Tome IV - Chapitre 12 : L'avenir n'attend pas
Je suis désolée, l'intro va être super sommaire, je suis claquée : un premier samedi de vacances, ça veut dire une blinde de monde à la bibliothèque haha ! Et puis la star ac va commencer (ouais j'ai mes priorités ^^).
Mais du coup, vraiment super contente de vous avoir retrouvé ! Merci pour vos commentaires et votre bonne humeur ! <3
Semaine très étrange de mon côté. Je ne sais plus si j'avais parlé un peu de mes problèmes d'angoisse/de boulot ici ou juste sur LHDI, mais du coup j'ai commencé à voir une psy pour la première fois de ma vie. Je ne peux pas dire que ça fasse encore effet, il est bien trop tôt, mais j'essaye petit à petit de mettre des choses en place et cette semaine mon anxiété était moins élevée que d'habitude donc j'étais contente.
Et vous, votre semaine ? (Je suis encore sous le choc de la mort de Liam Payne oh la la...)
Bonne lecture !
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Chapitre XII : L'avenir n'attend pas
- Et voilà ! Je vous ramène les estropiés et le délinquant, annonça Alice Londubat avec grandiloquence en ouvrant en grand la porte du QG.
Lily se retourna vivement, sa casserole oubliée sur le feu. Derrière l'Auror, Sirius et Dorcas, chacun sur une paire de béquille, entrèrent à la suite de Remus et James. Elle se précipita vers eux.
- Oh Merlin, enfin ! J'ai cru que vous reviendrez jamais !
- Mince, ça va faire moins de dîner pour nous, maugréa Gideon en train de mettre la table. C'est bon, c'est bon, je plaisante. Aïe, Emmeline ! Oui, je rajoute des couverts.
Il s'empressa d'ouvrir les placards où la vieille vaisselle était stockée tandis que Fabian prenait sa place devant les fourneaux. Lily, quant à elle, tira plusieurs chaises pour que Dorcas et Sirius puissent s'y laisser tomber dans un soupir soulagé et les fixa avec inquiétude. Ils avaient déjà eu l'air plus en forme, le teint grisâtre, mais à part cela ils étaient en bien meilleur état que la dernière fois qu'elle les avait vu, à savoir il y a plus de six heures sur un Chemin de Traverse dévasté.
- Ta tutrice a été exceptionnelle, relata James en s'asseyant à son tour, les traits tirés. Elle nous a fait passer en priorité, sans poser de questions. La jambe de Dorcas va demander au moins deux mois de repos par contre...
- Mais elle a dit que j'étais chanceuse de la garder, alors je ne me plaints pas.
- Merlin... et t'as encore mal ?
Dorcas secoua la tête, les yeux un peu dans les vagues.
- Honnêtement ? Je crois que je suis défoncée aux potions anti-douleurs. Est-ce que la cuisine bouge ?
- Non, sourit-elle, rassurée. Et toi, Sirius ?
La tête retenue sur son poing, celui-ci soupira et leva la jambe jusqu'à exposer sa cheville sur la table. Elle était enroulée de bandages aussi épais que ceux d'une momie.
- Moins grave que l'unijambiste à côté de moi, mais un maléfice a traversé la peau, exposa-t-il comme s'il parlait de la météo. Bellatrix n'est pas le genre à y aller de main morte.
- De jambe morte, intervint James avec emphase.
Elle lui jeta un bout de raisin qui traînait dans la coupelle de fruit près d'elle pour ce jeu de mot douteux.
- Eh !
- Tais-toi, Cornedrue, c'est moi qui raconte ! Bref, je peux aussi garder ma cheville, mais ça va demander deux à trois semaines d'immobilisation et une crème à base de plantes à appliquer. Voilà.
- Oh non, t'as oublié le meilleur ! cracha Dorcas en repoussant sa cheville de la table, manquant de l'envoyer valser avec sa chaise au sol. Le mur explosé sur ma jambe, c'était de ta faute !
- Celle de Bellatrix !
- Qui se battait contre toi !
- Et tu crois quoi ? Qu'en plein duel sympathique, je lui ai dit « oh ma chère cousine timbrée, regarde là-bas, Dorcas ! Et si tu lui faisais exploser un mur dessus ! ».
Le plat fumant dans les mains, Gideon laissa échapper un ricanement, puis parut se rappeler qu'il ne pouvait pas se voir Sirius en peinture la plupart du temps et reprit une expression neutre. Autour de la table, tous les autres prirent place, même Alice Londubat. Il était rare qu'elle reste manger au QG et Lily se décala vers Emmeline pour lui faire de la place. De toute façon, l'odeur de la viande mijotée lui donnait la nausée, elle le sentait d'ici...
Nerveuse, elle coula un regard vers James. Elle n'avait pas encore pu se retrouver seule avec lui, encore moins lui parler de sa découverte dans la salle de bain. Elle avait eu besoin de presque une demi-heure pour se remettre du choc, frissonnante à même le sol, avant de se relever et de redescendre pour aider à préparer le dîner. Ni les frères Prewett ni Emmeline n'avait semblé remarquer quoique ce soit ou s'ils l'avaient fait, ils avaient dû mettre son attitude agitée sur le compte de la journée horrible qu'elle venait de passer.
- T'as pas peur que Bellatrix finisse par te tomber dessus ? s'inquiéta soudain James, la bouche pleine. Je veux dire, entre ta fugue en cinquième année, le scandale à la fête de Malefoy et le duel là... ça commence à faire beaucoup, non ?
Elle se reconcentra sur la conversation. Sirius était en train d'hausser les épaules et râcla sa fourchette sur le bord de son assiette, nonchalant.
- Ca faisait déjà beaucoup rien qu'à ma naissance pour elle, alors un truc de plus ou de moins...
- Réjouissant, commenta Gideon. Et sinon, au-delà des grands blessés, on t'a pas entendu Lupin ? Comment tu t'es sortie des griffes de Bagnold ?
