Chapitre 11-Révélation-

Flore fut brusquement réveillée par les premiers rayons du soleil qui filtraient déjà au travers de ses fins rideaux de soie. Elle se retourna dans son lit et tendit son bras droit, s'attendant à sentir le doux visage de son mari Guillaume sous ses doigts qui se refermèrent sur un oreiller de coton.

Était-il donc si tard que cela ? Le conseiller du roi avait déjà dû partir au château, prenant soin de ne pas réveiller sa belle et Louise devait encore dormir.

Flore, qui était couturière à ses heures perdues avait donc une longue journée devant elle. Elle regarda par la fenêtre ouverte et fut surprise de se retrouver face à un magnifique soleil en cette belle matinée d'automne. Ce dernier se reflétait sur la mer qui s'étendait à perte de vue, par delà la ville et ses multitudes de ruelles commerçantes qui abritaient des maisons à colombage, protégées du vent par les bois et la chaîne de montagnes qui formaient une sorte de barrière naturelle.

En effet, en cas d'attaque ennemie, seuls deux chemins étaient envisageables : la mer et le Col des Révoltés qui séparait deux montagnes.

On raconte que mille ans avant notre ère, un millier de mers s'écoulait par ce col. Un jour,une armée de géants des glaces venue des Grands Glaciers de l'Est aurait décidé d'envahir Wayton. Le souverain de cette époque, Auguste VI, l'égoïste, aurait alors ordonné aux archers de détruire le sommet de ces montagnes pour combler ces mers et ainsi noyer les redoutables créatures, plongeant le reste du monde dans un océan d'oubliettes. Une terrible révolution souleva le peuple de Wayton, excédé par les nombreuses erreurs du tyran et Auguste fut banni à jamais, par delà les montagnes.

Aujourd'hui, ce nom rappelle à tout seigneur que quelque soit sa puissance, le peuple est roi.

Cette histoire lui avait été racontée par son premier mari et Flore ne l'avait jamais oubliée. Cela lui remémora la tâche qu'elle devait accomplir, comme chaque semaine. Partagée entre joie et appréhension, elle détacha donc son regard de la vue magnifique qui s'étalait devant ses yeux et se vêtit comme à son habitude, en prenant soin toutefois de se recouvrir d'une longue cape et de dissimuler son visage avant de sortir. Elle fit tout cela le plus silencieusement possible pour ne pas réveiller sa fille Louise qui dormait encore à poings fermés. La seule pensée de sa fille la fit sourire.

Elle sortit donc dans cet état d'apparente candeur, une légère brise caressant son visage.

Après quelques minutes de marche dans les étroites rues, Flore se présenta devant une auberge d'apparence miteuse et tapa cinq coups irréguliers à la porte. Un colosse vint lui ouvrir et elle articula quelques mots dans un langage incompréhensible.

On frappa à la porte et Marie se retira pour laisser Flore pénétrer dans le "Salon Rouge". Petrus sourit.

-Ah, voila la plus belle.

Flore et Petrus se serrèrent dans les bras avant d'échanger un baiser chaste. Petrus parut désorienté par ce geste dénué de tout sentiment mais ne fit aucun commentaire. La jeune femme ne savait plus quoi éprouver à l'égard de son premier mari.

Elle se sentait encore coupable de ce qu'elle lui avait révélé la semaine dernière.

Si Louise apprenait qu'elle lui avait tout dit de son amour pour Aure, elle ne le lui pardonnerait jamais.

Ils vinrent tous deux s'asseoir sur le grand sofa puis, après quelques instants d'un silence gênant, Flore se décida à briser la glace:

-J'ai cru voir Ulrich sortir d'ici il y a à peine quelques minutes.

-C'est vrrrai.

-Faire une alliance avec lui peut être dangereux, j'espère que tu en as conscience, dit Flore avec un petit rire pour détendre l'atmosphère pesante qui ne semblait pas vouloir s'en aller, alors, quel est cet arrangement ?

-C'est top sssecrrret, mon amourrr, avoua Petrus, soudain mal à l'aise.

Flore rit, puis voyant que Petrus gardait cette même expression, elle s'empourpra, son sourire disparaissant aussi vite qu'il était venu. Petrus, lui, ne connaissait que trop bien les signes annonciateurs de la tempête et il se prépara à la subir. Flore se leva lentement, grondant comme une lionne.

- Pardon ?!

-Je n'ai nul besoin de parrrtager toutes les inforrrmations confidentielles avec toi...

-Ah non ?! le coupa-t-elle.

-Non, répondit simplement Petrus.

-Et moi alors, qu'est-ce-que j'ai fait depuis toutes ces années, depuis plus de seize ans maintenant ? J'ai partagé les données confidentielles avec mon mari ! J'étais enceinte et tu m'as envoyée ici pour que je gagne la confiance de Guillaume et que je l'épouse avant que ma grossesse ne se voit. On ne se voit plus qu'en cachette...

Elle regarda Petrus, les larmes aux yeux.

-J'ai besoin de mon mari.

-Crrrois-moi, j'ai autant sssi ce n'est plusss envie que toi de finirrr cela, je veux voirrr ma fille, déclara Petrus.

-Et moi je veux voir mon fils ! Mais je sais que tu ne seras jamais satisfait, après avoir conquis ce royaume, tu en voudras un autre et encore un autre, ça ne finira jamais.

Il y eut un nouveau silence et Flore sembla s'être légèrement calmée.

-Ecoute, tout ce que je peux te dirrre c'est que je n'ai plus besoin que tou rrrécoltes des inforrrmations, Florrre.

-Oh mais nul besoin de lui demander, il me racontait déjà tout, c'est le rôle d'un mari n'est-ce-pas ? ironisa Flore.

Elle soupira puis ajouta:

-J'ai confiance en toi, mais fais en sorte de réunir notre famille.

-Je ferrrai tout ce que je pourrrai, mais tu dois comprrrendre que sssi j'ai à choisirrr entrrre ma courrronne et ma famille, je choisirrrai la courrronne.

Flore le regarda droit dans les yeux et vit qu'il disait la vérité.

-Espérons que tu n'auras pas à choisir dans ce cas.

Elle embrassa son mari et repartit dans l'air frais du matin. Flore ne s'était jamais sentie aussi seule et désorientée. Son premier mari élevait leur fils aîné dans le pays lointain qu'il gouvernait et elle élevait leur fille avec son autre mari, le conseiller du roi de Wayton, avec lequel elle s'était mariée pour recueillir des informations.

Elle avait accepté cela sans sourcilier à l'époque mais aujourd'hui elle se demandait vers qui son cœur devait se tourner : Petrus, un souverain à la soif de pouvoir insatiable, le père de ses enfants, prêt à les sacrifier ou Guillaume, un homme doux, aimant, qui gardait la plus grande des valeurs à ses yeux : l'humanité. Mais un homme si faible.

Flore avait fini, malgré elle, par éprouver des sentiments pour ce dernier. Elle l'aimait. Certes, peut être pas de la façon dont on doit aimer son mari, mais cela ne change rien au fait qu'elle aimait cet homme rieur et délicat. C'est ainsi que pour la première fois depuis seize ans, Flore culpabilisait. Elle s'en voulait d''avoir caché la vérité à son mari qui n'avait, en réalité, ni femme, ni enfant.

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