Chapitre 23 : Un Jouet Sexuel

[ Dans la peau de Dayana ]

Je suis toujours dans le jardin, les yeux fermés et la tête ramenée en arrière, je profite de ce lieu paisible et du doux bruit du vent.

Je ne pense à rien, j'ai envie de garder mon cerveau vide et mon coeur en paix. Je ne veux ressentir aucun stress, aucune tristesse, et encore moins de la colère. Je souhaite juste respirer.
L'air est frais et la musique des feuilles des arbres me berce.

Je croise mes pieds et bouge celui qui est désormais au dessus de l'autre. Et voilà, ce fameux tic est de retour.

Ah, celui-là... il m'a crée de sacrés ennuis. Si je ne l'avais pas eu la dernière fois que je suis venue dans ce lieu, je pense que la journée et la soirée d'hier se seraient déroulées autrement. Et, aujourd'hui, l'atmosphère serait plus détendue et je n'aurais pas l'impression d'être haïe par mon patron.

Mais n'y pensons plus, du moins pas maintenant.

J'inspire profondément. C'est si bon...

__ Tu peux savoir ce qui te prend ?!

Mes paupières laissent subitement mes yeux découvrir le ciel lorsque j'entends la voix de Marie. Elle crie. Je ne sais pas ce qui se passe, mais ce n'est pas bon signe.
Marie n'a pas l'habitude de parler aussi fort. Même quand elle est fâchée, le son de sa voix reste raisonnable. Si il va aussi loin, c'est qu'il se passe quelque chose d'assez grave.

__ Pourquoi es-tu autant désagréable ?!

Elle doit sûrement être en train de gronder son petit frère. Et, bizarrement, quelque chose me dit que c'est en quelques sortes de ma faute.

Je veux dire, pourquoi ils se disputeraient, sinon ? Alphonse n'a rien fait de mal à sa soeur, à ce que je sache. Par contre, il n'a pas arrêté de me parler méchamment, et elle l'a vu. Ils ont failli se quereller dans le bureau, devant Jonh et moi, à cause de moi, ou plutôt de ma présence. Elle semble embêter mon employeur, pour une raison qui est encore un peu floue dans ma tête.

Je ne comprends pas. C'est vrai qu'il m'a mal parlé, mais c'était parce que j'étais près de lui. Là, je suis dans le jardin, il ne me voit même pas. Alors, pourquoi se crient-ils dessus ?
Au fait... Jonh n'est pas avec eux ?

Mon Dieu ! Le pauvre. S'il assiste à ça, je suppose qu'il doit être déçu, mais surtout surpris.

__ De quoi tu parles ?

__ Tu sais très bien !

Je sens que le volume augmente de plus en plus, et ça commence à vraiment m'inquiéter. Si ça continue, je ne suis pas sûre qu'Alphonse voudra rester aussi calme, déjà qu'il est assez contrarié.

__ Tu mets le doute dans le crâne de Dayana et tu penses que c'est normal ?!

Là, ça suffit. Mon nom est sorti, alors je suppose avoir le droit d'intervenir.

Je me lève en vitesse de ma chaise et m'avance vers la porte. Je l'ouvre et toutes les voix, qui tout à l'heure étaient vives, s'éteignent. J'entre alors doucement dans la pièce et tous les regards sont braqués sur moi. Je ne vois plus Jonh, il doit déjà être parti, heureusement.
Je referme la porte et, gênée, je demande :

__ Je dérange ?

__ Oui, me répond immédiatement mon patron.

Sa note est toujours aussi froide et son oeillade, toujours aussi obscure.

__ Non ! se dresse Marie.

Alphonse regarde sa soeur, la colère accentuée.

__ Tu arrives au bon moment. Alphonse allais justement m'expliquer pourquoi les ménagères n'ont-elles pas travaillé hier.

Alphonse parait tout d'abord étonné. Il doit se demander comment elle l'a su. Ensuite, son expression énervée revient et il me toise avec celle-ci. Je détourne alors mon regard vers mon amie, regrettant d'avoir encore un peu trop ouvert ma bouche.
Il faut avouer que j'exagère parfois, mais, si je ne l'avais pas fait, je n'aurais pas appris les manigances de mon employeur.