Immédiatement, un silence gênant tomba sur la tablée. Tous les regards se tournèrent vers Remus, assis sur un coin, légèrement de travers à cause du manque de place. D'habitude, s'ils étaient nombreux à manger au QG, ils s'installaient sur la grande table en bois du salon, mais sans nouvelles des autres, ils n'avaient pas anticipé. Remus, un masque indéchiffrable sur ses traits tendus, répondit calmement :
- Rien de bien intéressant à raconter, éluda-t-il. Elle voulait embarquer tous les loups-garous, je me suis retrouvé dans le lot. Quand Maugrey s'en est rendu compte, il a demandé à la femme de Bones de m'interroger. C'était plus pour sauver les apparences qu'autre chose, je pense, parce qu'au bout de dix minutes elle me raccompagnait à la porte. Bagnold a eu ce qu'elle voulait et voilà.
- Cassie ne fait pas partie de l'Ordre, mais elle sait nous rendre service, abonda Alice. C'est assez pratique, surtout quand certains font des excès de zèle dans le Bureau et voudraient arrêter tout ce qui bouge.
Son ton formel ne dupa personne. Les frères Prewett fixait toujours Remus avec un peu trop d'instance alors que James et Sirius avaient arrêté de manger, l'air prêt à bondir à la moindre remarque. Seule Dorcas paraissait être ailleurs à cause de ses anti-douleur et contemplait la vieille horloge avec béatitude.
- C'est sûr que c'est pratique, convint Fabian, toujours sur le ton de la conversation. Et l'autre fille dont Potter nous a parlé ? Ornella ?
D'abord, Remus jeta un coup d'œil exaspéré vers James, mais celui-ci leva les mains en signe de défense, et il comprit en se tournant vers elle. Elle sentit ses joues s'empourprer.
- Je devais faire mon rapport en rentrant, se défendit-elle.
- A Maugrey ! Pas à tout l'Ordre.
- Elle tenait à peine debout en revenant, la pauvre, justifia Emmeline. On l'a juste aidé à formuler les phrases. Et de toute façon, ce n'était pas une mission confidentielle, on avait le droit de lire le rapport.
- Ouais, excusez-moi de manquer de progressisme, mais je préfère être au courant qu'on a un loup-garou parmi nous, renchérit Fabian. Surtout s'il traîne avec une radicale notoire.
Remus serra sa fourchette à s'en faire blanchir les jointures et répliqua avant que James ou Sirius n'ait pu le faire.
- C'est précisément pour ce genre de réflexion que je ne voulais pas... étaler mon problème.
- Ce n'est pas un problème, fit James d'une voix exaspérée qui trahissait la force de l'habitude.
- Bien sûr que si, sinon les Aurors m'auraient pas arrêté pour rien.
Alice soupira. Elle repoussa son assiette, déjà vide, et se tourna vers lui en redressant les épaules. Pour la première fois, Lily s'aperçut que ses cheveux courts lui donnaient une certaine prestance, sûrement utile dans l'univers d'homme dans lequel elle évoluait.
- Lupin, on était obligés... se déchargea-t-elle. Bagnold était juste là, elle venait de donner des ordres. On ne pouvait pas juste l'ignorer, ça aurait paru suspect. Elle va quand même être notre prochaine Ministre de la magie...
- Minchum n'a pas encore démissionné.
- C'est tout comme, il reste le temps d'organiser des élections en mai, mais d'ici six mois il ne pourra plus assumer la situation. Il ne se représentera pas et Bagnold est la seule candidate sérieuse. Au Ministère, elle est là la seule à mettre en place des choses pour tenir tête aux mangemorts grâce à son poste au Département des Mystères.
- Oui, oui, la politique est passionnante, coupa Gideon d'un ton ennuyé. On peut en revenir à comment et pourquoi Lupin connait une activiste lycanthrope ?
- Eh, c'est censé vouloir dire quoi ça ? gronda Sirius.
Il était visiblement arrivé au seuil de sa tolérance et Lily se massa les tempes, sentant la crise venir. Seulement, Remus coupa court.
- C'est bon, Sirius, laisse tomber, fit-il sèchement. Et pour Ornella, le Ministère l'a gardé pour l'interroger comme elle était là au mauvais endroit au mauvais moment et je la connais parce que c'est une amie. On a encore le droit d'en avoir en dehors de l'Ordre ou il faut une autorisation écrite et signée de Maugrey maintenant ?
Le silence retomba, encore plus glaciale qu'avant. Sirius, blessé de s'être fait rabrouer, dévisageait Remus avec incompréhension ; James mangeait son assiette de plus en plus vite, mal à l'aise ; les frères Prewett semblaient ronger leur frein de justesse ; et même Dorcas lui jeta un regard éperdu, perturbée par la tension ambiante. Lily se contenta de lui faire un sourire rassurant. Intérieurement, elle avait surtout envie de quitter la table et de se réfugier dans sa chambre. C'était sans doute psychologique – elle en était même certaine – mais elle avait l'impression que son ventre s'agitait sous le coup de ses émotions.
Alice s'éclaircit la gorge.
- Bon... je vais devoir y aller, désolée de ne pas pouvoir rester pour le dessert. Mais juste avant, je voulais en profiter pour vous annoncer une nouvelle...
- Les Aurors vont enfin changer d'uniforme ? Parce que le violet jure vraiment avec mes cheveux et ça me gêne quand on part en mission ensemble, railla Gideon, sûrement pour détendre l'atmosphère.
- Non, tu feras tes réclamations à Maugrey. Pour ma part... et bien, Frank et moi, nous allons avoir un enfant. Je suis enceinte.
- Oh Merlin !
Les réactions fusèrent. Plusieurs « oh » de surprise résonnèrent, mais ce furent surtout des expressions stupéfaites qui accueillirent la nouvelle. Lily resta figée, saisie par la force de la coïncidence, et se retrouva incapable d'articuler le moindre son. A côté d'elle, Emmeline se fut la première à se reprendre après un instant d'hésitation.
