Epilogue
Hellooo!
Et voilà l'épilogue, j'espère qu'il vous apportera une conclusion satisfaisante !
Merci à tout ceux qui m'ont suivie, ont commenté, ont voté ou tout simplement qui sont passés lire, j'espère que cette mini-fanfiction vous aura plu!
A bientôt sûrement pour d'autres posts ! ;)
Reyna inspira profondément.
- Tu peux le faire, chuchota-t-elle à son reflet.
Le miroir en face d'elle lui renvoya l'image d'une jeune femme au visage pâle d'anxiété. Ses cheveux étaient tressés depuis le haut de son crâne, son front dégagé, aucune mèche ne venait affleurer sur ses joues. Elle avait passé sa soirée la veille à récurer son armure et aujourd'hui, elle était plus rutilante que jamais. Les attaches étaient parfaitement fixées et sa cape pourpre de préteur reposait impérialement sur ses épaules. Ses sandales montantes étaient lacées sous son genou et dépourvues de poussière. Sa main ornée de sa bague agrippait son épée en or à la taille. Ses autres poignards, l'un en argent, l'autre en or, étaient accrochés de l'autre côté de l'épée. Elle avait remplacé celui qu'elle avait donné à Zach, quatre ans plus tôt.
Zach. Depuis combien de temps ne l'avait-elle pas revu ? Leurs retrouvailles s'étaient espacées au fil des années. Ses études lui prenaient beaucoup de temps et elle, avait un camp à gérer, des batailles à mener. De plus, elle mettait sa vie et celle de Zach en danger à chaque fois qu'elle sortait dans la ville. Les messages-Iris étaient restés une bonne alternative, mais les quelques minutes ne suffisaient jamais.
Zach lui manquait. Elle ne regrettait pas la décision qu'elle avait prise sur ce ponton il de çà quatre ans. C'était pour le mieux. Jamais ils n'auraient pu prendre cette voie et se demander quand ils pourraient se voir sans risquer leur vie. Mais l'attente avait été longue, très longue.
Elle se demandait comment il allait, comment se déroulaient ses études, sa vie. Mais elle avait peur qu'il soit passé à autre chose, pire, qu'il l'ait oubliée.
Quatre ans, c'était long.
- Reyna ?
Elle se retourna. À l'entrée, se tenait Frank, la même cape de préteur qu'elle sur ses épaules.
- C'est l'heure, tout le monde t'attend.
Reyna hocha la tête, jeta un dernier regard à son reflet et suivit son homologue. Aurum et Argentum sortirent juste derrière elle.
Tous les légionnaires étaient rassemblés dans la grande cour, devant la Principia. Silencieux, ils l'observaient. Reyna remarqua qu'ils avaient enfilé leur armure, l'arme à la hanche, le casque sur la tête.
Frank et elle s'avancèrent vers eux et ils s'écartèrent pour former une allée. Chacun sortit l'épée du fourreau et la tendit devant.
Au bout, se tenait Cassandre, l'augure du camp depuis la fin de la guerre contre les Géants. Elle était vêtue de la toge jaune due à sa fonction. Le tissu était rabattu sur ses cheveux frisés et blonds et Reyna pouvait voir le doux sourire qu'elle affichait. Elle se souvint de la jeune fille de douze ans qui s'était trop approchée des canons à eau, quatre ans auparavant. C'était Reyna qui l'avait officiellement nommée augure de Rome juste après le décès d'Octave.
Et aujourd'hui, elles étaient là, quatre ans plus tard. Cassandre avait le même âge que Reyna lorsqu'elle l'avait choisie comme augure, et elle s'apprêtait désormais à la destituer de ses fonctions. Frank alla se placer aux côtés de la prophétesse tandis que Reyna posait un genou à terre, ses chiens venant s'asseoir à la droite de l'augure. Elle sentit derrière elle les légionnaires former les rangs, solennels.
- Reyna, fille de Bellone, préteur de Rome, clama Cassandre d'une voix forte, relève-toi.
Reyna obéit et attendit la suite.
- Tu as servi le camp Jupiter fidèlement pendant tes dix années de service. Héros de l'Olympe, tu as assuré la gloire de Rome et apporté la paix entre les demi-dieux grecs et romains. En ce jour, tu as une décision importante à prendre. Que choisis-tu ? Souhaites-tu continuer à veiller sur notre camp ou rejoindre la Nouvelle Rome, où nombre de héros t'attendent ?
