Tome IV - Chapitre 1 : Love and War
Et c'est parti, premier chapitre, première intro !
Bon disons clairement, j'avais besoin de poster un peu ce chapitre pour souffler de LHDI où je n'ai plus d'avance, parce que je suis dans ma période Maraudeurs en ce moment et parce que ma semaine a été difficile (devinez qui a encore fondu en larmes à cause de sa leçon de conduite ? L'embrayage, mon pire ennemi). Bref, c'est très bien que je poste, ça va me remonter le moral !
Et sinon vous comment ça va ? Depuis la fin de ATDM 3 ? Donnez-moi des nouvelles, ça me fera plaisir !
Et il ne me reste plus qu'à vous souhaiter une bonne lecture ^^ On reprend où on s'était arrêté : une certaine demande en mariage...
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Chapitre I : Love and War
- Ok, c'est infernal ! Pourquoi on doit penser à autant de choses alors que ça va durer littéralement une journée ? Qui se soucie de la couleur des serviettes de table ?
- Moi. Et les dizaines d'invités qui seront présents dans un mois, Potter. Alors décide toi : rose parme ou bleu cobalt ?
D'une main, Lily leva les deux échantillons de tissus sans même quitter des yeux sa liste de « choses urgentes à voir » longue de trois kilomètres. Du moins, c'était la sensation que James commençait à avoir et il loucha une seconde avant de s'affaisser contre le dossier de son siège, vaincu.
- Mais j'en sais rien... geignit-il. On n'a vraiment aucune autre option ?
- Pour quelqu'un qui n'en a rien à faire, je te trouve bien tatillon, souligna Lily en relevant enfin les yeux vers lui. Qu'est-ce que tu voudrais ? Du rouge et or en l'honneur de Gryffondor ?
Il lui tira la langue avec une grande maturité.
- Non, protesta-t-il, juste un peu de... nuance. Là, j'ai l'impression de jouer au devin pour une fête de naissance : bleu ou rose ? Du vert, ça te tenterait pas ? Pour aller avec tes yeux ?
Il les désigna d'un geste vague, toujours happé par l'intensité de leur couleur. Un éclat amusé s'y alluma d'ailleurs et Lily posa son menton au creux de sa main, lui imposant au passage la vision de sa bague de fiançailles. Il n'en avait pas eu sur lui au moment de sa demande, mais il avait fini par lui offrir un anneau en or surmonté d'une émeraude et de deux petits diamants ayant appartenu à sa mère et à sa grand-mère avant elle. Il avait toujours le cœur un peu serré en la voyant. Il aurait aimé qu'Euphemia la voit au doigt de Lily, même s'il se doutait qu'une partie d'elle avait su que sa bague y finirait, même avant sa mort.
- Qu'est-ce que t'es en train de dire, Potter ? fit Lily d'une voix chantante. Que je ne peux trouver rien de mieux à assortir à mes yeux que nos serviettes de table pour le jour le plus important de notre vie ?
- Hein ?
Il réalisa son erreur avec un temps de retard.
- Mais non ! s'exclama-t-il. Non, je donnais juste une idée... Une idée comme ça, juste pour alimenter le débat et... tu sais quoi ? Je m'enfonce, le rose parme c'est super !
Lily éclata de rire. Avec un soupir fatigué, elle finit par écarter la pile de parchemin entre eux – les échantillons de tissus avec – puis elle tendit les mains à travers la table. Il vint y nouer les siennes d'instinct et il la sentit se détendre imperceptiblement alors que son pouce balayait sa peau rendu sèche par les nombreuses missions en extérieur et les longues journées à Ste-Mangouste.
- Non, mais t'as raison, dit-elle dans un souffle. Je suis sûre qu'on peut trouver une plus jolie couleur.
- Hum... De toute façon, rien pourra être pire que la déco du mariage de ta sœur. Je fais encore des cauchemars des nappes à fleur et de la robe assortie de Marge !
- James, arrête ! La pauvre, elle avait l'air...
- ... horrible et ignoble...
- ... si heureuse de voir son frère se marier, termina Lily en élevant la voix pour le couper. (Après une seconde, elle ajouta tout de même, comme incapable de se retenir). Même si elle m'a bien fait comprendre qu'elle prenait tant à cœur son rôle de demoiselle d'honneur pour Pétunia.
En entendant son ton pincé, James la pointa du doigt, triomphant.
- Ah ah ! Tu vois, toi aussi tu peux pas la voir en dessin !