On t'écoute, Alphonse.

Je fixe toujours Marie, qui a maintenant un sourcil arqué. L'homme harcelé, ne répond toujours pas. Pourquoi ? Se sent-il pris au pied du mur, obligé à avouer toute la vérité, à dire qu'il souhaitait en réalité se retrouver seul avec moi.

Anxieuse suite à cette pensée, je remets mes yeux sur Alphonse. Je veux le voir me confesser sa flamme ; celle qui l'anime quand nous sommes l'un à côté de l'autre. Oui, je désire lire dans ses mirettes la réalité qu'il s'hasarde enfin à accepter.

J'ai tant attendu ce moment, que mon coeur commence à tambouriner dans ma cage thoracique. J'entrouve ma bouche pour faciliter ma respiration. J'ai tellement hâte qu'il me le dise, que ce silence semble durer des années. Six ans n'est-ce pas assez long ?

Pourquoi ne parle-t-il plus ? Qu'est-ce qu'il attend, bon sang ?! L'espoir décrit par mes pupilles ne lui satisfait-il pas ?

Tout à coup, mon bien aimé sourit. Puis, il se prononce enfin :

__ Tu veux savoir pourquoi ? Et bien, c'est simple : je leur ai demandé de ne pas venir.

Ça y'est, il le reconnaît. Depuis le temps que j'attends.

Je ne veux pas qu'il s'arrête là, alors je décide de le pousser à poursuivre, histoire de l'encourager.

__ Pourquoi ?

Il me fixe. Son regard n'est plus ténébreux ; il est neutre. Cela me soulage légèrement, mais je patiente toujours qu'il me réponde.

Son sourire disparaît avant qu'il ne dise :

__ Je ne voulais pas qu'elles soient présentes.

Mais bien sûr, je te comprends, tu voulais être avec moi, pensais-je.

Je souris à mon tour, heureuse de cet aveu.

Alphonse rigole soudainement à la vue de ce signe de joie. Qu'est-ce qu'il y'a ? Il est content, lui aussi ?

__ Pourquoi souriez-vous ?

Je ne saisis pas.

J'affiche à présent une figure interrogatrice, le sourire disparu.

__ Ne me dites pas que vous avez cru que je l'avais fait pour passer du bon temps avec vous ?

La déception est désormais gravée sur mon visage. Tout mon espoir vient de s'en aller au diable, et il le voit.

__ Ah, parce que si ? Vous l'avez cru ? se moque-t-il.

Il se tourne vers sa doyenne.

__ Le dimanche, je leur ai dit de ne pas venir travailler, je présentais déjà ne pas être de bonne humeur hier. Je voulais juste penser à maman, tranquillement. Je n'aurais pas accepté qu'elles me voient aussi faible. Mais... il n'y a aucune autre raison.

Ses pupilles reviennent sur moi.

Il passe sa langue sur ses lèvres
vite-fait, puis il sourit, alors que mon coeur est en lambeaux.
Il secoue sa tête de gauche à droite, les iris humoristes.

__ Ma pauvre Dayana... Quand allez-vous finalement comprendre que j'en ai rien à foutre de vous ? Voyons, vous n'êtes qu'un simple pantin à mes yeux. Je ne me sers de vous que pour chauffer un peu mon pantalon.

Il rigole encore une fois. Ce rire a un air diabolique à mes oreilles. Il me détruit à petit feu. C'est comme si on m'enfonçait un couteau en plein cœur.
Quel coeur ? Il n'en reste que des petits morceaux.

Je devisage Alphonse. Une envie de m'effondrer en larmes grandit doucement en moi, mais je réussis à la contenir comme je peux.

Je ne comprends plus ses agissements. En fait, je pense ne les avoir jamais réellement compris. Il est tellement imprévisible, qu'il me rend perplexe à chaque fois qu'il ouvre sa bouche.

