— Une ferme ? Et... nous sommes du bétail ?

Lara resta bouche bée et tétanisée par cette révélation, qu'est-ce que tout cela veut dire ? Alors, tout était faux ? Non, c'était impossible, Ray se trompait, voilà tout.

— Oui, reprit Ray, en fonction de nos notes, nous sommes expédiés à des dates où des démons nous mangent.

— Mais, c'est horrible !

L'orpheline venait de se lever du lit de Ray. Elle ne pouvait en entendre davantage, et pourtant, une curiosité l'envahit. Lara voulait savoir toute la vérité, malgré la peur et la tristesse qu'elle ressentait à cet instant.

— Et Maman dans tout ça ?

— Elle est de mèche, dit Ray simplement. C'est elle qui contacte les démons et fixe les livraisons.

— Alors, tout ce bonheur n'est que... superficiel ...?

Des larmes coulèrent le long des joues de la blonde. Elle ne pouvait pas le croire, elle ne voulait pas le croire. Maman leur avait-elle vraiment menti depuis le début ? Est-ce que toutes ces années, où le bonheur avait régné à Grace Field, n'a été qu'une façade pour leur cacher l'effroyable vérité ?
Non, impossible... juste, impossible...

Est-ce que cette vie que les enfants avaient mené n'était en réalité qu'une vie insignifiante ? Étaient-ils nés pour être mangé, comme du bétail ?

Ray la regarda pleurer, silencieux. Que pouvait dire à Lara de toute manière ? Que pouvait-il lui dire pour qu'elle arrête de pleurer et de murmurer ses mêmes mots incessamment : "Non, c'est impossible...". Lara ne savait pas ce qu'il ressentait en ce moment-même, est-ce que ça lui avait fait mal de dire la vérité ? Est-ce qu'il avait été blessé à chaque fois qu'ils parlaient du monde extérieur ?

Est-ce qu'il avait pensé aux démons et aux livraisons lorsque Lara et lui parlaient de leurs rêves une fois dehors ?
Est-ce qu'il avait eu mal en la regardant sourire comme une débile en rêvant d'un monde parfait ?

Oui, une débile, c'était ce qu'elle se pensait. Un monde avec seulement du bonheur et jamais de mal ? Un monde parfait ? Comme elle avait bien rêvé ! Lara aurait dû savoir que c'était trop beau pour être vrai ! Comme cet orphelinat, trop parfait, c'était ce qu'elle se disait depuis quelque temps, voilà ce qui confirmait ses soupçons !

Et Maman... Lara la considérait comme une vraie mère. Est-ce qu'un vraie mère enverrait ses enfants à abattoir ? N'essayerait-elle pas de les protéger de tout son cœur ? Était-ce du faux amour ce qu'Isabella ressentait pour les orphelins ?

— Je ne suis qu'une pauvre débile, murmura Lara, j'y ai vraiment cru, à ce monde parfait.

Elle se tourna vers Ray, un faible sourire aux lèvres.

— Vas-y, dis-moi que j'ai été bête, dis-moi que je n'était qu'une idiote avec de trop beaux rêves.

Ray ne dit rien. Il resta silencieux, ce qui fit rentrer Lara dans une colère immense.

— DIS-LE-MOI ! Dis-moi que mon rêve, de voir un jour cette foutue mer, est impossible ! Dis-moi que visiter le monde est impossible !
DIS-MOI QUE DE SORTIR UN JOUR ET CONNAÎTRE LE MONDE EST IMPOSSIBLE !

Ray ne répondit rien, mais son visage se crispa soudainement. Les larmes de Lara redoublèrent de plus belles. Le cœur lourd, elle hurla :

— DIS-MOI QUE DE VIVRE EST IMPOSSIBLE !...

Sans réfléchir, Ray se jeta sur Lara et l'enlaça tendrement. C'était la première fois qu'il éprouvait une marque d'affection. Sa chaleur était si réconfortante, son souffle sur sa nuque, son odeur, il était tellement proche de Lara en ce moment...

Il resserra son étreinte sur elle. Le cœur battant la chamade, la blonde fit de même en pleurant encore plus fort.
Il lui murmura d'une voix douce :

— Je suis désolé...

Après quelques secondes, il la relâcha de son emprise. À contre-cœur, Lara le lâcha également, tout en essuyant ses larmes du revers de sa main.

— Nous... Nous ne pouvons pas rester là, comme ça, sans réagir, fit Ray en prenant son amie par les épaules. Nous allons nous évader !

Lara le fixa droit dans les yeux, surprise. Était-ce encore un mensonge ?

— Et je te promets que nous irons visiter le monde ensemble, et que tu verras de tes propres yeux la mer !

