Chapitre 31 : Un Poison et Un Remède

[ Dans la peau de Nathalie ]

Mon véhicule arrive enfin devant l'immense portail. Les portiers s'empressent d'ouvrir laissant ainsi entrer ma voiture dans la parcelle. Après s'être garé, mon chauffeur vient m'ouvrir la portière.

Je sors du bolide et m'avance jusqu'à la porte d'entrée. Avant de frapper, je me retourne et observe la grande cour. Comme elle a changé...

C'est étrange de me retrouver ici, après toutes ces années écoulées. Tant de choses ont été modifiées, que j'ai l'impression de réellement me trouver dans un lieu inconnu.

A chaque fois qu'Erick me proposait de le rejoindre dans cette maison, je refusais. J'étais sûre de ne pas supporter de ressentir tous ces souvenirs remonter, alors qu'il ne devait pas se rendre compte que j'étais la petite fille à qui il avait volé cette demeure, il y'a plusieurs années maintenant.

Je refusais d'affronter mon passé.

En effet, cette maison m'appartient normalement. Elle est à ma mère et à moi. Elle est à ma famille depuis dix générations déjà. Mais il a fallu que ma mère s'amourache d'un homme injuste, marié à une femme aussi cupide que mauvaise, pour que cette parcelle soit au nom de ces démons.

Je me souviens encore des heureux moments de mon enfance que j'ai passés ici. Nous nous y sentions bien, ma mère et moi. En ce temps là, Erick et sa famille vivaient à Los Angeles. Ils étaient assez loin de nous pour que ma mère et moi soyons en paix.

Je me rappelle qu'avant cette cour, aujourd'hui cimentée de partout, était un grand jardin. De multiples races de fleurs embellissaient la parcelle. Il y'en avait de toutes les couleurs. De l'herbe verte tapissait les zones manquantes de fleurs. Il n'y avait du ciment que sur le chemin qui menait jusqu'au garage.

J'adorais courir partout, les pieds nus et l'arroseur automatique activé. Je m'amusais à éviter les fleurs violettes, car elles représentaient les fleurs du poison. Les toucher me blesserait. Le fleurs rouges étaient celles de la vie et de l'amour, elles étaient le remède. L'herbe qui séparait les fleurs, servait d'endroit de repos.

Je sautais un peu partout pour éviter le poison, et dès qu'il effleurait ma peau, je faisais tout mon possible pour retrouver la fleur de la vie. J'avais l'impression que mon souffle en dépendait réellement.

Maman en avait marre de me crier dessus pour que j'arrête d'abîmer ses jolies fleurs. Des fois, elle était obligée de me poursuivre pour me stopper, et elle finissait par rentrer dans mon jeu. Elle riait aux éclats.

Quand elle m'attrapait enfin, elle me soulevait dans les airs, un large sourire aux lèvres. Elle profitait de ces moments autant que moi, même si elle ne souhaitait pas l'avouer, car elle devait garder un minimum de sérieux pour me passer un savon juste après.

Ma maman, elle me manque tellement. Sa voix, ses grimaces, ses gâteaux... Tout me manque.

Aujourd'hui, tout cela n'est qu'un souvenir. Un triste souvenir.

Le passé. J'aimerais tant y retourner. Ressentir toutes ces émotions qui nous faisaient vivre.

La naïveté. C'était le seul sentiment qui m'animait à quatre ans, avant la peur et la tristesse qui suivirent juste après jusqu'à présent.

Tout est tellement différent et difficile maintenant...

Présentement, tout ce qui habite mon être est négatif. La haine, le dégoût et le profond désir de vengeance grandissent chaque jour un peu plus en moi. J'avais dit adieu à l'innocence dès lors que Tina Miles avait franchi la porte du tribunal pour retourner en prison et purger sa peine. Ces monstres l'avaient salie, elle, et ma conscience au passage.

Et lorsque je vois que toutes les roses de ma mère ont été rasées puis remplacées par cette étendue de ciment, j'ai l'impression qu'ils ont enterré celle que j'étais avant. Ils ont enterré Ericka.

