Chapitre 16 : Un Jeu

[ Dans la peau de Dayana ]

Je suis toujours à table avec Alphonse. Nous mangeons en silence.
Je le regarde quelques fois, mais son regard reste figé sur son assiette.

Je ne sais pas si c'était une bonne idée d'accepter de dîner avec lui, j'ai l'impression qu'il commence à regretter sa proposition. Peut-être qu'il n'aime pas ma cuisine ? Ou que le plat que j'ai fait ne figure pas parmi ses préférés ?

Je ne sais pas trop comment réagir. Dois-je entamer la discussion ?

Je le regarde encore une fois, mais cette fois-ci avec plus d'insistance. J'admire son visage, son magnifique visage.

J'admire ses yeux, à peine dévoilés parce que son regard est baissé. Le peu que je vois de ses yeux me suffit, je sais déjà à quoi ils ressemblent, je les ai admiré tellement de fois. Je sais qu'ils sont beaux, très beaux, surtout lorsqu'il décide de charmer une femme.

Je descends ensuite mes yeux sur son nez. J'admire ses joues bien rasées. Ces dernières ne cessent de bouger. Alphonse enchaîne les bouchées. Peut-être que mon plat n'est pas si mauvais...

Mes yeux continuent leur exploration sur ses lèvres. Elles sont si... parfaites. En les regardant avec autant d'intensité, je me remémore tous les baisers qu'il m'avait donnés ce soir-là, à l'hôtel, lors de notre seconde erreur.

C'est vrai que nous en avons commises deux, mais celle-ci fut la plus intense. Chaque baiser qu'il me donnait était deux fois plus puissant que le précédent. Chacun de ses coups de rein avait le don de me couper le souffle. Ils étaient si forts, et surtout si bons...

Je n'oublierai jamais cette nuit...

Je reste bloquée sur ses lèvres, mon regard ne souhaite pas se détacher d'elles. Je suis tellement perdue dans mes souvenirs de cette fameuse nuit, que je ne remarque pas que je ne suis plus la seule à avoir laissé mon plat se refroidir.

Les lèvres de mon patron ne bougent plus. Mes yeux le remarquent bien, mais mon esprit est trop occupé à revivre ses envies de cette nuit, et ne s'aperçoit même pas qu'il est temps de revenir à la réalité.

[ Dans la peau d'Alphonse ]

Je suis en train de dîner avec Dayana. Son plat est un vrai délice. Je suis concentré sur mon assiette et savoure chaque bouchée que j'en retire.

Je ne lui ai pas encore adressé un mot depuis que nous sommes à table. Dois-je lui dire quelque chose ? Je pense que oui.

Je m'arrête alors de manger un instant et tourne ma tête vers elle. Je m'apprête à prendre la parole, mais je remarque que Dayana a déjà les yeux posés sur moi. Son regard est vide, son esprit semble ailleurs.

Elle observe une partie précise de mon visage. Après quelques secondes à me demander ce qu'elle peut bien pouvoir admirer avec autant d'attention, je comprends enfin que ce sont mes lèvres qui attirent tant le vert clair qui brille entre ses paupières.

C'est vrai, ses yeux sont d'un vert clair, très clair, et surtout splendide. J'ai toujours remarqué ce vert, mais ne lui ai jamais vraiment complimenté dessus. Je crois que ce soir, maintenant, serait le bon moment. D'autant plus que notre partie de jeu a déjà commencé.

__ Vos yeux sont vraiment magnifiques.

Elle sursaute légèrement. Il semblerait que son esprit soit enfin de retour parmi nous. Pourtant, j'ai la sensation qu'elle n'a pas entendu ce que je viens de dire, seul le son de ma voix l'a ramenée à nous. Elle a l'air confuse, ses billes vertes bougent dans tous les sens, elle paraît chercher une réponse à me donner, alors que je suis presque sûr qu'elle n'a absolument rien entendu.

Pour avoir une réaction plus nette que l'affolement de ses globes oculaires, je décide d'ouvrir encore ma bouche.

__ Le vert qui illumine votre regard est...

Elle me regarde en attendant la fin de ma phrase.

__ ...somptueux.

A présent, elle me regarde surprise par mon compliment. Sa bouche est entrouverte.

