Tome IV : Chapitre 13 : Situation sous tension
Hello ! Désolée, je suis un peu en retard ^^ J'ai eu un week-end assez chargé en famille, le style où on sort de table à 18h pour ensuite aller chez une grande tante dans le village d'à côté et reprendre du café et des gâteaux à 19h30, voyez le genre ? Tout ça pour dire que j'ai même pas allumer mon ordinateur ni samedi ni dimanche donc me voilà seulement maintenant !
Je ne vais pas m'étaler en vérité, je vous remercie juste pour vos commentaires sur le dernier chapitre, je suis contente que les avancées dans l'intrigue vous aient plu et on continue, let's go !
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Chapitre XIII : Situation sous tension
Les yeux brûlants, Sirius baya à s'en décrocher la mâchoire pour la troisième fois et jeta un énième coup d'œil à sa montre. Vingt minutes. Ça allait faire vingt minutes qu'il attendait dans le salon du QG alors qu'il n'avait qu'une envie : aller s'écrouler dans son lit.
Il avait passé la nuit en mission et n'avait pas fermé l'œil de la nuit. Mais il ne se plaignait pas. Pour une fois, il n'avait pas passé des heures caché derrière un buisson à surveiller la maison de Bagnold. En binôme avec Benjy, il avait dû escorter une famille de nés-moldus vers le port de Portsmouth pour qu'elle puisse fuir le pays et se réfugier en France, à Cherbourg. C'était nouveau, mais de plus en plus de personnes souhaitaient échapper à la menace des mangemorts et les ambassades sorcières n'arrivaient plus à suivre le rythme des demandes. Il valait mieux que l'Ordre assiste ceux qui voulaient quand même quitter l'Angleterre afin d'éviter les débordements et surtout prévenir que l'attention des mangemorts soit attirée vers ce phénomène. Sirius avait accepté sans sourciller ; il n'était pas à un acte hors la loi près. Benjy risquait bien plus que lui avec son poste à la Brigade, mais il avait accepté lui aussi, sûrement pour assurer ses arrières. Même si ça faisait déjà quatre jours depuis son duel contre Bellatrix sur le Chemin de Traverse, sa cheville le lançait encore et faire une mission seul aurait été risqué.
- Bon, Cornedrue, on attend quoi là ? s'impatienta-t-il.
James, assis dans un fauteuil face à lui, fit tressauter son genou.
- Encore cinq minutes, je suis sûr qu'ils vont arriver...
- Et t'es sûr qu'on a besoin de les attendre ? maugréa Remus, l'air aussi exaspéré que lui.
Il était debout près de la fenêtre, sa silhouette frêle avalée par un gros pull. Sirius remarqua seulement que c'était celui qu'il lui avait offert à Poudlard, le gris un peu trop ample avec marqué « j'aime le chocolat noir comme mon âme » dessus. Il trouva que c'était assez étrange que Remus l'ait redéterré de son placard alors qu'il semblait être entouré d'un nuage morose depuis quelques jours, surtout dès que Sirius rentrait dans son champ de vision. Il n'avait pas cherché à savoir pourquoi, trop fatigué. A tous les coups, Remus était juste encore en colère à cause de son arrestation injustifiée sur le Chemin de Traverse et par le fait que sa soi-disant amie, Ornella machin, n'avait toujours pas été libérée par le bureau des Aurors.
- Oui, on a besoin, répondit Lily à la place de James en entrant soudain dans la pièce.
Il renversa la tête en arrière par-dessus l'accoudoir pour la voir. Flanquée de Marlène, les deux filles portaient deux plateaux avec des tasses fumantes et il se redressa avec empressement.
- Oh Merlin, merci ! Dites-moi que c'est du café !
- Du café et du thé, confirma Lily. Eh, attends.
Si elle avait eu les mains libres, elle lui aurait sûrement donné une tape réprobatrice, mais en l'occurrence il attrapa une tasse à la volée. Marlène déposa son plateau sur la table basse.
- J'ai entendu le mot thé ? fit Dorcas en revenant elle aussi dans la pièce, appuyée sur ses béquilles.
- Oui, mais tu dois d'abord prendre ton élixir pour fluidifier le sang avant, lui rappela Lily.
- Roh, sérieux ? Il a un goût atroce celui-là !