Avec un faible sourire aux lèvres, elle hocha lentement la tête. Alors, c'était vrai, il l'emmènera voir la mer ?

— Très bien, on sortira de cet enfer vivant !

Lara décida de reprendre la conversation en main, et elle s'exclama :

— Il faut partir ! Emma et Norman doivent être mis au courant !

— Ne t'inquiète pas, la coupa-t-il. Dès qu'ils vont voir Conny, ils vont tout de suite comprendre. Et puis, ils vont commencer à faire une évasion sans nous, et c'est à ce moment-là qu'on se rajoutera dans l'histoire.

Ray regarda Lara de ses magnifiques yeux gris, presque noir. Un regard tendre, un regard juste, magique. Jamais encore, il n'avait éprouvé de l'affection envers quelqu'un.
Ce moment, restera graver à jamais dans le cœur de la petite blonde.

~

Quelques jours après les explications de Ray, Emma et Norman étaient bizarres et essayaient de le cacher. Ils évitaient Maman du regard, et se retrouvaient souvent seuls dans la forêt. D'ailleurs, ils n'y avaient pas qu'eux qui évitaient Maman, Lara et Ray faisaient de même.

Lara eut un pincement au cœur en pensant qu'ils ne lui avaient rien dit au sujet de la mort de Conny. Ne lui faisaient-ils pas confiance ? Ou 
pensaient-ils que Lara n'était pas encore prête à savoir la vérité au sujet de cet orphelinat ?

Après une longue discussion avec Ray lors d'une lessive quotidienne, ce matin, lui et Lara avaient décidé d'aller parler à Norman et Emma lorsqu'ils partiraient seuls la prochaine fois dans la forêt, pour enfin s'impliquer dans l'évasion.

Lara et Ray marchèrent en direction de la forêt en essayant de faire le moins de bruit possible. Écartant quelques feuilles et branches au passage, ils s'arrêtèrent près de leurs deux amis qui discutaient de l'évasion.
Ray fit signe à la blonde de le suivre et de se cacher dans un buisson épais. Lara s'exécuta et attendit le signal pour sortir de sa cachette.

— Oui, ne t'inquiète pas, je vais leur en parler... assura Norman..

Ray hocha la tête à sa complice et sortit de son buisson, sous un cri de surprise d'Emma.

— En parler de quoi ? coupa le brun.

Lara le suivit, sous les visages étonnés de ses deux amis.

— Ray ! Lara ! s'exclama Emma.

— Yo ! salut Ray.

Emma et Norman leur racontèrent tout ce qu'ils savaient. Ray et Lara avaient conclu qu'ils devraient faire semblant de ne pas savoir la vérité. Le garçon avait demandé à la blonde de ne jamais dire qu'il savait la vérité depuis le début. Lara ne lui posa pas de questions, si Ray se sentait prêt à lui en parler, alors il le fera.

— Très bien, mais par contre, on va devoir s'évader que tous les quatre et...

— J'y ai déjà réfléchi Ray, coupa Emma, tout le monde partira avec nous. Je veux que Conny soit la dernière expédiée.

— Tu es folle ou quoi ? Déjà ça va être compliqué, alors si tu rajoutes tout le monde, ça va être impossible ! s'énerva Ray.

— Ma décision est prise, répliqua Emma sous le regard outré du garçon.

Ray râla, alors, Emma lui prit les bras et lui cria :

— Ce qui veut dire que c'est à toi de changer Ray !

Pendant que Ray et Emma se battaient, Norman et Lara étaient pliés de rire. Ses deux amis étaient vraiment opposés par rapport à leur personnalité ! Alors, Ray s'énerva également contre les deux adolescents à l'écart :

— Norman, Lara ! Vous savez comme moi que c'est impossible et...

— Si on ne s'évade pas tous ensemble on ne part pas ! coupa Emma qui semblait gronder Ray avec son air enfantin de d'habitude.

Lara rit de nouveau. Il fallait dire que Ray n'avait plus vraiment le choix à présent.

— Allez calmer cette folle ! Vous savez comme moi que c'est impossible ! 
répliqua Ray aux deux spectateurs. Pourquoi vous la suivez ?

Voyant qu'Emma était partie au mur, Norman lui répondit avec un grand sourire :

— Parce que je l'aime, et que je ferais n'importe quoi pour elle. Je pourrais me sacrifier pour qu'elle vive. Je te garantis que cette évasion sera une réussite.

Après quelques instants, Ray opina et céda au "plan bancal" de son amie. Il était maintenant obligé de partir avec tout le monde.
Lara le sentait, c'était le moment pour elle d'avouer son secret aux garçons :

— Les gars, j'ai quelque chose à vous dire...