- C'est fabuleux. Félicitations ! Vous... vous y attendiez ?
Elle ne pouvait pas la blâmer pour la question. Qui, en temps de guerre et aux premiers rangs de la résistance, se disait que c'était une bonne idée de faire un enfant ? Elle pressa son poing contre ses lèvres, le cœur battant.
- Merci, c'est gentil, sourit Alice sans prendre ombrage. Oui, c'était plus ou moins attendu. Ça va faire six ans qu'on est mariés et on s'était dit que si ça arrivait... alors on l'accueillerait avec plaisir.
- C'est bien... fit Emmeline, même si son sourire était encore hésitant. Tu sais depuis combien de temps ?
- A priori, deux mois. Si tout se passe bien, la naissance est prévue pour fin juillet.
- Un bébé d'été ! s'enthousiasma Gideon, affichant pour une fois un sourire sincère. Vas-y, fais-moi rêver. Tu l'as déjà annoncé à Maugrey ?
Alice éclata de rire.
- Oui. Si je me souviens bien, il m'a dit que c'était terrible parce que j'allais ressembler à une montgolfière et lui poser un arrêt maternité alors qu'il avait déjà bien assez de travail sur le dos. Mais il a ajouté ensuite que si c'était un garçon, il voulait bien qu'on le nomme Alastor et je pense que c'était sa façon de nous féliciter.
L'anecdote eut l'effet escompté : tout le monde s'esclaffa à son tour et la tension qui régnait il y a encore quelques minutes fut oubliée. Fabian sauta sur ses pieds.
- Ça mérite une célébration ! décréta-t-il. Alice, tu restes encore un peu, ordre formel. (Il ouvrit un placard à la volée). Tournée de bièreaubeurre, sauf pour toi ! Un jus de citrouille ?
- Ca sera parfait, accepta-t-elle de bonne grâce. Et sers la même chose à Dorcas, elle n'a pas le droit à l'alcool tant qu'elle est sous traitement.
- Quoi ? s'indigna cette dernière. Bon sang, Sirius, la prochaine fois c'est pas un mur que je te fais tomber dessus, c'est une baraque entière !
- Eh ! C'était toujours pas de ma faute ! Mais t'inquiète, je vais boire pour toi. Donne-moi deux verres, Prewett.
Un brouhaha chaleureux emplit alors la cuisine tandis que tout le monde se levait pour débarrasser les assiettes et les remplacer par des bouteilles. Lily suivit le mouvement, en retrait. Plus que jamais, elle avait besoin de calme et elle se voyait mal participer à la beuverie qui se préparait maintenant qu'elle avait elle-même appris sa grossesse inattendue. Sur la pointe des pieds, elle fit le tour de la table pour rejoindre James, en train de rire avec Sirius. Elle le tira discrètement par le bras.
- Eh, Lily-Jolie, s'exclama-t-il en passant un bras autour de sa taille. Ça va ?
- Un peu fatiguée... je vais monter me reposer. Tu peux venir avec moi ?
Il parut surpris et jeta un coup d'œil à l'ambiance festive avec envie. Après la journée qu'ils venaient de passer, elle ne pouvait pas lui en vouloir de préférer boire quelques bièreaubeurres plutôt que de venir avec elle, mais elle ne se sentait plus capable d'afficher une façade aimable. Son angoisse lui étreignait trop la poitrine. James la contempla de longues secondes et sembla heureusement lire entre les lignes car il finit par hocher la tête doucement.
Main dans la main, ils s'éclipsèrent pour aller se refugier dans leur chambre. A peine la porte se referma-t-elle dans son dos que James l'attirait contre lui.
- Qu'est-ce qui va pas, Lily ? murmura-t-il, le visage enfouit dans ses cheveux.
Elle eut envie de fondre en larmes.
- T'as quelques heures devant toi ?
- Touché, admit-il, défaitiste.
Blottie dans ses bras, elle se laissa quelques instants paisibles, juste pour tenter de réguler sa respiration. James la berça de droite à gauche lentement dans un mouvement apaisant et elle autorisa ses muscles à se détendre. Il la poussa vers le lit avec douceur.
Sans protester, elle se laissa guider et s'assit face à lui en tailleur, les mains rentrées dans ses manches pour éviter qu'il ne les voit trembler. Il posa son regard noisette sur elle.
- Tu voulais vraiment dormir... ? demanda-t-il avec bienveillance. On peut aller un peu chez tes parents si tu ne te sens pas bien ? Je sais que ça fait beaucoup en ce moment, t'as pas à t'en vouloir si t'as besoin d'une pause.
- Non, surtout pas mes parents. Pas maintenant.
Merlin, ils avaient déjà accepté qu'elle se marie à peine sortie de Poudlard, un peu perdus mais heureux pour elle en se disant que c'était la norme chez les sorciers et que ça l'était finalement encore chez les moldus il y a quelques décennies. Mais leur ouverture d'esprit avait des limites. Tomber enceinte à dix-neuf ans en faisait partie.
- James... s'étrangla-t-elle.
Les mots l'étouffèrent. Elle se sentait incapable de les prononcer et, alarmé, il se rapprocha jusqu'à venir prendre son visage en coupe entre ses mains.
- Eh, eh, Lily... Non, pleure pas, ça va aller...
- Je suis désolée...
- T'as à être désolée de rien du tout, la rassura-t-il immédiatement. C'est normal que ça devienne un peu trop, c'est même normal si t'as des doutes. T'es celle qui donne le plus avec Ste-Mangouste et les missions, mais si tu veux je peux te prendre des tours de garde, tu peux rester un peu au QG. Il va falloir s'occuper des blessures de Dorcas et Sirius de toute façon et...
- James, je suis enceinte.
Elle frissonna, elle-même heurtée par le mot qui tournait pourtant en boucle dans son esprit depuis des heures et des heures. Il se solidifia d'un coup. Il devint tangible, réel, et surtout elle le vit percuter James de plein fouet. Il se tut, comme frappé par un sort.