- Peut-être, mais il t'évite de faire des caillot et de retourner à Ste-Mangouste. Alors, allez, cul-sec.
- Ouais et puis bois pas trop, conseilla Sirius, railleur. Sinon, tu vas devoir encore aller aux toilettes et on te revoit pas avant trois heures.
Dorcas, en train de clopiner avec difficulté jusqu'au canapé, lui lança un regard noir.
- Très drôle. Je vais de plus en plus vite si t'avais pas remarqué. On n'a pas tous eu la chance d'avoir juste une pauvre entorse.
- Une pauvre entorse ? Eh, j'ai été touché par des maléfices de magie noire ! Pas de ma faute si ça a guéri plus vite que ta jambe.
Il fallait dire que le mur n'avait pas épargné Dorcas : apparemment, d'après les médicomages, l'os avait été fracturé à plusieurs endroits, la chair profondément entaillée et la perte de sang avait été importante. C'était déjà un miracle si Dorcas ne se retrouvait pas à boîter pour le restant de ses jours, mais Lily était assez confiante.
Fatigué, il portait sa tasse à ses lèvres, lorsqu'ils entendirent la porte du QG claquer. Quelques secondes plus tard, Peter et Alexia arrivèrent enfin.
- Oh bordel, pas trop tôt ! râla-t-il. Vous faisiez quoi ? Ca fait une éternité qu'on attend !
- Ah désolé...
- On déjeunait ensemble, expliqua Alexia en retirant son écharpe. Comme j'avais pris mon après-midi pour faire mon tour de surveillance, Peter est venu me rejoindre avec un sandwich, ça m'a fait gagner du temps.
Sirius haussa un sourcil. Depuis quand Alexia et Peter déjeunaient ensemble ? Il s'apprêtait à poser la question, mais Peter piqua une tasse de thé sur le plateau déposé par Marlène et s'exclama :
- Et vous devinerez jamais ce qu'on a vu ! Un vrai truc bizarre.
- Bizarre ? fit Remus.
- Hum hum... On allait partir du Ministère, mais Alex avait oublié son sac, alors on a voulu reprendre l'ascenseur pour retourner à son étage. Les portes s'ouvrent...
-... et là, on tombe sur un chien ! embraya Alexia d'un ton incrédule. Un vrai chien !
- Quoi ?
Ils se regardèrent tous, perplexe. Aucun d'eux n'avait l'habitude de se rendre au Ministère, mise à part Alexia pour son travail, mais lors de ses rares visites dans ce lieu central de leur communauté, Sirius n'avait jamais vu de chien s'y balader. Des chouettes et des hiboux à la rigueur pour envoyer des notes de service, mais jamais d'autres animaux.
- Qu'est-ce qu'ils faisaient là ? interrogea James à voix haute. Quelqu'un l'avait perdu et il est rentré dans l'ascenseur par erreur ?
- C'est ce qu'on a pensé au départ, oui, dit Alexia. Il était petit et il bougeait à peine alors j'ai essayé de l'attraper. Le pauvre, il a eu peur. Il a tenté de m'éviter, mais il s'est pris le mur de la cabine. Il titubait complètement, comme si on lui avait jeté un sort de confusion, c'était bizarre à voir.
- Mais ça fonctionne ? Un sort de confusion sur un chien, je veux dire ? demanda Dorcas avec perplexité.
Sirius partageait son trouble. Rien n'allait dans cette description.
- Techniquement, c'est possible, répondit Remus. Mais les animaux répondent parfois complètement différemment des humains à la magie. Et puis, pourquoi quelqu'un aurait jeté un sort de confusion à un chien ? Dans le Ministère ?
- Aucune idée, mais attendez, ça devient encore plus étrange, raconta Peter, visiblement ravi de les avoir tous accrochés avec son histoire. Le chien se prenait les murs et marchait à peine droit donc et d'un coup il s'est juste effondré. Là, sur le sol !
- Oh non le pauvre !
Catastrophée, Marlène porta son poing à sa gorge et se mit à jouer avec son collier, un espèce de pendentif en montre à gousset argentée.
- Il était mort ? fit Lily d'une voix blanche.
