Chapitre 24 : Le Retour Du Passé
[ Dans la peau d'Alphonse ]
Le soleil brille et ses rayons traversent les rideaux de ma chambre, pour dessiner des formes étranges sur mon visage.
Ça fait quelques minutes que je suis éveillé, assis, le regard fixé sur le grand miroir en face de moi et les pensées hors du système solaire.
Je me remémore en boucle tout ce qui s'est passé dans ma vie dernièrement. Je repense à Dayana. Comme d'habitude, depuis un certain moment, elle remplit mes rêveries. Son visage triste honte mon âme, j'ai le sentiment de ressentir toute la douleur qu'il exprimait hier, à la sortie de l'aéroport.
Je revois ce bel océan, qui désirait se métamorphoser en nuage gris, pour qu'une pluir s'évade de ses globes oculaires. Je me souviens de son corps qui était resté immobile, car la honte et la déception l'alourdissaient.
Elle avait regardé autour d'elle pour voir si tout le monde avait assisté à cette humiliation, et malheureusement, ce fut le cas.
Je ne sais vraiment pas ce qui m'a pris. J'ai manqué de patience et surtout de tact. J'y suis allé sans même y réfléchir. Ma langue ne s'est pas tenue au calme dans sa maison et a bougé, poussée par mon arrogance et mon égo.
J'aurais préféré qu'on ait été que nous deux. Le chagrin aurait toujours eu sa place, certes, mais au moins la honte aurait été brève.
Sa carcasse droite mais faible, j'eus l'impression que son contenu l'avait quitté. Ses iris se reposèrent sur moi, réclamant ma pitié. Ils témoignaient de son envie de disparaître, ou que cela ne soit qu'un cauchemar. Elle l'aurait aimé que je m'excuse, je le sentais, mais cela n'arriva point.
Elle n'ouvra guère sa bouche pour répliquer, ne bougea point pour me donner ce que je méritais.
Non. Elle fit pire : elle partit.
Elle se retourna avec grâce, et sa chevelure blonde que j'observais désormais de dos, faisait sorte de barrière entre nous. Elle m'était à présent interdite. M'approcher d'elle relevait d'un grand effort plus mental que physique.
Horrible.
Chacun des pas qu'elle plaça devant elle jusqu'au goudron, était comparable à un énorme et long fosset qui se créait entre elle et moi. Plus elle avançait, plus je la perdais, et mon souffle ralentissait. Elle semblait l'emporter avec elle.
Elle arrêta son taxi, et lorsque Marie fut intervenue, un fil d'espoir naquit en moi. Elles échangèrent quelques mots, et mon coeur palpita, espérant que ma parenté la convainque. Mais ce ne fut pas le cas.
Dayana pénétra dans son carrosse, telle la belle Cendrion, et s'en alla. Mais, contrairement au jeune prince charmant du conte, je n'eus droit à rien, même pas un simple talon en verre. Rien.
Le conducteur démarra et mon souffle se coupa net. Le véhicule défila sous mes yeux et ce fut mon tour d'implorer indulgence. Ma faiblesse fut si grande à ce moment-là, qu'elle piétina le peu de force physique qu'il me restait. Je voulu la rattraper, pour m'excuser et tout arranger, mais mes membres ne répondirent pas.
J'ignore encore si c'était un oeuvre de plus de mon éternelle arrogance.
Je repris possession de ce qui m'appartenait, seulement lorsque Marie, colérique, me bouscula. Je manquai de tomber et revins à la raison.
Elle me hurla " Pourquoi as-tu été aussi ignoble avec elle ?! ".
D'abord, je ne dis rien. Puis, avec la plus grande maladresse du monde, ma bouche sortit " Que voulais-tu que je fasse ? Que je l'enlace ? ".
Ma soeur resta surprise, les lèvres décollées l'une de l'autre et les yeux écarquillés. Elle ne s'attendait pas à cette réponse, et à vrai dire, moi non plus. Je ne contrôlais plus rien.
