Chapitre 29
14/01/46 - 15/01/46
Les deux mois passèrent à une vitesse hallucinante. Maman ne se doutait de rien, et Lara s'était encore plus rapprochée de Ray.
Pourtant, elle ne devrait pas.
Mais c'était plus fort qu'elle.
Le soir de la veille de l'anniversaire de Ray, Emma et Lara allèrent rejoindre le noiraud dans la salle à manger.
Debout au centre de la pièce, il fixait les aiguilles de l'horloge. Lorsqu'il vit les deux orphelines s'avancer, il se tourna vers elles.
— Vous n'avez pas décidées à abandonner, hein ? lâcha Ray avec nonchalance.
Emma sourit, un sourire déterminé. Elle lui répondit :
— La mort de Norman ne sera pas vain.
— Très bien, asseyez-vous, faut qu'on parle.
Les deux filles s'exécutent et prirent toutes les deux une chaise. Elles s'assirent, pendant que Ray fit de même. Celui-ci commença à parler le premier :
— Nous allons nous évader ce soir, on va foutre le feu à l'orphelinat ici même. Vous vous en sentez capables ?
Emma et Lara hochèrent tout de suite la tête.
— Parfait.
Il sortit d'un carton des bidons remplis d'essence qu'il versa le contenu dans toute la salle.
— Au fait, j'ai préparé dix cocktails molotov, pour que vous mettiez le feu aux autres orphelinats.
Je pense qu'il s'adresse plus à moi là, songea Lara avec une pointe d'amusement.
Il s'arrêta un instant de verser le contenu et se tourna vers les deux filles.
— Juste, pourquoi "Vous" ? demanda Lara, étonnée.
—Toi, Emma ou Gilda, peu importe.
— Mais, imaginons que pendant l'incendie, Maman privilège la marchandise au feu ?
Ray hocha la tête.
— Effectivement, c'est une possibilité, me répondit-il. Mais ça n'arrivera pas.
— Hein ?
Il prit de l'essence, ouvrit délicatement le bouchon,
et versa tout le contenu sur lui même.
Lara fixa son ami, interdite. Mais elle reprit tout de suite conscience et s'exclama :
— Ray !
— Génial hein ?
Il voulait... se sacrifier ?
— Elle ne pourra pas laisser son meilleur élément cramer !
Mais... c'était à moi de le faire ce putain de rôle !
Il lâcha brutalement l'essence qui tomba par terre. Le cœur de Lara fit un bond dans sa poitrine, en même temps que le bruit assourdissant qui fit écho dans la salle à manger. Les larmes aux yeux, la blonde regarda Ray, bouche bée.
— J'attendais ce jour. J'ai prévu ça depuis un bail. Depuis un paquet d'années même ! C'est une vengeance !
Emma et Lara le regardèrent, incapable de dire quoi que ce soit ou de faire le moindre gestes. Elles restèrent là, ne savant que faire.
— Vous savez, continua-t-il. J'aime pas trop les études et les bouquins. Mais j'ai pris sur moi pour avoir des bonnes notes. J'ai augmenté ma valeur au maximum. Ça fait douze ans. Qu'ils attendent de me déguster. Et je vais les priver de ça, juste avant la récolte !
Ray... non... songea Lara en laissant couler une larme
— Ils pensaient me bouffer ? Et que je me laisserais faire ?
Je suis ni de la bouffe, ni un produit !
Je suis un HUMAIN ! Et je me rebiffe !
Lara pleurait. Son cœur se serrait à chaque parole qu'il prononçait.
Et pourtant, c'était la vérité. C'était ce que tout le monde pensait tout bas.
Mais Lara ne voulait pas. Elle refusait de laisser partir Ray, pas lui. Elle l'aimait, elle voulait le lui crier, l'hurler, mais elle ne pouvait pas. La blonde n'avait pas le droit de l'aimer, elle partait.
Alors, elle refusait de laisser partir l'une des seules choses qui comptait pour elle.
— Attends...
— N'avance pas, Lara, lui dit-il en tendant sa paume vers moi et ayant reprit son calme. Je voulais te dire, avant de crever,
que je t'aime, Lara.
Il... Il m'aime ? pensa Lara, tétanisée.
— Je t'aimais depuis le début, mais tu n'avais pas l'air de t'en rendre vraiment compte. Il faut dire que je m'isolais beaucoup.
Les larmes de Lara redoublèrent à cette déclaration. Emma restait là, perdue et bouche bée. Elle ne disait rien. Ray ne devait pas aimer Lara, elle partai...
Non, il ne devait pas l'aimer.
Et il ne devait pas mourir.
— Enfin bref, saisissez la chance. Et, faites en sorte que la mort de Norman et moi ne soit pas vain.
Il alluma une allumette, et la lâcha.
— Non ! cria Lara en courant vers lui en même temps qu'Emma.
Je te chanterai toutes mes chansons Ray.
Je te promets de ressortir vivante de ce Centre.
Je t'aime Ray.
Alors, t'as pas intérêt à crever maintenant !
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