L'angoisse revint lui retourner l'estomac. Elle aurait voulu ajouter quelque chose sans bien savoir quoi – une explication, une phrase rassurante – mais elle le laissa encaisser à son rythme. Dans son regard, une myriade d'émotions sembla passer alors que son visage restait horriblement dépourvu d'expression et elle attendit, patiente.
- Enceinte ? répéta-t-il, choqué. Là, maintenant ?
- Non dans dix ans, rétorqua-t-elle en roulant des yeux. Evidemment, maintenant. Je ne suis pas encore voyante.
- Oh Merlin...
Il enleva ses lunettes et se passa une main sur le visage. Nerveuse, elle tenta d'avaler la boule chauffée à blanc qui s'était formée dans sa gorge.
- Je suis désolée, répéta-t-elle en luttant contre les larmes. Je ne sais pas ce qui s'est passé, j'ai dû mal doser une de mes potions ou alors je l'ai gardé trop longtemps... J'aurais dû faire plus attention !
- Lily...
Il releva la tête vers elle.
- Non, non, arrête, dit-il avec fermeté. Je sais que je suis souvent le plus parfait dans ce couple, mais là faut que tu me laisses un peu de culpabilité. Je veux dire, j'étais là aussi, non ?
Prise au dépourvu, elle émit un rire étouffé, moitié sanglot moitié hilare ; puis souffla vers le plafond pour reprendre contenance.
- Peu importe dans le fond... relativisa-t-elle. C'est fait maintenant. J'ai un... bébé dans le ventre.
- T'es sûre que ça peut pas être un gnome ?
- James !
Elle lui donna un coup dans l'épaule et essuya les quelques larmes qui lui avaient échappé, Merlin, ce que c'était étrange de ce dire qu'il y avait vraiment un être vivant, un deuxième corps, qui se développait dans son ventre à l'instant même. La pensée la répulsait et l'attendrissait dans un mélange paradoxal. Elle le savait pour le soigner au quotidien, mais il n'y avait rien de plus fascinant qu'un corps humain.
Face à elle, James reprit son sérieux.
- Je me disais déjà qu'Alice et Frank étaient complètement fous... Mais alors là...
- Je sais. On a dix-ans neuf, on habite dans le QG d'une organisation secrète dirigée par Dumbledore, il y a une guerre en cours...
- Et nos colocataires sont Gideon et Fabian Prewett. On a vu meilleur contexte, je te l'accorde.
Elle n'aurait pas dit mieux. Le fait qu'il se rende compte de la gravité de la situation la rassura tout de même, du moins jusqu'à ce qu'elle voit la fameuse question s'allumer dans son regard. Il la posa avant qu'elle n'ait pu trouver quelque chose à dire pour la contrer :
- Qu'est-ce qu'on fait ? Je veux dire...
Il n'osa pas élaborer à voix haute, mais elle comprit. Qu'est-ce qu'ils allaient faire ? Elle apprécia qu'il s'inclut dans la décision, qu'il ne la fasse pas poser uniquement sur ses épaules, même si elle avait l'intime conviction qu'il se plierait à sa décision. Si elle ne voulait pas le garder, il serait là pour lui tenir la main.
Elle ferma les yeux, nauséeuse. Merlin, dix-neuf. Elle avait dix-neuf ans et une vie à vivre, elle était encore une enfant qui aurait voulu que sa mère la prenne dans ses bras dès que le monde tremblait autour d'elle. Mais elle était aussi une sorcière engagée dans une guerre. Elle en était même la cible principale et aujourd'hui encore elle s'était tenue face au plus grand mage noir du siècle. Elle se battait pour avoir le droit d'exister.
- Ca va être tellement compliqué... murmura-t-elle.
- C'est déjà compliqué. Est-ce que toute notre relation n'a pas été compliquée même ?
Elle sourit, amusée. Peut-être que James avait raison, même si elle aurait pu objecter que le chemin seulement avait été compliqué : être ensemble s'était avéré plutôt simple en définitif. Du moment qu'ils ne se lâchaient pas, qu'ils se soutenaient...
- Maugrey va nous faire une crise cardiaque, souligna-t-elle dans un élan de lucidité.
Mais évidemment, James Potter avait toujours réponse à tout.
- Il aura qu'à râler dans son coin. Et si ça le dérange tant que ça, il pourra garder le bébé d'Alice et Frank et le nôtre en même temps quand on partira en mission, ça fera des économies de baby-sitting.
- T'as confiance... Il sait appréhender un mage noir comme personne, mais je crois donner un biberon, ça sera au-dessus de ses compétences.
Devant l'image plus qu'absurde, James éclata de rire. Il avait retrouvé un peu de couleurs.
- On se débrouillera, promit-il. T'en fais pas.
- C'est un peu trop me demander là, désolée... Je vais devoir accoucher déjà, donc tu vois, je suis terrifiée. Tu sais que les organes bougent pendant une grossesse ?
- Ils bougent ? Mais ils vont où ?
A nouveau, elle fut prise d'un éclat de rire devant son regard éperdu et elle s'affaissa contre lui, épuisée. Aussitôt, les bras de James revinrent l'entourer. Elle le sentait, son angoisse n'était pas loin sous la surface, mais elle s'autorisa quelques battements de cœur de répit. Elle n'était pas seule. Comme d'habitude, James avait réussi à être l'optimiste, celui qui rendait même les rêves les plus improbables possibles, et elle savait qu'elle était capable de se dépasser quand elle le décidait. Elle ne laisserait pas la guerre gagner.
- On va avoir un bébé, James, souffla-t-elle contre son torse. On va être parents...
**
*
L'air était chargé d'un parfum de terre humide et de pluie imminente quand Remus sortit du QG, juste histoire de prendre l'air. A l'intérieur, ils entendaient encore les voix de Sirius et Dorcas qui se chamaillaient... Il ne savait pas si James et Lily, montés dans leur chambre, allaient finir par redescendre et ils préféraient s'éloigner de l'agitation quelques minutes. Il avait juste besoin d'une pause. Surtout que le regard lourd de Gideon commençait à lui peser.
