[ Dans la peau de Dayana ]

Je suis au bureau. Presqu'un mois s'est écoulé depuis ma << dispute >> avec Adrien. On se parle tous les jours, au boulot comme par messages. Mais, jusqu'à présent, il m'est difficile de dire que ses doutes se sont dissipés. Je fais tout pour que l'on se rapproche de plus belle.

Et du côté d'Alphonse, il n'y a aucune nouveauté pour le moment. Erick est toujours dans le coma et Marie est restée à Los Angeles pour veiller sur lui.

Alphonse attend le réveil de son père avant de prendre une quelconque décision au sujet de Nathalie. Il ne l'a jamais rencontrée, pas parce qu'il ne sait pas où elle se trouve - Alphonse sait exactement où trouver Nathalie - mais plutôt parce qu'il ne veut pas brusquer les plans d'Erick, de peur de faire une bêtise.

Depuis son retour, Alphonse travaille énormément. Il enchaîne réunion sur réunion. Il pleut des appels de partout. Tout le monde demande des nouvelles d'Erick. Nous l'aimons tous beaucoup.

Alphonse a changé. Il est... plus doux avec ses travailleurs. Je ne dirais pas qu'il est devenu sympathique avec nous, mais plutôt qu'il est moins dur.
J'ignore si c'est juste parce qu'il est déjà assez angoissé dans sa vie personnelle et qu'il se récuse de l'être dans celle professionnelle, ou s'il a tout simplement arbitré de changer, bien que ce ne soit que légèrement. Mais quelle que soit la raison de son changement, il me fait plaisir. Et, je dois l'avouer, cela me séduit encore plus.

Bien qu'ils me fatiguent, mes sentiments pour Alphonse sont encore présents ; ils ne veulent pas s'en aller. J'ai la sensation que mon coeur se divise en deux parties : celle d'Adrien et celle d'Alphonse. Certes, ce que je ressens pour Adrien n'est pas concret, mais je sens que ça commence à l'être.

Présentement, je travaille sur mon ordinateur. J'ordonne l'emploi du temps d'Alphonse. Entre les réunions, les rendez-vous avec certains auteurs et le voyage que nous devrons effectuer bientôt, l'agenda d'Alphonse est très chargé. Le pauvre, il me fait pitié. Tout ce travail à gérer est un tas de stress qui s'ajoute. Malheureusement, je ne peux rien faire de plus, si ce n'est qu'organiser son temps et l'écouter en cas de besoin.

Je soupire longuement et laisse mes doigts se reposer un peu en m'adossant un moment sur ma chaise.

Lorsque je souhaite reprendre mon travail, mon attention est captée par l'arrivée d'une jeune femme. Elle est blonde avec des yeux d'un bleu glacé. Elle porte une robe blanche légèrement évasée, avec des sandales à talons noires. Elle est très belle.

La jeune femme s'avance, d'un pas déterminé, vers moi. En fait, non, elle ne s'avance pas vers moi. Elle se contente de passer devant mon bureau, pour se diriger ensuite vers celui d'Alphonse.

Je ne peux pas la regarder faire sans agir. Alors, je me lève de ma chaise et la suis. Arrivée à ses côtés, je la retiens par le bras et elle se retourne vers moi.

__ Je suis vraiment désolée, madame, mais vous ne pouvez pas entrer ainsi.

__ Et puis-je savoir pourquoi ?

__ C'est un établissement privé, madame. Attendez au moins qu...

__ Et bla bla bla, m'interrompt-elle en faisant une grimace. Je me contrefiche de ton avis, pétasse.

Reste zen Dayana, elle n'en vaut pas la peine, me répète ma conscience.

__ Alors, retourne à tes dossiers avant que je te fasse déguerpir d'ici, continue-t-elle.

Elle retire son bras de ma main avec colère et poursuit sa route. Elle hâte ses pas et moi, je la suis toujours.

__ Madame ! Madame ! je lui crie pour l'arrêter, mais en vain.

Elle entre dans le bureau d'Alphonse, avec rage et sans frapper, comme si elle avait des comptes à régler avec lui. J'entre également dans le bureau. Alphonse est en plein rendez-vous avec une auteure; notre scène le dérange, et pas qu'un peu, c'est sûr.

__ Hum... Je suis vraiment désolée, monsieur. J'ai essayé de l'en empêcher, tenté-je de me justifier, mais cette dame n'a p...

__ Non mais tu vas la fermer, oui ?! me trouble la femme hautaine.
Il est obligé de me recevoir.

Elle fixe Alphonse.

Alphonse ne prononce aucun mot et regarde cette femme avec un regard à la fois interrogateur et colérique; il n'est pas content. Il me regarde ensuite avec un regard plus calme. Il soupire, puis tourne ses yeux vers l'auteure, se lève, boutonne sa veste et lui dit, avec un petit sourire :

__ Navré que notre rendez-vous soit ainsi gâché, Live. Si cela ne vous dérange pas, ma secrétaire nous choisira un jour pour qu'on en ait un autre.