C'était une question purement formelle. Sa présence ici dans cette cérémonie indiquait que son choix était déjà fait. Mais chaque demi-dieu passait par ici et cette fois, c'était le tour de Reyna.
Elle inspira profondément, leva le menton et déclara :
- J'ai choisi la Nouvelle Rome. J'étudierai à l'université et trouverai le repos dans la ville.
D'une voix unanime, les légionnaires exprimèrent leur joie. Peu de demi-dieux choisissaient de continuer leur service après leurs dix années, la grande majorité se destinait à une vie normale bien méritée. C'était le rêve de chacun d'entre eux et voir l'un des leurs l'accomplir était une fierté. Mais Reyna savait également que ce sentiment s'accompagnait d'une certaine tristesse de voir partir un membre de la famille.
Cassandre ramena le silence d'un ample mouvement de bras et Reyna admira son autorité à la fois ferme et assurée. Si elle n'avait pas été augure, elle aurait fait une bonne préteur. Mais jamais Reyna n'aurait laissé un augure au pouvoir. Pas seulement parce que le dernier en date -Octave- avait cumulé les erreurs, mais aussi parce qu'il était nécessaire de séparer la religion de la politique.
- Il y a de çà six ans, reprit Cassandre, tu as rejoint la liste des préteurs romains et contribué à la renommée du camp, et aujourd'hui, il est temps pour toi de passer la main.
Reyna espérait depuis longtemps rejoindre la ville et vivre normalement. Mais il fallait avouer que son cœur se brisait à l'idée de quitter ce camp qui l'avait accueillie pendant ces dix dernières années. Elle avait mené ses légionnaires à la bataille, avait pris soin d'eux, en avait perdu, des fois trop, en avait retrouvés, blessés, bouleversés, mais vivants. Ils n'étaient pas juste des adolescents envers qui elle avait des responsabilités, ils étaient sa famille. Une famille imparfaite, avec des défauts, mais une famille unie. Il était parfois difficile de faire confiance à son successeur lorsqu'on avait passé des années à protéger le camp.
Elle songea à Gwen, passée par cette cérémonie et partie à la Nouvelle Rome il y a plus de quatre ans, à Dakota qui avait rejoint les bancs de l'université l'année précédente. Sans compter Annabeth et Percy qui avaient admis s'y plaire énormément.
Et puis, la Nouvelle Rome n'était pas loin et même si elle ne faisait plus partie du camp, elle pourrait toujours s'y rendre autant que possible. Elle savait qu'elle serait accueillie à bras ouverts, comme le jour de son arrivée. Après tout, ce n'était qu'un au revoir.
Cassandre demanda :
- As-tu pensé au prochain nom qui prendra ta place et perpétuera notre gloire ?
Encore une fois, question formelle. Le prochain préteur connaissait la nouvelle, ainsi que Cassandre et Frank. Reyna avait eu besoin de l'accord des trois pour proposer le nom devant les autres légionnaires. Si le successeur avait paru surpris au début, il avait accepté la charge avec honneur et fierté. Cassandre et Frank, eux, avaient approuvé la décision sans le moindre étonnement. Les légionnaires pouvaient montrer également leur assentiment ou leur désaccord, dans le second cas, une nouvelle élection pouvait être mise en place.
Reyna se tourna face aux cinq cohortes. C'était la dernière fois qu'elle se tenait ici, face à eux, à donner un ordre. Un dernier choix pour une dernière responsabilité. Elle croisa le regard de ses amis qu'elle avait côtoyés pendant des années. C'était le cas de Bobby et de Hank. Et puis il y avait Julia qui avait fini par rejoindre le camp un an plus tôt. Elle avait été déclarée comme descendante de Mercure, et ça n'avait étonné personne étant donné sa malice. Reyna ne put s'empêcher de sourire en remarquant qu'elle flottait dans son armure. Mais elle semblait très fière de la porter malgré son sourire triste qui tremblotait sur le visage.
Elle parcourut les rangs du regard, le cœur battant. Elle savait que son choix était le bon. Elle n'avait pas à s'en faire pour le futur du camp. Et puis Frank était là, et Reyna lui faisait une confiance aveugle. Tout allait bien se passer.