- En « peinture », James, soupira-t-elle, amusée. On dit en peinture. Et c'est faux... J'étais vraiment contente d'apprendre à la connaître, mais elle a tellement voulu se mettre en avant que ça a été impossible. Comme si c'était pas suffisant de ne pas avoir été nommée demoiselle d'honneur ! Pour ma sœur, en plus ! J'ai quand même tenu son bouquet au moment des vœux !
- Un rôle essentiel, abonda-t-il avec solennité.
Lily roula des yeux.
- Moque-toi, va. Mais à l'échelle de Pétunia, c'était une vrai marque d'affection.
- Certes... Enfin heureusement qu'on n'aura pas à inviter Marge le mois prochain, ça sera déjà quelques invités de sauvés d'un ennui mortel. En plus, il aurait fallu la caser sur le plan de table : l'enfer !
- Hum...
Sourcils froncés, Lily se remit à fouiller la pile de papiers à côté d'eux et il s'en voulu immédiatement de l'avoir relancé sur le sujet. Un grognement épuisé au bord des lèvres, il la laissa pourtant faire. Il avait remarqué que ça l'aidait à canaliser son stress et une Lily Evans stressée n'était jamais une bonne chose. Il supposait qu'il ne pouvait même pas lui en vouloir en plus. Le fait d'avoir un mariage sorcier excluait de facto énormément de personnes de son côté et il savait que ça lui pesait. En tout, seuls ses parents, sa sœur et Vernon pourraient assister à la cérémonie. Tous les autres – les amies d'enfance, les oncles, tantes et cousins – n'étaient pas au courant de sa condition de sorcière. Ils avaient bien prévu de refaire une petite fête type moldue fin août après leur passage à la mairie de Carbonne-les-Mines, quelques semaines plus tard, mais ça ne compensait pas entièrement.
Malgré tout ça, égoïstement, il n'arrivait à se défaire de la sensation qu'il aurait quand même préféré être à sa place : lui n'aurait même pas ses parents. Ce vide, si béant à mesure que la date fatidique du 13 juillet approchait, se creusait un peu plus dans sa poitrine à chaque fois que son esprit avait le malheur d'y penser.
Il sentit d'ailleurs ses yeux le brûler une seconde et il se racla la gorge afin de faire passer l'émotion juste au moment où Lily brandissait un nouveau parchemin recouvert de ratures et de notes entremêlées.
- Ah voilà ! Le plan de table. (Elle le glissa vers lui, autoritaire). On ne peut définitivement pas mettre Benjy et Marlène à côté, James. Un peu de tact.
- Eh, c'est la phrase de Remus ça... protesta-t-il avant d'observer le dit plan. Et pourquoi pas ? Ils s'entendent bien. Ils sont à peine sortis ensemble. En plus, on n'est même pas sûrs que Benjy pourra venir, faut bien que l'Ordre continue de tourner.
- Je sais, concéda Lily, mais on aura sa réponse que très tard... Autant prévoir un plan de secours au cas où. Je préfère éviter que Bathilda Tourdesac se retrouve à côté de Vernon, si tu vois ce que je veux dire.
Il sourit rien qu'à l'idée.
- Oh, tu sais, je pense que Bathilda trouverait le moyen de s'amuser...
- Ce n'est pas pour Bathilda que je m'inquiétais. C'était pour Vernon.
Cette fois, il laissa carrément échapper un éclat de rire et elle lui fit les gros yeux.
- Pardon, pardon, s'excusa-t-il. Je prends ça au sérieux, promis. Faut qu'on gagne la bataille des mariages en plus ! Le notre doit être dix fois mieux que le leur, minimum !
- James, rit-elle en secouant la tête.
Il adorait quand elle prononçait son prénom sur ce ton, à mi-chemin entre tendresse et résignation, et il réprima son propre sourire pour paraître sérieux.
- Bon d'accord, feignit-il de céder. Regardons ce fameux plan de table. Les témoins et les demoiselles d'honneur ensemble ?
- Evidemment.
Du bout du doigt, elle tapota l'endroit correspondant et il vit les noms de Sirius, Remus, Peter, Alexia, Marlène et Dorcas. Ils avaient tous obtenu le rôle honorifique, même si seuls Sirius et Marlène le seraient véritablement au niveau de la loi et du registre de mariage à signer pour le Ministère. En un coup d'œil, il balaya le reste de la liste des invités. Des membres de l'Ordre, des anciens camarades de Poudlard, son équipe de Quidditch, les parents de Lily et certains de ses anciens élèves de tutorat, même McGonagall. Sans s'en rendre compte, le nombre montait vite à un lot d'invités impressionnant.
