Chapitre 12 : Cacher Mes Sentiments

[ Dans la peau d'Adrien ]

Je suis chez moi, dans mon bureau, mes yeux sont fixés sur mon ordinateur, allumé depuis près de deux heures maintenant.

Je ne cesse de travailler depuis le début de la semaine, je n'ai presque plus de temps pour moi. Si être entouré de bouquins et de tout ce qui les concerne ne m'intéressait pas, j'aurais démissionné depuis belle lurette.

En dehors de toute cette accumulation de travail, une autre chose, ou plutôt une autre personne, me fatigue. Je trouve cette personne pénible et j'ai l'impression qu'elle attend des autres quelques choses qu'en réalité elles ne lui doivent pas.
Elle est naïve. Elle discerne bien ce qui se passe dans sa vie, dans ses relations, mais elle dédaigne de l'accepter. Elle comprend son ânerie, mais c'est plus fort qu'elle, elle ne peut s'empêcher de recommencer à chaque fois.

Cette personne me désole également. J'aimerais qu'elle se réveille, qu'elle prenne certaines décisions. Il serait préférable qu'elle jugule ses illusions, qu'elle stoppe de réclamer ce qui ne lui est pas dû.

Mais, j'ai beau lui faire des remarques, lui prodiguer des conseils... Il faut se rendre à l'évidence, elle ne changera pas. Cette personne restera la même, JE resterai le même.

En effet, oui, cette personne n'est autre que moi. Je suis naïf. Je suis un aveugle qui voit, mais qui reffuse d'accepter sa vision. C'est étrange, je sais, mais il faut que je sois franc avec moi-même.

Je suis troublé, tout le temps. Je me pose une infinité de questions auxquelles je ne trouve aucune réponse.

Oui, j'accepte tout et ne dis rien. Je préfère me taire et observer, me laisser blessé, réagir un petit peu pour ensuite être rassuré, sans dire réellement pourquoi j'avais réagit.
Et ça, ça ne m'arrive qu'avec une seule et unique personne : Dayana Blems.

Cette femme me trouble. Je ne parviens jamais à vraiment comprendre ce qu'elle ressent, ni même à savoir pourquoi elle fait ci ou ça. J'ai encore des petits doutes sur ce qui la lie à Alphonse, mais je préfère ne pas le lui montrer.

Est-ce que je fais bien ? Je l'ignore.

J'ai envie de me rapprocher de plus en plus d'elle, d'apprendre à mieux la connaître et voir où cela va nous conduire. Mais a-t-elle la même intention vis-à-vis de ma personne ?

Des fois, la pensée comme quoi je me précipite avec elle, me vient à l'esprit. Je devrais peut-être prendre un peu de recul... ou pas ?

Je soupire en m'adossant sur le dos de ma chaise ; une petite pause ne me ferait pas de mal.

[ Dans la peau de Dayana ]

C'est samedi aujourd'hui. Dans pas plus de cinq heures, je partirai pour Miami en compagnie d'Alphonse.

En attendant ce moment si... stressant - pour moi en tout cas - j'ai invité Rachelle à passer chez moi pour un brin de causette.

Je suis dans la cuisine, je prépare des sandwichs pour Rachelle et moi. Puis, quelqu'un frappe à la porte ; ça doit être Rachelle, elle est toujours à l'heure.

Je me dirige vers la porte pour ouvrir à ma meilleure amie.

Nos dents s'aperçoivent, suivies de près par nos joues qui se rencontrent.

__ Salut, commençé-je.

__ Salut, ça va ?

Je laisse Rachelle suivre le chemin qui mène à mon salon.

__ Ça peut aller et toi ?

__ Je vais bien. Mais toi, t'as quoi ?

__ Eh bah... Je stresse un peu. Je serai quand même toute seule avec Alphonse.

__ Mais ça ne sera pas la première fois, alors pourquoi tu t'inquiètes ?

__ Oui, mais dans le passé nous ne couchions pas ensemble.

Je me dirige du côté de la cuisine pour finir la préparation de nos sandwichs, et Rachelle m'accompagne.

Il est vrai que depuis que je suis la secrétaire d'Alphonse, j'ai effectué mille voyages à ses côtés, mais celui-ci paraît différent. Nous serons seuls, que lui et moi - si on ne compte pas les femmes de ménage - dans la villa d'Erick, et tout ça après qu'on ait couché ensemble deux fois.

Honnêtement, nous sentirons-nous à l'aise ?

D'après moi, ça sera impossible.
Rien qu'à y penser, j'ai le sentiment de déjà vouloir disparaître, alors qu'il ne s'est encore rien passé.

J'ai tellement honte.

