Tome IV - Chapitre 6 : Opérer dans les angles morts
Hello ! De retour pour un nouveau chapitre, let's go. Je suis vraiment désolée pour l'attente de deux semaines à chaque fois, je sais que c'est long, mais mon rythme d'écriture ne me permet pas d'aller plus vite. Bonne nouvelle toutefois : j'ai enfin avancé sur LHDI ! Le chapitre sur lequel je bloquais est terminé (ça n'aura pris que 3 mois ahem). Note à moi-même la prochaine fois : arrêter de faire l'autruche et demander de l'aide à Perri direct, ça ira plus vite.
Sinon, très contente que vous ayez aimé le dernier chapitre ! Le mariage de James et Lily, c'était un peu une grande étape après tout ^^ Ahh tellement l'impression de les voir grandir mine de rien.
Allez, bonne lecture !
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Chapitre VI : Opérer dans les angles morts
QUI TOMBERA EN PREMIER : MINCHUM OU VOUS-SAVEZ-QUI ?
Les murs tremblent au Ministère. Pas un jour ne passe sans qu'un commentaire anonyme ne nous parvienne : dépassé, affligeant, vision fausse, politique du vide... Si Harold Minchum s'était imposé comme un Ministre efficace en temps de paix – dont il a tenté de préserver l'illusion le plus longtemps possible – la guerre est clairement en train de faire pencher la balance dans l'autre sens.
Car en guerre nous sommes.
Le terme ne serait plus être écarté. Depuis presque deux ans maintenant, les forces de Vous-Savez-Qui ne cessent de gagner du terrain grâce à ses fidèles, les désormais tristement célèbres mangemorts. Un nom tout à fait approprier tant il semble que leur faim soit insatiable. Ils ne sont en revanche pas les seuls et le Ministère n'est pas parvenu à empêcher certaines créatures les plus sombres de notre monde de Le rejoindre. Si les rumeurs courent dans les montagnes que les géants ne sont en train de se déplacer, les loups-garous sont à nos portes. Plusieurs attaques ont été recensées ces dernières semaines, plus particulièrement chez les familles avec enfants.
Que faire ? Qui pourra s'y opposer ?
Un nom semble si évident qu'il est même étrange de devoir l'énoncer, mais Albus Dumbledore est écarté encore et toujours par le Ministère. Le consensus de tous les bords politiques reflète le vœu de l'institution : le salut doit venir du Ministère lui-même.
Mais alors encore une fois : qui ?
Le Ministre Minchum devra certainement céder sa place en mai prochain lors des élections et un nom – un visage – circule déjà pour le remplacer. La cheffe du Département des Mystères en personne, Millicent Bagnold. Femme de caractère, nous espérons qu'elle connait le secret pour mettre fin à cette guerre...
- Et bah, si même La Gazette s'y met, siffla Benjy, impressionné.
- C'est La Gazette. Tant qu'elle peut vendre et aller où le vent souffle, elle y va.
Remus marqua son accord à Sirius d'un bruit de gorge rauque, trop fatigué pour parler. Ça allait faire presque trois heures qu'ils étaient là, dissimulés aux abords de la maison banlieusarde de Millicent Bagnold et ils s'occupaient comme ils pouvaient. C'est-à-dire qu'il lisait La Gazette du jour à tour de rôle pendant que les deux autres faisaient le guet avec sérieux, histoire de se reposer dix minutes. Et dire qu'il n'aurait même pas dû être là.
Il avait été rajouté à la mission à la dernière minute à la place de James qui avait dû se rendre en urgence à Godric's Hollow car la maison de ses parents s'était enfin vendue. Et même s'il attendait la nouvelle depuis des mois, ça ne l'avait pas rendu moins morose. Remus ne pouvait pas l'en blâmer : Poudlard avait toujours été comme sa maison, mais l'école n'enlèverait jamais tout à fait le titre à celle de son enfance au Pays de Galles. Il n'était même pas gallois, mais ses parents s'y étaient installés après ses cinq ans – après sa morsure – et il y avait tous ses souvenirs de vie de famille. Pour James, le manoir avait représenté encore plus, il le savait et lui-même avait eu un pincement au cœur en le voyant partir. Les Potter l'avaient trop accueilli chez eux pour qu'il en soit autrement.
Prudemment, il coula un regard vers Sirius. Toute la journée, il avait veillé à garder une expression neutre mais Remus arrivait à voir à travers le masque dans la crispation de sa mâchoire par moment, lorsque l'esprit de Sirius devait rêver de réduire Grimmaurd Place en cendres si ça signifiait sauver le manoir des Potter. Au fond de lui, il aurait aussi voulu que les choses puissent fonctionner comme ça...
- Bon sang, être trois c'est vraiment trop pour juste regarder une porte et des fenêtres... marmonna Sirius, agacé.
- Tu l'as déjà dit trente fois, Black.
- Et je le redirai à Maugrey en personne si ça peut lui faire prendre conscience que c'est ridicule.
Benjy, toujours flegmatique, frotta sa joue mal rasé qui dissimulait à peine une légère cicatrice sur le bord de sa mâchoire.
- Je sais, je sais, c'était ta mission et tu t'en sortais très bien qu'avec Meadowes. Désolé de pas être aussi agréable à regarder qu'elle, mais Bagnold est devenue la cible de choix des mangemorts. Donc on reste à trois et on attend la relève pour se barrer. Ils devraient arriver dans quelques minutes.
- Qui ça sera ? intervint-il avant que Sirius n'ait pu répondre, un éclat près à s'enflammer dans les yeux. La relève je veux dire ?
- Les Londubat.
Sirius haussa un sourcil.
- Juste tous les deux ?
- Deux Aurors confirmés valent autant qu'un Brigadier de la Police Magique et deux recrues de l'Ordre faut croire, rétorqua Benjy platement.