C'était exactement ce qu'il avait redouté... Son secret était connu de l'Ordre désormais et il ne serait plus jamais le même à leurs yeux. L'idée lui tordit l'estomac.
Sa brève capture au Ministère avait déjà été assez dure à supporter comme cela. Le poids des murs de pierre, des couloirs sombres, et des regards hostiles le hantaient encore. Le simple fait d'être un loup-garou l'avait fait devenir un paria, un criminel, le temps de quelques heures. Il avait du mal à se défaire de la sensation, amer.
Les mains dans les poches, il laissa ses pas le guider vers l'avant de la maison, proche de la barrière magique qui délimitait le QG. Garée sommairement contre un arbre, la moto de Sirius prenait aussi l'air et il se demanda soudain ce qu'on pouvait ressentir lorsqu'elle volait au-dessus des nuages. Il n'avait jamais vraiment aimé voler en balai, mais une moto devait offrir plus de stabilité...
Perdu dans ses pensées, il faillit louper la silhouette qui se matérialisa soudain à quelques mètres et il releva la tête pour apercevoir Dumbledore arriver. Il cilla, surpris. Les visites de son ancien directeur se faisaient de plus en plus rares au QG, surtout depuis la rentrée scolaire. Pour quelqu'un qui devait gérer à la fois une organisation secrète de résistance et la plus grande école de sorcellerie de Grande-Bretagne, Dumbledore lui apparut serein. Habillé d'une cape aux motifs étoilés, il avança vers lui, l'air tranquille, puis s'arrêta à sa hauteur.
- Ah Remus... Je suis heureux de te voir. Comment vas-tu ? demanda-t-il, affable.
- Bonjour, professeur. Hum... ça peut aller. Drôle de journée, c'est tout.
Il songea à rajouter un « et vous ? » de politesse, mais la question lui sembla brusquement trop familière face à Dumbledore. Celui-ci ne parut toutefois pas s'en formaliser. Il se contenta de le contempler, une lueur de reconnaissance dans ses yeux bleus derrière ses lunettes en demi-lune, et Remus sut sans l'ombre d'un doute qu'il savait pour son arrestation.
- Oui, je me doute... confirma-t-il à cet instant. J'ai été mis au courant de tes... disons mésaventures avec le Ministère. Comment te sens-tu ?
C'était une question complexe... Epuisé ? Enragé ? Découragé ? Peut-être un mélange de tout cela. Mais il prit le temps de peser ses mots et finit par soupirer :
- Je me sens... trahi, avoua-t-il honnêtement. Je ne comprends pas comment j'ai pu être arrêté. Enfin si, je sais... Millicent Bagnold en a donné l'ordre. C'est juste que... ça n'a pas de sens.
Il écarta les bras de part et d'autre de son corps, frustré. Face à lui, un éclat de compréhension traversa le visage ridé de Dumbledore.
- Malheureusement, il n'y a que peu de sens à ce genre de dérives, déplora-t-il. Les temps sont durs. Les gens ont peur. La peur engendre souvent des actes irrationnels.
Cette-fois, il retint un ricanement cynique. L'explication était trop facile.
- Peur de quoi ? Je suis un danger pour qui ? Pour les gens qui me connaissent ? Ou pour ceux qui ne veulent pas voir au-delà des préjugés ?
- Remus... Je me doute que ce n'est pas facile à vivre, surtout avec la violence à laquelle tu as été confronté aujourd'hui. Malheureusement, pour beaucoup, ta condition de loup-garou est synonyme de danger, regretta Dumbledore, sa voix empreinte de tristesse. Mais nous devons justement nous battre contre cette peur, Remus.
Là encore, ça semblait si facile à dire... Cette peur, il avait l'impression de s'être battue contre toute sa vie. Il l'avait lu dans le regard de ses parents même et rien que d'y repenser lui soulevait l'estomac. Parce que quoiqu'il fasse, il n'arriverait jamais à faire oublier sa nature à la société, ni aux gens autour de lui.
- Tu sais... Si nous abordons le sujet maintenant alors... commença Dumbledore, son regard le scrutant avec attention. J'ai entendu parler du ralliement de certains loups-garous aux côtés de Voldemort. Tu te doutes bien, toi plus que quiconque, que ce n'est pas un choix facile pour eux. Beaucoup se sentent rejetés et abandonnés par la société.
Il eut un vague geste de la tête sec, agacé.
- Je sais, oui. Mais les rejoindre n'est pas la solution. Ils choisissent quand même la magie noire comme si ça allait changer quelque chose...
- Peut-être que certains d'entre eux ne voient pas d'autre option, rétorqua Dumbledore calmement. Ils sont désespérés et cherchent un endroit où ils se sentent acceptés, même si cela signifie faire alliance avec les mangemorts.
- Hum...
Dans le fond, il savait que le directeur avait raison. Comme d'habitude, il appliquait sa compassion et sa compréhension – celles-là même qu'il lui avait accordé en le faisant entrer à Poudlard – aux autres loups-garous. Ça ne l'empêcha pas de ressentir une profonde résignation face au constat.
- Et alors ? Qu'est-ce qu'on devrait faire d'après vous ? demanda-t-il, las.
La réponse de Dumbledore fusa avec évidence :
- Nous devons les comprendre, Remus. Les convaincre de se ranger de notre côté, de lutter pour leur place dans notre communauté.
- L'idée est belle, peut-être... Mais comment ? Parce que je vous le dis tout de suite, ils n'accepteront pas facilement et je ne peux pas les blâmer. Je savais comment on pouvait nous traiter, mais là je l'ai vécu. Et encore, j'ai eu de la chance d'avoir des soutiens à l'intérieur du Ministère pour me faire sortir rapidement, les autres qui ont été arrêtés y sont encore.