Honteux de mes mots, je me tournai et me précipitai vers la voiture. Abraham, le chauffeur de Marie qui était venu nous prendre, m'ouvrit la portière et j'entrai avec hâte dans le véhicule. Marie me rejoignit quelques secondes plus tard, et s'assit à l'autre bout de la banquette arrière, fixa la vitre de son côté, me laissant admirer que ses cheveux : une deuxième barrière venait d'être construite.
Le trajet fut très pesant. Le silence fut le seul maître. Tout le monde fut gêné, aussi bien les employés que les patrons.
J'avais peur que prononcer un seul mot, puisse causer la mort de quelqu'un ; la mienne, surtout.
Je me détestais. Je regrettais mes actes. Et le même sentiment de regret m'habite encore aujourd'hui.
En fait, je me demande : pourquoi ? Pourquoi ai-je ressenti ce besoin de lui blesser, elle ? Pourquoi la voir au bord des larmes me faisait sentir supérieur et gagnant ?
En y repensant, je ne me trouve aucune raison. Au contraire, mes interrogations vont plus loin : pourquoi ai-je réagi ? Pourquoi me suis-je senti trahi et poignardé, lorsque j'ai appris la liaison entre Adrien et Dayana ?
C'est vrai quoi. Je veux dire : elle n'est que ma secrétaire, sa vie ne m'intéresse pas. On a couché quelques fois ensemble, mais ce n'est que du sexe et rien de plus.
Alors, pourquoi la haine me possède, lorsque je l'imagine dans les bras de ce crétin fini ?
Autre chose me turlupine : pourquoi lors de ce court séjour me suis-je senti autant attiré par elle. Bien que je ne souhaitais pas l'accepter durant ce week-end, aujourd'hui je m'en rends très bien compte : son anatomie de femme délicieuse n'était pas la seule raison de cette attirance. Quelque chose d'autre me ramenait toujours à elle. Une chose que je n'avais pas senti auparavant. Du moins... je crois.
Peut-être l'avais-je toujours remarqué, mais ma conscience, ou plutôt mon orgueil d'homme, la dissimulait ?
Je suis confus. Ou plutôt éclairé ?
Mais qu'est-ce qui m'arrive ?
Je m'embrouille.
Je secoue mon crâne de gauche à droite pour effacer toutes ces pensées confondues, sinon elles risquent de me donner des maux de tête.
Je me lève enfin du grand lit et me dirige vers la salle de bain pour y effectuer ma routine matinale.
Une trentaine de minutes écoulées, j'en sors tout propre et bien coiffé et rentre dans mon dressing. Je prends une chemise grise claire, un ensemble veste-pantalon gris foncé et une paire de basses grise foncée aussi. Je m'habille et me parfume, puis je m'avance vers la sortie.
J'appréhende beaucoup l'atmosphère de ce matin, car hier soir, lorsque Marie et moi sommes arrivés à la maison, elle ne m'a adressé aucun mot. Alberta l'a même trouvée étrange, puisqu'elle ne comprenait pas ce qui se passait. Je suis alors monté dans ma chambre, après avoir salué ma deuxième figure maternelle, sans dire un mot sur la situation.
Je passe en travers l'encadrement de la porte, espérant que tout soit plus calme et agréable aujourd'hui. Je descends les marches, et chacun de mes pas engage un bond dans ma poitrine. J'arrive dans la salle à manger et trouve Marie assise sur une chaise, m'attendant pour commencer à petit-déjeuner.
La table est déjà bien garnie de jolies choses à l'air appétissant.
Je m'asseois à l'un des bouts de la longue table, ma soeur est juste à ma gauche. Je déplie et arrange ma serviette sur mes cuisses pour éviter de me salir, tout en essayant d'entamer une conversation avec celle qui m'accompagne :
__ Alors, t'as bien dormi ?
Aucune réponse. Il y'a juste un léger courant d'air qui passe, faisant grincer au passage l'une des fenêtres de la grande salle. Cet instant serait digne d'une série jeunesse de Disney. C'est ce qu'on appelle par " le grand vent ".
Je comprends alors à quel point ma parenté est rancunière. Rester aussi énervée pour un truc qui ne lui concerne pas... c'est exagéré.