De l'avis de Remus, ça se tenait. Il avait vu les Londubat se battre lors du Coup à Ste-Mangouste et même de loin le jour de l'Attentat des Archives et il n'aurait pas aimé devoir être de l'autre côté de leurs baguettes.
- Je voulais faire Auror, lâcha alors Sirius, le regard rivé sur la maison de Bagnold devant eux. C'est ce que j'avais dit à McGonagall pendant mon entretien d'orientation.
- Ah ouais ? fit Benjy. Moi j'avais dit à Slughorn que je voulais être musicien. Autant dire qu'il m'a tendu la brochure de la Police d'un air catastrophé en affirmant qu'il était hors de question que je gâche mes talents pour être saltimbanque.
Remus rit sous cape et même Sirius esquissa un sourire. C'était bien une phrase à la Slughorn ça.
- Ouais. Heureusement que c'était ma deuxième idée de carrière donc tout va bien. (Il donna un coup de menton vers Sirius). Et toi ? Pourquoi t'as pas tenté Auror alors ? Pas d'assez bons résultats ?
- Aucune idée, j'ai même pas envoyé de dossier candidature, répondit son ami en haussant les épaules. J'ai été recruté avant par deux frères douteux pour un groupe de résistance.
Le cerveau fatigué de Remus mit plusieurs secondes à comprendre qu'il parlait des frères Prewett et il blâma la pleine lune, proche de quelques jours désormais. Pas encore assez pour qu'il le ressente dans ses os, mais il savait que les courbatures feraient leur apparition dans peu de temps. Benjy, lui, eut un rictus.
- Crois-moi, c'est pas Gideon qui t'as recruté, loin de là.
- Je me doute, ouais... Peut-être que si j'avais été Auror, il se serait moins méfié.
- Tu parles, intervint Remus, il se serait juste dit que t'étais un encore meilleur espion infiltré et il aurait été encore plus méfiant.
A la simple idée d'un Gideon Prewett encore plus sur son dos, Sirius roula des yeux, même si un léger sourire le trahit. Remus ressentit une pointe de fierté à avoir réussi à lui arracher aujourd'hui : comme quoi, peut-être qu'il n'avait pas tant perdu la main par rapport à Poudlard. Concentré sur lui, il mit quelques secondes à se pencher pour évaluer la réaction de Benjy, mais celui-ci portait soudain une expression plus renfermée.
- Fenwick ? appela-t-il avec douceur.
Sirius aussi tourna la tête vers lui, surpris, et Benjy parut sortir de ses pensées.
- Pardon... s'excusa-t-il. C'est juste... Les Aurors, la formation, tout ça... (Il fit un geste vague de la main). Ça m'à fait penser à Gemma. Elle était la dernière à y avoir été acceptée.
- Oh...
Le silence tomba sur eux comme une chappe de plomb. Il n'avait pas anticipé que le nom surgisse dans la conversation et il se retrouva soudain avec deux hommes rembrunis sur les mains, tous les deux pour des raisons bien différentes même si Benjy n'en avait pas la moindre idée. Mal à l'aise, il ne chercha même pas à croiser le regard de Sirius. Il n'en avait pas besoin pour savoir ce qui se passait dans sa tête ni quel nom devait y flotter, comme d'habitude.
- Bon, je vais aller prévenir Bagnold que la relève va arriver... marmonna finalement Benjy, l'air de regretter d'avoir amener le sujet sur la table. Je reviens.
- Hum...
Remus le laissa s'éloigner, alerte. Il n'y avait que quelques pas entre leur cachette et la maison, mais le danger pouvait venir de n'importe où. Maugrey le leur avait assez répété.
- Ça va ? demanda-t-il sans lâcher Benjy du regard sur le perron.
Sirius ne tourna même pas la tête vers lui. Seul un rire étouffé, teinté d'ironie, passa ses lèvres.
- Quoi ? T'as peur que je refasse une crise comme en septième année, Lunard ?
- Non. La fièvre y était pour beaucoup à l'époque. Mais y'a une marge entre faire de la magie intempestive et aller bien, tu sais.
- Sans doute. Mais faut que je m'y habitue, non ? Le nom de Gemma reviendra toujours à un moment, c'est comme ça... surtout avec Benjy. Et avant que tu demandes, non, je ne lui dirais pas la vérité.
Il s'était attendu à cette réponse et ne chercha même pas protester.
- Parce que tu sais qu'il voudrait rouvrir le dossier pour condamner Regulus, même s'il a été classé depuis ?
- Evidemment. A sa place, c'est ce que je ferai en tout cas, fit Sirius sur le ton de l'évidence. Et Benjy n'a pas beaucoup de poids au Ministère, mais il connait du monde. Caradoc l'adore, c'est son mentor à la Brigade, et il connait bien Bones maintenant grâce à l'Ordre. Autant envoyer Regulus à Azkaban moi-même dans ces conditions.
Là encore, il ne trouva rien à répondre. Pour quelqu'un qui voulait voir toute sa famille tomber, Regulus demeurait l'exception de Sirius qu'il n'arriverait jamais sans doute à s'expliquer. Les liens de l'enfance ne le retenaient en tout cas pas en ce qui concernait ses cousines, particulièrement Bellatrix, et il préféra s'éloigner du sujet.
- Tu sais que ça fait un mois ?
- Quoi ?
- Ca fait un mois jour pour jour que James et Lily se sont mariés, clarifia-t-il.
- Oh...
La surprise se peignit sur le visage de Sirius, signe qu'il n'avait absolument plus eu la notion des jours et des nuits passés. Il ne pouvait pas l'en blâmer : s'il n'avait pas la pleine lune, il n'était pas sûr qu'il arriverait à suivre non plus, tout comme les autres membres de l'Ordre. Les missions s'enchaînaient et se succédaient : elle était là leur seule temporalité.
- J'ai l'impression de les avoir à peine vu ce mois-ci, confia-t-il, le ventre lourd. Et je sais que c'est artificiel parce que c'était déjà le cas avant, mais... leur mariage, c'est un peu la fin d'une époque, non ?