J'observe l'expression de son visage, puis me balade dans la nature de ses pupilles. Je pourrais m'y balader pendant des heures...

Lorsqu'elle me regarde aussi dans les yeux, je me sens m'enfoncer dans cette forêt. Mais sa voix finit par me sauver.

__ Merci.

Je lui fais un petit sourire et elle me répond par un sourire assez timide.

Nous finissons ensuite de dîner, dans le calme et un silence moins pesant.

Quelques minutes plus tard, Dayana pose nos assiettes dans le lave-vaisselle. Je m'empresse d'aller prendre une délicieuse bouteille de vin rouge dans la cave et remonte avec celle-ci. Je prends deux autres verres et un plateau et pose le tout dans le petit salon à l'étage.

Je repars dans la cuisine et vois ma secrétaire essuyer la vaisselle toute propre. Je m'approche d'elle et l'aide en rangeant ce que nous avons utilisé comme il le faut.

__ Oh, mais non, laissez-moi tout arranger, m'arrête-t-elle.

__ À deux nous irons plus vite.

Elle hésite un instant, mais finit par me laisser faire. Nous rangeons tout ensemble.

Je lui demande ensuite de me suivre jusqu'au petit salon, elle exécute.
Nous arrivons dans le salon, je nous sers du vin et lui tend son verre.
Elle le prend et en bois une gorgée. Je fais de même.

Depuis que nous sommes arrivés à Miami, je n'ai toujours pas donné la raison de notre recherche aux contrats à Dayana. Et bizarrement elle ne m'a posé aucune question à ce sujet jusqu'à présent. A-t-elle peur de le faire ? Si oui, je ne vois pas pourquoi, elle serait dans ses droits.

Je pose mon oeillade sur elle et ressens immédiatement son malaise. Elle détaille toute la pièce du regard, sûrement pour éviter de me parler. Mais pourquoi ? Est-elle encore gênée que je me sois frotté à elle dans la cuisine quelques heures plus tôt ?

Soudainement, une sublime idée me vient en tête. Puisque ma petite chauffeuse ne souhaite pas faire entendre sa belle voix d'elle-même, je vais la pousser à le faire.

__ Il y'a une petite chose qui me chiffonne.

Elle place son regard sur moi, m'interrogeant avec ce dernier.

__ Je suis certain que vous ne savez même pas pourquoi nous avons cherché ces contrats, pourtant vous ne m'avez point posé de questions. Alors, ma question est : pourquoi ? Pourquoi ne me questionnez-vous pas ?

Elle plisse les yeux, comme si elle ne comprenait pas pourquoi je lui posais cette question, puis répond enfin :

__ Euh... pourquoi devrais-je vous le demander ? Lorsque nous partons en mission, je ne vous interroge pas, je me contente de vous suivre et d'accomplir mon travail.

__ Oui, mais ce voyage n'est pas une mission. Il est censé être un déplacement pour des raisons personnelles. Et je tiens à vous rappeler que vous n'êtes ni une amie, ni même mon assistante pour y participer en temps normal. Néanmoins, vous êtes ici, avec moi. Vous auriez pu refuser.

__ Et auriez-vous accepté que je refuse ?

__ Mais bien sûr.

__ Vraiment ?

Alors là, c'est moi qui suis perdu. Pourquoi doute-t-elle autant que j'aurais pu accepter son refus ?

__ Monsieur Alphonse, sauf votre respect, vous n'êtes pas le genre de patron à laisser un de vos employés vous refuser quoique ce soit. Nous devons tous faire ce que vous seul souhaitez.

__ Voyons, je ne suis quand même pas un dictateur.

__ Vous y ressemblez, pourtant.

Sa phrase fait l'effet d'une gifle.

Mais je reste silencieux, je ne sais pas quoi dire. Franchement, qu'est ce que je pourrais encore dire après ça ?

Je n'aurais peut-être pas dû poser la question...

[ Dans la peau de Dayana ]

Après que j'ai sorti toute cette vérité, Alphonse n'ose plus parler. Je crois même l'avoir choqué. Il reste silencieux, la bouche fermée. Suis-je allée un peu trop loin ?

De toute manière, il est trop tard. La vérité est déjà sortie de ma bouche. Je ne me croyais pas capable de lui sortir ce genre de réponse un jour.

