Chapitre 27 : Le Commencement
[ Dans la peau d'Alphonse ]
Je suis assis sur la terrasse d'un café, un petit verre de jus de goyave est posé sur ma table. En attendant que la personne avec qui j'ai rendez-vous arrive enfin, je ne cesse de méditer sur ces deux dernières semaines qui ont été à la fois mouvementées et très désagréables.
En effet, ça fait déjà deux semaines que Dayana a démissionné. Depuis son départ, rien n'est plus pareil. Je ne m'en sortais pas tout seul, alors j'ai fait appel à Nina, la secrétaire de mon père à Los Angeles.
Cela fera bientôt deux mois que la pauvre Nina n'a plus rien à faire parce que mon père est toujours dans le coma. Je me suis alors dit qu'il serait mieux qu'elle vienne travailler pour moi, ainsi tout le monde serait gagnant.
J'avoue qu'elle est compétente, mais Dayana l'est encore plus. Ma nouvelle secrétaire n'est pas aussi rapide et opérationnelle que celle qui la précédait. Et en ce qui concerne son physique, sa beauté ne me distrait pas autant que celle de la précédente.
Nina est beaucoup trop basique. Elle est brune avec des yeux marons, tout le contraire de ma petite chauffeuse avec sa chevelure blonde et soigneuse, et ses jolie yeux émeraude.
Je trouve dommage que Dayana ait démissionné pour une raison aussi banale.
À chaque fois que je me souviens qu'elle a quitté l'entreprise juste parce que j'ai dit à Adrien que nous étions amants, ça me met en rogne. Je ne me disais pas que l'avis de mon associé l'importait à ce point.
Dans la suite du départ de Dayana, je me suis senti... incomplet, presque vide. Je ressens son absence un peu plus chaque jour.
Je n'ai pas eu de ses nouvelles depuis maintenant deux semaines. Rachelle s'entête à ne rien me confier sur son amie. La fois où je l'ai questionnée sur le devenir de Dayana, elle m'a très bien fait comprendre qu'elle ne me porte absolument pas dans son coeur.
La demoiselle m'a répondu très sèchement. Elle m'a " conseillé " d'arrêter de me rendre maître du destin de sa copine. Je n'ai plus insisté, ça n'aurait servi à rien.
Je n'ai pas non plus trouvé le courage de me rendre à l'appartement de mon ancienne employée. Je suis certain qu'elle ne voudrait pas me voir. Et quant à moi, nullement m'est l'envie de recevoir une autre dérouillée.
Je suis par conséquent astreint à surmonter ce vide.
Je dois encaisser le fait de ne plus pouvoir ouïr la voix timide de Dayana, de ne plus admirer son coup d'oeil gêné lorsqu'elle se sent mal à l'aise. Je n'ai plus l'occasion de caresser mes narines avec son parfum. Son sourire apaisant ne me rassurera plus.
Tout ça, c'est terminé.
Je me sens triste, étrangement. Je ne m'attendais pas à ce que ne plus la savoir à mes côtés puisse m'abattre ainsi.
Je pense à elle presque tout le temps. À croire que tout à un lien avec elle, même un simple stylo. Parfois, j'ai même l'impression d'entendre sa voix. Il m'arrive aussi d'appeler Nina par Dayana.
C'est plus difficile que ce que j'imaginais.
Une main féminine cajole soudainement mon dos, me retirant de mes rêveries.
__ Bonjour, grand frère, me salue-t-elle.
La femme prend place sur la chaise en face de moi, un sourire narquois sur les lèvres. Elle croise ses jambes, telle une reine sur son trône.
Je la scrute avec mépris. Sa tendresse me dégoute. Rien que la voir me répugne. Le pire, c'est qu'elle a le toupet de m'appeler " grand frère ", alors que c'est à peine si on se connaît.
__ Jusqu'à preuve du contraire, nous ne sommes pas patentés, niais-je.
Son sourire s'élargit. Elle est ridicule.