- Tu les as pas vu parce que tu viens plus aussi souvent au QG... contra Sirius.
- Je cherche un appart', je te l'ai dit...
-... et c'est pas la fin d'une époque non plus. C'est juste James qui est marié, c'est tout.
Si Sirius n'avait pas utilisé le ton buté qui avait le don de l'agacer parfois, il aurait été presque amusé devant sa détermination, surtout qu'il croyait vraiment à ce qu'il disait. C'était toute l'arrogance de Sirius Black personnifiée et Remus n'osa pas l'avouer mais ça suffit à le rassurer, comme depuis qu'il avait onze ans et que les Maraudeurs lui promettaient mille et une choses impossibles. Si quelqu'un pouvait le faire, c'étaient eux.
- Pourquoi Benjy nous appelle... ?
- Quoi ?
- Là, regarde !
De la pointe de sa baguette, Sirius lui désigna le perron et il se reconcentra sur la demeure de Bagnold. La stature imposante de Benjy leur faisait effectivement signe de venir et, perplexe, ils échangèrent un regard perdu. Le principe même de leur présence était qu'elle soit discrète, si ce n'est secrète, aussi bien pour de potentiels menaces aux alentours mais aussi pour Bagnold elle-même. Ils n'opéraient pas dans la plus grande des légalités après tout.
Méfiant, Remus sortit sa baguette de sa poche. Il doutait que Benjy soit sous la contrainte – il ne leur aurait pas juste fait signe si ça avait été le cas, ils avaient défini des codes et des gestes pour ce genre de situation – mais il préférait être prudent. Sous le couvert de l'obscurité, il emboîta le pas à Sirius et surveilla les abords du chemin qui menait à la maison. Rien de particulier ne ressortait : le voisinage était plutôt calme et familial, mais les apparences pouvaient toujours être trompeuses. Il en savait quelque chose après tout, il suffisait de le regarder.
Lorsqu'ils rejoignirent Benjy sur le perron, il s'aperçut alors que ce dernier n'était pas seul. Millicent Bagnold se tenait dans son entrée, encore habillée d'un tailleur de sorcière couleur anthracite. De taille moyenne, la femme politique devait être à l'aube de sa quarantaine mais en paraissait presque plus à cause des rides qui marquaient le coin de sa bouche et ses yeux fatigués à force de trop travailler. Malgré tout, ça ne l'empêchait de se tenir droite, les deux pieds fermement ancrés dans le sol, et elle les accueillit avec une poignée de main ferme tous les deux.
- Bonsoir, dit-elle d'une voix profonde. N'ayez pas l'air surpris, j'ai moi-même demander au Brigadier Fenwick à vous saluer. Je trouve que c'est la moindre des choses envers les personnes qui... assurent ma protection.
- Madame... entonna Benjy, l'air gêné.
Il ne termina pas sa phrase et Remus sut qu'il cherchait une façon polie mais ferme de faire comprendre à Bagnold que, techniquement, ils n'auraient jamais dû se trouver là pour assurer sa protection justement. Elle ne se laissa pas démonter.
- Ne vous en faites, je me doute de ce qui vous préoccupe. Disons que je ne vais pas me plaindre que vous ayez du renfort, Brigadier, peu importe où vous l'avez trouvé.
Elle leur adressa un demi-sourire entendu – ce qui contrastait presque avec ses traits sérieux – et Remus vit clairement l'intérêt de Sirius être piqué à côté de lui. Ça n'aurait pas dû le surprendre : il n'y a rien qu'il aimait plus qu'une personnalité rebelle.
- Inattendue pour une cheffe de Département du Ministère, commenta-t-il alors que Benjy lui jetait un regard incendiaire pour le faire taire.
- Peut-être bien, convint Bagnold. Mais si cela vous aurait échappé, je ne suis pas dans les petits papiers de l'administration d'Harold en ce moment. Et contrairement à lui, mon objectif est de faire cesser cette guerre.
- Est-ce que ce n'est pas l'objectif de tout le monde ? rétorqua Remus.
Elle inclina la tête avec lui, l'air amusé.
- Bon argument. Seulement, il paraît évident que certains sont moins aptes que d'autres pour accomplir cette mission et contrairement à Harold Minchum, j'ai compris que le Ministère ne suffirait sans doute pas à lui tout seul. C'est pour cela que je tiens à remercier aussi bien les Aurors et les Brigadiers qui sont alloués à ma protection que... les autres. Et avant que ça vous inquiète, Mr Fenwick, je ne leur demanderai ni leur nom ni leur rôle exact auprès de votre département, rassurez-vous.
Benjy se contenta d'un « hum » peu convaincu, l'air d'avoir mordu dans un citron amer, et Remus devina que s'il avait eu le choix, jamais il ne leur aurait demandé de venir se présenter à Bagnold. Malheureusement, en tant que fonctionnaire, il ne pouvait pas non plus ignorer un ordre direct et il espéra soudain qu'il n'aurait pas de problème avec Maugrey ou Dumbledore.
- Vous êtes en train de dire que vous soutenez une action illégale ? relança Sirius, une pointe de provocation dans la voix.
Il se retint de lui donner un coup de coude, désespéré. Millicent Bagnold pencha la tête sur le côté.
- N'appelons pas cela de l'illégalité, nuança-t-elle. Appelons cela... des angles morts. Des angles morts dans lesquels nous opérons car la situation nous y contraint et parce qu'une guerre est toujours une période particulière. Et encore une fois, je serai mal placée pour critiquer puisque ce sont précisément ces angles morts qui me permettent de renforcer ma sécurité et celle de ma famille. Je vous en remercie donc. (Elle releva le menton, presque défieuse). Est-ce que ma réponse vous convient ?
- C'est une réponse de politique, jugea Sirius. Mais elle me plaît assez bien.