C'est vrai que j'ai pris la sale coutume qu'il me déçoive, mais là, vraiment, j'espérais que ce soit différent. Il m'a si bien séduite durant ce séjour, que je me disais pouvoir enfin me laisser complètement aller.

J'ai été si bête, pensais-je.

L'imprévisible reprend une expression plus sérieuse, avec un petit soupçon d'air de vainqueur. Mais qu'est-ce qui lui arrive ?
Il croit quoi, au juste ? Que c'est une compétition ? Que c'est celui qui blesse le plus, qui gagne ?

C'est ridicule ! Ce n'est pas un jeu. On ne s'amuse pas avec les sentiments !

Son sourire de gagnant machiavélique s'efface.
Il replace son attention sur mon acolyte, tandis que la mienne persiste sur sa personne, encore affaiblie par ses mots.

Pourquoi n'ose-t-il plus me visionner ? Pourquoi ne sourit-il plus ? Est-ce qu'il culpabilise ?
Non. Il a bien trop d'orgueil pour ça.

__ Je vais appeler le mécanicien pour lui demander quand pourrons-nous rentrer, déclare-t-il. Je voudrais juste savoir si tu viens avec nous, ou si tu préfères repartir au près de papa ?

Aucune réplique. Silence total.

Marie ne dit rien, alors je me braque vers elle afin de savoir pourquoi.

Je suis abasourdie par la rage et le dégoût qui anniment les billes couleur caramel de cette femme habituellement souriante et drôle. Ils sont si grands, que j'ai l'impression que ma copine va exploser.

__ Tu comptes me réponde ou pas ?

Je toise Alphonse. Il est si serein, qu'on pourrait croire qu'il est un vrai saint.

__ Je viens avec vous. Je dois faire un tour au " Paradis de la mode ".

Marie est une styliste de renom. Elle détient aussi une entreprise de mannequins hommes/femmes, nommée " Le paradis de la mode ".
Les vêtements sont toute sa vie. C'est pour cette raison qu'elle ne dirige pas la société familiale avec son frère, et c'est aussi celle qui explique ses tonnes d'habits.

__ Et papa ?

__ Je l'ai laissé dans les mains d'un bon ami de Steven. Je ne compte pas faire plus de trois jours à New-York.

__ D'accord.

Sur ces dires, Alphonse monte les marches.

Je regarde mon amie. Sa colère a disparu, mais sa déception semble avoir augmenté, ou peut-être qu'elle le montre juste un peu plus.

Je m'approche d'elle et lui tient l'épaule. Son regard placé dans le vide, se pose à présent sur moi.

__ Je suis désolée.

__ Tu n'es pas fautive. C'est juste que ton frère n'en vaut pas la peine. Tu l'as dit toi-même...

Elle me sourit tendrement, contrairement à moi, qui reste immobile, toujours aussi troublée.

__ Tu ne devrais pas l'écouter. Et, s'il te plait, ne lui laisse plus le malheur de te briser ainsi.

J'accepte d'un mouvement de tête.

Elle a raison : tout ça doit cesser.

[ Dans la peau d'Alphonse ]

Je gravis rapidement l'escalier, puis rentre dans ma chambre.

À vrai dire, si j'ai préféré grimper dans mon dortoir plutôt que de rester avec les filles, c'est pour fuir Dayana. J'aurais pu téléphoner au pilote devant elles, mais je n'aurais pas supporté une seconde de plus la présence de ma secrétaire.

Je ne sais plus ce qui m'arrive, mais dès que je la vois maintenant, je ressens de la colère, presque de la haine. Et lorsque je songe au lien qui naît entre elle et mon associé, j'ai juste envie de lui faire comprendre qui la détient : moi.

J'ai le sentiment qu'elle a déjà oublié toutes les sensations qui torturaient nos corps de désir, ces derniers jours. C'est comme si tout le mal qu'on affligeait à nos peaux, en les empêchant de se caresser, n'était déjà plus que du passé.

Pourquoi a-t-elle autant changé ? Pourquoi accorde-t-elle autant d'importance à l'avis d'Adrien ? Pourquoi elle s'intéresse à lui ? Qu'est-ce qu'il a de plus que moi ?