__ Tu devrais te relaxer.
Au fait, t'as déjà arrangé ton sac ?

__ Non, je ne sais pas quoi me mettre.

Elle éclate de rire. Elle doit sûrement me trouver pathétique.

__ Calme toi, Dayana, ce n'est pas une lune de miel. T'as peur de quoi, qu'il te fasse un gosse ? me taquine-t-elle.

Elle a raison, mais je ne peux m'empêcher de m'apeurer.

__ Allez, viens, nous allons faire ton sac toutes les deux.

Elle me tire par la main et nous montons en direction de ma chambre. Dès que nous entrons à l'intérieur de celle-ci, Rachelle se précipite vers mon dressing, tel un pirate venant de trouver un coffre au trésor.

Elle ouvre mon armoire et se met à farfouiller entre mes vêtements, comme si elle cherchait la perle rare parmi eux. Moi, je reste assise sur mon lit, attendant qu'elle me propose quelques vêtements.

En attendant de voir le premier habit, je me noie dans mes pensées.
Je me demande bien qu'est-ce qui va arriver entre Alphonse et moi durant ce petit séjour. Certes, nous ne ferons qu'un seul jour là bas, mais il ne suffit que d'une minute pour commettre la plus grande erreur de sa vie. Alors, combien de gaffes pourrions-nous commettre en vingt-quatre heures ?

J'ai tellement peur. Le pire serait qu'Adrien l'apprenne. Comment réagirait-il ? Mal, je suppose. Il est sûr que, quel que soit ce que j'avancerais pour le raisonner, le peu de confiance qu'il a en moi disparaîtrait. Il est donc impossible pour moi de lui informer de ce petit déplacement.

Après tout, il n'est pas nécessaire qu'il soit au courant, d'autant plus que nous n'y mettrons pas du temps. Il ne s'en appercevera même pas, c'est clair.

Et, de mon côté, je pourrais prendre ce séjour pour un défi. Je ferai tout pour résister à cette tentation qui semble éternelle. Quels que seront les événements qui s'y dérouleront, je dois rester forte, me prouver à moi-même que je suis capable de me faire valoir. Fini la Dayana naïve et facile, toujours prête à céder au petit sourire de son patron.

Mais, il me faut accepter que ça ne me sera pas aisé de lui tenir tête, de m'imposer face à lui. Je suis tellement caduque quand je le vois, lorsqu'il prête la moindre attention sur moi. J'ai le sentiment de perdre toute force, tout équilibre dès que sa peau frôle la mienne. Quel serait donc mon réflexe s'il m'aborde, une chaleur extrêmement sexuelle l'entourant et mille flammes d'un feu ardent brûlant dans ses yeux qui me fixeraient ?

Je pourrais dire adieu à ma volonté d'être forte. Lui résister serait comme résister à une boîte de chocolats très appétissants, qui ne te demandent qu'une chose : les engloutir. Dit autrement, ce se serait utopique.

__ Dayana ! me crie ma《styliste》 pour me sauver de cette noyade dans cet océan de pensées.

__ Euh... oui... hum... Tu disais quoi déjà ?

__ À quoi tu pensais ?

__ À un truc sans importance, laisse tomber.

__ Ouais, sans importance, comme si j'étais conne. Bref, tu penses quoi de cette nuisette ?

J'observe la nuisette que Rachelle détient entre ses mains. Elle est courte et légère, de couleur rose. La mettre devant Alphonse serait lui provoquer, ce que je ne veux absolument pas.

__ Je ne peux la mettre.

__ Et pourquoi ?

__ Non mais... regarde la. Elle est courte, en lain et toute légère ; c'est impossible !

__ Et alors ? Tu la mettras au moment du coucher, Alphonse ne la verra même pas. Et s'il la voit par le simple hasard et qu'il essaie de faire quoique ce soit avec toi, tu le repousseras.

__ Non mais t'es sérieuse ?

__ Bah oui. Il va te supplier à genoux, tellement il aura envie de toi.

__ Rachelle...

__ Non, non, non et non. Je la mets juste ici, dit-elle en rangeant la petite nuisette dans mon sac.

Je la regarde finir d'arranger mon sac, déposant à l'intérieur, en plus de la petite nuisette, une robe droite verte légèrement décolletée et des talons noirs. J'ajoute quelques sous-vêtements marrons et ma trousse de maquillage.

Rachelle et moi nous jettons sur mon matelas confortable et soupirons, toutes les deux, en même temps. Nous nous regardons ensuite et rions de cette synchronisation.

Nous regardons toutes les deux le plafond, lorsque Rachelle me lance :

__ Adrien est au courant ?

Je sais pertinemment de quoi elle parle. Je reste silencieuse un instant, déçue moi-même par la réponse que je m'apprête à prononcer.