Ca l'aurait étonné... Une officielle du Ministère qui reconnaissait apprécier les flous juridiques et fermer les yeux sur les activités de l'Ordre à cause de l'incompétence du Ministère ? Même lui en tant que Maraudeur ne pouvait qu'approuver alors que Benjy serrait sa baguette avec un peu de force dans son poing, clairement plus partagé.
- J'en suis ravie, monsieur Black. Mais il se fait tard et je ne vais pas vous retenir. Il se trouve qu'en plus, je garde mes nièces ce soir et il est temps qu'elles aillent se coucher.
Ils se figèrent tous les trois.
- Madame...
Mais encore une fois, Benjy n'en dit pas plus car il n'y avait rien à dire. Remus jura mentalement : Bagnold ne demanderait peut-être pas leurs noms pour garantir leur anonymat alors qu'ils « opéraient dans les angles morts », mais ce n'était pas pour cela qu'elle n'avait pas un cerveau en état de marche. Ou des yeux. Et qui n'aurait pas reconnu l'héritier renié des Black s'il se présentait à sa porte ?
Bagnold parut s'amuser de leur trouble.
- Ne vous inquiétez pas, messieurs. Comme je l'ai dit, mon rôle est d'être moins aveugle qu'Harold, même en ce qui concerne les actions et les personnes qui agissent dans l'ombre. Voilà tout. (Elle se tourna vers lui, les yeux plissés). Votre nom m'échappe encore, en revanche... ?
- Et il vaut mieux que ça reste comme cela, intervint Benjy avec autorité. Désolé, madame, mais vous aviez dit que vous ne leur demanderiez pas leur identité.
Son agacement commençait à transparaître et Remus se sentit soudain mal à l'aise mais en même temps étrangement soulagé qu'elle ne connaissait pas son nom.
- Première règle sur la politique, Fenwick, glissa Sirius sur le ton de l'évidence. Tout le monde ment.
Il n'avait même pas l'air perturbé par cette affirmation, même plutôt encore amusé de la tentative de Bagnold, et cette dernière ne le contredit pas. Toujours avec professionnalisme, elle se contenta de leur souhaiter une bonne soirée alors qu'à la lisière du périmètre de sécurité, un « pop » sonore indiquait que les Londubat venaient d'arriver par transplanage. La porte se referma devant eux sans cérémonie.
- Une femme... intéressante, jugea-t-il après qu'ils se furent éloignés de la maison. Je comprends mieux pourquoi Vous-Savez-Qui trouve qu'elle peut représenter un danger.
- Hum... Qui s'occupe de faire le rapport de ce soir ? Toi, Fenwick ?
Ensemble, ils se tournèrent vers Benjy dont le visage s'affaissa en réalisant qu'il devrait faire le compte-rendu de cette rencontre improbable et la rendre acceptable pour Maugrey.
- Génial... marmonna-t-il. Bon bah autant m'y mettre maintenant. A la prochaine !
Les mains dans les poches, Benjy s'enfonça dans la nuit et disparut en quelques secondes. Sirius se passa une main sur le visage.
- Je crois que je vais faire pareil, j'ai besoin d'une douche et de dormir. Pas forcément dans cet ordre-là. Tu rentres au QG ?
- Non, pas tout de suite. Peut-être même pas ce soir. Je vais... voir mes parents. Ça fait un moment.
- Ah...
Remus se mordit l'intérieur de la joue. Il avait toujours détesté mentir à ses amis – bien trop perceptifs – mais ça ne voulait pas dire qu'il ne savait pas le faire. Il leur avait bien caché sa lycanthropie plus d'un an à une époque. Seulement, ils n'avaient plus onze ans et ils étaient un peu plus entraînés à déceler les mensonges aujourd'hui. Heureusement pour lui, Sirius ne sembla rien remarquer, pas même sa légère hésitation. Mais après tout, il avait toujours été un peu mal à l'aise pour parler de ses parents, surtout avec Sirius à cause de la comparaison avec sa famille même avant sa fugue, et l'excuse ne souleva aucune question.
Cinq minutes plus tard, ils se séparèrent donc et Remus transplana. Pas au Pays de Galles, non. A Londres, au 33 Rupert Street, Soho...
**
*
- Lupin ! Un peu plus et je croyais que tu m'avais oublié...
- Je croyais qu'on oubliait pas les femmes comme toi ?
Le sourire mutin d'Ornella McCall l'accueillit dès qu'il apparut dans la ruelle. Comme la dernière fois, elle était appuyée contre le mur en brique et l'attendait avec ses lunettes de soleil dans les cheveux, même si la nuit était tombée depuis un moment. Elle était en revanche bien moins sombre à Londres à cause des éclairages urbains et l'enveloppait dans une sorte de halo doré.
- Quel flatteur, minauda-t-elle avec son éternel accent écossais si prononcé qu'il avait du mal à capter toutes les sonorités. Mais bonne réponse, Lupin. Allez viens.
Comme la dernière fois, elle ouvrit le passage derrière la porte rouillée et ils passèrent sous le rideau de pierres de lune qui teinta doucement. Il plissa aussitôt les yeux en débouchant dans le tunnel derrière, plongé dans la pénombre et la lueur sanglante du néon rouge LE LYCAN. L'ancien bar clandestin transformé après la guerre en club de combat pour loups-garous apparut après quelques minutes de marches et le vaste espace entouré de gradin lui provoqua la même sensation vertigineuse que la première fois.
- On oublie pas les règles, Lupin, souffla Ornella alors qu'ils allaient prendre place. Profil bas.
- Ouais, je sais. Mais rassurée ? Je n'ai pas trahi le groupe, non ?
Elle eut un rire étouffé.
- C'est pour ça que t'as eu le droit à une deuxième invitation. Ça ne veut pas dire que je ne te garde pas à l'œil, l'étranger. Attention.
- Et moi qui croyais que tu commençais à m'apprécier...