Même si je refuse encore de le croire, la sentir s'éloigner de moi, me déchire. Je suis apeuré, lorsque je me dis que tout est terminé : fini les tentations, les parties de jambes en l'air... terminées.

Mais malgré cette frayeur qui s'agite en moi, je suis parvenu à lui faire face, à lutter contre ce tableau d'innocence qui brille entre ses paupières. Oui, je l'ai fait, j'ai réussi, mais de la pire des manières : en lui écrasant de nouveau le coeur, créant en elle une affreuse douleur reflétée dans ses saphirs attendrissants, qui engendra en mon être une sorte de satisfaction, bien qu'elle est été de courte durée et pour un motif que je repousse.

Je me remémore ses yeux mouillés ; on aurait cru que l'étendue d'eau essayait de dépasser les limites - ses paupières - pour venir saler les joues de sa propriétaire.

Cette image, ce visage... Il m'a anéanti sur le moment. Je n'ai pu tenir bon. Assumer la conséquence de mes paroles, était pour moi la plus atroce des punitions, éminemment parce je ne pensais aucun mot et que tout n'était que menterie.

Il est confirmé que j'ai appelé les domestiques pour leur donner un jour de congé, mais ce n'était en aucun cas pour le sujet que j'ai exposé. La vérité est que je l'ai fait pour être seul avec cette femme en chaleur qu'était Dayana.
Je voulais me trouver réconforté par ses bras, sa voix, ses pépites, sa chaleur, sa douceur et encore plus par son sourire. Je désirais m'ouvrir à elle, lui faire connaître un autre Alphonse ; un homme qu'elle pourrait admirer et aimer sans craindre de le regretter.

J'espérais que ce séjour prenne fin comme il s'était engagé : dans la paix, le calme, l'appétence ; avec une touche de timidité et de maladresse venant de ma petite chauffeuse. Tout devait être parfait. Je suis certain que nous aurions fait l'amour hier, si Chonor n'avait pas convenu de joindre Dayana, me ravissant de la sorte ma propriété.

Il vaut mieux que j'arrête d'y penser et que je passe ce foutu coup de fil.

Je prends donc mon téléphone, cherche le contact de l'homme chargé de vérifier le fonctionnement de l'appareil et lance l'appel. La sonnerie débute à peine qu'il la rompt.

__ Bonjour monsieur Alphonse !

__ Bonjour Charles. Comment allez-vous ?

__ Très bien et vous ?

__ Parfaitement bien.

Tu mens très bien, me complimente ma conscience, car dans le fond, je suis confus et désespéré.

__ J'aimerais savoir quand est-ce que l'avion serait prêt pour que l'on retourne à New-York ?

__ Aujourd'hui même, si vous le souhaitez. Nous avons fait une vérification de routine ce matin et tout était ok.

__ Génial. Nous arrivons de ce pas.

__ Aucun souci. Je vais prévenir l'un des pilotes.

__ Merci.

Je mets fin à notre échange et m'empresse d'arranger mon sac. Je récupère quelques affaires qui me manquent à New-York et les place dans mon bagage. Je ferme le tout et sors pour prévenir les demoiselles qui, je le soupçonne, sont encore bouillantes.

Je me stoppe devant les marches et inspire profondément. Ce que je m'apprête à faire pourrait bien aggraver ma situation et brûler au passage les fragments d'un des organes de la jolie inoffensive, que j'ai eu le malheur de détruire.

Je descends avec assurance et observe les jeunes femmes, solidaires l'une à l'autre, qui se retournent vers moi. Je me fais souffrance pour ne pas admirer le mignon et triste minois de la belle ; la plaie qu'il m'a affligée tout à l'heure est encore ouverte. Ma vue s'abat sur Marie. Elle est toujours en rage.

Je remarque ses yeux plissés, fumants, tant elle a envie d'arracher sur mon physique, la partie avec laquelle j'ai encore rabaissé Dayana.
Cependant, je ne change point d'attitude. Je maintiens mon image ferme et impénétrable, et leur informe :

__ Tout est prêt pour notre vol. Nous pouvons déjà y aller. Prenez vos sacs, je vous attends dans la voiture.

Sans même recevoir une réponse de leur part, je me dirige vers la sortie, ouvre la porte, sors et referme derrière moi.