Les domestiques émettent d'autres bruits avec leurs pas lorsqu'elles font intrusion dans la pièce. Alberta entre en dernière, une carafe de jus de fruits à la main, et se positionne debout entre Marie et moi. Elle se tourne vers cette dernière.
__ Voudrais-tu un peu de jus de raisins, ma chérie ? propose la femme légèrement âgée
__ Non, ton délicieux café me suffit, merci.
La tendre femme acquiesce d'un mouvement de tête, un petit sourire aux lèvres. Elle tente de rebrousser chemin, quand je l'interrompt :
__ Moi, j'en veux bien.
Elle tourne sa tête de mon côté, me fait un sourire nettement hypocrite et dit :
__ Bien sûr, monsieur, c'est comme vous voudrez.
Je plisse les yeux. Elle me vouvoie encore ? Pourquoi ?
__ Tu as repris à me vouvoyer ? je lui demande pendant qu'elle me sert.
__ Oui monsieur.
__ Pourquoi ?
__ Parce que vous êtes mon employeur et moi, votre employée.
Je reste silencieux, ne comprenant pas sa réaction.
Alberta s'écarte de la table, mais je la retiens par le bras.
__ Je t'avais demandé de ne plus le faire.
__ Oui, mais avec vous, vaut mieux prévenir que guérir.
__ Que veux-tu dire par là ?
__ Que vous êtes un éternel incertain.
Je rigole un peu suite à son absurde remarque. Elle poursuit alors :
__ Ça vous amuse, mais vous avez donner de faux espoirs à votre secrétaire, pour ensuite la traiter de sale débauchée.
J'ouvre grand les yeux, saisissant enfin ce qui se passe : je me suis mis toutes les femmes du monde à dos.
Alberta me regarde une dernière fois, l'ennui se lit dans les boules de chocolat noir qui brillent au centre de ses globes oculaires. Ensuite, elle s'en va.
Je me replace comme il faut et bois le fameux jus de raisins. Je ne dis plus rien. Je ne le peux plus.
Tandis que j'avale ma boisson sucrée, je me demande encore une fois ce qui m'a pris d'agir ainsi.
Je me pose la question dont la réponse est toujours introuvable : qu'est-ce qui me prend ?
[ Dans la peau de Nathalie ]
Une Lykan HyperSport au milieu de Los Angeles, poursuit le chemin que je lui ai indiqué, pendant que moi, siegée à la banquette arrière de celle-ci, je me demande si le fait de me rendre dans ce lieu plus sinistre qu'un cimetière, est une bonne idée.
Vais-je encore verser des larmes ?
Je me souviens de la dernière fois que j'y suis venue. C'était elle qui me l'avait demandé. Tina. Cela faisait déjà treize ans qu'elle était enfermée, son plan destructeur déjà bien détaillé dans son cerveau.
Elle voulait que je m'y rende afin que je me remémore premièrement tout ce qu'on avait vécu. Toutes les nuits où nous avions pleurer, toutes les fois où nous nous étions demandées si nous en avions assez dans les poches pour manger... Elle souhaitait surtout que je me rappelle de ce soir-là. Ce soir où nos vies sont arrivées plus bas que la terre. Le soir de l'ultime erreur. Oui, c'est cette soirée-là que je ne pourrais jamais oublier, même si je le désirais de tout mon être.
Le véhicule se stationne devant l'endroit tant redouté, ce qui signifie qu'il est trop tard pour faire marche arrière. J'analyse minutieusement le lieu. Mon coeur frappe si fort dans ma cage thoracique, qu'on aurait dit qu'il voulait en sortir. Je ferme mes yeux et inspire profondément. Mon pouls se calme un peu et j'expire, puis je réouvre ma vision. J'hésite encore à descendre, quand je remets ma vue sur l'espace hideux qui attend que mes pieds le foulent.
__ Madame, que faisons-nous ici ? Ce n'est qu'une maison bien calcinée et abandonnée.
Je dévisage l'homme à travers le rétroviseur intérieur.
