Saison de vengeance

Si ceux qui écrivent bien sont tous les mêmes
Que faire des lettres que je veux tant ?
Si c'est un illettré qui m'aime
Me contenterai-je de papier blanc ?

Et ma fin heureuse, mes enfants
Les aurais-je même un jour ?
Tomberai-je un jour sur quelqu'un différent ?
Ou serai-je leur proie pour toujours ?

05 mai

Vous êtes convié(e)(s) à notre cérémonie de mariage le 01 juin.
Venez seul(e) ou en couple, avec votre/s enfant(s).
Merci de confirmer votre présence au plus vite !

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Mes doigts tremblent. Mon cœur rate un battement. La lettre glisse entre mes doigts et moi sur le sol.

Il l'a fait exprès. Il veut me briser jusqu'à la fin. Pas besoin de lire plus pour savoir... il va bien se marier, comme il l'avait dit.

Je n'étais rien à ses yeux. Un jouet.

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05 mai

Cher futur marié,

Autrefois (quelques jours auparavant) j'espérais être la femme de votre vie... Je me leurrais. Et j'en suis fort heureuse.

Je suppose qu'il est de votre initiative de m'inviter à ce mariage pour m'humilier. Mais que dirait votre fiancée si elle savait que vous l'avez trompée avec moi pendant tout ce temps ?

Je n'ai jamais aimé m'immiscer dans les relations. Mais je n'ai pas digéré d'avoir été glissée dans la vôtre sans même savoir qu'elle n'était pas la mienne.

Je viendrai. Je l'affronterai. Toi, pas elle d'ailleurs. Je ne veux pas votre perte je veux uniquement la tienne.

Celle que n'atteint pas ta colère

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29 mai

Tu te maries demain.

Je n'en reviens pas d'avoir été aussi aveugle deux fois d'affilée.

Je dois ne tomber que sur des poètes prétentieux.

Je voulais juste croire. Pouvoir avoir confiance. Je ne sais plus quoi faire. Croirais-je à nouveau en l'amour ? Un jour ?

En quelqu'un oui assurément. Mais qui ?

J'ai peur.

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Moi qui aime tant écrire ne sais-je donc pas lire ? Car ce n'est pas mon dernier partenaire qui se tient devant l'église mais mon premier amour. La personne qui a détruit ma vie. Pendant six années. Un manipulateur mesquin et dangereux, toxique et terrifiant.

Un sourire narquois au coin des lèvres, il s'approche.

"N'es-tu donc pas venue avec ton petit copain ? J'avais pourtant marqué noir sur blanc de...

- Quel copain ?

- Celui de ta lettre.

- Quelle let- tu l'as reçue ?

- J'ai fait renvoyer le courrier chez nous. Tu as failli empêcher mon mariage... Elle n'a pas lu ton ramassis d'idioteries ne t'inquiètes pas."

Il sait. Comment lui dire à présent le cœur du quiproquo ? Nul besoin. Il me faut aller droit au but et oublier la préparation erronée.

"Écoute, continue-t-il, honnêtement voilà c'est fini je t'ai pardonné à présent. Tu peux aller en paix je ne te retiens pas."

C'en est trop.

"TU m'as pardonné ?! Qui était la personne toxique dans cette relation, qui m'a manipulée et fait chuter tout du long ?"

Il ne dit rien car la mariée, sourire enjouée mais forcé, s'avance à présent. Je continue.

"Je veux une revanche. L'été approche. C'est la saison des vengeances. Le meilleur moment pour reprendre tout ce que tu m'as volé ? Veux-tu une liste ?

- Je ne pense pas que ce soit...

- Ma santé mentale.
Ma virginité.
Mon corps.
Mon argent.
De nombreuses nuits de sommeil.
Divers objets précieux dans ma voiture.
Des opportunités de job gâchées par le stress.
Mon affection.
Ma confiance.
Mon droit d'être aimée.
Ma santé tout court.
Et surtout, six années de ma vie !
Six putain d'années pour marier une fille que tu connais depuis un an parce que tu m'as trompée avec et que cette pauvre conne ne le sait même pas !"

J'aurais aimé frapper la première mais elle avait visiblement aussi des comptes à régler. Elle a arraché son voile et l'a giflé avec beaucoup de violence.

Je suis la deuxième à me prendre une gifle. Moins forte. Pour l'insulte. Elle tourne son visage préparé et brillant, mascara coulant de ses yeux vers lui :

"J'aurais dû m'en douter... Je te quitte."

Et moi, c'est ton poison encore présent dans mes veines et ma culpabilité ironique face à ton esprit tranquille que je quitte.

À présent je sais. Croire oui, en un dieu en un homme en l'humanité. Croire en soi aussi. Qu'importe quoi tant que l'on peut croire.

Car la confiance est l'instinct de survie le plus primitif et la défense encore plus. Mais qu'elle est aussi terriblement humaine, fragile, délicieuse et magnifique.

Je crois. Je ne sais en quoi mais je crois. En l'avenir ? En la vie.

Je virevolte,
En prose en vers, et,
Je n'ai besoin de toi
Pour écrite sans rimes,
Et ton visage ne m'inspire, que crainte et dégoût...

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