce pourquoi il avait travaillé, en étroite collaboration avec Petrus, laissait enfin entrevoir la fin de sa terrible machination.
Les mensonges et la trahison étaient finis, il en était persuadé.

Ce dont il n'avait, en revanche, pas conscience c'est qu'ils ne disparaîtraient pas d'eux même. Le mensonge est une forme de trahison et cette trahison, une fois commise est gravée à tout jamais. Elle se greffe à notre âme, nous guette, nous piège avec habileté, nous traque et à la moindre occasion nous étouffe. Et, c'est seulement à ce moment là, ou nous pensons en avoir fini et pouvoir remonter à la surface qu'un autre démon nous submerge : la vérité, violente, destructrice, irréparable.

Fort heureusement pour Ulrich, en cet instant, obnubilé par ses idées de grandeur et de pouvoir, il n'avait en aucun cas conscience que son âme était perdue et que le pardon ne suffirait pas à le sauver.

C'est donc avec d'agréables pensées qu'Ulrich se leva de son lit et revêtit ses habits princiers, pour la dernière fois, ce soir il aurait ceux d'un roi. En effet, c'est dans l'après-midi que devait avoir lieu le couronnement du jeune dauphin.

Pour la seconde fois en deux jours, le palais serait ouvert à tous les habitants du royaume afin qu'ils puissent venir admirer la passation de pouvoir et l'accession au trône de leur nouveau souverain.

Son absence à la cérémonie d'adieu de la veille avait certainement été remarquée, mais qu'importe, comme il l'avait alors dit, les morts pouvaient attendre, pas son sommeil. Il avait en effet dormi plus de treize heures et cela était vraiment nécessaire, car un roi fatigué est un roi qui prend de mauvaises décisions et se laisse vite aller à des émotions extrêmes.

Aujourd'hui, il était prêt à assumer pleinement son rôle et nul doute que le moindre ressentiment de la part d'un habitant s'évanouirait devant la grandeur et le charisme de ce jeune homme, aussitôt que la couronne serait disposée sur sa tête.

Il se mît devant sa fenêtre, et contempla l'orée de la foret, comme il l'avait fait deux jours plus tôt, lorsqu'il avait alors reconnu sa sœur. Il se sentait comme si une éternité s'était écoulée depuis cet instant.

Quelques heures plus tard, le jeune homme se présentait devant les portes de bois massif qui marquaient l'entrée de la salle du trône.

Elles s'ouvrirent alors et, séparé de lui par une dizaine de mètres marqués par un tapis fait de velours rouge, le trône tant convoité apparut.

De part et d'autre de ce tapis, des dizaines de milliers de personnes. Pour la seconde fois en deux jours, tout Wayton s'était rassemblé pour célébrer son nouveau souverain.

Des visages dédaigneux se tournèrent alors vers lui, le toisant de toute leur hauteur.
Des murmures se firent entendre dans l'ensemble de la salle.

-C'est ce gamin va diriger le pays ? Prépare toi à ce qu'on devienne plus pauvre que ce qu'on est déjà ,Fernande, disait l'un d'entre eux en parlant à son épouse.

-Il a quoi ? 12 ans ? Sans déconner moi aussi je peux régner. Regarde le, c'est un freluquet, il saura pas diriger une armée celui-la ! commentait un autre.

-Déjà qu'il est pas foutu de faire un discours pour son pèr...

-Assez ! s'exclama alors Ulrich avec une fureur telle que son visage avait viré au rouge et qu'une veine palpitait sur son front, comme si elle allait exploser d'un instant à l'autre.

-Gardes, emmenez tous les villageois hors de chez moi !
Que seuls les nobles assistent à la cérémonie !

Cela créa un chaos sans précédent : les soldats étaient trop peu nombreux pour accomplir une telle tâche, les villageois ne voulaient pas partir, indignés par une telle discrimination et ils avaient beaucoup de mal à protéger le roi contre des personnes en qui la haine envers leur souverain ne cessait de s'accroître.

Aure assistait, impuissante, à des scènes de violence entre mercenaires et villageois et échangeait des regards inquiets avec Ariane.

Sa colère monta encore d'un cran lorsque l'un des soldats s'apprêta à violenter un pauvre homme qui ne voulait en aucun cas sortir de la salle.

-J'ai assisté à deux couronnements dans ma vie, et je n'ai jamais rien vu de tel. Je ne me laisserai pas déshonorer par un souverain qui me classe dans une catégorie qui n'est pas digne d'y assister, déclara alors le vieil homme. Aucun d'entre nous ne devrait avoir à courber l'échine devant un seigneur qui n'a aucun respect pour son peuple.