- L'un n'empêche pas l'autre, rétorqua Ornella du tac au tac.
Il haussa un sourcil, surpris, mais elle ne le regardait déjà plus. Le visage soigneusement neutre, elle avait planté ses yeux sombres sur le centre de l'arène où Lucian Maugrim, le fondateur du club, attendait que les derniers arrivés prennent place dans les gradins pour commencer. Il chercha dans la foule d'autres visages connus et Ornella donna un coup de menton vers leur droite.
- Là-bas, indiqua-t-elle. Silver et Lug.
Il tourna la tête discrètement. En effet, assis côte à côte comme la dernière se tenaient Lug, le barman du club à la stature imposante et aux bras tatoués ; et Rhéa Silver, reconnaissable à ses cheveux argentés. Elle avait été particulièrement vindicative en juillet dernier.
- Ils vont parler ?
- Sûrement. Ils sont les plus investis pour la cause et ils rassemblent souvent les informations. Mais chacun peut s'exprimer, c'est la principe. J'ai entendu des rumeurs sur un invité surprise... On verra bien.
- Hum...
Curieux, il attendit. C'était sans doute un comble pour lui, mais il avait très peu suivi l'avancée du projet de loi qui visait à rendre le Registre de la commission d'enregistrement des loups-garous obligatoire. Il était en préparation depuis plusieurs mois et devait passer devant le Mangenmagot avant la fin de l'année, mais le secret entourait tellement le projet qu'il était difficile d'avoir des informations, surtout que ce n'était pas la priorité de l'Ordre malgré ses nombreuses alertes à Edgar Bones ou à Podmore.
- Très bien, nous allons commencer, appela Lucian au centre de l'arène de combat. Un peu de silence, s'il vous plaît ! (Il tourna sur lui-même). Je souhaite la bienvenue aux nouveaux arrivés et vous remercie tous de votre présence aujourd'hui. Plus que jamais, la raison d'être de ce groupe de parole est engagé par les derniers évènements.
Il marqua un temps d'arrêt, les traits graves. Ornella l'écoutait avec une concentration que Remus lui avait rarement vue.
- Il y a eu des avancées au sujet du Registre ces dernières semaines, poursuivit Lucian. Et c'est Silver qui va nous en parler. Silver ?
D'un geste, il l'invita à le rejoindre, mais Silver était déjà débout et descendait les gradins. Comme la dernière fois, elle portait une robe de sorcière ample – de couleur bordeaux cette fois-ci – et les manches et le col la recouvraient tout entière sans laisser entrevoir sa cicatrice de morsure. Elle dépassa Lucian avec un bref hochement de tête en guise de remerciement.
- Bonsoir à tous, salua-t-elle de sa voix forte et rauque. Hum... J'ai bien peur que les nouvelles ne soient pas réjouissantes, mais c'était à prévoir. Je n'ai cessé de le répéter la dernière fois, mais le Ministère ne se préoccupe pas de notre souffrance et veut à tout prix faire passer ce registre obligatoire comme dernier acte désespéré dans la campagne électoral de Minchum. Faute de réussir de mettre la main sur les mangemorts, ils la mettront sur nous. La réforme a été soumise la semaine dernière aux juristes du Département pour évaluation.
- Mais concrètement... comment ils feront ? Si la réforme passe ? interrogea Lug. Ils ne peuvent pas nous obliger de force à y inscrire notre nom !
Remus devait avouer qu'il se posait la même question et la grimace de Silver ne lui inspira pas confiance quant à la réponse.
- D'après ce que j'ai cru comprendre, c'est encore en étude, admit-elle en laissant filtrer sa colère. Mais ils envisagent de faire plusieurs sessions de recensement à chaque pleine lune. Ils convoqueront toute la population et celles et ceux qui ne se présenteront pas... Disons que leur nom sera inscrit sur le registre. Et qu'ils seront considéré comme des ennemis du Ministère.
- Quoi ? C'est une honte !
- Ils n'ont pas le droit !
- Il n'y aura pas que les lycanthropes d'accusés, c'est un scandale !
Partout dans les gradins, les voix s'élevaient et s'entrechoquaient pour crier l'indignation. A ses côtés, Ornella serrait les poings sur ses genoux à s'en faire mal.
- Du calme ! S'il vous plaît ! ordonna Lucian. Mes frères, mes sœurs, s'ils vous plait !
- Mais ils ont raison, Lucian ! Ils sont raison d'hurler leur colère, soutint Silver avec conviction. On redit la même chose depuis des mois sans avancer ni trouver de solution, mais si on pouvait on aurait déjà dû aller la hurler au Ministère. Ils ne comprennent que la peur de toute façon !
- Et leur donner raison sur nous ? Sur leur vision des loups-garous ?
- Si on ne peut pas leur donner tort, pourquoi pas ?
Elle écarta les bras, impuissante, puis se détourna pour embrasser la foule du regard.
- Ils nous voient comme une menace, je dis que nous devrions en être une ! Et comme c'est un groupe de parole libre, j'ai amené quelqu'un.
Avec défiance, elle pointa l'entrée de la salle où une silhouette attendait, tapie dans l'ombre. Un murmure traversa à nouveau les gradins, plus perplexe et moins vindicatif cette fois-ci, et Remus se pencha pour mieux voir.
- Oh Merlin... jura Ornella.
Il eut l'impression de se prendre un coup en plein ventre. Aussi puissante que l'adrénaline lors des affrontements de l'Ordre mais bien plus paralysante, une peur liquide et chauffée à blanc se diffusa dans ses veines et il se retrouva incapable de se mouvoir, le cœur au bord des lèvres. Comme dans un flash, l'odeur de renfermé autour de lui s'évanouit pour laisser place à celle de terre, de sang et sueur... Une odeur lointaine, issue de l'enfance et de ses pires cauchemars.
Avec la démarche d'un prédateur en chasse, Fenrir Greyback avança vers l'arène.