Pauvre ignorant, le qualifie ma conscience.
Si seulement il se doutait de ce que cette ces débris pouvaient signifier pour moi, il ne les négligerait pas de la sorte.
Je ne lui réponds pas et sors finalement de ce tas de métal. Je me retrouve face à cet enfer, sans plus aucune protection.
Après m'être motivée intérieurement pendant quelques minutes, j'ouvre doucement le portail de la parcelle. Je m'avance et pousse ensuite la porte cramée de la maison.
Tout est détruit. Il fait sombre, comme les ténèbres. Le feu a bien tout consumé ; c'est affreux.
J'ai froid dans le dos, néanmoins je marche jusqu'à la cuisine, ou plutôt ce qui en reste, du domicile. Pour d'autres personnes, tel que l'individu de tout à l'heure, cet endroit ne représente rien. Mais, pour moi, il représente beaucoup.
J'oberve autour de moi ; c'est sal. Il n'y a que de la poussière, des cendres, des déchets de ci et de ça... Et l'odeur qui émane de cette pièce est tout simplement toxique.
Je toussote, tant mes poumons étouffent.
Je ne parviens pas à inhaler ce parfum plus longtemps et sors d'une vitesse folle de la maison. Je m'arrête dans la cour et respire enfin normalement.
Je regarde aux alentours. Il n'y a presque rien. Quelques parcelles, dont certaines ne sont pas encore habitées.
C'est un terrain un peu éloigné de la ville, et pendant plusieurs années, a été la demeure des démons de mon existence.
Je referme mes yeux et respire l'air qui y circule. Il a une odeur de venin.
Je traduis alors que mon coeur est aussi brûlé que tous ce tas de bois que je viens de quitter.
Quelques souvenirs me reviennent et affectent mon corps. Sans me maîtriser, je m'écroule sur le sol ; mon sac-à-main tombe à ma gauche et mon manteau blanc s'étale par-terre.
Je lutte contre moi-même pour que tout mon passé ne refasse pas surface maintenant, ici. Mais au bout d'un instant, je craque et me confie à lui.
Je me souviens encore de ce jour... Pourtant, je n'avais encore que neuf ans.
J'étais assise, ma main droite soutenait ma tête alourdie par mes pensées, pendant que ma main gauche tenait la petite cuillère à café, avec laquelle je retirais quelques miettes à la part de chocolat fondu posée dans mon assiette.
À ma droite se trouvait Rodrigo, le chevalier servant. À ma gauche, Myriam, la seule amie qu'il restait à Tina. En face de moi était posé Dany Colins, l'un des avocats les plus renommés du pays en ce temps-là.
Nous étions tous réunis autour d'une des tables d'un café pas très loin de la cour supérieure de Los Angeles. Nous attendions que l'heure exacte du verdict final.
Les adultes ne cessaient de discuter entre eux sur ce qui allait arriver. Dany renvoyait toute la démarche qu'il entreprena jusqu'à présent, et elle lui semblait correcte.
__ J'ai tout fait, j'ai interrogé tous les suspects, répéta-t-il une énième fois.
Seulement, il oubliait que les suspects étaient très souvent le genre de calomnieurs à qui le serment de la bible ne touchait point. L'homme de loi épuisa son souffle en défendant une innocente déjà condamnée.
Ils avaient déjà tout arrangé, ces salauds ! La petite gamine inoffensive de sept ans que j'étais n'y pouvait rien. Je n'étais rien devant eux, devant ces monstres.
Je maudissais mon âge, ma taille et ma mentalité très peu imposants. Ma vie allait se détruire, et je ne fis rien. Ma volonté était emprisonnée dans ce tout petit corps.
Malheur ! Ce n'est que cela que m'apportait mon insouciance. Je la haïssais tant.
__ Quarante-cinq minutes se sont déjà écoulées, nous informa Rodrigo en lisant l'heure sur sa montre. Nous ferions mieux d'y aller.