Cependant, il ne va quand même pas me dire qu'il ne l'avait pas remarqué ? Il ressemble vraiment à un dictateur ! Il veut tout contrôler, sauf rien !

Néanmoins, je me sens mal, hyper mal.

Je bois le reste de mon verre d'un coup, racle ma gorge et poursuis :

__ Je crois que je ferais mieux d'aller me coucher. Demain, nous aurons un vol à prendre.

__ Nous ne repartons plus à New York demain.

Je crois que mon cerveau à buguer.

__ Pardon ?

__ Lorsque j'ai appelé Marie, elle m'a affirmé que les dossiers qui manquent sont avec elle. Elle m'a dit qu'elle me les apportera mardi.

Je n'en crois pas mes oreilles.

J'ai bien envie de savoir la raison pour laquelle MOI je devrais rester. Après tout, si cette histoire est personnelle et que je n'ai normalement pas ma place ici, je devrais pouvoir m'en aller demain et lui laisser attendre Marie tout seul. Mais... après ce que je viens de lui dire, je ne suis pas sûre que ce soit une bonne idée que je dise quoique ce soit qui lui déplairait.

__ D'accord. Mais comment ferai-je pour mes vêtements ?

__ Je vous donnerai quelques vêtements de Marie qui sont ici.

__ Et mes dessous ?

__ Marie en achète très souvent. Je crois qu'il y en a des tout neufs dans sa chambre.

__ Et si ses vêtements ne me plaisent pas ?

Alphonse termine son verre et le pose sur le plateau toujours sur la table.

Il s'avance ensuite vers moi et se stoppe lorsque à peine deux centimètres nous séparent. Il plange son regard dans le mien, ce qui a la facilité de me rendre nerveuse. Je panique intérieurement. Que va-t-il faire ?

Il met ses mains dans les poches de sa culotte en jean. Il continue à me regarder intensément, mais il ne dit rien. Mon pouls s'accélère, pourtant je n'arrive pas à regarder autre chose que ses magnifiques pupilles.

Il mord sa lèvre inférieure et je vois apparaître dans ses globes oculaires un feu ardent ; le même feu qui brûlait dans ces derniers cette nuit, lorsque j'ai eu le malheur de le croiser à la porte de la cuisine, alors que je n'étais vêtue que de ma simple petite nuisette. Rien que par ce regard de plus en plus brûlant, je sens quelque chose me titiller dans ma culotte.

Alphonse fait sortir sa main gauche de sa poche. Il range tendrement avec celle-ci une petite mèche rebelle derrière mon oreille, sans lâcher mes yeux. Ses doigts glissent ensuite le long de ma mâchoire et viennent soulever mon menton. Mon corps frissonne juste à son toucher.

Il approche maintenant ses lèvres, de telle sorte qu'elles puissent effleurer les miennes. Mon coeur fait alors trois bonds successifs.
Je sens son souffle chaud sur ma chair.

__ Et bien, dans ce cas-là, vous pourriez vous balader dans votre superbe nuisette. Croyez-moi, j'en serais extrêmement ravi.

Là, je ne sens même plus mon corps. Ses dires viennent de couper mon souffle. J'avale ma salive et ouvre légèrement ma bouche. Je suis surprise, terriblement surprise.

Alphonse se contente de me faire son sourire charmeur. Apparemment, ma réaction était celle qu'il attendait.

Il détache ses doigts de ma peau et replace sa main dans sa pauche. Ses yeux toujours dans les miens, son sourire me charme toujours.
Mon patron me contourne et se place derrière moi. Sentir sa présence dans mon dos me paralyse. Et pour finir, il me susurre à l'oreille :

__ Bonne nuit, Dayana.

Puis il s'en va.

Moi, je reste dans la même position, ne comprenant toujours pas son comportement. Pourquoi fait-il ça ?

J'arrive enfin à reprendre le contrôle de mon corps et me sers un autre verre de vin que je bois d'une traite.

Mais qu'est ce qui lui prend ? C'est la deuxième fois qu'il me "tente", si je puis dire. Est-ce à cause de ma petite nuisette ?

Ce voyage n'était pas censé se dérouler ainsi.

J'ai la nette impression que ça l'amuse de me tenter à chaque fois qu'il en a l'occasion. Je commence à croire que, pour lui, tout ça n'est qu'un jeu.

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