- On y a cru quelques secondes franchement ! Mais non, il respirait. Seulement, il était super raide, complètement figé, et impossible de le réveiller. Peut-être que le sortilège de confusion avait vraiment frappé très fort. En tout cas, on commençait à s'inquiéter et à se demander ce qu'on pouvait en faire quand un Langue-de-Plomb a débarqué en courant dans les escaliers !
- Il était paniqué, il venait de faire tous les étages pour retrouver le chien ! poursuivit Alexia en venant se percher sur l'accoudoir de son fauteuil. Vous connaissez les Langues-de-Plomb, il ne nous a rien dit, il a juste repris le chien en nous remerciant d'avoir veillé sur lui et bam il était reparti.
Sirius cilla, le cerveau bien trop fatigué pour comprendre les enjeux de cette histoire sans aucun sens. Heureusement, les autres devaient être plus réveillé que lui car ils se mirent à tous poser des questions en même temps :
- Mais c'était qui, ce Langue-de-Plomb ?
- Alors quoi ? Ça veut dire qu'ils font des expériences sur des chiens maintenant au Département des Mystères ?
- C'est autorisé en recherche magique ?
- On pourrait demander à Bagnold des explications non ?
Remus haussa la voix, dominant la cacophonie :
- Vaut mieux éviter de dire à Bagnold qu'on est au courant de trop choses. Au pire, parlez-en à Maugrey, mais je ne suis pas sûr que ça ait un grand intérêt pour l'Ordre.
- Tu dis ça parce que t'as une dent contre Bagnold depuis qu'elle a exigé que les Aurors embarquent les loups-garous, rétorqua Sirius.
Il se prit un regard assassin en réponse. Très bien, il avait peut-être perdu une occasion de se taire, il voulait bien l'admettre, surtout qu'il n'avait pas la force de se lancer dans un débat et qu'il comprenait que Remus soit en colère. Il trouvait que ça ne servirait pas à grand-chose, mais il comprenait sincèrement.
Sentant que la situation était sur une pente glissante, James s'empressa de frapper dans ses mains pour réclamer l'attention.
- Bon, ok, est-ce qu'on pourra revenir sur cette histoire de chien et de Département des Mystères plus tard ? Lily et moi, on va devoir y aller, et on a quelque chose à vous dire avant ça.
- Si c'est pour nous annoncer votre mariage, on sait, on était là, se moqua-t-il.
Mais James se contenta d'attirer Lily près de lui, puis l'enlaça en plaçant ses mains sur son ventre. Une lueur espiègle brillait dans leurs yeux à tous les deux. Une onde de choc traversa la pièce.
- Mais non ! hurla Dorcas en se redressant sur le bord du canapé, sa jambe étendue devant elle. C'est une blague ?
- Par le caleçon de Merlin...
Sirius eut la réalisation avec un temps de retard. Choqué, il fit la navette entre le ventre de Lily et l'expression mièvre de James. Son cœur dévala jusque dans son estomac. L'espace d'une seconde, il fut persuadé qu'ils leur faisaient vraiment une blague. Juste pour alléger un peu l'atmosphère après les derniers jours difficiles et pour se parodier l'annonce des Londubat. Mais non. Il connaissait James. Il ne pouvait pas feindre cet air béat, c'était celle qui l'arborait à chaque fois qu'il déclamait un poème à la gloire de Lily en cinquième année, le même qu'il avait le jour de son mariage au moment de prononcer ses vœux. Il resta figé, incapable de retrouver sa voix.
Autour de lui, les autres devaient partager son hébétement car personne ne parla pendant de longues secondes. Personne ne sauta non plus sur ses pieds pour les féliciter ou ne proposa de sortir de la bièreaubeurre. Ils s'entreregardèrent tous, moitié catastrophés, moitié sidérés.
Le sourire de Lily vacilla légèrement.
- Oui, on sait, ça fait un choc... convint-elle, compréhension. J'ai même failli faire une crise de panique en l'apprenant, il y a eu quelques larmes, beaucoup de questions, mais...
- Mais on a pris la décision ensemble qu'on allait l'avoir, ce bébé, compléta James d'un ton qui ne soufflait aucune réplique.
Le mot « bébé » parut les plonger tous un peu plus dans la torpeur. Avec horreur, Sirius vit les expressions de James et Lily s'affaisser face à leur manque de réaction et il se força à enfouir ses émotions paradoxales au fond de lui pour lancer, bouche entrouverte avec exagération :
- Oh Merlin, est-ce que ça veut dire que vous avez fait des galipettes ensemble ? Scandaleux ! Je suis choqué !