- Andrea, fille de Victoria, déesse de la Victoire, approche.
Il y eut des murmures d'excitation dans les rangs et une jeune fille de quinze ans s'avança, le visage haut. Ses yeux marron brillaient d'anxiété mais aussi de détermination, ce que Reyna apprécia. Elle n'aurait pas choisi en premier lieu une fille de Victoria, mais Andrea réussissait à tourner sa volonté de tout gagner en une stratégie efficace. En batailles, cette faculté lui serait utile. De plus, l'entente entre Frank et elle aurait le mérite d'être bénéfique pour le camp.
Andrea retira son casque, libérant des cheveux blond-roux ébouriffés. Puis, elle posa un genou à terre, attendant l'ordre de Reyna de se relever. Une fois que cela fut fait, elle coinça son casque sous le bras et attendit. Reyna reprit la parole :
- Tu as prouvé ta valeur de nombreuses fois ainsi que ton attachement et ton respect envers ce camp. Tu connais les ressorts et les devoirs qui incombent au rôle de préteur. T'engages-tu à cette responsabilité ?
Andrea prit une profonde inspiration, planta son regard chocolat dans celui sombre de Reyna et dit :
- Je m'y engage.
Les légionnaires poussèrent une clameur de joie. Reyna leva le bras et le silence revint.
- T'engages-tu à faire passer l'armée avant ta propre personne, à travailler main dans la main avec ton homologue préteur, à écouter ton augure ?
- Je m'y engage.
- Et t'engages-tu à respecter les droits de chaque légionnaire, à exercer de manière juste et loyale et ce, jusqu'à ce que tu décides de déléguer ton pouvoir ?
- Je m'y engage.
Et voilà. Le moment était finalement arrivé. Le silence de la cour était solennel, un mélange de joie pour la nomination d'Andrea, mais aussi de peine pour le départ de Reyna. Elle était la préteur qui les avait menés à la bataille contre les Titans, puis contre les Géants cette fois seule, elle était celle qui avait uni les Grecs et les Romains, qui avait bravé l'interdiction de Rome d'aller dans la Mare Nostrum, et cela, pour le bien des camps des demi-dieux et au risque d'être destituée et exilée. Elle avait convaincu le Sénat d'aider les Grecs afin de combattre les Empereurs romains et de rétablir le fonctionnement des prophéties. Mais elle s'était également dévouée au camp, à ses légionnaires peu importe leurs origines, leur parent divin. Elle avait été le préteur qui apporta la gloire à Rome.
Les mains de Reyna allèrent se poser sur les attaches de sa cape pourpre qu'elle décrocha. À l'instant où elle l'ôta, le poids des responsabilités sembla s'envoler. Elle la tendit devant elle, l'admira une dernière fois avec émotion, puis d'un grand mouvement, la déposa sur les épaules d'Andrea.
- Par les pouvoirs qui me sont conférés, je te nomme, Andrea fille de Victoria déesse de la Victoire, préteur de Rome. Senatus Populusque Romanus !
- Senatus Populusque Romanus ! répéta d'une même voix la légion entière.
Tous portèrent le poing au torse puis le levèrent au ciel, en guise de salut. Andrea alla rejoindre les cohortes qui la félicitèrent. Reyna sentit un vide se creuser en elle. Elle avait passé la main. Elle qui avait toujours voulu redevenir le plus normal possible et avoir moins de devoirs et de responsabilités, avait l'impression d'être perdue. Elle sentit une main se poser sur son épaule. Frank la regardait avec un gentil sourire.
- Tout va bien se passer, tu verras, assura-t-il.
Elle l'observa quelques secondes. Jamais elle n'aurait pensé qu'un garçon comme lui deviendrait préteur. Et pourtant il était là, et Reyna n'aurait pu espérer meilleur collègue pour ses dernières années. Si lui avait pu s'adapter à la vie de leader après une de simple légionnaire, elle pouvait très bien faire de même en ville.
Elle hocha la tête.
- Je le sais.
Andrea revenait désormais pour saluer Cassandre puis Frank. Enfin, elle se plaça face à Reyna, le regard grave et dit :
- Merci pour tout Reyna. Ton nom ne sera jamais oublié et j'emprunterai tes pas pour mener à bien ma mission.