Avec rage, il pointa du doigt derrière lui, comme s'il pouvait atteindre les geôles du Ministère de cette façon. Il songea à Ornella qui allait sûrement devoir subir un interrogatoire humiliant dans les règles de l'art, simplement pour voir y été là au mauvais endroit au mauvais moment. Il ne se voilait pas la face, il était en partie responsable. Il aurait dû lui dire de fuir à la seconde ils étaient arrivés sur le Chemin de Traverse.
- Et puis, ne pensez même pas qu'ils écouteront quelqu'un comme moi, continua-t-il, porté par son élan. A leurs yeux, je serai seulement celui qui coopère avec les sorciers, qui s'est intégré...
Et rien que d'en prendre conscience lui laissait un goût amer. A croire qu'il ne serait jamais assez pour les deux communautés, jamais tout à fait à sa place. Dumbledore ne répondit pas tout de suite. Il prit le temps de ménager un silence, puis pencha la tête sur le côté, pensif.
- Je n'en serai pas si sûr, Remus... dit-il lentement. Je crois qu'un jour, tu auras un rôle crucial à jouer. Infiltrer ces groupes, parler avec eux, leur faire comprendre qu'il y a une autre voie. Une voie qui ne passe pas par la violence et la haine. Oui, tu pourrais avoir un rôle important à jouer. Ne te sous-estime pas.
- Infiltrer ?
- Exactement. Cela signifie comprendre leurs motivations, leurs peurs... Cela pourrait être essentiel, répondit Dumbledore avant de lui adresser un demi-sourire résigné. Si nous voulons gagner cette guerre, nous devons rallier tous les cœurs perdus.
Il contempla la vision que lui présentait le directeur. Il voulait y croire. Après tout, il avait été un de ces « cœurs perdus » à l'âge de dix ans, quand il était un gamin renfermé et timide, persuadé que rien ne l'attendait dans la vie. Parfois, il fallait juste que quelqu'un prenne la peine de se placer sur le chemin et tende une main. Malgré tout, il n'avait pas l'ego d'un James Potter en cinquième année. Il ne prétendait pas avoir l'aura de Dumbledore pour parvenir à un tel but.
- Je ne suis pas sûr d'être à la hauteur... ça pourrait même être dangereux, je pourrais devenir une cible...
- Nous avons tous nos doutes, répondit Dumbledore avec douceur. Mais parfois, il suffit d'un seul individu pour changer le cours des choses. Tu n'es pas seul dans cette lutte, Remus. Et n'oublies pas, les plus grands risques mènent souvent aux plus grandes récompenses. Si quelqu'un peut comprendre ce qu'ils vivent, c'est toi.
Remus inspira profondément, son esprit étant pris dans un tourbillon d'émotions contradictoires. La colère, la tristesse et l'espoir se mêlaient dans une danse complexe. Comment est-ce qu'ils en étaient venus à parler d'un tel projet ? De base, il voulait juste prendre l'air...
- Tout cela reste évidemment hypothétique, apaisa Dumbledore en sentant sa réticence. Nous avons le temps d'en reparler. Il faut simplement rester alerte si une possibilité se présente, chaque porte d'entrée peut être une chance. Mais vraiment, j'insiste sur le fait que l'Ordre sera là pour t'épauler à chaque étape.
- D'accord, oui... Je ferai de mon mieux, mais je ne peux pas promettre que cela fonctionnera...
- C'est tout ce que je demande, Remus. Maintenant, je pense qu'il est temps d'aller chercher un peu de chocolat, qu'en dis-tu ?
Et juste comme cela, un accord passa entre eux. Il était prêt à le tenter. Pour Dumbledore. Il voulait croire en lui autant que celui-ci avait cru en lui-même il y a tant d'années. C'était à lui qu'il devait les Maraudeurs après tout et donc sa plus grande valeur : la loyauté. L'avenir lui dirait que ça lui apporterait.
**
*
Regulus inspecta pour la énième fois la chambre, s'assurant que tout était en ordre. Il ne faisait que passer en coup de vent au Chaudron Baveur, juste pour voir si tout avait remis en place après l'attaque de la veille du Chemin de Traverse. L'établissement n'avait pas été trop touché – les mangemorts n'étant pas rentrés à l'intérieur – mais quelques vitres avaient volé en éclat, dont celle de leur chambre à Marlène et lui. La vision le mettait encore sur les nerfs.
Ça l'énervait que personne ne l'ait prévenu, que l'attaque ait autant été une surprise pour lui que pour les sorciers et sorcières présents à ce moment-là. Mais quand il s'en était plaint à Bellatrix, elle s'était contentée de lui rétorquer qu'il n'avait qu'à être un peu plus présent pour être au courant et il n'avait pas osé pousser plus loin. Elle avait raison. Entre ses rendez-vous secrets avec Marlène et ses recherches pour l'Horcruxe, il avait négligé les réunions organisées par le Seigneur des Ténèbres ces derniers temps.
Personne ne l'avait encore rappelé à l'ordre, signe qu'il n'était pas encore assez important pour cela, mais il voyait bien les regards condescendants que lui jetaient Rosier dès qu'il en avait l'occasion. Bellatrix elle-même ne se privait pas de lui lancer quelques piques et il se cachait derrière son excuse imparable : son père était de plus en plus malade, il se devait de rester à Square Grimmaurd pour gérer les affaires de famille. Généralement, Bellatrix ne trouvait rien à répondre, mais il voyait bien la lueur de colère dans ses prunelles grises face à ce rappel qu'elle ne pourrait jamais prétendre au titre d'héritière. Elle pouvait bien avoir toute l'importance qu'elle voulait aux côté du Seigneur des Ténèbres, il restait l'avenir des Black.