Une voiture personnelle blanche vient se positionner devant moi, et je vois un homme plutôt âgé en sortir. Il doit avoir à peu près l'âge d'Erick.

Son visage ne m'est pas étranger, mais je ne suis pas en mesure de dire où l'ai-je déjà croisé.

Il s'approche de moi. Lorsqu'il me regarde, il a l'air à la fois impressionné et intrigué.

Plus ses pas se placent vers moi, plus ils sont lents, comme s'il tentait de se donner assez de temps pour se remémorer qui je suis avant de m'adresser la parole.

Quant à moi, mon souvenir de lui m'est encore flou, mais je suis certaine de le connaître d'une manière ou d'une autre.

Il arrive finalement face à moi et me fixe droit dans les yeux, avant de prononcer :

__ Ericka...

Ce nom... Mon ancienne identité... Juste à son écoute, mon cœur saute deux battements successifs. Je m'étais déshabituée à ce que l'on m'appelle ainsi.

__ Tu as tellement changé..., poursuit le monsieur en constume.

Subitement, une sorte de flash me vient en tête.

Ça y est, je me souviens de lui. C'est cet homme qui était à côté de la sorcière qui a mis en prison ma mère. Ils étaient ensemble contre Tina le jour de son procès. C'est lui, c'est Jonh, l'avocat des Bowns.

J'avais fait des recherches sur lui aussi, mais bizarrement mon esprit a eu un bug en le voyant. Mon intuition me dit que je ne l'ai pas vu que ce jour-là, au tribunal ; j'ai dû le rencontrer bien avant et pour d'autres raisons...

__ Vous êtes Jonh.

__ Tout à fait.

__ Vous êtes l'avocat des Bowns.

__ Je vois que tu as bonne mémoire.

__ Comment pourrais-je oublier l'homme qui a aidé cette famille de diables à envoyer mon innocente mère derrière les barreaux ?

__ Écoute, Ericka...

__ Nathalie, le perturbé-je. Mon prénom est Nathalie, pas Ericka.

__ C'est d'accord... Nathalie. Tu sais très bien que cette famille n'est pas la seule fautive dans cette histoire.

__ Vous en êtes sûr ? Parce que, à ce que je sache, la seule chose que ma mère ait faite dans toute cette histoire, c'est aimer aveuglement Erick.

__ Ta mère a aussi tuer un homme, son propre père.

__ Vous savez très bien que c'est faux ! Ma mère n'a tué personne, et vous savez très bien qui l'a fait pour ensuite l'accuser, elle ! Ma mère était innocente. Et vous, vous faites partie des monstres qui ont détruit sa vie.

__ Nathalie...

__ Ça suffit. Peu importe ce que vous direz, je m'en contrefiche.

Pendant que nous discutons, une troisième voiture vient se garer. Un jeune homme dans la trentaine en sort, les chevaux blonds et grand de taille.

Il s'avance vers nous et nous interrompt.

__ Nathalie, dit-il en m'enlaçant.

__ Salut, Brad, répondis-je.

Brad est le fils de Dany, l'ancien avocat de Tina. Ayant décidé de suivre les traces de son parent dans le droit, aujourd'hui il se retrouve être mon avocat. Mais en plus d'être mon défenseur, il est un très bon ami d'enfance.

__ Y'a-t-il un souci ? s'inquiète-t-il.

__ Non, pas du tout. Euh, Brad, je te présente John Wettsen, le représentant des Bowns. Et Jonh, voici Brad Colins, celui qui m'accompagne sur la voie de la justice.

__ Enchanté, dit Brad, tendant la main à son adversaire.

__ De même, rétorque Jonh en serrant la poignée de Brad.

__ Nous ferions mieux d'entrer maintenant, repris-je.

Je laisse les deux hommes et toque à la porte de la maison. Une jeune demoiselle en uniforme nous ouvre.

Arrivée à l'intérieur, le temps semble se figer. Des souvenirs refont surface. Peu de choses ont changé ici, comparé à l'extérieur.