Elle s'inclina profondément devant une Reyna troublée et touchée par sa successeuse.
- Après que tu m'aies parlé de ta décision, reprit Andrea, je me suis entretenue avec le préteur Frank Zhang et nous avons convenu que tu méritais que nous t'offrions plus que notre respect éternel.
Reyna haussa un sourcil. Elle se tourna vers Frank, demandant silencieusement des explications.
- Personne n'a oublié ce qui s'est passé quatre auparavant, dit-il, et toi non plus. Quatre ans, c'est long ...
- ... mais pas quand on sait attendre, coupa une voix dans son dos.
Reyna se figea. Elle la connaissait. Le cœur battant, n'osant y croire, elle se retourna lentement.
Il se tenait là, vêtu d'un jean et d'un T-shirt noir, les cheveux bruns ébouriffés, les yeux bleus pétillants. Il avait à peine changé, juste grandi depuis la dernière fois.
Zach sourit.
- Je t'avais dit que je t'attendrai, non ?
***
- Tu te rappelles de l'offre que j'ai vue sur l'appartement ?
Helen se frotta les mains dans un torchon et regarda son fils.
- Elle a disparu, continua Zach en continuant de nettoyer sa vaisselle. Quelqu'un a dû arriver avant moi.
Helen soupira.
- Mais tu es sûr de vouloir partir ? demanda-t-elle pour la vingtième fois. L'appartement est assez grand pour nous deux tu sais, et puis un déménagement, c'est long ...
- Maman, on en a déjà parlé, mon stage est à l'autre bout de San Francisco ... Je n'ai aucune envie de passer plusieurs heures de trajet matin et soir dans les transports et pendant neuf mois.
Sa mère roula des yeux.
- Ok, laisse-moi reformuler ma pensée : faut-il vraiment que tu me laisses seule dans cet appartement ?
Zach redressa la tête. Il s'en voulu aussitôt de ne penser qu'à lui. Sa mère et lui avaient vécu ensemble pendant tant d'années rien que tous les deux, que le voir la quitter devait sûrement lui faire mal au cœur. Il s'essuya les mains et prit sa mère dans les bras.
- Maman ..., dit-il doucement. J'ai vingt-deux ans, tu ne crois pas qu'il est temps que je parte ? Je reviendrais te voir autant que possible. Et puis tu ne seras pas seule, Mme Bolston sera toujours ravie de te prendre un après-midi entier à blablater.
Helen rit.
- Tu n'as pas tort, approuva-t-elle, un vrai moulin à paroles. Mais je t'avoue qu'elle me met la tête à l'envers avec ses histoires mythologiques !
Zach sourit faiblement. Des histoires...
Helen s'écarta de son fils et lui dit :
- Si tu tiens vraiment à ton appartement, dépêche-toi un peu de faire des recherches, ça va pas se faire tout seul !
Zach sourit et se rendit dans sa chambre. Mais il ne s'attela pas aux recherches. Les paroles de sa mère l'avaient indéniablement ramené aux événements qui s'étaient déroulés quelques années plus tôt. Quand sa vie avait véritablement basculée, quand il avait découvert un autre monde rempli de dieux, de demi-dieux et de monstres, quand il avait rencontré Reyna.
Reyna. L'avait-elle oublié ? Son cœur lui soufflait que non, mais sa raison soulignait pernicieusement qu'elle ne l'avait pas recontacté depuis plus d'un an. Il devait avouer que lui non plus n'avait pas cherché à la retrouver. Manque de temps, manque d'informations, l'impossibilité de se voir dans le monde des mortels ... Plusieurs facteurs qui faisaient qu'ils en étaient là aujourd'hui, à ne pas savoir ce qu'il advenait de l'autre.
Zach souleva son matelas et en dégagea une lame dorée : le poignard de Reyna. Il n'avait jamais eu l'occasion de l'utiliser et ne s'en plaignait pas. Il ne savait toujours pas comment se battre. En revanche, il avait des fois aperçu des créatures mythologiques. Certaines qu'il ne parvenait pas à identifier et qu'il cherchait sur internet par la suite. D'autres, qu'il avait reconnu, comme un pégase. Il avait espéré que Guido était venu le retrouver, mais ce n'était pas lui.