__ Non. Je ne veux pas qu'il l'apprenne.

__ Pourquoi ? T'es consciente qu'il péterait un câble s'il était mis au courant ?

__ Ça tombe bien, parce qu'il ne le saura jamais.

Elle se redresse pour s'asseoir et me regarder. Je lis sur son visage une expression qui me dit << T'es sérieuse ? >>.

Je me redresse alors à mon tour pour me mettre face à elle.

__ Tu veux quoi ? Que je lui dise tout pour qu'il ait encore moins confiance en moi ? Pour qu'il s'éloigne de moi ? Je ne peux pas, Rachelle, comprends moi.

J'arrive à voir de la déception sur son visage. Elle soupire et ajoute :

__ J'espère juste que tu ne le regretteras pas.

Je lui affiche un sourire crispé et elle m'en renvoie un autre.

Après près de trois heures de papotages, je file sous la douche, Rachelle m'attend dans le salon. Je sors de la douche et m'habille d'une robe bleue peu evasée et de ballerines noires. Je me mets un peu de mascara, de l'eyeliner et du glosh. Une fois fini, je rejoins mon invitée.

__ Alors ?

__ Trop jolie !

__ Merci.

Nous sommes interrompues par un klaxon, je suppose que c'est le chauffeur d'Alphonse.

Je regarde mon amie et expire avec pression. Je prends mon sac et sors de mon appartement, accompagnée par ma partenaire.
Le chauffeur s'empresse de prendre mon sac pour le mettre dans le coffre de la voiture, tandis que moi, j'enlace Rachelle pour lui dire au revoir.

__ Pas de bêtises, me conseille mon amie.

Je hoche simplement la tête pour approuver. Je me dirige enfin vers la voiture, le chauffeur m'ouvre la portière et j'y pénètre.

A l'intérieur, je trouve Alphonse, il me tourne le dos, les yeux fixés sur cette glace qui le sépare de l'extérieur. J'hésite un peu avant de commencer :

__ Bonjour, monsieur Alphonse.

__ Bonjour.

Et puis, plus rien. Aucun mot, ni son n'ose sortir de nos bouches. Nous restons bouches-cousues tout le long du trajet.

Dans l'avion, il ne me considère pas. Moi par contre, je ne cesse de jeter des coups d'oeil dans sa direction. C'est vraiment perturbant de voir l'homme que vous aimez ne pas prêter attention à vous, après vous avoir mise dans mille et une positions, plus excitantes les unes que les autres, deux fois presque successives.

Des fois, j'en ai assez d'espérer, mais je continue quand même à le faire.

Nous descendons de l'avion et nous dirigeons chez Erick. Lorsque nous entrons dans la villa, je suis étonnée d'y trouver un silence tellement profond, que l'on pourrait entendre une pétale de fleur atterrir sur le plancher. Pourquoi ce silence ? Où sont passées les dames de ménage ?

Alphonse demande à son chauffeur de monter nos sacs dans nos chambres respectives, et ce dernier exécute. Pourquoi c'est lui qui s'en charge ? N'y a-t-il pas de domestiques ?

J'ai besoin de réponses.

__ Mais où sont passées vos domestiques ?

__ Elles sont chez elles, avec leurs familles. Elles ne viennent ici que deux fois par semaine. Hier était leur dernier jour de celle-ci.

__ Alors, nous sommes... tout seuls ?

__ Exactement. Vous n'avez aucune raison de vous inquiéter, vingt-quatre heures passent très vite.

Suite à ses dires, Alphonse monte les marches de l'escalier, contrairement à moi, qui reste sur-place encore sous le choc.

Passer vingt-quatre heures avec Alphonse, sans quelqu'un pour nous surveiller... Quel cauchemar !
J'ai juste envie de m'enfuir, de courir le plus loin possible d'ici. Pourquoi, pourquoi ce n'est qu'à moi que ça arrive ? Suis-je aussi malchanceuse que ça ?

Et si Adrien finissait par le savoir ? Je serais mal barrée. Il se ferait encore des films qui, en vérité, sont presque vrais.

Je réalise que tout l'espoir que j'avais placé sur ses femmes si importantes, vient de s'en aller à vau-l'eau.
Nous sommes seuls. Personne ne pourra nous empêcher de commettre des erreurs, seules nos consciences devront agir. Y arriveront-elles ?

Je prie pour qu'aucun de nous ne touche à l'alcool. Au cas contraire, je ne suis pas certaine d'être capable de gagner contre cette menace.
Même si mon esprit et une partie de mon coeur le voudraient, je ne pourrais point cacher mes sentiments.

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