Je me revois courir partout pour échapper à Rodrigo. Mes rires de gamine résonnent à nouveau de tous les côtés. Une vision de ma mère sortant de la cuisine, un plateau de cookies dans les mains, m'apparaît.

À cette période où Rodrigo avait commencé à faire partie de ma vie, j'avais environ six ans. J'avais enfin eu mon papa à moi, et voilà qu'à présent ce dernier juge mieux de retourner sa veste.

__ Nathalie... me réveille Brad, avec sa main posée sur mon dos. T'es sûre que ça va ?

__ Euh... Oui, bien sûr.

__ Marie m'a dit qu'ils nous attendraient dans le petit salon, intervient John. Je suppose que tu connais déjà le chemin ?

Est-ce juste ma colère qui monte, ou il fait exprès de me rappeler que ces murs sont les gardiens de mes souvenirs les plus chers ?

Je fixe John avec tant de dédain qu'il baisse la tête.

Sans dire un mot, je me dirige calmement vers l'endroit indiqué, évitant toutes les réminiscences qui me suivent.

Arrivée devant la porte du salon, je me stoppe.

Cette pièce était une sorte de cabine intime pour mon grand-père, Bruno Miles, avant sa mort. Lorsqu'il est mort, je n'avais que cinq ans. Je l'aimais énormément. Il était gentil et attentionné avec ma Mère et moi.

Tout le monde accuse ma mère de l'avoir assassiné, mais je sais qu'elle n'aurait jamais pu ; ils étaient proches, et ce malgré qu'il l'ait faite souffrir pendant son adolescence.

Tellement de choses sont arrivées à ma mère, elle mérite que justice soit faite pour qu'elle repose enfin en paix.

Cette dernière pensée me remotive. J'appuie la poignée et pousse l'ouverture.

Je vois en premier Marie et Dayana face à moi. Je me réjouis intérieurement de revoir Dayana. Une partie de moi s'inquiétait qu'elle refuse ma quête car lors de notre première rencontre, j'ai été désagréable avec elle. L'autre partie s'attendait à ce qu'elle obéisse comme toujours à Alphonse.

D'ailleurs, en entrant enfin dans la salle, je le remarque à gauche, adossé à l'entrebâillement de la porte du petit bureau.

Ces deux tourtereaux n'ont même pas idée de toutes les choses que je sais sur eux, sur Alphonse en particulier. Ce vrai tombeur cache tant de choses, que je suis certaine qu'il n'arrive plus lui-même à distinguer le vrai du faux.

Mais qu'il ne s'en fasse pas, j'envisage bien de l'aider à révéler sa flamme...

__ Bonjour, mes très chers frère et sœur, débuté-je. Dayana, je suis comblée de te savoir parmi nous en ce jour, et...

Je tourne mes yeux sur Alphonse et les enfonce dans les siens avant de continuer :

__ ...je suis certaine de ne pas être la seule.

Mes lèvres s'étirent narquoisement.

Dayana regarde à son tour Alphonse.

Mine de rien, ma petite remarque a fait son effet. Mais, qu'ils soient patients, ce n'est que le début. Je ne compte pas les lâcher d'une semelle.

Tous les secrets des Bowns doivent être révélés, ceux des descendants y compris.

__ Et si tu arrêtais tes mascarades, et nous disais finalement pourquoi tu as souhaité nous réunir ici avant de faire le test ADN ? contre-attaque Alphonse.

Il aura beau se débattre, il n'échappera pas à son destin. Mais je dois avouer qu'il a raison, chaque chose en son temps.

__ Bonne idée, accepté-je.

Je m'asseois, non sans manières, sur l'un des canapés qui entourent la petite table. Marie et Dayana sont juste en face de moi.

Tandis que j'ajuste ma jolie robe, je sens les yeux enflammés de l'aîné des enfants Bowns sur moi. Je glousse intérieurement d'avoir cet impact sur elle.

Marie doit sûrement se dire que je ne mérite même pas de poser mes pieds sur le sol de cette maison. Seulement, elle ignore que ce sont ses parents qui l'ont dérobée à ma mère, et qu'en vérité, ce sont elle et son frère qui n'ont rien à faire ici.