Il lui arrivait de croiser Mme Bolston, ce qui lui faisait toujours bizarre. Elle ne parlait jamais de demi-dieux sauf quand Zach lançait le sujet, ce qui était rare. Sa voisine avait tenté de l'inviter chez elle mais il avait décliné à chaque fois. Il ne voulait pas parler de ce monde de mythes avec elle. Cela lui rappelait trop Reyna et comment ils s'étaient perdus peu à peu de vue. Des fois, il se demandait si Aphrodite ne s'était pas plantée au niveau de leurs pétales. À plusieurs reprises, il s'était surpris à s'adresser à la déesse pour lui demander un coup de pouce. Elle l'avait bien aidé pour sa rencontre avec Reyna et pour la potion, non ? Mais il n'avait jamais reçu de réponses. Peut-être qu'il avait épuisé son quota ?
En bref, il avait repris une vie presque totalement normale. Après ses trois ans à l'université de San Francisco, il s'était vu offert une proposition de stage chez un chercheur en histoire. Comble de l'ironie, il effectuait une thèse sur les mythes anciens. Il avait hésité à rejeter la proposition mais sa mère lui avait clairement signifié qu'il n'en était pas question :
- Zach, on n'offre pas un stage comme ça, c'est ta chance ! Tu as toujours été passionné d'histoire, je ne comprends pas pourquoi tu bloques ?
Évidemment, il n'avait rien dit. Finalement, il s'était trouvé ridicule d'agir ainsi et avait accepté le stage. Il commençait dans un mois, c'est pourquoi il était en pleine recherches d'appartements dans l'ouest de San Francisco.
Il songea à l'idée de Reyna, faite quatre ans plus tôt sur ce ponton. Partager un logement à la Nouvelle Rome avec elle. Bien sûr, c'était utopique et il se demandait si ce n'était pas un peu rapide étant donné qu'ils ne sortaient même pas ensemble. De toute façon, à quoi bon ? Peut-être l'avait-elle oublié, et dans ce cas là, la question était réglée : il n'était pas nécessaire de l'attendre.
Il savait que son service s'achevait cette année, mais quand exactement ?
Bordel Aphrodite, t'écoutes jamais quand on te parle ?
Toc toc toc.
Zach se redressa. Ça ne venait pas de la porte. Il tourna la tête vers sa fenêtre et crut halluciner. L'aigle de Mme Bolston (« ce n'est pas son aigle, mais celui de la légion » aurait répliqué Reyna) se tenait contre la vitre, un papier dans le bec. Il trépigna un instant d'agacement car Zach restait là à le fixer, éberlué. Finalement, il se leva et alla ouvrir la fenêtre. L'aigle glatît de mécontentement, l'air de dire : « Bon c'est pas tout ça, mais je me casse, je ne suis pas un pigeon messager moi ».
Il lâcha le bout de papier et s'envola vers l'ouest.
Zach se pencha et attrapa le mot. Dessus, n'était inscrit qu'une phrase : « Zach, si tu tiens encore à elle, viens aujourd'hui au lieu indiqué ». L'adresse disait seulement « tunnel Caldecott ». Le mot n'était pas signé, mais Zach sût tout de suite que c'était de Reyna dont il était question. Il chercha le lieu sur internet et vit que le fameux tunnel se trouvait à l'ouest de la ville. Il ne savait ce qu'il allait trouver là-bas, peut-être que c'était un piège, mais peu lui importait. Il avait enfin reçu un signe. Aphrodite ou juste le hasard, il s'en fichait, le résultat était le principal. Il adressa tout de même un remerciement à la déesse (il ne voulait pas finir foudroyé à cause de son ingratitude).
Il coinça son poignard dans sa ceinture et sortit de sa chambre. Il prévint sa mère qu'il sortait, dévala les escaliers de l'immeuble (l'ascenseur avait été réparé, mais il savait par expérience qu'il valait mieux qu'il maintienne sa forme physique) et se retrouva dehors. Il appela un taxi et en montant, lui indiqua la direction.
- Mais il n'y a rien là-bas, protesta celui-ci, vous êtes sûr que c'est là que vous voulez aller ?
Zach répondit par l'affirmative et le chauffeur démarra.