__ Tu as raison, confirma Myriam.
Je ne levai toujours pas mes yeux de la petite porcelaine. Je continuai à agiter ma cuillerée. Je ne dis rien non plus. Je n'en ressentis nullement l'envie. Alors, Rodrigo s'inquiéta :
__ Ericka, nous allons partir.
Je fis un " oui " de la tête.
__ Ericka ?
Je ne répondis pas. Il soupira et dit :
__ Ericka, regarde moi.
Je relevai mon visage vers le sien, qui s'attrista aussitôt. Mon amertume se propagea sur toutes les personnes qui furent à mes côtés.
__ Ericka...
Il ne su quoi dire, je le ressentis. Je pris donc mon courage à deux mains et continuai à sa place :
__ Ils me laisseront la voir ?
__ Mais bien sûr que oui.
Écoute Ericka... << il soupira encore >> Je te promets que tu reverras ta maman loin de tout ce cauchemar.
Un sourire apparut sur ma face, puis il laissa place à une expression malheureuse. Le gentil monsieur, comme je le nommais avant, me prit dans ses bras musclés, mais doux comme les pattes d'un ours en peluche.
Je savais déjà ce qui allait aboutir et surtout qui allait gagner ce combat, mais c'était dur, tellement dur à avaler...
__ On y va maintenant.
Je quittai son torse avec mécontentement.
__ Tu es prête ?
Je fis un second "oui" de la tête, et avec lenteur, nous nous levâmes tous de nos chaises, pour nous diriger vers la voiture de Rodrigo.
Quelques minutes plus tard, toute l'assemblée était enfin assise. Je me tenais correctement à côté de Rodrigo. Mon organe battait la chamade, tant je m'interrogeais sur ce qui se déroulerait. L'enfant innocente que j'étais, n'avait encore jamais vu cet endroit, à part dans les films et séries policiers.
Je détaillai la salle de mes yeux presque gris, cherchant à l'horizon un visage familier. Je n'en trouvai aucun, malheureusement. Je ne connaissai que l'homme angélique qui me teint la main, m'évitant ainsi de stresser encore plus.
Devant nous se trouvait les sièges des deux parties. L'avocat de ma mère y était déjà installé, tout comme ses adversaires, cette sorcière et son défenseur, de l'autre côté. Rodrigo échangeait souvent avec l'avocat, il lui demandait quelques informations, mais je n'y prêtais pas attention.
Un peu plus devant les deux parties, il y'avait la barre des accusés. À gauche un peu plus devant, était installé le sténographe judiciaire. Placé devant son ordinateur, l'homme d'environ trente ans, attendait avec impatience de pouvoir noter tout ce qui se dirait ici.
Puis à droite, venait les places du jury. Une douzaine de personnes le composaient.
À droite du jury, juste en bas de la tribune, zonnait le box des témoins. Il était vide, car tous ces menteurs avaient déjà raconté leurs histoires inventées.
Tout en face du public, se situait l'estrade de la tribune. À gauche, le bureau vide du procureur y était agencé. À droite, c'était celui du greffier. Et au centre, se trouvaient les trois sièges des trois juges de l'audience. L'un d'eux était un peu plus élevé : c'était celui du juge principal.
Le grand brouhaha qui remplissait la pièce s'arrêta lorsque la sonnette retentit. Cinq hommes, habillés de robes noires et d'écharpes blanches, y pénétrèrent. Ils s'installèrent tous sur leurs sièges, juste en face de nous, tandis qu'on se leva tous pour les accueillir.
Une fois tout le monde assis, le procès commença enfin. Le juge demanda à ce que l'on fasse entrer l'accusée, et ma poitrine reprit sa course. Je serrai alors plus fort les doigts de Rodrigo. Il le remarqua et me rassura :
__ Calme-toi. Tout va bien se passer.
Sa voix douce n'atteignit pas son objectif, car la course se poursuivit. La peur s'empara progressivement de moi et je n'y pouvai rien.
Une minute, qui parrut pour moi une éternité, s'écoula. Une jeune femme rousse embrassa la porte de la salle, tenue avec une violente fermeté à mes yeux de naïve, par un homme gaillard aux muscles vaillants.