Il s'éventa le visage d'une main comme une vieille dame victorienne et alors la léthargie ambiante fut enfin brisée.
Tout le monde s'anima soudain, s'accrochant à sa touche d'humour pour se remettre de la surprise. Les filles foncèrent sur Lily pour la prendre dans leurs bras – même Dorcas qui sauta à cloche-pied pour l'atteindre avec un temps de retard – et Remus et Peter vinrent donner une grande tape dans le dos à James.
- T'es complètement fou, Cornedrue, mais félicitations !
- Te marier, avoir un bébé... faut vraiment que t'arrêtes de faire des trucs d'adultes, reprocha Marlène à Lily, un grand sourire aux lèvres. Tu me files des complexes.
- Tu parles, je suis super heureuse pour vous, mais vaut mieux elle que moi, rétorqua Dorcas. Oh la la, t'as un bébé là-dedans ?
Presque avec révérence, elle posa une main sur le ventre de Lily et manqua de perdre l'équilibre. Alexia la stabilisa in extremis.
- Tu sais à combien de mois t'en es ? Comme Alice ? voulut-elle savoir.
- Pas encore, non. C'est pour ça qu'on doit y aller avec James, on a rendez-vous chez un médecin. J'ai préféré d'abord en voir un moldu, ça me parle plus.
- Oh...
Dorcas parut peu convaincue et Sirius devait dire qu'il partageait sa réticence, mais il n'y connaissait rien en matière moldu, encore moins en ce qui concernait le suivi des grossesses. Il se contenta donc d'engloutir Lily dans une étreinte à la faire décoller du sol, poussant les filles sur le côté, et il se prit des « eh, Black », « oh Sirius c'est notre amie, bouge » en pagaille. Lily éclata de rire.
- Wow, Patmol, attention, c'est ma femme enceinte que t'es en train d'écraser là !
- Tais-toi, estime-toi heureux que je m'approche d'elle, je déteste les bébés. Mais comme ça sera le tiens, je veux bien faire une exception.
Sans cérémonie, il lâcha Lily pour venir passer un bras autour des épaules de James et capta alors Peter qui se détournait.
- Tu pleures, Queudver ? s'exclama-t-il, incrédule.
Tout le monde se tourna d'un coup vers lui. Il avait définitivement les yeux humides.
- Bah quoi ? On va avoir un nouveau Maraudeur, ça me rend émotionnel, se défendit-il.
- Oh Pete !
Lily parut sincèrement touchée de sa réaction. Il ne savait pas si c'était son esprit qui projetait des stéréotypes sur elle maintenant qu'il était au courant, il la trouva radieuse. C'est ce qu'on disait sur les femmes enceintes, non ? Qu'elles rayonnaient ?
- Bon, allez, on doit filer. Mais on fête ça dès qu'on est tous ensemble au QG, je vous préviens, assura James en nouant sa main dans celle de Lily.
Ils les regardèrent partir, encore un peu assommés par la nouvelle. Il y avait peu de chance qu'ils arrivent à se retrouver tous au même moment au QG, mais Sirius fit semblant d'y croire et contempla chacun de ses amis rassemblé. Dans neuf mois, ils se passeraient un bébé dans les bras. L'image était surréaliste.
- Merlin, ils sont complètement timbrés, finit par commenter Dorcas en se laissant retomber dans les coussin moelleux du canapé. Un bébé ! Maintenant !
- Ma mère m'aurait arraché la tête, approuva Peter.
- C'est sûr que James aura pas ce problème...
- Oh Sirius !
Indignée devant son humour noir, Alexia lui donna un coup de coude. Il s'écarta avec un « aïe » pour reprendre sa tasse de café oubliée et se réfugia près de Marlène, assise sur la grande table en bois. Remus avait retrouvé sa place près de la fenêtre, les sourcils froncés.
- James et Lily ont toujours été un peu à part de toute façon, souligna-t-il avec pragmatisme. C'est une manière de montrer qu'on doit continuer à vivre même en temps de guerre dans le fond... Les gens continuent de fonder une famille, de se marier, de faire des projets.