Il était massif et marchait en balançant ses longs membres, le regard fixé droit devant lui. Quand il arriva près de Silver, ses cheveux gris en bataille et ses favoris couleur fer se mariaient presque étrangement avec les siens, même s'il la dominait de toute sa hauteur. De là où il était, Remus pouvait distinguer ses mains crasseuses et ses ongles jaunes, mais surtout ses dents pointues qu'il dévoila en un rictus belliqueux. Il retint un haut le cœur.
Il se rappelait peu de choses du jour où sa vie avait basculé – une odeur, des cris, les suppliques de sa mère, la douleur – mais jamais il n'avait oublié ces dents acérées qui s'étaient refermées sur son épaule. Ces dents qui avaient insufflé en lui le venin et la malédiction de la lycanthropie jusqu'à lui en brûler les veines pendant trois jours et trois nuits. Ses parents avaient été persuadés qu'il allait en mourir. Parfois, il s'était même demandé si son père n'aurait pas préféré...
Et voilà qu'il se tenait là, en plein milieu de l'arène, au grand jour. Le cauchemar d'enfant fait de chair, sorti des ténèbres de la nuit pour prendre la parole de sa voix rauque, semblable à un aboiement. Rien à voir avec le rire de Sirius... Celle de Greyback était juste coupante et faisait résonner en lui le souvenir de la terreur d'un petit garçon de cinq ans.
Son corps réagit avant son esprit.
- Lupin !
Malgré le cri chuchoté d'Ornella, il s'était déjà levé. Ses jambes le portèrent sans qu'il en est conscience et il s'agrippa à sa baguette en enjambant les rangées de gradins. Dans son dos, Greyback avait commencé à parler, mais il perçut son discours à travers un voile de brouillard. Un message de ralliement pour rejoindre Voldemort. La promesse d'une liberté totale, même pour ceux déjà fichés par le Ministère. Le miroitement de la grandeur et la fin de la clandestinité. Il ne voulait pas écouter. Le cœur prêt à exploser, il ressortit à l'air libre dans la ruelle et la porte en fer se fracassa à moitié contre le mur de brique dans un bruit assourdissant. Il prit une profonde inspiration. L'atmosphère nocturne du mois de septembre était encore moite, mais il se sentit revenir petit à petit.
Lorsqu'il se retourna, Ornella sortait à son tour.
- Putain, Lupin ! hurla-t-elle, furieuse. Qu'est-ce que tu viens de me faire ?
- Moi ? Moi qu'est-ce que je viens de faire ? Et toi ?! Tu sais qui c'est, cet homme ?
Il se retint de la secouer par les épaules, juste pour évacuer la tension qui lui enserrait le corps, et elle s'approcha de lui, le feu dans les yeux.
- Evidemment que je sais, tout le monde le sait. Fenrir Greyback. Et on est en train de louper tout ce qu'il est en train de dire ! Pour une fois qu'on écoutait pas Lucian s'entendre parler !
- Ornella bon sang ! éructa-t-il. Son plaisir le plus extrême, c'est de contaminer le plus de gens possible ! Même des enfants !
- Contaminer ? C'est comme ça que tu nous vois, comme des malades ? Des bêtes malades ?
- Arrête, je n'ai pas dit ça...
Frustré, il se détourna. Il entendait à peine le bruit de la circulation au bout de la ruelle tellement le sang lui battait aux tempes, mais Ornella ne le laissa pas s'échapper. Elle lui attrapa le bras avec force pour lui faire faire volte-face.
- Oh Lupin ! s'écria-t-elle. Tu ne peux pas me faire ça, je t'ai fait confiance en t'amenant ici, j'ai pris des risques ! Si les autres pensent que j'ai fait une connerie, c'est ma tête qui valse !
- Un groupe de parole, t'avais parlé seulement d'un groupe de parole ! Pas de... ça ! Pas de Greyback et de rejoindre Tu-Sais-Qui pour sauver notre peau ! Ils veulent une armée, c'est tout, on serait des pions dans leur guerre contre le Ministère.
- Et alors ? Si ça nous permet d'être enfin libres et de ne pas se cacher, qu'est-ce que j'en ai à foutre ? Remballe tes grandes valeurs morales, Lupin. On n'est pas dans ton château avec Dumbledore ici, la morale ce n'est pas pour les gens comme nous. Ça ne l'a jamais été ! Ils nous l'ont refusé en nous traitant comme des animaux dangereux ! Donc si je dois être le pion de quelqu'un, autant que ça soit contre mon oppresseur. C'est une question de point de vue, Lupin, et on n'a pas tous été privilégiés comme toi !
L'indignation faillit jaillir de ses lèvres, vindicative, mais il la retint. Il ne s'était jamais senti privilégié, c'était même tout l'inverse... Une enfance solitaire, une famille à moitié détruite, devenir un monstre une fois par mois ? Dans quel point de vue ça pouvait être un privilège ? Il reconsidéra l'idée.
Dans quel point de vue ça pouvait être un privilège ? Et bien peut-être de celui de la fille en face de lui... La même qui n'avait pas eu la chance d'obtenir une place à Poudlard malgré sa condition, ni d'avoir Pomfresh pour la soigner après chaque lune et encore moins trois amis qui avaient tout risqué pour devenir des animagi et l'accompagner dans ses épreuves. Qui pariait dans les bars de combat clandestins pour gagner sa vie pendant que lui pouvait se permettre de rejoindre l'Ordre et d'être soutenu financièrement par ses membres.
- Il y a d'autres moyens... asséna-t-il malgré tout. Ornella, il y d'autres moyens pour empêcher cette réforme que laisser Greyback nous entraîner du côté de Tu-Sais-Qui...
- Ce que tu peux être binaire. Il n'y a pas de côté, Lupin.
Elle secoua la tête, presque orgueilleuse. Elle lui rappela une seconde Sirius qui avait affirmé ce soir que ça n'avait pas été la fin d'une époque lorsque James s'était marié. Profondément persuadée d'avoir raison et que sa seule volonté suffisait à l'ancrer dans le réel.