Elle se redresse avec une grâce que ma rage conçoit comme de l'arrogance. Elle me fixe droit dans les yeux. J'espère au fond de moi qu'elle remarque à quel point je la hais.
__ Malgré ton attitude désagréable envers moi, sache que je suis incroyablement ravie de te revoir, mon frère, prononce-t-elle en appuyant sur le mot " frère ".
Plus elle me surnomme ainsi, plus je la déteste. Quelle hypocrite !
Elle appelle ensuite un serveur et commande un cocktail de jus de fruits. Le serveur repart aussitôt.
Elle repose sa vue sur moi avec ce même sourire machiavélique, tandis que moi, je ne peux m'empêcher de lui montrer ma rage avec mon regard.
__ Alors dis-moi, frérot, comment tu t'en sors avec notre entreprise ?
Je sens augmenter en moi la colère. Elle le fait exprès, juste pour m'embêter, et ça fonctionne très bien. Dans le fond, cette sorcière ne me considère que comme un ennemi, mais elle emploie ces noms doux pour m'importuner.
Je m'apprête à lui répondre froidement, mais le serveur revient avec la commande de Nathalie, alors je me stoppe dans mon élan.
Dès que l'employé s'en va, le diable habillé en prada et moi reprenons notre discussion.
__ L'Éditon Bowns a été créée par mon grand père, qui l'a léguée à mon père, qui me l'a ensuite léguée. Donc, comme tu peux le comprendre, c'est est une entreprise familiale. Et je te signale que tu ne fais pas partie de ma famille.
Elle prend une gorgée de sa boisson, puis rétorque :
__ Et, comme tu l'as dit toi-même, nous ne sommes pas de la même famille, mais seulement jusqu'à preuve du contraire.
Elle remet la paille de son verre dans sa bouche.
Elle me remet ma propre phrase, histoire de me remettre à ma place. Elle se sent gagner la partie de cette manière, mais elle se trompe, je ne me laisserai pas avoir.
__ C'est bien que l'on parle de preuve, car c'est justement la raison pour laquelle j'ai demandé à ce qu'on se voie.
__ Je suis toute ouïe.
__ J'ai décidé d'accepter de faire un test ADN, expliquais-je.
Elle semble surprise. Surprise, mais joyeuse. Elle paraît satisfaite de mes dires.
__ Tu as enfin arbitré de suivre la voie de la sagesse.
__ Je dirais plutôt celle de la justice, après tout ce que ta mère a fait à la mienne.
L'expression de son visage quitte la gaieté pour le courroux. Je suppose que je viens de toucher un sujet auquel elle est très sensible.
Elle croyait mener, mais je vais bien lui faire comprendre que ce n'est pas le cas.
__ Quand veux-tu le faire ? m'adresse-t-elle.
__ Samedi. Ça te convient ?
__ C'est parfait. Par contre c'est moi qui choisis l'hôpital.
__ Alors là, tu peux toujours courir.
Elle s'adosse sur le dos de sa chaise et replace une mèche de cheveux derrière son oreille, avant de me refaire son fameux sourire de sorcière.
__ Désolée, mon frère chéri, mais je n'ai toujours pas confiance en toi.
__ Eh bah, moi non plus, je n'ai pas confiance en toi.
__ Moi, j'ai une raison. Notre père m'a déjà reniée une fois, il est hors de question que l'histoire se répète.
Comment peut elle encore dire "notre père " après ce qu'elle lui a fait ?
Cette femme n'a donc aucune gêne ?
__ Mon père avait sûrement de bonnes raisons.
Elle ricane.
__ Si j'étais toi, je me renseignerais un peu plus avant de tirer des conclusions aussi atives.
__ Je suis largement renseigné, ne t'en fais pas. Ce que je souhaite maintenant, c'est mettre fin à ton petit manège.
Elle sourit, comme si elle savait un détail que j'ignorais.