Pendant tout le trajet, il n'arrêta pas de songer à Reyna. Qui lui avait adressé le mot ? Était-elle au courant ? Si non, serait-elle heureuse de le revoir ?
Et surtout, est-ce que les choses finiraient-elle jamais par fonctionner un jour entre eux ?
Ils finirent par sortir de la ville et le chauffeur indiqua qu'ils arrivaient bientôt.
- Le tunnel que vous cherchez se trouve près des collines d'Oakland et du Mont Diablo.
Il désigna la montagne plus loin, et Zach la reconnut : c'était celle dont Reyna parlait quand elle avait dit avoir mené une bataille là-bas il y a cinq ans.
- Mais franchement, ça me gêne de vous laisser là, il y a rien ici.
- Vous en faites pas, j'attends quelqu'un, il viendra me prendre.
Le chauffeur haussa les épaules et arrêta la voiture après avoir roulé encore quelques mètres.
- Alors nous y voilà.
Zach le remercia et paya la course avant de descendre, incertain de ce qu'il devait trouver. Le taxi s'engagea dans le tunnel et Zach s'apprêtait à détourner le regard quand soudain, sa vision se brouilla. Le tunnel sembla se scinder en deux, un côté ou les voiture passaient et l'autre ... Zach cligna des yeux. Une jeune fille se tenait là, en armure et l'arme au poing. Elle semblait monter la garde. Une autre, en simple jean troué, était assise par terre, les genoux remontés contre la poitrine. Zach observa autour de lui. Aucun véhicule ne paraissait perturbé, aussi, il en déduit que la Brume devait faire son boulot. Zach marcha en direction des deux personnes. Si elles n'étaient pas des demi-déesses, il voulait bien être damné. À son approche, la fille en armure interpella son amie. Celle-ci releva la tête et son visage s'étira en un sourire mi-incertain mi-curieux. Elle se leva et attendit que Zach les rejoigne. La fille en armure avait le visage enfermé dans un casque, mais il pouvait voir ses cheveux bruns et lisses comme des baguettes s'en échapper. Ses yeux étaient légèrement bridés.
L'autre était jolie mais semblait ne pas vouloir le montrer. Elle était vêtue d'un T-shirt large et d'un jean usé. Elle portait des vieilles baskets qui indiquaient clairement « pratique » plutôt que « mode ». Ses cheveux châtains étaient coupés irrégulièrement et des petites tresses éparses retenaient une plume accrochée. Quant à ses yeux ... Zach était incapable de deviner leur couleur. Cela lui rappela Aphrodite. La fille lui sourit et prit la parole :
- C'est toi Zach ?
Il hocha la tête et demanda :
- Tu ne serais pas liée à Aphrodite toi ?
La fille éclata de rire.
- Exactement ! C'est ma mère, je m'appelle Piper. Elle m'a dit t'avoir rencontré. Désolée, ça a pas dû être ta meilleure expérience.
Zach évita d'acquiescer. Même si la fille paraissait gentille, il ne voulait pas provoquer un quelconque conflit en insultant une déesse. De ce qu'il en avait vu, Aphrodite pouvait être assez ... bipolaire.
Piper désigna sa camarade en armure.
- C'est Karmen, une fille de Cérès, elle monte la garde devant le camp Jupiter.
- Alors c'est là qu'il se trouve ? demanda Zach en tentant de voir le fin du tunnel.
Il s'était toujours demandé où il avait atterri la dernière fois. Lors de son départ, on lui avait bandé les yeux pour qu'il ne retrouve pas le lieu. « Question de sécurité » lui avait-on avoué. Autant dire que cela ne l'avait pas arrangé pour tenter de revoir Reyna.
Karmen hocha la tête avant de maugréer :
- C'est vraiment pas de chance que ça tombe sur moi à cette heure-ci le tour de garde. Je vais louper toute la cérémonie !
- Quelle cérémonie ? s'enquit Zach.
Piper mit les mains dans ses poches.
- De passage de pouvoir.
Il lui renvoya un air interrogateur.
- Reyna a terminé son service au sein du camp, expliqua Piper, et elle a décidé de rejoindre la Nouvelle Rome. Un nouveau préteur va être nommé.
Zach sentit son cœur faire un bond dans sa poitrine. Ainsi Reyna n'avait pas encore terminé ses dix années au camp. Était-ce elle qui l'avait contacté ?