J'ai conscience de ma dureté, mais elle est nécessaire. Je ne peux me permettre de céder aussi facilement.

Je fais signe à Marchal que nous partons direction l'aéroport. Il prend mon sac, tandis que je m'installe confortablement sur le siège passager ; les deux femmes resteront ensemble derrière.
Après près d'une dizaine de minutes, elles se décident enfin à sortir. Mon chauffeur effectue la même démarche : il récupère leurs colis et les dépose dans le coffre. Il les ouvre la portière, et la referme après qu'elles se soient mises à l'aise.
L'homme en costume noir vient, pour finir, s'asseoir sur le côté conducteur et fait vibrer le moteur jusqu'à la destination imposée.

Nous arrivons à l'aéroport. Je descends rapidement de la voiture, pendant que Marchal va ouvrir la portière aux filles.
J'aime mieux être le plus loin possible de ces deux femmes avec cette tension qu'il y'a au milieu de nous.

Je m'avance vers Charles, nous nous serrons la main, puis il me conduit jusqu'à l'avion prêt pour aujourd'hui.
Je salue Jack, le pilote, et monte dans le bolide. Je laisse mon chauffeur s'occuper de nos affaires.

Je m'affale sur un siège au hasard, à côté de la fenêtre, dans la rangée de droite. Les deux complices passent à ma gauche, sans même m'accorder un regard. Il faut dire que je l'ai bien mérité...
Dès qu'elles me dépassent, je ne peux m'abstenir d'admirer Dayana, bien qu'elle soit de dos.

J'observe sa démarche qui est, à mon plus grand regret, de courte durée.
Elles siègent un peu loin devant moi, dans la rangée opposée.

Ma belle se positionne au bord du couloir. Je ne peux malgré n'être ébloui que par ces cheveux en cascade.

Je prie pour qu'elle se retourne, rien qu'une seule fois, pour me laisser détailler son visage du regard. Ou il serait peut-être préférable qu'elle reste ainsi, dos à moi...
Je ne me sens pas capable d'admirer sa frustration une fois de plus. Je ne le dévoile pas, mais cela m'affaiblit.

Mais, si on réfléchit bien, ce n'est pas de ma faute si elle est autant triste.

Ce n'est pas moi qui lui ai conseillé de flirter avec Adrien. Je ne lui ai jamais dit d'accepter ses avances, ni même de m'imposer des barrières à cause de lui. Elle m'a tenu tête pour lui faire plaisir, pour être juste à son égard, et personne ne le lui a obligé !

Si elle était restée la même femme douce, soumise à mes envies, rien n'aurait dérapé. Mais elle a choisi de faire preuve d'audace et de me repousser.
Puisqu'elle tient tant à lui, alors pourquoi fait-elle mine d'être abattue ? Loin de là, elle devrait être heureuse, soulagée parce que je lui aurais annoncé qu'elle ne m'intéresse pas tant que ça.

Non, mais quel toupet !

C'est elle qui mène les gens en bateau, mais c'est elle qu'on soutient, elle pour qui on a du tourment. C'est elle qui n'arrête pas de mentir et de séduire, mais c'est également elle qui semble blessée. Quelle bonne actrice...
Franchement, je ne crois plus en sa mascarade. Je ne devrais pas autant me préoccuper de son état moral ; ça n'en vaut pas la peine.

En revanche, j'admets que, s'il le faut, j'en ferai encore plus, jusqu'à ce qu'elle retienne qu'il ne faut pas jouer avec le feu, au risque de se brûler.

[ Dans la peau de Dayana ]

Je suis toujours avec Marie, nous ne nous séparons pas, encore moins après la " déclaration " d'Alphonse.
Nous nous sommes placées à l'écart de son frère. Aucune de nous ne souhaite voir son visage. Moi, c'est surtout ce sourire blagueur que je veux ignorer ; il écrase le moteur de mon corps lorsque je le croise. Je ne le supporte pas !