__ Je propose qu'on laisse nos avocats se charger de choisir l'hôpital, avancais-je.
__ Oui, mais tu sauras toujours au courant du nom de l'hôpital.
__ Toi aussi.
__ Je préfère que nos hommes de loi révèlent cette information à quelqu'un de neutre, mais de sûr.
Elle semble savoir exactement qui elle décrit.
__ De qui parles-tu ?
__ Je parle de la femme que tu fuis.
C'est à mon tour d'être hébété.
__ Je ne vois pas de qui tu parles.
__ Bien sûr que si. Je parle de ta secrétaire, Dayana. Ton père a énormément confiance en elle, et toi et moi savons très bien pourquoi, affirme-t-elle.
Ma mâchoire se contracte.
__ Je veux qu'elle seule sache quel hôpital auront choisi nos avocats.
__ Pourquoi elle ?
__ J'ai une ferme assurance en elle.
__ Mais tu ne la connais même pas.
__ Après le nombre de fois qu'Erick m'a parlé d'elle, j'ai l'impression de la maîtriser comme ma poche. Je ne veux personne d'autre. Et puis, tu devrais être content au lieu de débattre.
Il est vrai que j'ai une foi aveugle en Dayana, mais je ne suis pas sûr qu'elle veuille encore entendre parler de moi.
Néanmoins, la proposition de Nathalie me semble la meilleure. Il serait peut-être plus judicieux d'accepter. Je demanderai par la suite à Marie d'aller parler à sa copine.
__ C'est d'accord. J'accepte. Je parlerai à Dayana.
__ Parfait. Tu me feras signe lorsque tout sera prêt.
J'acquiesce de la tête.
Nathalie finit son jus et se lève de sa chaise, toujours avec des manières.
__ Merci pour l'invitation, frérot.
Elle repasse à côté de moi pour s'en aller.
Je reste assis un moment et finis ma boisson.
J'ai espérance de ne pas me précipiter. J'avais prévu attendre au moins un mois, mais aujourd'hui je pense que plus vite on fera ce test et plus vite cette mascarade sera terminée.
[ Dans la peau de Nathalie ]
Je quitte le café et entre dans la voiture.
Alphonse a enfin accepté de faire un test ADN. Je commençais à croire qu'il ne me recontacterait jamais.
Maintenant que la machine a été mise en route, il va falloir que je raconte tout à Rodrigo.
Depuis son retour de Russie, je n'ai pas réussi à trouver le courage pour tout lui expliquer. Nous étions si contents de nous retrouver, et lui semblait si apaisé d'avoir retrouvé sa princesse qu'il pense encore innocente, que je n'ai pas voulu gâcher nos retrouvailles.
Lorsqu'il m'a appelée alors que j'étais dans cette maison brûlée, à nager dans mon passé, il venait de rentrer. J'avais prévu tout lui raconter, mais j'ai compris que ce n'était pas le moment idéal.
Aujourd'hui, je pense qu'il va falloir que je lui dise tout, car j'aurai certainement besoin de lui, comme toujours.
Le masque de la jolie princesse va finalement tomber. J'espère seulement qu'il ne sera pas trop désappointé.
Je demande à mon chauffeur de démarrer. Prochaine direction : l'hôtel. Je prendrai un vol pour Los Angeles dès ce soir.
Durant le vol, j'appréhende la réaction de cet homme qui a toujours été un ange gardien pour ma mère et moi. Je cogite sur mon siège, réfléchissant à chaque mot que je devrais employer.
Comment va-t-il le prendre ?
Je ne détruirai pas uniquement l'image qu'il a de moi, mais aussi celle qu'il a de Tina.
Vais-je vraiment désillusionner le parfait portrait de ma défunte mère à ses yeux ?
J'y suis obligée. C'est aussi pour elle que je le fais. Elle mérite de reposer en paix.
L'avion atterrit. Je descends et entre dans une autre voiture en direction de la maison.
Le chauffeur conduit un peu trop vite. Peut-être est-ce juste ma peur qui me donne cette impression...