__ Pas de soucis, répond Live.

__ Génial. Dayana, chargez-vous de Live, s'il vous plaît.

__ Bien sûr, monsieur.

Je sors du bureau accompagnée de Live. Je me demande bien qui est cette satanée bonne femme et quel est son problème avec Alphonse.

[ Dans la peau d'Alphonse ]

Je suis toujours debout dans mon bureau et cette femme est toujours en face de moi.

Son visage me paraît familier, mais sa personne m'est encore inconnue.
Je l'observe tandis qu'elle, elle me scrute de haut en bas, comme si elle souhaitait mémoriser chaque partie visible de mon corps. Où ai-je donc déjà croisé ce visage ?

__ Alors comme ça, c'est toi, Alphonse Bowns ? T'es encore plus beau que je ne le pensais.

__ Merci, mais ce compliment me procurerait plus de plaisir si je connaissais son auteur.

__ Oh, mais tu me connais, crois moi. C'est juste que tu n'as jamais encore eu l'occasion de me rencontrer.

__ Ah oui ?

__ Oui.

Je l'observe un peu plus, avec un air intrigué, essayant de me rappeler d'elle.

__ Allons, Alphonse, reprend-t-elle remarquant mon expression, ne me dis pas que tu ne me reconnais pas ? Ou... on ne t'aurait pas parlé de moi ? Mmmh... non, pas possible, ça m'étonnerait.

Un flash me vient soudainement en tête. J'ouvre grand mes yeux.
Comment n'ai-je pas pu la reconnaître plus tôt ?

C'est elle. Bien sûr que c'est elle. Mais que vient-elle faire ici ?

__ Aaah, ça y'est, tu te souviens enfin de moi. T'en as mis du temps, dis donc.

__ Que viens-tu faire ici ?

__ Comment ça, qu'est ce que je viens faire ici ? Je suis dans la société de ma famille, de notre famille.

__ Désolé, mais je crains que toi et moi ne soyons pas parentés.

__ Bien sûr que si et tu le sais.
Ouvre les yeux, Alphonse, et acceptes la réalité que tu vois ! Je suis ta soeur, la bâtarde que notre père a abandonnée toute petite, pour ensuite la baiser plus grande !

__ T'es vraiment immorale.

Elle rigole à gorge déployée. Mais quelle folle, celle-là !

Son rire se stoppe, et elle s'asseoit sur l'une des chaises en face de moi.

__ Bien que tu sois très amusant, je préférerais que l'on parle de choses plus importantes.

__ Je n'ai rien à te dire, alors, va-t-en.

__ Je ne m'en irai pas tant que je n'aurai pas discuté avec toi.

__ Et à quel sujet ?

__ Au sujet de Bowns Édition.

__ Que veux-tu ?

__ Je veux que me tu me donnes 50% de tes parts.

__ Il en est hors de question.

__ Mais je suis ta soeur, tout comme Marie. La seule différence c'est qu'elle préfère dessiner de vêtements pour des filles sans chaire, tandis que moi... Moi, mon frère, je veux suivre les traces notre papounet.

__ Jusqu'à preuve du contraire, pour moi, tu n'es qu'une étrangère.

__ Très bien, c'est comme tu voudras. Je ne conpte pas me battre pour ce qui m'appartient déjà. Je vais donc te donner la chance de découvrir tes erreurs, pour ensuite les réparer, tout seul. Faisons un test ADN. S'il est positif, tu me donneras les 50% de tes parts.

__ Et s'il ne l'est pas, tu sortiras de nos vies à tout jamais.

Elle affiche un sourire narquois; cette femme a l'air très dangereuse.
Elle se lève de sa chaise, me tend ce qui semble être une carte de visite, et dit :

__ Appelle-moi lorsque tu seras prêt pour le test.

__ C'est d'accord.

Je récupère sa carte.

Je l'accompagne jusqu'à la porte de mon bureau. Et, juste avant de s'en aller, elle continue :

__ Ne tarde pas trop, surtout.

Puis elle s'en va.

Je referme la porte derrière elle.

Je me sens mal, je stresse. Cette rencontre avec Nathalie se montre être le début d'une multitude de problèmes.

[ Dans la peau de Dayana ]

Je viens de finir d'arranger la prochaine rencontre entre Alphonse et Live. Je reste assise sur ma chaise, essayant de travailler, mais en vain. Je n'arrête pas de penser à ce qui se passe à l'intérieur du bureau d'Alphonse.

Qui est cette femme ? Est-ce que Alphonse la connaît ? Je doute que la réponse de cette dernière question soit positive, à moins que... Serait-elle une de ses anciennes conquêtes ?
Je me remplis de rage rien qu'en envisageant les mains d'Alphonse caresser le corps de cette dévergondée.