De toute façon, Bellatrix allait sûrement le laisser tranquille pour un petit moment. Elle était revenue sur sa cible originelle depuis hier, à savoir Sirius. Rien de tel pour détourner l'attention que son frère, toujours prompt aux affronts, et son duel avec Bellatrix avait laissé des marques : il l'avait entendu jurer à travers tous le manoir des Lestrange contre lui, la peau brûlée par plusieurs maléfices. Il souhaitait bien du courage à Cissy pour la soigner.
Il jeta un coup d'œil à sa montre. Contre sa peau, elle restait presque fraîche. Aucun signe de Marlène donc et il repoussa l'envie de lui envoyer un signal pour qu'elle le rejoigne. Ils s'étaient vus hier, elle avait certainement une tonne de choses à faire à cause de l'attaque... Ca aurait été trop risqué. Il valait mieux qu'il rentre à Square Grimmaurd pour ne pas éveiller soupçons en restant absent trop longtemps.
Il s'apprêtait à enfiler sa cape lorsque trois coups résonnèrent à la porte. Il s'immobilisa.
- Il y a quelqu'un ? fit une voix féminine.
Sa main se referma sur sa baguette d'instinct. Prudemment, il s'avança et entrouvrit le battant. Face à lui, une femme se tenait, le poing encore levé. Il la toisa, méfiant. Vêtue d'une robe de sorcière extravagante et démodée, elle avait des épais cheveux bruns coiffés d'une voile argent et une peau hâlée qui ne cachaient pas ses traits tirés. Une forte odeur de ce qui ressemblait à des feuilles de thé séchées mêlées d'encens flottait autour d'elle.
- Qu'est-ce que vous voulez ? demanda-t-il sûrement un brin trop sec.
Elle ne parut pas s'en formaliser. Lasse, elle s'exprima d'une voix atone, teintée d'un léger accent qui roulait sur sa langue.
- J'ai occupé la chambre avant l'été. Je viens de me rendre compte qu'il me manque une boule de cristal, je voulais savoir si vous ne l'auriez pas trouvé... Toutes les miennes ont été brisées dans l'attaque d'hier.
Il se crispa. D'un coup, il comprit son drôle d'attirail : c'était une des diseuses de bonne aventure du Chemin de Traverse. Elles s'installaient sous des tentes de voilages dans les rues parallèles et prétendaient avoir des pouvoirs de voyance contre quelques pièces.
- Hum... si, si, attendez...
En vitesse, il retourna dans la chambre et ouvrit le premier tiroir de la table de chevet. Il y avait rangé la boule de cristal après l'avoir retrouvé, miraculeusement intacte. Elle avait dû rouler sous le lit hier après le choc de l'attaque, mais ni lui ni Marlène n'avait eu le temps de la ramasser sur le coup. Il revint vers la voyante.
- Celle-ci ?
Elle plissa les yeux. D'un geste souple, elle s'empara de la boule et l'observa sous toutes les coutures. Regulus eut l'impression de voir de l'eau s'agiter à nouveau à l'intérieur le temps d'une seconde.
- C'est bien elle, oui, confirma-t-elle dans un souffle. Dites-moi, jeune homme... vous y avez vu quelque chose ?
Il ressentit un élan de panique venu de nulle part.
- Non, répondit-il sans doute trop précipitamment. Elle était juste dans un tiroir, la femme de ménage avait dû la ranger quand vous l'aviez oublié.
- Hum...
Elle continua à faire tourner la sphère de verre entre ses longs doigts. Puis, à travers ses cils, elle releva les yeux sur lui.
- Les griffes du destin se referment sur vous... prévint-elle d'une voix sourde. Les étoiles sont en train de s'éteindre.
- Quoi ?
Le cœur frénétique, il la dévisagea.
- Ecoutez, je n'ai pas d'argent à vous donner, je n'en veux pas de votre numéro de spectacle, dit-il avec fermeté. Vous avez ce que vous aviez perdu, vous pouvez partir maintenant. Bonne soirée.
Une main toujours crispée autour de sa baguette, il commença à refermer la porte de l'autre. Elle resta immobile sur le seuil, imperturbable, alors que l'orbe en cristal restait suspendu entre eux. Il ne voyait plus qu'un bout de son visage et de son grand œil brun lorsqu'il l'aperçut soudain. Là, caché dans les replis de sa robe, au creux de sa poitrine. Un médaillon.
Un médaillon qui hantait ses nuits et même ses pensées le jour, véritable rêve éveillé.
Il rouvrit le battant avec brusquerie, le regard fixé dessus. La gorge sèche, il prit le temps de superposer mentalement l'image que Kreattur lui avait montré dans un vieux livre et le bijou sous ses yeux, puis il le désigna, incrédule.
- Où est-ce que vous avez eu ça ? voulut-il savoir, la voix rauque.
La voyante porta la main à sa gorge.
- Ce médaillon ? Je ne sais plus, une boutique d'art gobelin, pas loin d'ici. C'est une réplique, le vrai a appartenu à Salazar Serpentard. Elle fait toujours effet auprès des clients connaisseurs, même si elle a sûrement quelques défauts. Certains s'y sont quand même trompés.
- Je peux... est-ce que je peux la voir... ?
Elle fronça les sourcils. Mais comme il lui avait rendu sa boule de cristal sans faire d'histoire, elle ne protesta pas. Lentement, elle décrocha le fermoir, puis fit glisser la chaîne de son cou et déposa le médaillon au creux de sa paume. Regulus le scruta, étourdi. Même si le bijou était faux, il pesait lourd et les petites pierres vertes incrustés dessus étincelaient, formant un S parfait sur sa surface. « Certains s'y sont quand même trompés » Une idée folle surgit alors dans son esprit.
- Comment vous vous appelez ? demanda-t-il.
- Moi ? Esmeralda.
Sur son prénom, son accent fit chanter les syllabes et il ne chercha pas à savoir si elle lui mentait ou si c'était seulement le pseudo qu'elle utilisait comme voyante. Il planta son regard dans le sien.
- Esmeralda... répéta-t-il, solennel. Combien vous voulez ? Pour ce médaillon ?
- Jeune homme...