Elle portait une chemise orange déboutonnée en haut, ce qui laissait apparaître un cinglé blanc, et un pantalon orange également. Des monstrueux bracelets en fer martyrisaient ses jolies poignets qui semblaient avoir rougi.
Je l'inspectai encore plus et mon coeur faillit se stopper par ma vision. Elle ne ressemblait plus à rien : ses lèvres étaient sèches, ses joues étaient creuses, sa peau semblait vouloir engloutir ses somptueux cristaux ; c'était un vrai zombie vivant.
Ce fut la premième fois que je la vis, après près de trois mois d'attente.
Je fixai la sorcière à côté. Elle était si propre et parraîssait si bien nourri... Tout l'opposé de celle qui m'avait donné la vie.
Mes pierres revinrent sur ma mère lorsque j'entendis le doux son de sa voix.
__ Rodrigo...
__ Tout ira bien, je te le promets.
Elle baissa sa tête sur moi, et la colère monta en elle.
__ Qu'est-ce qu'elle fait ici ?! Je t'avais demandé de ne pas l'emmener avec toi.
__ Elle voulait à tout prix te revoir et...
__ Assieds-toi, ordonna à ma mère, le monsieur en uniforme, en interrompant leur conversation.
Tina résista à l'ordre et poursuivit :
__ Je ne veux pas qu'elle assiste à ça. Je...
__ Je ne veux pas te laisser seule, maman... la coupai-je de ma voix tendre d'enfant.
Sa figure s'attendrit et elle me parrut déprimée.
__ Je suis tellement désolée, princesse. Je...
__ Mais assieds-toi ! s'impatienta l'inconnu brutal.
Il fit asseoir la détenue avec agressivité.
__ Faites attention, voyons ! s'agaça Myriam. Il y'a une enfant.
Le gaillard ne répondit point. Il partit simplement se positionner près de l'issue d'où ma mère était sortie.
Un bruit de marteau résonna dans toute la pièce et les voix qui s'étaient ravivées, se calmèrent de nouveau. Toute l'attention revint aux juges. L'impatience était à son comble. Les derniers mots qui révèleraient la sanction finale, se faisaient attendre.
Le juge principal ouvrit sa bouche et mon coeur doubla de vitesse. Le vieil homme commença fermement :
__ Que la prévenue avance jusqu'à la barre.
Sérieux, pourquoi nous faire autant de suspens ? Était-ce la question qui résonna dans ma cervelle.
La femme souffrante se plaça alors à la place exigée. Elle était tendue, ça se voyait.
Pauvre de toi maman... La plaignit ma conscience.
Le monsieur en robe noire reprit :
__ Après examen du dossier concernant l'affaire sur le meurtre de Bruno Miles, la cour déclare mademoiselle Tina Miles... coupable d'homicide volontaire par empoisonnement ! Elle est condamnée à une peine de trente ans d'emprisonnement ferme !
Des voix se firent entendre dans la salle. Mon petit coeur, lui, ralentit.
J'étais stupéfaite par ce que je venais d'écouter, tant ça me paraissait impossible.
Mais... ce n'est pas le plus dur à accepter. Non. Le plus terrible, c'était ce qui suivit...
Le marteau frappa de nouveau et le délir continua :
__ Le jury déclare Tina Miles coupable d'infraction au domicile de la famille Bowns ! Elle devra payer une amende de quinze milles euros et est condamnée à une peine d'un an de prison en plus.
Mais qu'est-ce qui se passe ? Me demandai-je.
Les larmes me montèrent aux yeux, mais elles attendirent le plus cruel des serments pour couler. Ce dernier s'enchaîna très vite :
__ Et enfin, pour l'affaire sur la tentive de meurtre sur la personne d'Amanda Bowns, ici présente... Le jury déclare Tina Miles coupable ! Elle écopera d'une peine de trente ans de prison ferme !
Voilà. C'est de ça d'en j'avais peur. Le plus cruel.
Les voix reprirent. Certaines étaient pour et d'autres contre le verdict proclamé. Je ne les pris pas en considération, car une seule voix m'interpellai : celle de ma mère.