- Oui enfin, on fait pas un bébé par revendication politique, objecta Sirius.
- C'est sûr... Surtout à dix- neuf ans !
Il approuva la remarque de Peter d'un hochement de tête. Même s'il était heureux de voir que James et Lily ne semblaient pas abattus et plein d'espoir face à cette imprévue, sa raison lui criait que c'était le pire moment pour mettre au monde un enfant.
- Et puis même pour l'Ordre... marmonna-t-il. Entre Alice et Lily, ça va faire deux personnes en moins pour assurer les missions et se battre...
- Et alors ? objecta Alexia. Franchement, est-ce qu'on peut célébrer une nouvelle pour une fois sans prendre en compte l'Ordre, ce dont l'Ordre a besoin, ce que l'Ordre veut ?
- A ce moment-là, autant ne plus s'engager, contra Dorcas avec évidence. Et puis, célébrer et vivre, c'est bien beau encore une fois, mais sérieusement... Est-ce qu'ils ont eu le temps de vivre même ? En ayant un gosse à dix-neuf ans, juste après Poudlard ?
- Mais arrête, est-ce qu'on a dit ça aux Londubat en début semaine ? Non !
Remus émit un souffle railleur. Il était définitivement de mauvaise humeur.
- Les Londubat sont mariés depuis des années, ils ont la trentaine et un boulot stable à côté de l'Ordre. James vit sur l'héritage de ses parents et croit que sa conviction pourra remporter la guerre alors que Lily se tue à jongler entre son apprentissage de médicomage et l'Ordre. Le profil est légèrement différent quand même.
- Eh, le dit pas comme ça... Peut-être qu'un peu de conviction, ça fait de mal à personne justement, jugea-t-il sans regarder personne en particulier.
Pourtant, Alexia et Peter se tendirent, il le vit très bien du coin de l'œil, et même Remus parut agacé de la remarque. Il soutint leur regard, inflexible, sa tasse de café maintenue contre lui du bout des doigts. Ils pouvaient tous s'indigner face à l'idée d'avoir un bébé aussi jeune – lui-même était à moitié horrifié par la perspective – mais il mettait à sa limite à remettre en cause l'investissement de James dans cette guerre. Parce que même si son meilleur ami était un idéaliste par excellence, il n'y a rien que James n'entreprenait qu'il n'avait pas pensé sous tous les angles possibles et où il ne mettait pas toute son énergie.
- Ce n'était pas une critique, répliqua Remus, mâchoire crispée. Mais faut reconnaître que c'est plus facile d'avoir de la conviction quand on n'a que ça à penser et toute la force de frappe d'une organisation comme l'Ordre derrière soi.
- Et quoi ? James devrait s'en excuser ? Il pourrait faire ce qu'il veut de son temps et de son argent et il a quand même choisi d'être là pour l'Ordre.
- Je n'ai pas dit ça, Sirius. Mais je crois que vous avez tendance à oublier que nous autres, on doit travailler à côté parce qu'on y est obligé, que ce ne n'est pas un manque d'investissement. On ne peut pas juste se reposer sur notre conviction et nos idéaux, c'est tout ce que je dis. Et je ne parle même pas des personnes qui ne font pas partie de l'Ordre et qui n'ont pas le soutien de Maugrey, de Benjy ou des Londubat pour les aider derrière les portes closes.
Sirius comprit soudain vers où se dirigeait la conversation. Il aurait dû s'en douter, Remus tournait en boucle depuis des mois sur les soupçons contre les loups-garous, contre la législation du Ministère... Et le fait que son amie inconnue soit toujours retenue pour être interrogée alors que lui-même avait été libéré devait lui mettre les nerfs à vif.
- Eh, les gars, on va peut-être se calmer, apaisa Dorcas. Ok, tout le monde n'est pas sur un pied d'égalité, on est désolés de ne pas travailler mais on se tape plus de missions en contrepartie, voilà c'est tout. On ne va pas s'engueuler pour ça, on était censé se réjouir pour Lily et James.
- Comme si t'étais pas la première à critiquer leur décision... marmonna Alexia.
Un tic nerveux agita la bouche de Dorcas.
- Je n'ai pas critiqué, j'ai juste dit que c'était de la folie en ce moment. Franchement, on pense tous pareil. Mais après, ça les regarde. C'est leur mariage, leur gamin.