- Il n'y a pas de côté, répéta-t-elle, à part celui de ceux qui finiront par obtenir quelque chose à la fin. Et moi ? Moi, je n'ai rien obtenu. Toute ma vie, je n'ai rien eu et le Ministère veut encore m'enlever ce « rien ». Et bien regarde-moi, je refuse ! Peu importe les moyens...
- Tu ne peux pas y croire. Pas sérieusement...
- Bien sûr que si. Tu ne connais pas la sentence ? « Si je ne peux faire fléchir les dieux, j'invoquerai l'Enfer ».
Il resta silencieux, perplexe. Ornella roula des yeux.
- L'Enéide de Virgile, explicita-t-elle. Tu ne te souviens pas de mon petit discours de présentation ? Je suis sang-mêlé. Et disons que j'ai eu du temps pour les études, toute seule avec mon précepteur...
- Je me souviens, si...
- Alors ne paraît pas si surpris. Je te l'ai dit, Lupin, je suis une radicale. Je me bats pour notre cause. Si tu n'es pas prêt à faire la même chose, tu n'as rien à faire ici.
- Même si ça signifie s'allier avec Fenrir Greyback ? fit-il d'une voix dure. Avec un homme qui prend plaisir à mordre des enfants ? Et si je refuse, qu'est-ce que tu feras ? Tu m'effaceras mes souvenirs comme au gars du Ministère dont tu m'as parlé ?
Elle hésita une seconde, puis soupira avant d'émettre un bruit de gorge sourd.
- C'est une guerre... gronda-t-elle. Nos alliés se seront pas toujours moraux. C'est comme ça, sinon on ne va nulle part. Il faut juste s'assurer de gagner à la fin pour que ça en vaille la peine.
Il nota qu'elle n'avait pas répondu à la seconde partie de sa question, même si le fait qu'elle n'ait pas encore sortie sa baguette soit sans doute une réponse à son échelle. Il serra les mâchoires. Pour un peu, son discours lui rappela celui de Millicent Bagnold : parfois, il fallait accepter d'opérer dans les angles morts pour parvenir à ses fins. Pour gagner une élection et destituer un incompétent comme Minchum, se protéger jusqu'à parvenir à avoir assez de pouvoir pour agir... Est-ce que les membres de l'Ordre ne lui avaient pas tenu ce discours des dizaines de fois ? Quand Bones et Maugrey avaient défendu le nouveau droit des Aurors de tirer à vue ? Quand Benjy avait raconté la fois où il avait dû jouer avec l'esprit de certains témoins et effacer des souvenirs ? Même quand Lily et ses collègues médicomages avaient dû soigner un mangemort blessé ?
L'idée lui hérissait pourtant la peau. Les Maraudeurs lui avaient appris à penser tellement différemment... C'était peut-être ça, son « privilège ».
- Alors qu'est-ce qu'on fait ? lui jeta Ornella, l'air las et hostile dans un mélange paradoxal.
Elle jeta un coup d'œil par-dessus son épaule et il comprit le message implicite : elle n'avait pas de temps à perdre avec lui s'il préférait partir, pas alors que Greyback continuait de parler à l'intérieur. Il pensa à l'Ordre. Dans le fond de son esprit, une voix qui ressemblait de façon suspecte à Maugrey lui rappela de toujours saisir une opportunité. Rapporter des informations, connaître l'ennemi, anticiper ses actions... Et s'il pouvait en plus aider la communauté de loups-garous menacée par la réforme du registre ? La réponse apparut évidente. Non, il ne pouvait pas reculer.
- Qu'est-ce qu'on fait ? répéta-t-il, la voix dure. On opère dans les angles morts, voilà ce qu'on fait.
**
*
La lune était haute lorsqu'il rentra enfin au QG. Un simple croissant, encore loin de sa pleine amplitude, mais l'astre semblait le narguer malgré tout et il se retint de claquer la porte par égard pour ceux qui dormaient déjà. Il s'affaissa contre le battant le temps de reprendre ses esprits.
Il ne s'était pas attendu à grand-chose en retournant à l'intérieur, guidé par la démarche souple et chaloupée d'Ornella, mais rien ne l'avait étonné véritablement dans le discours de Greyback. La plupart des personnes présentes n'avaient pas osé le contredire, ni objecter ouvertement, et il n'était même pas sûr que certains l'auraient voulu. Après tout, les promesses étaient nombreuses et le Seigneur des Ténèbres avait été présenté comme un libérateur, le seul capable de faire basculer leur destin. Le pire ? C'est qu'il y avait du vrai dans ce discours. Ils le savaient tous : le Ministère n'avait jamais rien fait pour eux et cette guerre ne faisait que renforcer les restrictions contre eux. Comment ne pas vouloir tout envoyer valser ?
Parmi le groupe, Silver avait eu l'air transporté par les mots de Greyback ; Lucian s'était peu à peu laissé convaincre ; Ornella avait semblé vouloir aller mettre le feu au Ministère dès ce soir... Seul Lug avait conservé une certaine réticence, affichée simplement dans le pli contrit de sa bouche. Remus, lui, supposait qu'il était trop biaisé pour vraiment avoir une opinion. Il détestait trop ce que Greyback incarnait et surtout il ne pouvait pas le détacher des mangemorts... Greyback n'avait d'ailleurs pas manqué d'intelligence en les mentionnant le moins possible. Comme si son idéal de libération ne passait que par un seul homme.
La tête douloureuse, il enleva ses chaussures d'un coup de talon, puis monta les escaliers. Toutes les portes de l'étage étaient fermées, signe que toutes les chambres du QG étaient occupées. Il se demanda si Sirius était revenu dormir ici ou si c'était Benjy qui occupait celle du fond... C'était la seule qui n'appartenait à personne à proprement parler et ceux qui avaient un logement à côté du QG pouvaient l'occuper aléatoirement. Tant qu'il n'avait pas d'appartement, ce n'était pas son cas : il entra donc dans sa chambre, partagée avec Peter, sur la pointe des pieds.