Nous arrivons à destination et je sors du véhicule. J'avance d'un pas très lent jusqu'à la porte d'entrée, et pénètre timidement dans la bâtisse. Je croise une de nos femmes de ménage, elle me salue et repart ensuite dans la cuisine.
Je balaie l'entrée d'un regard, puis d'un second. Personne en vue.
Je continue mon chemin jusqu'au bureau. Je frappe deux fois et entre sans attendre de réponse.
Il est là, assis sur son siège en cuir, la tête plongée dans une paperasse qui semble interminable.
Rodrigo a toujours préféré travailler à la maison depuis que ma mère et moi sommes rentrées dans sa vie. Son entreprise en immobilier fonctionnant à merveille, il n'est pas obligé de s'y rendre tous les jours. Pour ce travail, il a des employés de confiance et très compétents, dont je fais d'ailleurs partie. Je dirige presque tout pour lui.
Je l'admire, avec une joie qui est visible sur mon visage. Il redresse ses lunettes sans que ses yeux ne lâchent ses papiers.
Dois-je vraiment tout lui rapporter ?
M'aimera-t-il toujours ?
La joie laisse mon coeur après cette question, dont la réponse pourrait être négative.
Je vais perdre le seul père que j'ai...
__ Quand tu étais toute petite, tu rentrais dans mon bureau sans même frapper avant, ébruite-t-il.
Je sors de mes pensées.
Rodrigo relève sa tête vers moi et me sourit.
Je referme la porte et m'approche de lui. Je me place derrière lui en l'enlace. Je frotte ma joue contre la sienne.
__ Je vois que tu as gardé certaines bonnes habitudes, poursuit-il.
Je rigole.
Quand j'étais qu'une enfant, je montais sur ses genoux pour caresser sa joue avec la mienne. J'adorais sentir sa barbe piquer ma peau nue.
Rodrigo attrape mes mains et se lève pour me prendre confortablement dans ses bras.
__ Comme tu es grande maintenant...
Il me baise tendrement le front et me regarde avec tant d'amour, que j'ai le sentiment de ne pas le mériter.
__ Comment étaient tes deux jours à New-York ?
__ Bien. Très bien.
Il n'auraient pu être autrement après la merveilleuse annonce d'Alphonse, se réjouissait ma conscience.
Je me sens mal intérieurement suite à cette pensée. Je ne suis pas convaincue que mon ange qui me regarde, serait rassuré de ce qui se déroule dans son dos.
__ Tu es sûr que ça va ?
__ Oui, papa. Pourquoi cette question ?
J'appelle Rodrigo par papa depuis que j'ai sept ans. Je me souviens lui avoir demandé la permission avant, et il me l'avait accordée de tout son coeur.
Je trouve ce mot magique, n'ayant pas vraiment eu la chance de connaître Erick comme un père.
__ Tu as l'air dérangée par quelque chose.
__ Oh, ce n'est rien. Je meurs de faim, rien de plus.
Mon père adoptif se moque de ma réponse.
__ Je me disais bien que tu aurais le ventre vide. Je t'attendais justement pour dîner. On a dû installer la table dès qu'on t'a vue arriver.
Il prend mon bras et l'enroule autour du sien. Nous sortons ensemble de son bureau.
__ J'ai demandé à Marta de cuisiner le plat préféré de ta mère. J'ai beaucoup pensé à elle cette semaine.
Nous descendons les marches et arrivons dans la salle à manger déjà bien préparée. Rodrigo me tire la chaise pour que je m'assoie et fait de même à ma droite.
__ Justement, en parlant de maman, j'aimerais te parler d'un truc assez important.
__ Je me disais bien que quelque chose n'allait pas.
Marta nous sert du vin rouge et dispose, me livrant seule à mon père.
__ Bon appétit, me souhaite Rodrigo.
__ Merci, à toi aussi.
Il me sourit et commence sa dégustation.