C'est fou comme les choses peuvent changer quand on s'y attend le moins.

Je me souviens que, lorsqu'on avait pris cet avion, Alphonse et moi, pour venir à Miami, c'était moi qui ne pouvait dissiper l'envie de le regarder. J'avais beau interdire à mes yeux de le faire, ils n'écoutaient pas. Lui par contre, c'est la vitre qui l'attirait. Il se foutait absolument de ma présence.
Mais maintenant, c'est l'inverse. C'est moi qui n'ai plus le goût de me tourner vers lui ; c'est au dessus de mes forces.

Je ne sais pas s'il m'examine en ce moment même, pour confirmer que l'on a bien effectué un échange de rôle, mais sincèrement, je n'en ai rien à cirer. Je ne m'occupe plus de ce qu'il veut, ni même de ce qu'il ressent.
Il a dépassé les bornes.

Combien de fois devrais-je encore subir et digérer ses injures, ses humiliations, pour passer enfin à autre chose ?
Pas une de plus, c'est certain !

J'en ai marre d'espérer. Il va falloir que je le comprenne : Alphonse Bowns est un vrai connard et il ne m'aime pas ! Tout ce qui le chaut, c'est de pouvoir redresser la température de son boxer.

Un vrai crétin qui ne s'occupe des sentiments de personne !

Et dire que je suis en froid avec Adrien à cause de lui... Je suis une idiote !

Il faut que je remette en ordre et dans la bonne voie, ma relation avec ce gentleman ; il le mérite. Je dois m'excuser. Et, s'il me demande ce qu'on faisait tout seuls dans cette villa, je lui dirais la vérité : on cherchait des dossiers importants pour l'entreprise, mais les domestiques étaient absentes.
Je ne compte pas lui donner plus de détails, il n'en a pas besoin.

Si seulement ces femmes de ménage étaient présentes, tout cela ne serait pas arrivé. Mais bien sûr, il a fallu qu'on débarque dans cette ville pendant leurs jours de congé et que, pour clôturer, mon patron leur dise de ne pas venir le jour où j'avais le plus besoin d'elles.

Sérieusement, je considère cette pause comme la pire de toute ma vie !

Après encore quelques minutes de patience, nous finissons enfin par décoller. Le vol se passe dans un silence complet. Personne ne veut faire écouter sa voix. Avec la dissidence qui règne dans ce jet, il est impossible qu'un son ne se fasse entendre. Il y'a zéro chance, et c'est mieux ainsi.
J'ai peur que le moindre bruit, même le fût-ce qu'un toussetement, puisse déclencher la troisième guerre mondiale, entamée par les descendants Bowns. Ce serait horrible. En particulier, parce que j'en serais la cause principale.

Après près de trois heures de trajet aérien, on atterrit dans le camp de New-York. Nous abandonnons le grand aéronef pour entrer dans l'aéroport.
Marchal qui est venu avec nous, porte nos affaires à Marie et moi, et Alphonse soulève les siennes.
En sortant du grand bâtiment, une Ferrari Pininfarina Sergio nous attend à l'entrée, avec un autre chauffeur adossé sur le capot.

Alors là, non. Il est hors de question que je fasse la route qui mène à mon appartement en compagnie de cet homme méchant, indécis et manipulateur !

À l'instant où le nouveau conducteur s'apprête à ajouter mon équipement dans le coffre, je le coupe net dans son élan :

__ Non !

Des regards inquisiteurs se calent sur moi, guettant une explication.

__ Je ne viens pas avec vous, je prolonge. Je vais prendre un taxi.

Marie soupire. Je la regarde et vois qu'elle a les yeux baissés. Je sais qu'elle est mécontente de ma décision et j'en suis désolée, mais je sais aussi qu'elle l'approuve.

Je récupère mon sac des mains de cet inconnu et m'avance vers ma chère amie.