Mes pensées sont interrompues lorsque la blonde sort du bureau d'Alphonse accompagnée par celui-ci. Alphonse referme la porte derrière elle, et elle s'en va. Je la regarde s'en aller pendant un petit moment, puis je reprends mon travail.

Trois heures plus tard.
C'est l'heure de la pause. J'ai proposé à Rachelle de déjeuner avec moi aujourd'hui, j'ai tellement de choses à lui raconter. J'étais réellement perturbée ces jours-ci, et je le suis toujours. J'ai de nombreuses histoires dans ma tête, toutes autant, voire plus, importantes que les autres. Du coup, je n'ai pas vraiment eu le temps de toutes les conter à Rachelle. Mais, je compte bien le faire aujourd'hui.

Actuellement, je suis avec Rachelle dans notre café habituel, celui qui est non loin de l'entreprise.

__ Alors dis-moi, Dayana, comment vas-tu ? Ça fait très longtemps que l'on n'a pas bavardé toutes les deux.

__ Oui, je sais. Ne t'inquiète pas, je vais bien. C'est juste que ces derniers moments, j'ai... quelques problèmes en tête.

__ Ah oui ? Raconte.

__ Eh bien...

C'est à cet instant que je commence à tout lui expliquer. Je commence par l'histoire de Nathalie et de sa liaison avec Erick. Ensuite, je lui raconte l'autre nuit ou plutôt l'autre << erreur >> que j'ai commise avec Alphonse ; elle était déjà au courant de notre toute première fois.

Au cours de tout mon récit, Rachelle a soit les yeux grands ouverts, soit la main posée sur sa bouche, grande ouverte également. Elle n'arrive à croire à aucun des mots qui sortent de ma bouche. Mais, malheureusement pour toutes les deux, tout est bien vrai.

__ C'est incroyable. Et depuis quand Alphonse est aussi proche de toi ?

__ Je n'en ai aucune idée. Je suis aussi surprise que toi de tout ce qui se passe dans ma vie en ce moment.

__ Bah dis donc, tu en vis des choses. Mais où en es-tu avec tes sentiments pour Adrien ?

__ Je commence à m'attacher à lui, mais... je suis toujours un peu perdue sur ce sujet.

__ Ouais, je vois.

Nous continuons à papoter un moment, puis je commande un bon café à emporter pour Alphonse.
Depuis la visite de cette inconnue, Alphonse n'est pas sorti de son bureau. Il ne s'est même pas rassuré du fait que j'aie organisé son prochain rendez-vous avec Live - ce qu'il aurait fait normalement - et ça m'inquiète.

Lorsque Rachelle et moi arrivons dans nos locaux, nous nous séparons, chacune va de son côté. Pour ma peine, je monte directement voir Alphonse, il faut que je sache comment il va.

J'arrive devant son bureau et toque. J'entends un << Entrez ! >> et j'entre doucement.

Ce que je vois m'attriste. Alphonse a les yeux fermés et les doigts d'une de ses mains les frottent. On a l'impression qu'il réfléchit, mais je pense plutôt qu'il est dépassé.

__ Euh... Je vous ai apporté du café, monsieur Alphonse.

Il ouvre ses yeux pour me regarder et répond :

__ D'accord, posez-le sur la table.

J'exécute et lui, il reprend sa position. Apparemment, ce n'est pas le bon moment. Je commence à tourner les talons, mais Alphonse me coupe dans mon action.

__ Dayana.

__ Oui, monsieur.

__ J'ai besoin de rassembler tous les papiers importants de l'entreprise. Et pour ce fait, j'aurai besoin de vous.

__ Bien sûr, que puis-je faire pour vous ?

__ Vous allez devoir m'aider à tous les retrouver. Mon père les garde dans sa villa à Miami, vous allez m'y accompagner. Cela vous convient-il ?

__ Hum... Oui.

__ Bien, nous partirons samedi. Mon chauffeur passera vous prendre à 13h.

__ D'accord monsieur.

Je me retourne pour m'en aller et, arrivée à la porte, je m'arrête et ajoute :

__ Ah, avant que vous ne me le demandiez, votre prochaine rencontre avec Live est prévue pour le mercredi prochain.

__ Ok.

Je sors enfin.

Pourquoi Alphonse cherche-t-il à regrouper tous ces dossiers ? Je ne dis pas que c'est une mauvaise idée, mais je me demande juste quelle est sa motivation.

Est-ce à cause de la visite de cette femme ? D'abord, qui est-elle ? Que voulait-elle à Alphonse ? Et pourquoi sa visite a autant l'air de le perturber ?

Je ne comprends plus rien, je suis totalement perdue.

Ce qui est sûr, c'est que l'avènement de cette femme dans nos vies, sera la cause d'une filiation de problèmes.