Occupé à parcourir le parchemin de long en large, il faillit manquer l'ombre sur le visage de Lily, mais il sentit soudain une certaine tension dans sa main qu'il tenait toujours. Il refocalisa son attention vers elle immédiatement.
- Eh... tout va bien ? s'assura-t-il.
- Hum ?
Le regard vague, elle cilla.
- Oui oui pardon... Je réfléchissais, c'est tout...
- Du grand Lily Evans, convint-il. Tu pensais à quoi ?
Lily ne répondit pas sur le coup. Il aurait pu croire que c'était parce qu'elle ne songeait à rien de particulier, mais il la connaissait assez – il l'aimait assez – pour repérer la tension qui venait de tomber sur ses épaules et une pointe d'inquiétude le traversa.
- Eh, Lily-Jolie, souffla-t-il. Ça va ? C'est le mariage qui... ça t'angoisse ?
Si elle avait des doutes maintenant, il ne savait pas comment faire, ni quoi dire, mais Lily écarquilla les yeux en percevant son malaise.
- Non ! Non, non, promis, rassura-t-elle. C'est bien la seule chose dont je suis sûre.
Elle s'humecta les lèvres, aussi sèches que ses mains à cause de la chaleur moite de ce début juillet. Le fait que le soleil tapait sur les carreaux de la cuisine du QG, perdu dans les landes irlandaises, n'aidait pas.
- Non, ce n'est pas ça... répéta-t-elle, rétissante. Je pensais seulement aux invités. A un non invité, à vrai dire. Et je me demandais... enfin, je ne sais pas, ça me fait étrange de ne pas l'inviter.
Elle n'eut pas à prononcer le nom. James comprit en un battement de cœur douloureux. Qui d'autre que cette ombre qui planait sur leur relation depuis le début ? Il aurait dû le voir venir.
- Rogue, lâcha-t-il avec âpreté.
Lily se crispa un peu plus.
- Si ça te met directement dans cet état, je préfère même pas en parler, le prévint-elle. C'est pas important de toute façon, c'est juste une pensée comme ça...
Avec une nonchalance feinte, elle haussa les épaule et récupéra le plan de table pour l'examiner. Il retint un soupir, les dents serrées. S'il était un peu rationnel, il devait avouer qu'il s'y était un peu attendu et finalement pouvait-il vraiment blâmer Lily ? Si les rôles étaient inversés et qu'il devait organiser cette journée sans Sirius, arriverait-il à ne pas y penser ? La réponse était tellement évidente que son estomac se noua. Même si Rogue et Sirius ne pouvaient pas être plus éloignés l'un de l'autre, ils représentaient la même chose dans le fond. Ce n'était parce que Lily avait tiré un trait sur son amitié avec Rogue qu'elle n'était pas autorisée à être mal à l'aise à l'approche de leur mariage.
- Eh... murmura-t-il, apaisant, avant de lui enlever le parchemin des mains pour lui faire relever les yeux. Je suis désolé. C'est épidermique, je crois, une sorte d'allergie à ce stade... mais je comprends, ok ? C'est normal que ça te revienne en tête maintenant...
Elle déglutit et il attendit patiemment. Il voyait sa méfiance danser sur ses traits, comme si elle s'attendait à une pique supplémentaire et il se força à garder le silence en se mordant l'intérieur de la joue. Lily parut satisfaite. Hésitante, ses mains se mirent à s'agiter au-dessus de la table, puis les mots jaillirent malgré tout.
- Ca me revient en tête maintenant, c'est vrai... Mais ça m'est revenu aussi après Ste-Mangouste. J'ai l'impression que quoique je fasse, ça revient sans cesse...
- Lily, vous êtes chacun dans un camp de la guerre. C'est évident que ça allait arriver.
- Mais ça fait des années qu'on ne se parle plus ! A Poudlard, j'arrivais à...
- A Poudlard, tout était plus simple, coupa-t-il fermement. A Poudlard, tu pouvais garder un œil sur lui sans que ça te ronge le cerveau, on était tout le temps ensemble. (Il marqua une pause, puis posa le constat amer qu'il aurait aimé éviter). L'Ordre a tout changé... affirma-t-il. L'Ordre nous a changé, même. Suffit de voir le groupe. J'ai pas vu Dorcas depuis une semaine, je sais à peine ce que fait Peter en ce moment alors que je m'étais promis de le voir plus souvent à cause de ce qui s'est passé aux Archives Magiques. Regarde Alex et Sirius, même ! T'as vu combien l'année a été compliquée pour eux ?