Alexia leva les mains, battant en retraite, même si son visage montrait clairement son agacement. A côté d'elle, Peter s'était mis à se ronger les ongles, mal à l'aise et même Marlène continuait à jouer avec sa petite montre à gousset avec nervosité. Il nota qu'elle était restée quasiment silencieuse toute la conversation.
- Ah vous êtes tous là...
Leur bulle de tension fut brisée par Emmeline. Les joues rougies par le froid qui commençait à s'installer dans les landes irlandaises, elle entra dans le salon, les traits graves. Sirius sentit son café lui peser dans l'estomac.
- Merlin, Em', tu fais une tête d'enterrement. Quelqu'un est mort ou quoi ?
Le silence pesant qui lui répondit fut une indication assez claire. Tout le monde se crispa.
- Oh...
- Ouais, désolée, ça ne va pas être très joyeux. Hum... Benjy m'a prévenu en me croisant au Ministère ce matin. Ils sont intervenus chez une famille sorcière, la Marque des Ténèbres flottait au-dessus du toit. Ils ont retrouvé deux corps...
Marlène déglutit.
- Qui ? demanda-t-elle dans un filet de voix.
- Mr et Mrs Winger...
Le nom mit un instant à trouver un écho dans son esprit, puis le percuta avec force. Il revit vaguement une petite sorcière aux cheveux gris frisés et à l'accent irlandais en train de lui parler de ses expériences avec des plantes à l'hôpital.
- Winger ? répéta Peter avant lui. Mais c'est... c'est la tutrice de Lily...
- Oui, elle et son mari... Ca faisait des mois qu'ils étaient ouvertement contre Vous-Savez-Qui. D'après le rapport de Lily, sa tutrice avait même été assez virulente pendant la prise d'otages à Ste-Mangouste. Les mangemorts les ont attaqués pendant la nuit...
- Oh Merlin, c'est horrible... Je l'ai vu il y a quatre jours, c'est elle qui m'a soigné ma jambe...
Sirius contempla les bandages de Dorcas et ses béquilles, la gorge comprimée. Il s'en souvenait, il l'avait attendu dans la salle d'attente de Ste-Mangouste.
- Et leur fils ? lança-t-il en se souvenant du jeune homme qui l'avait abordé chez les Malefoy justement pour lui présenter sa mère et pouvoir parler botanique avec sa couverture, un apothicaire français réputé. Ils avaient un fils, Tony, Terrence, Timothy, quelque chose comme ça...
Emmeline acquiesça.
- Talbott Winger. Il a réussi à s'échapper. Honnêtement, c'est un miracle... Benjy m'a dit qu'il soupçonnait une affaire d'animagus non déclaré. Sa mère en était une, elle se transformait en cygne. Ça n'a pas dû suffire quand les mangemorts leur sont tombés dessus... déplora-t-elle dans un souffle.
- Il va avoir des ennuis ? s'enquit Dorcas. Je veux dire, un animagus non déclaré, on peut prendre des années à Azkaban pour ça, non ?
Même à distance, Sirius entendit distinctement Peter se remettre à ronger ses ongles et il veilla à rester le plus neutre possible. Près de la fenêtre, Remus sembla imperturbable, même s'il se doutait que son cœur venait d'accélérer tout comme le sien.
- Dans des circonstances normales, sans doute, confirma Emmeline. Mais là, Benjy m'a dit que ni la Bridage ni les Aurors ne vont ouvrir une enquête. Le pauvre garçon vient de perdre ses parents, on ne va pas lui mettre la tête sous l'eau... Surtout que maintenant qu'on sait que les mangemorts ont des soutiens dans le Ministère. S'ils leur donnent la liste des animagi enregistrés, il va devenir une cible encore plus grande.
- Merlin... qu'est-ce qu'il va devenir ?
- Techniquement, il a vingt ans, il est majeur... L'Ordre va peut-être lui proposer un passage vers la France ou un endroit où se cacher à la campagne, mais il faut encore qu'il accepte...
- Et Lily ? Elle est au courant ? demanda soudain Marlène.