Très bientôt, tout se saura, me rassuré-je. Il faut juste un peu de patience...

__ Brad, tu peux prendre place, formulé-je dans le but de marquer la grandeur de ma présence.

La rage de la jeune brune s'accentue, mais mon fidèle ami répond tout de même à mon invitation.

Derrière moi, Alphonse et John se font une accolade pour se saluer, puis John s'installe à ma gauche et Alphonse se tient debout à côté lui.

__ Maintenant que nous sommes tous bien stables, nous pouvons commencer la réunion, dis-je telle la maîtresse des lieux. Brad, le contrat s'il te plaît.

Ce dernier fait sortir de son sac une chemise kaki et me la donne. Je l'ouvre et la dépose délicatement sur la tablette.

Les yeux de tous mes adversaires se posent sur le papier que je viens de dévoiler.

__ J'ai préféré rendre notre démarche plus officielle, par conséquent j'ai demandé à mon avocat de saisir ce contrat. Les clauses sont simples : d'abord, nous ferons deux tests ADN, le premier que je ferai avec Alphonse et le second que je ferai avec Marie.

__ Nous ne nous étions pas entendus ainsi ! s'oppose Alphonse.

__ J'ai décidé d'améliorer le jeu, répliqué-je.

__ Le jeu ? s'offusque Marie. Ça t'amuse en plus ? Il n'y aura qu'un seul test !

Comme ces enfants sont têtus !

Les deux petits monstres se liguent contre moi. Ils s'obstinent à me contredire. Sans un minimum de réflexion, ils souhaitent brusquement m'arracher le contrôle de la situation.

Il en est hors de question ! Ici, l'unique maîtresse des lieux, c'est moi ! Je ne compte pas délaisser mon statut à des grands minables tels qu'eux, bornés et arrogants, se croyant au dessus de tous et capables de contrôler l'avenir des gens !

Leurs parents avaient cette même attitude, et ils l'ont bien fait sentir à cette inoffensive Tina. L'histoire ne se répétera pas !

__ Pourquoi refusez-vous ? me défendé-je. Qu'avez-vous à cacher ?

__ Rien, résiste Marie, d'un ton aussi froid que catégorique.

Un sourire malicieux refait surface.

Sous cet aspect de gentillesse et de femme respectable, se dissimulent de terribles mystères, que je n'hésiterai pas à révéler.

Patience, patience, Marie... Ton tour arrivera.

__ Alors, acceptez, insisté-je, plus autoritaire.

Une guerre éclate entre Marie et moi. Elle ne lâche pas l'affaire et moi non plus. Les autres restent spectateurs.

Alors que sa mine est hargneuse, la mienne est moqueuse, et je sais qu'elle déteste ça.

__ C'est d'accord, s'immisce Alphonse, nous acceptons de faire les deux examens.

Sa doyenne le toise, mécontente.

__ Voyons, Alphonse...

__ Tu l'as dit toi-même, nous n'avons rien à cacher.

Décidément, le petit frère prend son rôle d'homme très au sérieux.

Marie reste muette, toujours irascible.

__ Quelles sont les autres clauses ? reprend Alphonse.

Avec toute la satisfaction du monde, je me relance :

__ La deuxième condition est que le test avec Marie se fera après l'obtention des résultats de celui que je ferai avec toi.

__ Pourquoi ne pas les faire au même moment ? me demande Alphonse.

__ Lorsque les résultats tomberont, tu le sauras.

__ Pourquoi tant de complications ?! s'agace Marie. Les résultats seront identiques.

__ En es-tu sûre, soeurette ? la tourmenté-je.

L'acharnée se tait immédiatement. Elle sait que, tout au fond elle, s'agitent des mensonges qui ne tardent à être dévoilés.

__ Le dernier point est à titre préventif. Au cas où il arriverait que l'un d'entre nous modifie les résultats, ce dernier devra léguer la moitié de ses parts de l'entreprise à son contestataire.

Marie ricane.