__ Non, je suis innocente ! nia-t-elle. C'est elle, la coupable !
Je la regardais se débattre pour échapper au bras du fonctionnaire du tribunal. Elle criait sa blancheur, mais personne ne daignait l'écouter.
Mes larmes sortirent enfin, parce que le moment d'effroi surgit.
__ Maman ! hurlai-je en pleure.
Elle tourna sa tête derrière, non sans peine, pour me faire face. Je vis ses yeux humides, remplis de désespoir.
Mon coeur se brisa... et toutes les voix diminuèrent autour de moi. Mon monde se détruisit. Mon enfance... Elle n'exista plus. On venait de me l'arracher.
__ Mon amour ! Ne les croit pas, me supplia-t'elle, consternée.
Le méchant monsieur lui tira encore pour la ramener de force d'où elle venait. La dame forte allongea malgré tout :
__ Maman n'a rien fait, mon coeur. Je te le jure.
Ce fut la dernière fois que j'entendis la mélodie de sa voix avant un long moment.
Quand la battante passa dans l'entrebâillement de la porte qui menait à l'abîme, je me tournai vers cette sorcière aux multiples visages. Un sourire mesquin ornait sa figure.
Elle venait de gagner encore une fois, et elle ne cachait pas sa joie. Ses magouilles avaient bien payé. Elle se foutait du sort injuste qu'elle venait de répondre.
Je la toisai, me promettant à ce moment-là de faire justice un jour ou l'autre par moi-même. Une goûte d'eau salée émergea de mon oeil droit, celant ainsi ma promesse.
J'étais petite, mais pas stupide, et encore moins atteinte d'Alzheimer.
Elle se tourna vers moi et nos yeux se croisèrent. Je la fusillai du regard et elle, s'étonna puis se moqua.
On verra qui rigolera en dernière, pensai-je à cet instant...
Ma sonnerie retentit et je sors de mes horreurs. J'essuie rapidement mes larmes qui ont finalement longé mes joues, et prends mon téléphone dans mon sac-à-main. Je me racle la gorge et décroche, sans vérifier à qui j'ai à faire.
__ Allô ?
__ Je viens d'arriver et tu n'es même pas à la maison pour me recevoir.
Je plisse mes yeux, intriguée. Puis, je comprends enfin et me relève.
__ Euh... Je suis désolée, j'arrive tout de suite.
__ D'accord. Je t'attends princesse.
Il met fin à l'appel.
Mes esprits me reviennent et je ramasse mon sac, époussette mes vêtements et remonte dans la voiture.
__ On s'en va. ( j'ordonne au chauffeur )
Il exécute.
Je lis l'heure affichée sur ma montre : 17h27min.
Ça y'est, c'est le moment. Mon coeur bat vite, mais pas pour la même raison que lorsque j'ai quitté mon " chez moi ". Cette fois-ci, c'est pour une raison qui risque de bouleverser beaucoup de choses.
Je vais devoir être forte, une fois de plus, et surtout y aller avec douceur, de peur de blesser quelqu'un d'autre.
Mais, quelque soit ce qui va se dire et se faire bientôt, je ne compte pas laisser tomber. Alors là, non ! Je l'ai décidé et je vais le faire !
Il est temps. C'est l'occasion parfaite pour le retour du passé.
Holà amigos !
Alors, que pensez-vous de ce chapitre ?
○ Premièrement : avez-vous compris ce qui arrive à Alphonse ?
Pourquoi a-t-il tous ces doutes ?
Commence-t-il enfin à voir la réalité en face ?
○ Deuxièmement : je tenais à vous donner une idée sur ce qu'ont vécu Nathalie et Tina.
Maintenant, d'après vous, qui sont les méchants et les gentils ?
Qui a véritablement soufert : la famille Bowns ou la famille Miles ?
Avez-vous compris ce qui s'est réellement passé entre ces deux familles ?
Et surtout, vous êtes plutôt Team Amanda ou Team Tina ?
○ Troisièmement : qui vient de rentrer ?
Pourquoi risque-t-il d'être blessé ?
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