Je prends ma fourchette et mon couteau, coupe un bout de mon steak et le met dans ma bouche.
Ce plat est habituellement délicieux, mais ce soir, je trouve qu'il a un goût curieux : le goût du mensonge et de la trahison.
Je me contente alors de tourner ma fourchette dans mon assiette, à la recherche d'une manière subtile pour tout dévoiler au monsieur qui m'accompagne.
__ Nathalie.
Je sursaute légèrement et pose mes prunelles sur lui. J'étais très loin apparemment.
__ Princesse, qu'est-ce qui ne va pas ?
Il me tiens la main et mes yeux fixent la table. L'indignité s'est complètement emparé de mon être, et ce que je m'apprête à dire menace de l'amplifier.
__ J'ai rencontré Erick, engageais-je. J'ai vu mon père biologique.
Je remets mes yeux sur mon paternel. Il est heurté. Il délaisse doucement ma main.
Il cherche quoi me répondre, mais ne trouve rien. Ses lèvres bougent sans réellement prononcer quoique ce soit.
J'ignore si c'est une bonne idée, mais je poursuis malgré mes doutes.
__ C'était il y'a près de cinq ans déjà.
Il m'observe, incrédule. Il doit se demander pourquoi ce n'est qu'aujourd'hui que je me convaincs de le lui dire.
Je suis alors engagée de tout déballer.
__ Pour être franche, je t'ai laissé seul en Russie pour venir le retrouver ici, à Los Angeles.
Ma phrase affecte Rodrigo. Je perçois du chagrin dans les boules de chocolat marron qui ornent son visage.
Je serre sa main, comme si c'était la dernière branche d'un arbre et que je m'accrochais à elle pour éviter de tomber dans un profond ravin. Je captive ses yeux avec les miens, afin qu'il y discerne tout l'amour que j'ai pour lui.
__ Je n'ai jamais appelé Erick par papa, je ne l'ai même jamais considéré comme tel. Tu es mon unique et véritable père.
__ Alors pourquoi es-tu venue à lui ?
Je courbe ma tête. Les larmes me viennent et je ne veux pas qu'il les voie.
À mon plus grand regret, Rodrigo récupère ma figure entre ses deux paumes et la relève afin de la détailler.
Je suis piégée. Impossible de lutter.
Son regard à lui est bienveillant, rassurant.
__ Ma chérie, tu peux tout me dire. Je ne t'en voudrais jamais.
__ Mais tu pourrais me juger.
Ces mots sortent sans que je ne parvienne à les bloquer.
__ Ou pire encore, l'image que tu as de Tina pourrait changer.
Rodrigo lâche ma face. Ses pépites m'interrogent.
Ma nervosité s'accentue. Je prends une énorme inspiration et regarde dans le vide pour ne pas croiser sa future furie.
__ Peu avant de nous quitter, maman me donna une dernière mission. Elle me confia toutes les informations importantes sur la famille Bowns. Elle me parla d'Erick, me précisant exactement ce qui le passionnait chez une femme.
__ Dans quel but l'a-t-elle fait ?
Je prends quelques secondes pour lui répondre. La suite de mon récit va être très brusque.
Mon coeur s'emballe de crainte, mais j'ai déjà pris ma décision, alors je me dois de terminer.
__ Elle voulait que je le séduise, que je devienne sa petite amie et qu'il finisse par m'épouser.
__ Quoi ! C'est impossible ! Tina était la femme la plus douce et innocente que j'ai connue, elle n'aurait jamais eu la volonté de faire ça.
Je repose mes billes sur lui. Il est consterné.
__ Elle l'était, jusqu'à ce que cette maudite femme lui rende visite après tant d'années pour remuer le couteau dans la plaie.
__ Amanda était répartie la voir.
__ Oui, un mois avant qu'elle se fasse renversée.
Sa carcasse retombe sur le dos de sa chaise, tant il est dépassé.