__ Je me disais bien que tout ce qui t'intéresse, c'est l'argent, me juge-t-elle.

__ En effet, je veux récupérer tout ce qui est à moi.

__ Mais rien ne t'appartient ici !

__ Ça suffit, Marie ! tonne le cadet.

Sa sœur sursaute de surprise.

Alphonse regarde Dayana et se ressaisit rapidement.

C'est fou comme il a beau nier l'évidence, alors que la simple présence de cette femme parvient à le maintenir.

Bien qu'elle ait arbitré de se tenir loin de nos chamailleries, Dayana apporte son aide en étant le calment inévitable d'Alphonse. Depuis le début de notre discussion, elle ne dit rien, mais il a suffit d'un simple coup d'oeil pour qu'elle réussisse à le dompter.

__ Nous agréons à tes exigences, décrète Alphonse.

__ Parfait.

Brad me donne un stylo et je signe le contrat. Je passe le stylo à Alphonse et il signe à son tour. Marie, toujours dépitée, suit la cadence. Dayana fait de même avant de rendre le bic à son propriétaire.

Voilà notre accord enfin certifié.

Je reprends le contrat et le remet à Brad qui le replace dans son sac.

__ Quelle est la suite ? se renseigne Alphonse.

__ Le premier test.

Je regarde Dayana.

__ C'est là que tu interviens, Dayana. Tu devras choisir un laboratoire pour que cet examen se fasse. Toi seule dois le connaître. Ensuite, lorsque les résultats sortiront, tu iras les prendre et nous organiserons une seconde réunion pour que tu les lises devant nous tous.

__ Et comment aurai-je vos échantillons d'ADN ? ébruite la belle réservée.

Je sors un paquet de coton-tiges et deux étuis médicaux de mon sac-à-main, et les dépose sur la tablette. Je récupère un coton-tige, gratte les parois internes de ma bouche avec et l'introduis dans un des étuis que je donne à Dayana.

Je fixe ensuite Alphonse, qui comprend directement le message et entreprend le même circuit.

Dayana prend les deux boîtes et les garde dans son sac.

__ Je crois qu'on a fait le tour maintenant, terminé-je en me levant. Je n'ai plus rien à ajouter.

Brad se dresse à son tour.

__ Tant mieux, ajoute Alphonse. Dayana, je vais demander à mon chauffeur de te ramener.

__ Oh, mais je peux la raccompagner chez elle, proposé-je.

__ Il en est hors de question ! se soulève la brunette.

__ Ne t'en fais pas, Marie, je ne compte pas la kidnapper.

__ Dayana rentrera avec MON chauffeur, regimbe catégoriquement Alphonse.

J'épluche mon demi-frère. Son regard est froid et ferme. Il ne rigole pas.

En toute vérité, il ne rigole jamais lorsqu'il s'agit de Dayana. Il peut bien persuader sa sœur et sa bien aimée qu'il est indifférent quand le nom de cette dernière est évoqué, mais avec moi, il n'y arrivera jamais.

Erick maîtrise très bien son fils, et tout ce qu'il m'a dit de lui est juste, j'en mettrai ma main à couper.

Erick m'a confié des secrets sur ses enfants dont eux-mêmes n'en ont pas encore connaissance, éminemment Alphonse. Le sage homme a su lire en lui tel un livre ouvert, mais Alphonse est tellement opiniâtre qu'il bloque ses sentiments inconsciemment.

Je ne ferai jamais de mal à Dayana, pourtant Alphonse me lance un coup d'oeil si persistant, qu'il en devient menaçant.

__ Je vais prendre un taxi, déclame Dayana.

__ D'accord, dit Alphonse en observant la copine de sa sœur, mais je te paye la course.

__ Pas besoin. Je gagne assez pour pouvoir me la payer toute seule.

__ Allons, Dayana, c'est le minimum pour te remercier, insiste Marie.

__ Je suis d'accord avec Dayana, m'ingéré-je, Alphonse la paye assez bien.

__ Alphonse n'est plus mon employeur, me contredit Dayana. J'ai démissionné.

J'ouvre grand mes yeux. Je suis abasourdie. Je n'aurais jamais imaginé qu'elle en aurait un jour eu le courage, mais je suppose qu'elle en a eu assez du comportement désagréable de son ancien patron.