Piper sembla lire dans son esprit.
- C'est moi qui t'ai écrit le mot.
- Comment ...?
Piper lui fit signe de marcher avec elle.
- Viens, je vais t'expliquer. À plus Karmen !
Celle-ci les salua et Zach emboîta le pas de Piper.
Au fur et à mesure qu'ils s'avançaient dans le tunnel, celui-ci semblait se raccourcir. Ils débouchèrent sur une grande plaine coupée par un fleuve.
- Regarde là-bas, dit Piper en désignant les collines devant elle.
Zach obéit et fixa ses yeux au loin. Au bout de quelques secondes, sa vision se brouilla à nouveau et il reconnut immédiatement les lieux.
- Le camp ..., souffla-t-il.
Il identifia les mêmes enceintes qu'il y a quatre ans, la grande porte en bois, et plus loin, dans les collines, il retrouva la ville. Rien ne semblait avoir changé en apparence.
Piper l'entraîna sur la gauche et ils longèrent le fleuve.
- On va prendre le pont mais tu auras besoin de mon accord pour passer. Les mortels ne sont pas censés pouvoir y pénétrer.
Zach hocha la tête avant de poser la question qui le titillait depuis son arrivée.
- Explique-moi alors, Reyna sait-elle que je suis là ?
Piper secoua la tête et Zach se mordit la lèvre. Il n'était donc pas assuré qu'elle sera heureuse de le revoir.
- Ma mère aimait beaucoup parler de vous deux. C'est elle qui m'a chargée de te faire passer le mot, indiquant que « c'était l'heure » de vous retrouver. D'ailleurs, elle me demande de te dire qu'il faudrait te calmer au niveau des prières, ce n'est pas une machine à vœux.
Piper éclata de rire, comme si elle trouvait l'idée drôle.
- Mais ne t'en fais pas pour ça, elle s'indigne beaucoup, mais c'est tout. Attends, je dois donner mon accord.
Zach n'écoutait qu'à moitié. Quelque chose le tracassait. Et si Reyna ne voulait plus le revoir ?
Piper s'éclaircit la gorge et dit, tout en se positionnant devant le pont de pierre :
- Moi, Piper McLean, fille d'Aphrodite, autorise Zach Turner, mortel, à pénétrer dans l'enceinte du camp Jupiter.
Zach ne sentit rien. Le regard confiant de Piper lui indiquait que cela avait fonctionné, aussi il traversa le pont sans rencontrer de résistance.
Il exposa sa préoccupation à la jeune fille qui lui renvoya un sourire indulgent.
- Ne t'en fais pas pour ça, quand ma mère décide que deux personnes doivent finir ensemble, elle ne plaisante pas.
- Mais elle ne contrôle pas les sentiments de Reyna !
- Bien sûr que non ! Mais je connais Reyna, c'est moi qui lui ai assuré que malgré les paroles de ma mère, il n'y avait pas que les demi-dieux, mais aussi les mortels.
Elle lui fit un sourire éblouissant avant de continuer :
- Et comme je te le disais, je la connais, nous parlons souvent quand je suis en visite au camp Jupiter. Tu n'imagines pas combien de fois ton nom était cité dans les conversations, combien elle admirait ton courage alors que tu n'as jamais reçu aucun entraînement pour demi-dieux, ton dévouement envers ta mère, combien tu lui manquais et qu'elle regrettait ne pas pouvoir te voir plus souvent.
Zach ne put s'empêcher de sourire. Elle ne l'avait donc pas oublié, même après quatre ans. Alors il se mit à espérer. Peut-être qu'Aphrodite avait raison et que leur destin était lié depuis le moment où ils s'étaient rencontrés.
- Viens, l'entraîna Piper, la cérémonie est bientôt terminée, nous lui avons préparé la surprise.
Zach sentit son estomac faire des nœuds quand Piper l'arrêta à l'entrée du camp. En face, il reconnut la Principia, l'infirmerie sur la gauche et les dortoirs de la cinquième cohorte à droite. Dans la continuité de la Principia se tenait la douzième Légion félicitant une jeune fille vêtue d'une cape pourpre. Mais ce n'était pas Reyna.
- C'est Andrea, la nouvelle Préteur, l'informa Piper, une fille de Victoria ou Niké, c'est comme tu veux l'appeler. Reyna est là.