Un nouveau silence pesant, emplit de malaise, passa entre eux tous. Au vue de l'expression d'Emmeline, ils comprirent qu'elle n'avait pas encore reçu la nouvelle. Il allait falloir attendre qu'elle revienne de son rendez-vous chez le médecin moldu. Rien qu'à l'idée, Sirius se sentit encore plus épuisé qu'avant.
- Et je suis désolée, mais les mauvaises nouvelles ne sont pas terminées... enchaîna Emmeline. Enfin, mauvaises... Je ne sais pas trop où situer celle-ci, mais je me suis dis que c'était mieux si vous l'appreniez par quelqu'un de l'Ordre plutôt qu'autrement...
L'atmosphère sembla s'assombrir encore un peu plus. Bon sang, ils ne pouvaient pas avoir dix minutes de répit ? C'était infernal ! Surtout, il eut l'étrange impression qu'Emmeline le fixait plus que les autres, une expression étrange sur le visage. Un mauvais pressentiment germa dans sa poitrine.
- Allez, Em', balance, enjoignit-il, tendu.
Elle soupira.
- Ca va être annoncé dans la rubrique nécrologique de la Gazette de demain... La famille est restée discrète plusieurs jours le temps de s'organiser, je crois, mais le bruit a fuité. (Elle se passa une main sur le front, l'air mal à l'aise). Orion Black est mort.
Sirius fut pris d'un vertige momentané. Sa vision se teinta de noir, occultant la réaction des autres, même s'il entendit les hoquets de stupeur par-dessus le bourdonnement dans ses oreilles. Il resta néanmoins debout, immobile. Orion Black est mort.
Les mots lui firent étrange. Ils n'allaient pas bien ensemble. Orion avait toujours été une force de la nature, la patriarche ; celui qui pouvait même éclipser grand-père Arcturus et Pollux quand il élevait la voix. C'était rare, mais c'était arrivé. Toujours flegmatique, toujours trois coups d'avance sur tout le monde, même sur la mort. Mais le voilà qui avait été battu. Sirius ne savait pas quoi en penser.
Contrairement à sa mère, sa relation avec son père avait toujours été paradoxale. Dès l'enfance, il avait eu tendance à se tourner vers Orion alors que Walburga n'en avait que pour Regulus, le petit dernier avec ses grands yeux et son tempérament calme. Orion avait essayé de le guider. Il se souvenait de longues après-midi dans son étude à lui apprendre à écrire, à lui faire réciter le nom des constellations... Là où sa mère hurlait et perdait patience, son père se montrait inflexible. Encore, répétait-il à la moindre erreur, un Black ne s'arrête pas avant la perfection. Autant dire qu'il avait déchanté à partir de son entrée à Poudlard...
Il avait toujours trouvé hypocrite les désirs d'excellence de son père alors que lui-même ne l'avait jamais atteint. Sirius avait mis du temps à s'en rendre compte, mais les piques de la tante Lucretia et les regards chargés de mépris d'Arcturus avaient fini par le lui faire comprendre. Orion Black avait tout réussi dans sa vie : son mariage avec une cousine au second degré, laissant sa lignée pure ; son rôle de chef de famille ; sa tenue des comptes et son entreprise de finance... Mais il avait échoué à être père.
Oui, dans ce rôle, Orion avait connu à la fois son échec le plus embarrassant et sa plus grande désillusion, Sirius en était convaincu. Il suffisait de voir les silences froids qui s'étaient installés entre eux, comment sa fierté l'avait empêché de revenir le chercher après sa fugue chez les Potter, et même la crainte qu'il avait fini par inspirer à Regulus. Seulement, Sirius n'était peut-être pas le plus apte à juger. Il n'avait pas été un très bon fils non plus si on y regardait bien.
Le constat faisait peine à voir. Un père qui n'avait jamais su être un soutien et un fils qui n'avait jamais su être héritier.
- Sirius ? appela Alexia doucement. Sirius, ça va ?
Il releva la tête. Il réalisa que tout le monde l'étudiait, attendant sa réaction, et même Remus semblait avoir mis son mystérieux agacement à son égard de côté. Il déglutit. Est-ce qu'il allait bien ? Difficile à dire. En tout cas, il n'avait pas le sensation qu'une main invisible lui tordait le cœur et les entrailles comme lors de la mort de Fleamont et Euphemia. Encore une preuve de l'échec d'Orion certainement.