__ Eh bah ! Il s'en passe des choses entre vous ! m'exclamé-je.

Les deux tourtereaux se scrutent intensément. Alphonse a un air de déception, alors que Dayana a une expression de détermination.

Ces deux-là s'aiment, mais ils ont du mal à être ensemble.

__ Je m'en vais maintenant, annonce l'ex employée en se levant.

__ Je te raccompagne, dit son amie.

Les deux femmes sortent du salon.

Je fais signe à Brad de partir devant et il exécute.

Il ne reste désormais plus que Jonh, Alphonse et moi dans la pièce.

Je pivote vers Alphonse.

__ Qu'attends-tu pour t'en aller ? m'adresse-t-il.

__ Et toi, qu'attends-tu pour le lui dire ?

__ Je ne vois absolument pas de quoi tu parles.

Jonh s'élève promptement de son siège. Il a dû se sentir gêné et comprendre que cette discussion est très personnelle.

__ Je vais y aller, moi aussi, décide-t-il.

Il serre la main de son client et sort finalement de la pièce.

Nous ne sommes plus que deux : lui semble légèrement irrité, et moi, je suis déterminée à lui faire voir une de ses vérités.

__ C'est à ton tour de partir, me chasse Alphonse avant de se retourner.

Oh non, Alphonse, tu n'échappera pas, parle mon esprit.

Alors qu'il s'apprête à franchir la porte du bureau, j'énonce :

__ Est-elle au courant que c'est toi qui as demandé à Erick qu'elle soit ta secrétaire ?

Alphonse s'arrête net et fait volte-face.

Je lis de l'étonnement et un brin de peur dans ses yeux ; il ne devait sûrement pas s'attendre à ce que je sache une chose si confidentielle à propos de lui.

__ Eh oui, Alphonse. Erick m'avait dit qu'il cherchait une nouvelle secrétaire pour lui, et que Dayana était parfaite pour ce job. Seulement, son fils lui avait demandé d'échanger sa secrétaire actuelle contre Dayana.

Je mordille ma lèvre inférieure tant je suis contente de l'effet de surprise que j'ai sur lui.

__ Alphonse, je sais que Dayana était sensée être la secrétaire d'Erick, mais tu lui as demandé de te la laisser et de prendre Nina à la place. Nina était ton employée avant d'être celle de notre père, mais puisque Dayana a démissionné et que papa est dans le coma, je suppose que tu as dû la reprendre.

Alphonse plisse les paupières tant il est atterré.

Mes lippes s'allongent avec malice.

Le visage d'Alphonse passe d'un coup de la surprise au courroux. Il s'avance de quelques pas secs vers moi, m'attrape le bras avec tellement de force qu'il pourrait me l'arracher, et me tire jusqu'à la sortie.

Il ouvre la porte et, avant qu'il ne me mette dehors, je rajoute précipitamment :

__ Tu ne pourras pas rejeter tout ce que tu ressens pour ta belle blonde encore longtemps. Elle finira bien par tout savoir un jour !

Il me jette ensuite violemment hors de la cabine et me claque sa rage au nez.

Il a beau s'énerver autant qu'il le désire, au final il sait que j'ai raison.

Je tourne les talons et me dirige tranquillement jusqu'à ma voiture. Mon chauffeur m'aide à y pénétrer puis il démarre en direction de l'hôtel où je séjourne.

Sur le chemin, je repense à Alphonse. Le fait qu'il repousse un sentiment aussi beau que l'amour véritable, me désole beaucoup. C'est cet amour que ma mère méritait, et lui, il en a peur.

Dayana est une femme bien, gentille et adorable d'après les nombreux dires d'Erick. Alphonse pourrait facilement retirer ses barrières s'il le voulait. Mais il se raidit face à son attraction à l'égard de Dayana. À cause de tout cet entêtement, cette ignorante représente pour Alphonse à la fois un poison et un remède.

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