Elle désigna un trio qui observait les réjouissances, dos à eux. Mais Zach les avait déjà remarqués.
- À droite c'est Cassandre, l'augure, et à gauche c'est l'autre préteur Frank.
Zach n'écoutait pas. Il avait les yeux fixés sur Reyna. Elle portait la même armure qu'il y a quatre ans, une épée à la taille accompagnée de deux poignards, un en or, un autre en argent.
Ses cheveux noirs, coiffés en tresse à partir du haut du crâne, avait poussé et lui arrivaient maintenant au milieu du dos. Zach ne pouvait voir son visage, mais il savait qu'un tourbillon de sentiments bouillonnait en elle. Elle qui avait si longtemps rêvé de repos obtenait enfin ce qu'elle désirait. Mais il se rappelait de son regard empli d'affection lorsqu'elle parlait des légionnaires. C'était sa famille. Et quitter sa famille était dur.
- ... nous avons convenu que tu méritais que nous t'offrions plus que notre respect éternel, entendit-il Andrea dire.
À ses côtés, Piper trépignait sur place. Zach remarqua ses pupilles brillant d'excitation et il roula des yeux. Sur ce point là, elle était bien une fille d'Aphrodite.
Un préteur, -Frank de ce qu'il avait compris- prit la parole dans la confusion de Reyna.
- Personne n'a oublié ce qui s'est passé quatre auparavant, et toi non plus.
Zach sût tout de suite qu'il parlait de lui et de sa venue au camp. Il se rappelait des remarques des habitants : Terminus, Louis le serveur, la maman dans le parc ... Tout cela lui ramena à la mémoire chaque souvenir de cette journée. Les regards curieux des demi-dieux, la petite Julia, le Forum et l'université qui lui étaient apparus comme des havres de paix, les arcades menant au Colisée, à l'arène, à la ville, les enfants qui jouaient dans les parcs, le jardin de Bacchus. Il se souvenait de l'odeur entêtante des vignes grimpantes, du bourdonnement des abeilles, il se rappelait avoir tenu la main de Reyna. Il n'avait jamais oublié cette marche dans San Francisco, cette discussion et ce baiser sur le ponton.
Tout cela s'était déroulé il y a quatre ans, mais il lui semblait que c'était hier, comme s'ils ne s'étaient jamais quittés.
- Quatre ans, c'est long ...
Et Zach n'avait pas oublié sa promesse.
- ... mais pas quand on sait attendre, termina-t-il le regard rivé sur Reyna.
Il s'avança dans la cour. La jeune fille s'était figée avant de se retourner lentement, comme si elle avait peur d'être victime d'une quelconque illusion.
Elle n'avait presque pas changé. Son visage avait perdu les dernières traces d'adolescence pour prendre des traits d'adultes, mais c'était le seul changement.
Elle, dont les émotions étaient d'habitude si difficiles à décrypter, laissa tout tomber. Zach put lire dans ses yeux la surprise, l'incompréhension, puis l'espoir. Il lui sourit.
- Je t'avais dit que je t'attendrai, non ?
Elle ne répondit rien. Elle tourna un visage perdu vers Frank qui lui sourit simplement. Puis ses yeux revinrent se fixer sur Zach, n'osant y croire.
Elle avança d'un pas, puis d'un autre. Zach fit de même et rapidement, ils se retrouvèrent face à face. Reyna tendit une main hésitante.
- Zach ? chuchota-t-elle.
Il acquiesça doucement.
- Tu ne m'as pas oubliée, continua Reyna les yeux brillants.
Zach savait que la jeune fille avait eu des relations amoureuses difficiles. Avait-elle cru que lui aussi, il allait l'abandonner ?
Il la regarda tendrement, porta une main sur sa joue.
- Jamais, répondit-il en murmurant.
Il se pencha et déposa doucement ses lèvres sur celles de Reyna.
Alors que le premier annonçait le début d'une attente de quatre ans, celui-ci en annonçait la fin. Et Zach ne pouvait rêver de mieux.
Bizarrement, alors qu'il l'embrassait, il imagina une Aphrodite tourbillonnante, glousser dans son esprit et arrachant des pétales de pâquerette.
« À la folie ! »
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top