Le parquet grinça sous son poids. Fatigué, il considéra l'idée de prendre une douche une seconde, puis la relégua pour demain matin. La pièce était plongée dans le noir complet. C'était une manie de Peter qui n'arrivait pas à dormir si un peu de lumière filtrait et, sans les rideaux occultants de Poudlard, il fermait désormais les volets complètement. A tâtons, il s'avança donc vers son lit, puis se laissa tomber sur le bord pour se déshabiller...
... un cri stridant jaillit de sous les couvertures.
- Merlin !
Il se releva d'un bond. Il avait juste effleuré la forme d'un corps qui s'était recroquevillé sous son poids et il brandit sa baguette, le cœur battant.
- Qui... ?
- C'est moi, c'est moi, ne me jette pas de sort !
- Alex ? s'étrangla-t-il.
Il reconnut la voix une seconde avant que la lampe de chevet ne s'allume et ne l'aveugle le temps d'un instant. Lorsqu'il réussit à rouvrir les yeux, il découvrit Alexia, à moitié redressée dans son lit, et Peter, assis dans le sien juste à côté, la main encore sur l'interrupteur de la lampe.
- Qu'est-ce que tu fous là ? dit-il, les yeux plissés et l'air mal réveillé.
- Qu'est-ce que je... ? Comment ça qu'est-ce que je fous là, Pete ? C'est ma chambre !
- Mais tu devais être chez tes parents...
- Oui bah changement de programme. Bon sang Alexia, pourquoi t'es là ?
Il se tourna vers elle, incrédule. L'espace d'une pensée horrible, il eut peur qu'elle ait refait une crise respiratoire, mais ça n'aurait pas expliqué sa présence dans son lit... Il se concentra plus attentivement sur elle et remarqua soudain son nez et ses yeux rougis.
- Alex... T'as pleuré ?
Immédiatement, il vint s'agenouiller devant elle entre les deux lits et elle tenta de se couvrir le visage d'une main, comme pour effacer les rougeurs sur sa peau. Derrière lui, il entendit Peter se redresser et basculer ses jambes hors du lit lorsque le parquet grinça à nouveau.
- Elle s'est disputée avec Sirius... expliqua-t-il avec prudence. Je lui ai proposé de dormir là, je pensais que tu reviendrais pas avant demain, Lunard, désolé...
- Non, non, c'est bon... Merlin, qu'est-ce qui s'est passé ?
Alexia écarta la main de son visage. La lueur de la lampe accrocha le reflet de sa bague de promesse à son doigt et il ne put s'empêcher d'en suivre le mouvement, l'estomac contracté.
- Je ne sais pas... murmura-t-elle d'une voix étranglée. Ça a dégénéré tellement vite... Les Black, l'Ordre, notre couple... Je me suis mise à crier, peut-être que j'aurais pas dû...
- Mais... pourquoi ?
- Rien, c'est stupide... Vraiment, je ne comprends pas pourquoi il s'est mis dans un état pareil pour ça, c'est toujours la même chose avec lui... c'était une excuse...
Dérouté, il jeta un coup d'œil éperdu à Peter. Celui-ci rentra la tête dans les épaules, signe qu'il savait déjà ce qui s'était passé. Alexia n'avait jamais eu de mal à se confier à lui.
- Alex lui a dit qu'Orion avait essayé de lui faire du chantage en début d'année... révéla-t-il en prenant pitié de sa perplexité. Il lui a proposé de l'argent si elle promettait de se tenir loin de Sirius, tu sais, à cause de tout le truc un peu flou d'héritage. Tu connais Sirius. Devine dans quel état ça l'a mis...
- Et merde...
La vulgarité lui avait échappé, soudain nécessaire. Au vu de l'expression de Peter, il partageait son sentiment et Alexia émit un reniflement piteux, l'air vaincu.
- J'ai peur de demander... mais où il est maintenant ? Sirius ? demanda-t-il alors qu'un mauvais pressentiment s'installait dans sa poitrine.
Alexia et Peter échangèrent un long regard au-dessus de lui.
- Tu veux nos hypothèses ? fit ce dernier. Soit il fait le tour de la maison en fumant dix cigarettes depuis une heure pour se calmer, mais j'ai même pas voulu descendre pour aller vérifier si ça voulait dire me faire envoyer sur les roses...
- Plausible... Soit ça, soit... ?
- Honnêtement ? Soit Square Grimmaurd.
Remus ferma les yeux brièvement. Il connaissait Sirius depuis huit ans. Il connaissait sa relation aux Black. Et quelque chose lui disait que l'hypothèse la plus dramatique serait toujours celle que choisirait Sirius Orion Black...
- Square Grimmaurd...
************
Verdict ? ^^
Chapitre qui annonce de nouveaux éléments dans l'histoire, notamment au niveau politique avec Bagnold, le combat des loups-garous qui continuent à s'entremêler avec les enjeux des mangemorts, et enfin le retour des dramas made in Black ! Parce que vous le savez bien, si j'aime écrire quelque chose, c'est Sirius et sa famille haha !
Teasing pour la suite !
Chapitre VII : Dans le cœur de Square Grimmaurd
Quand il jeta un coup d'œil en contrebas, il vit Londres scintiller, traversé par la Tamise qui s'écoulait lentement, et il entama sa descente. Au fur et à mesure qu'il se rapprochait, les immeubles et les vastes maisons bourgeoises de son ancien quartier se firent plus distincts. Il en connaissait chaque façade par cœur à force d'en avoir fait le tour les dimanches pour échapper à l'ambiance lourde des repas de familles qui s'éternisaient.
Et là, telle un monstre à la bouche béante, surgit Square Grimmaurd.
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