Aure se précipita vers lui mais des doigts boudinés agrippèrent son poignet. Elle se retourna immédiatement, prête à tempêter contre un soldat mais se trouva face à face avec l'homme qu'elle avait vu la veille, à l'enterrement de son père. Les mots restèrent bloqués dans sa gorge. Il avait toujours ce stupide sourire greffé sur le visage et le même regard amusé traversait ses yeux noirs.

-Rrrestez ici, nous ne voudrrrions tout de même pas que la prrrincessse de Wayton sssoit blesssée.

Elle libéra rapidement sa main de son emprise et le regarda, toujours déstabilisée par l'apparent bien être qu'il affichait, face à la situation critique du royaume. Toutefois, son accent prononcé lui démontrer qu'il n'était pas originaire de Wayton.

-Qui êtes-vous ? demanda-t-elle alors, ayant soudain recouvré l'usage de la parole.

-Petrrrus, annonça-t-il pour toute réponse avant de s'éloigner, laissant Aure seule avec son scepticisme et ses questions.

Après plus de deux heures, seuls les nobles persistèrent dans l'immense salle du trône et la cérémonie put enfin commencer.

Ulrich apparut derrière les portes et s'avança lentement le long du tapis de velours rouge avant de s'agenouiller à un mètre du trône.

Un prêtre surgit alors, un sceptre dans la main droite et un coussin dans la main gauche qui supportait la couronne d'or.

Il se plaça devant le jeune homme et marmonna quelque parole incompréhensible en latin.
Après plusieurs minutes, il déposa la couronne sur les cheveux d'Ulrich et plaça le sceptre dans ses mains tendues.

-Jurez-vous, Ulrich de Wayton, de devenir le protecteur du royaume, de le servir et de l'honorer, au péril de votre propre vie, et ce, jusqu'à votre mort ?

-Je le jure.

-Dans ce cas, je vous fait roi de Wayton.
Vous pouvez vous relever.

Ulrich se releva et se dirigea vers le trône où il prit place fièrement, la tête haute, un sourire de prédateur fendant son visage.

Comme le veut la coutume, chaque noble vint tout à tour prêter un serment d'allégeance à son nouveau roi.

Étant donné leur nombre important, cela prit plus d'un bonne heure.
Lorsque le dernier noble se fut agenouillé devant le roi, le jour touchait à sa fin et une couleur rosée, annonçant le coucher de soleil imminent, filtrait à travers les fins rideaux de dentelle.
Tout le monde se prépara alors à partir jusqu'à ce qu'Ulrich déclare, un lueur démoniaque au fond des yeux :

-Que faites-vous ? Ce n'est pas fini, l'un de vous n'a pas prêté serment.

Il fixa alors Aure et lui fit signe d'approcher. Elle échangea alors un regard inquiet avec Ariane avant de dire, aussi posément que le lui permettait son état :

-Je ne suis pas une noble, je suis la princesse. Je n'ai pas à te prêter serment si c'est ce que tu attends de moi Ulrich.

-Votre majesté ! S'écria-t-il alors, puis recouvrant son calme il reprit, désormais, tu m'appelleras votre majesté ou mon seigneur. Et je t'ordonne de y t'agenouiller devant moi et de me prêter serment.

Il lui donna un regard en avertissement et Aure eut tôt fait de se rappeler les menaces énoncées la veille.
A contrecœur et choquée de l'acte de son frère, elle se dirigea vers le trône, ne baissant pas les yeux en signe de défit et de protestation et s'agenouilla devant son frère.
Elle posa ses mains moites et tremblantes de peur et de frustration sur sa robe pour n'en montrer aucun signe.

-J'énonce, l'assemblée m'en étant témoin, ce serment de mon plein gré.
Je jure de servir et de protéger monseigneur Ulrich, roi de Wayton et de droits divins, et ce, au péril de ma propre vie, quelles qu'en soient les circonstances et les conséquences.
Longue vie au roi !

Elle se releva très vite et reprit sa place dans l'assemblée devant le regard compatissant d'Ariane qui la prit par le bras et la ramena vers le fond de la salle.

Peu après Ulrich se leva et, s'adressant à la noblesse présente devant lui annonça alors :

-Permettez-moi de vous présenter mon nouveau conseiller.

Un homme court sur pattes et embonpoint se détacha alors de la foule avant de prendre place à côté du nouveau roi.

-Petrus.

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