__ On se voit dès que t'as du temps, d'accord ?

Ses pupilles quittent le sol pour se plonger dans les miennes. Sa moue est triste.
Je trouve ça détestable que ce soit elle, et non son crétin de parenté, qui soit aussi affectée. Mais ça ne m'étonne pas. Marie a une conscience, mais Alphonse, pas du tout. Même pas un fond.

__ Bon, on y va, oui ? s'agace l'homme encore gamin. On ne va tout de même pas passer la nuit ici ?

Je vois Marie changer de mine : sa rage revient petit à petit. Je lui souris tendrement et lui fais " non " de la tête. Elle inspire doucement, expire et se maîtrise. Tant mieux.

__ Tu me laisses au moins te payer la course ? me propose-t-elle.

__ Mais non, ça va.

__ Allez, s'il... essaie-t-elle d'insister.

__ Roh, Marie ce n'est plus une enfant. En plus, son salaire est largement suffisant pour qu'elle se paye une course toute seule.

La jeune femme se retourne pour faire face à ce triple idiot et lui râle :

__ Si je le lui propose, c'est parce que c'est mon amie !

__ Et bah tu devrais te choisir de meilleures amies.

Alphonse braque ses yeux revolvers sur moi, une rancoeur les anime comme pas possible.

__ Tu devrais avoir des amies plus respectables, de vraies dames, et non de celles qui se mettent dans les lits de tous les hommes qu'elles rencontrent. Je ne veux pas d'une femme légère près de toi !

Les deux armes venaient de tirer et c'est mon patron qui avait appuyé sur la gâchette. Les balles traversèrent ma poitrine et y détruisirent chaque infimes débris de mon coeur, brisé il y'a seulement quelques heures.

__ Alphonse ! s'écrit ma protectrice.

Il est déjà trop tard, sa révolte ne sert à rien. Le mal a déjà été accompli.

__ Quoi ? C'est vrai. Ou peut-être qu'elle ne t'a pas dit qu'elle fricote avec Adrien, pendant qu'elle me fait des yeux de biche à moi ? Hum ?

J'arrive à déchiffrer toute la haine que Marie accumule à l'égard de son frater sur sa figure.

__ Ne me regarde pas ainsi, soeurette. Elle ne mérite pas autant d'attention. Dayana n'est qu'un... objet de plaisir.

Et voilà, le mot de la fin. La goutte d'eau qui fait déborder le vase.

Je me sens si ridicule...

Je jette un coup d'oeil aux deux pilotes, ils sont tous les deux embarrassés d'être ici, avec nous, et d'assister à cette scène.
Marchal fait semblant d'être inattentif en fixant derrière lui, et celui dont le prénom m'est inconnu, a les yeux baissés, mais je peux m'apercevoir qu'ils sont grandement ouverts d'étonnement.

Je rougis de honte. Je voudrais juste... disparaître.

Je sens mes paupières s'humidifier. Il faut que je m'en aille et vite !

Je marche vers le goudron et arrête un taxi. J'ouvre la portière, mais ma défenseuse la referme.

__ Ne le gère pas, il raconte n'importe quoi !

__ Tu l'as entendu, Marie. Je ne suis qu'un... objet. Et rien de plus.

Mon acolyte est, elle aussi, achevée. La pitié se lit dans ses prunelles.

Je monte rapidement dans le véhicule et indique au taximan mon adresse. Il démarre et j'évite les visages qui défilent à ma droite.

Lorsque nous sommes un peu loin de l'aéroport, je laisse quelques larmes tracer leurs chemins sur mes joues.

Cet homme est un véritable monstre. Mais qu'est-ce qui m'a pris de tomber dans son piège ? C'était bien clair, pourtant. Il ne pourrait jamais me voir comme une vraie femme, je ne pourrais jamais lui plaire. C'est impossible !

Je me suis encore faite avoir, mais c'était l'ultime fois. Je le connais trop bien maintenant.

J'essuie ces gouttes d'eau salées, et une seule idée trotte dans ma cervelle : récupérer Adrien Chonor et me consacrer entièrement à lui.

Présentement, tout est clair pour moi : aux yeux d'Alphonse Bowns, je n'ai été, ne suis et ne serai qu'un jouet sexuel.

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