__ Mais ce n'est pas tout. Trois ans après son enterrement, Erick a eu l'audace de rencontrer ma mère à son tour. Il la supplia de lui dire où était Ericka, mais ma mère refusa. Elle lui dit simplement de considérer que sa fille était morte.
__ Que s'est-il passé ensuite ?
Je respire profondément. Une fois, deux fois et une troisième fois, avant de reprendre.
__ Il insulta Tina, la traitant d'égoïste sans coeur, alors qu'il nous avait lui même rejetées. C'est à cet instant précis que ta douce devint une diablesse et jura de tous les faire payer.
__ Et toi, tu as tout accepté...
__ Je désirais faire justice.
__ Au point de devenir la compagne de ton propre père !
__ Ce monstre n'a jamais été mon père, répliquais-je implacablement et avec aigreur.
__ Son sang coule dans tes veines, bon sang ! me blâme-t-il. Que tu le veuilles ou non, il reste ton père !
Il est furibard. Des traces telles des fissures sont apparues sur son front.
Je ne l'avais jamais vu ainsi...
__ Il le fallait, me rebellais-je.
Il m'observe, dubitatif.
__ Comment va-t-il réagir lorsqu'il le sera ? T'es-tu déjà souciée de ce qui arriverait lorsque ton personnage sera dévoilé ?
__ Il est au courant. Il sait que je suis sa fille.
__ Et ?
__ Il est dans le coma. Depuis bientôt deux mois.
__ Tout ça à cause de toi.
J'ouvre grand mes yeux. Je crois que je deviens folle.
Il ose dire que c'est de ma faute, alors qu'il a été le premier à les affronter lorsqu'ils nous persécutaient. Il nous a défendu dans le passé, et à présent il les défend eux. Il prend la part de ces diables.
Qu'est-il donc devenu de mon ange gardien ?
__ À cause de moi, dis-tu ?
Je ris de colère. La peur laisse place au mépris. Je ne me contiens plus.
__ Tu as donc oublié tout ce qu'ils nous ont fait ?!
__ Non, mais c'est du passé !
__ Du passé ?! braillais-je en me levant en trombe. Je te rappelle que c'est à cause de ce passé que la vie de ma mère, la femme que tu prétends avoir aimé, a pleuré toutes les larmes de son corps !
__ Nathalie, calme-toi.
__ Non !
Il me contemple, abasourdi. C'est la première fois que je crie sur Rodrigo.
__ Ma mère a passé le restant de ses jours en prison pour un crime qu'elle n'a pas commis, et c'était de leur faute.
__ Nathalie...
Je lève mes mains pour l'interdire de parler.
__ Je croyais pouvoir compter sur toi pour aider l'âme de Tina Miles à reposer en paix, mais je comprends que c'est peine perdue.
Il se lève à son tour et attrape mes bras.
__ Nathalie, écoute...
__ Je ne veux plus t'écouter, le coupais-je. Je me débrouillerai toute seule jusqu'à la fin.
__ Ne commets aucune ânerie.
__ Ne t'en fais pas pour moi, dis je en libérant mes membres. Je ne suis plus une enfant.
Je sors de la salle à manger, abandonnant seul l'ange déchu.
Je suis déçue de lui. J'espérais qu'il me comprenne, peu importe à quel niveau aurait été sa colère, mais non. Il m'a trahie, m'a laissée tomber.
Je rentre dans ma chambre et ferme la porte à double tour. Je soulève mon matelas et sors la chemise kaki que mon amie m'avait précieusement donnée. Je replace ensuite mon lit comme il était et m'asseois dessus.
J'ouvre la chemise et relis les renseignements sur cet homme. Je l'avoue, il est très bel homme. Cela m'étonne qu'il soit toujours célibataire.
Je ne voulais pas en arriver là, mais je n'y peux plus rien. Le refus de Rodrigo me condamne à utiliser ma dernière carte.
Plus rien ne pourra me faire obstacle maintenant que Alphonse et moi allons faire ce test ADN. Notre entrevue de ce midi a marqué le commencement.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top