- Dites. Votre prix sera le mien.
Il avait dépensé une belle somme pour louer cette chambre un an, il n'était plus à cela près. Son père ne vérifiait plus les comptes en ce moment, trop malade, et sa mère ne l'aurait jamais soupçonné. Et même si quelqu'un s'en rendait compte au sein de la famille, ça serait un problème pour plus tard. Il ne pouvait pas laisser passer l'opportunité.
Esmeralda resta interdite de longues secondes. Elle dû lire quelque chose sur son visage toutefois, car elle annonça alors un chiffre. Il ne soucilla pas. Le médaillon pressé contre lui, il lui fit la promesse qu'elle trouverait la somme demain auprès de l'accueil du Chaudron Baveur, elle n'aurait qu'à venir la chercher. Elle avait sa parole.
En une poignée de mains, l'accord fut conclu. Mais après avoir tout perdu, il supposait qu'elle n'avait pas vraiment le choix.
- Merci... se sentit-il obliger de dire alors qu'elle commençait à s'éloigner. Vraiment, merci. Vous ne savez pas à quel point c'est important.
Elle se retourna à moitié, l'air grave.
- Non, peut-être pas. Seulement, vous en aurez plus l'utilité que moi, je le sens. Mais ne tardez pas à rentrer chez vous, conseilla-t-elle après avoir marqué une pause. Je vous l'ai dit, les étoiles sont en train de s'éteindre. Le lion va refermer ses mâchoires sur le chasseur.
Et sur cette prophétie cryptique, elle disparut dans la cage d'escalier. Figé, il resta planté dans l'embrasure de la porte un moment avant de se sortir de sa torpeur et quitter le Chaudron Baveur à son tour. Un mauvais pressentiment courrait sous sa peau. S'assurant une dernière fois que le médaillon était bien à l'abris dans sa poche, il transplana sans attendre.
Il n'avait fait que quelques kilomètres à peine, mais il pleuvait de ce côté de Londres lorsqu'il se rematérialisa devant Square Grimmaurd. Il se précipita vers le perron. Sans qu'il arrive à bien l'expliquer, son cœur battait toujours à coups sourds et il s'engouffra dans la maison avec empressement, sa cape à peine touchée par les gouttes de pluie.
Les cris le frappèrent dès le hall.
- Non ! Non !
- Oh par Salazar, Walburga, écarte-toi !
- Vous n'entrerez pas ! Non ! Laissez-le, laissez-le !
Il se précipita vers l'étage. Dans son dos, les tableaux gémissaient, commentaient, s'invectivaient entre eux... Une véritable agitation semblait avoir saisi Square Grimmaurd et même les murs grincèrent sur son passage. Il crut entendre l'esprit malin coincé dans le miroir de la salle de bain le héler quand il passa devant la porte, mais il l'ignora et continua à avaler les marches deux par deux. Il arriva sur le palier, haletant.
- Qu'est-ce qui se passe... ?
Personne ne l'entendit par-dessus l'agitation. Avec stupeur, il vit Narcissa la première, les joues mouillées de grosses larmes en train d'enfouir son visage dans un mouchoir brodé ; puis tante Lucretia, aussi pâle que la mort derrière son opulente chevelure noire que l'âge n'avait pas encore blanchi. Juste devant elle, grand-père Arcturus tentait de pénétrer dans le bureau de son père, mais quelque chose lui barrait le passage.
La cage thoracique oppressée, Regulus fit un pas de côté. C'était Kreattur qui empêchait grand-père Arcturus d'entrer, son visage d'elfe déformé par des sanglots encore plus impressionnants que ceux de Cissy. Et là, sur le tapis ouvragé au milieu de la pièce... Sa mère était à genoux auprès du corps de son père, effondré face contre terre. Sa robe noire semblait engloutir tout l'espace autour d'elle. Lui ne bougeait plus.
Les étoiles sont en train de s'éteindre.
Il eut l'impression de basculer. Le sol de Square Grimmaurd vibra sous ses pieds et il resta tétanisé, le souffle bloqué, alors que la figure imposante de l'oncle Cygnus apparaissait soudain du couloir adjacent. Il avait le teint couleur cendre.
- Ça ne sert plus à rien, c'est terminé... décréta-t-il d'un ton sans appel. J'ai cherché une potion, mais le cœur s'est arrêté, ça n'aurait aucun effet.
- Oh par tous les mages...
Une plainte déchirante s'arracha de la gorge de Lucretia. Prise d'un spasme, elle se détourna du corps avec « mon petit frère » étouffé entre ses mains et grand-père Arcturus parut enfin prendre conscience de sa présence.
- Regulus...
Toute l'attention se porta brusquement sur lui. Sa vision fut traversée de taches noires.
- Toutes mes condoléances, mon garçon, lui dit oncle Cygnus d'un air grave.
- Et bienvenu chez toi. Square Grimmaurd a un nouveau maître des lieux, renchérit Arcturus, ses yeux gris si saisissant voilés par le poids des ans. Et les Black un nouveau chef de famille. Il va falloir t'en montrer digne.
Regulus retint un haut le cœur. Le lion avait refermé ses mâchoires sur le chasseur.
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Verdict ? ^^
Plein de choses dans ce chapitre pour le coup, j'espère que vous avez aimé chaque passage. On met beaucoup de chose en place pour la suite, le destin est en marche ! Petite précision au cas où parce que Perri m'a dit que c'était pas forcément évident si on connaissait pas mais : le lion est la constellation de l'étoile Regulus et le chasseur fait référence à Orion dans la mythologie, c'est une façon de dire que l'héritier a pris la place de roi ^^
Ah petite question avant de se quitter : est-ce que vous voulez que j'annonce les chapitres de ATDM en story instagram comme je faisais pour LHDI ? Ou la notif wattpad suffit ?
Voilà ! On se retrouve soit la semaine prochaine soit dans deux semaines, ça va dépendre de si je continue à bien avancer ou non ! Bisous !
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