- Ouais, ça va, dit-il d'une voix atone. En ce qui me concerne, il était déjà mort. Au moins, il l'a rendu officielle comme ça.
Et, sans un regard, il se dirigea hors du salon, sa tasse de café oubliée sur la table près de Marlène. Il avait besoin de quelque chose de plus fort. Une whisky pur feu de préférence et peut-être même un tour de moto volante.
Il avait une étoile de plus à observer ce soir dans le ciel.
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En périphérie de Londres, plusieurs semaines plus tard, le brouillard avait envahi les rues depuis le début de la journée. Une silhouette habillée de noir s'y mouvait d'un pas décidé, une capuche rabattue sur la tête, avant de s'arrêter devant un bâtiment en briques. Plusieurs personnes s'y pressaient déjà, les yeux rivés sur l'horloge juste au-dessus de la porte principale. Pile à l'heure.
Une sonnerie stridente retentie et, aussitôt, la porte s'ouvrit pour déverser des dizaines d'enfants excités, cartable vissés à l'épaule. La silhouette, celle d'une femme à n'en pas douter, se faufila parmi la foule avec une moue irritée. Des moldus partout... Quelle disgrâce d'avoir mis leur sang dans une école pareille, même si ce sang était souillé. C'était une honte. Mais ça lui facilitait aussi la tâche : pas de boucliers, ni de sorts de protection. Simplement une enseignante qui tenait la petite par la main, cherchant du regard le visage d'un père qui ne serait pas là avant de longues minutes, coincé malencontreusement dans sa voiture. C'était impressionnant la façon dont la mécanique moldue résistait mal à la magie.
- Bonjour ? fit l'enseignante, une question dans la voix.
Elle avait un sourire aimable et la silhouette vêtue de noir – une robe de deuil – se força à l'imiter en retirant sa capuche pour libérer ses longues boucles sombres.
- Bonjour, je suis venue chercher Nymphadora. Son père a eu un empêchement.
- C'est Dora, bougonna l'enfant, le nez froncé.
Son sourire vacilla à peine. Elle n'était plus à une infamie près... Le prénom, au moins, avait été sang-pur, mais elle aurait dû s'attendre à ce que même cela ne soit pas respecté.
- Dora, oui...
- Oh... Je n'avais pas été prévenue, s'étonna l'enseignante, perplexe.
- La... « voiture » est tombée en panne. J'ai été envoyée à la dernière minute, nous nous excusons.
- Je vois. Je suis désolée, mais techniquement, je ne peux pas laisser les enfants repartir avec n'importe qui si je ne suis pas prévenue. Seule la famille est autorisée à venir les récupérer...
Cette fois, son sourire ne fut pas feint. Elle le savait, dès qu'elle souriait, sa ressemblance avec sa traître de sœur était immanquable, même pour l'œil d'une pauvre moldue. Le doute traversa les traits de l'enseignante.
- Justement, c'est pour cela qu'on m'a envoyé, susurra-t-elle avec assurance. Je suis sa tante.
Dans le brouillard de la périphérie de Londres, Bellatrix Lestrange repartit ainsi avec la petite Nymphadora, une main glissée dans la sienne.
Quand Ted Tonks arriva une demi-heure plus tard, sa fille avait disparu.
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Verdict ? ^^ Nous entrons dans l'arc "enlèvement de Nymphadora". Ceux qui avaient lu La dernière page de Perripuce pouvaient s'en douter car Tonks l'évoque à un moment. Dans les chapitres suivants, vous découvrirez donc ce qu'il s'est passé !
Et depuis la reprise, je me suis rendue compte que j'avais oublié de mettre mes teasing de fin de chapitre pour annoncer le suivant. Attention, prochain chapitre dans une ou deux semaine selon mon avancée.
Chapitre XIII : prisonnier d'une vie
"- Reg... appela Marlène une nouvelle fois.
Il fit volte-face vers le lit. Recroquevillée dos à la tête de lit avec ses genoux repliées contre sa poitrine, il vit qu'elle regrettait déjà ce qu'elle venait de laisser échapper.
- Je te l'avais dit, McKinnon, murmura-t-il, la gorge serrée. Je t'avais dit que je ne pourrais pas te donner plus, que c'était à prendre ou à laisser...
- Je sais, je sais...
- Alors ne me demande pas autre chose maintenant !"
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