Lily se prit la tête d'une main, acquiesçant silencieusement. Comme lui, il savait qu'elle se refaisait le film de l'année écoulée, de leur sortie brutale du cocon qu'avait été Poudlard jusqu'à leur combat contre Voldemort en personne en passant par leur entrainement intensif. Il avait fallu composer avec de nouvelles personnes, de nouveaux emplois du temps, des épreuves incessantes... Les frères Prewett et Caradoc pour la magie ; Benjy, Maugrey, Podmore et les Londubat dans la Police Magique et les Aurors, la mort de ses parents, les missions, leurs amis. Ça avait été une course haletante menée sans s'arrêter.
- Tout a changé, c'est vrai, abonda-t-elle. Je crois juste que... naïvement, je pensais que ça serait plus facile. Que si je ne le voyais pas justement, alors j'y penserai moins. Mais c'est presque pire... Dès que les mangemorts sont impliqués – dès qu'on les croise avec l'Ordre ou qu'on doit les affronter – je me demande si... si...
- Si ça peut être lui sous le masque... termina-t-il, fataliste.
Les yeux humides, Lily hocha à nouveau la tête. La couleur verte de ses prunelles semblaient ressortir plus que d'habitude et il sentit son cœur se compressé en la voyant porter une telle détresse.
- C'était pas naïf, Lily, rassura-t-il dans un souffle. Demande à Sirius. Il croyait pareil pour Regulus et regarde le résultat...
Une seconde, elle sembla frapper par l'exemple avant que la réalisation ne se peigne sur ses traits. A bien des égards, il trouvait leur situation similaire et elle chassa ses larmes d'un battement de cil.
- C'est vrai, convint-elle d'une petite voix avant de s'étonner. T'es bien mature sur toute cette histoire. Qu'est-ce qui t'arrives, Potter ? Pas de « Servilus » ni de « il a choisi son camp, c'est bien fait pour lui » ?
Elle lui fit un sourire pour adoucir ses paroles, le nez froncé, et il lui donna un coup dans la jambe en retour sous la table. Il s'y était préparé. Une petite part de lui se rebiffa à l'idée qu'elle l'en croyait encore capable – comme s'il pouvait se moquer de sa douleur avec des paroles pareilles – mais vu son passif et son ressentiment encore prégnant envers Rogue, il supposait qu'il ne pouvait pas lui en vouloir.
- Et non, fit-il avec aplomb. Contrairement à ce que Remus affirme, je peux faire preuve de tact ! Et puis, je sais pas... je...
- Hum ?
- Rien. C'est juste que... je crois que je peux comprendre ce qu'il ressentait en un sens.
Lily haussa un sourcil, surprise. Il savait à peine lui-même d'où lui venait cette impression, mais elle venait de s'imposer à lui et il s'éclaircit la gorge, gêné, avant de poursuivre pour lui faire comprendre.
- Je peux comprendre la détresse qu'il a pu ressentir, le vide aussi... En cinquième année, quand t'as décidé de ne plus être ami avec lui, j'ai aussi arrêté de parler à Sirius quelques semaines, je ne sais pas si tu t'en souviens... ?
- Si... je n'ai jamais su pourquoi d'ailleurs...
C'était vrai. Il n'avait jamais raconté à personne la raison de la plus grosse dispute des Maraudeurs, comme si ce secret-là aussi leur avait appartenu, au même titre que la lycanthropie de Remus et les animagi. Seulement, Lily était au courant pour les deux et il était peut-être temps qu'elle connaisse celui-ci. Une sorte de confession pré-mariage, la vérité ultime confiée à l'être aimé, c'était ce que les vieilles personnes disaient en parlant de l'union maritale non ?
Un bouchon douloureux dans la gorge même des années plus tard, il lui raconta donc ce qui s'était passé, cette fameuse nuit de pleine lune lors de leur cinquième année. Le sort que Sirius s'était pris de sa mère, sa rencontre avec Severus en pleine nuit à la bibliothèque alors qu'il essayait de trouver un contre-sort, la dispute qui s'en était suivi entre eux, puis la fameuse « mauvaise blague » que Sirius avait lancé en invitant Severus à emprunter le passage secret sous le saule cogneur le lendemain. Avec l'impression de revivre un mauvais rêve, il expliqua comment il avait couru à toute vitesse pour sortir Severus de là et comment ils avaient dû affronter brièvement Remus sous sa forme de loup avant que Dumbledore arrive. Encore aujourd'hui, le nombre de choses qui auraient pu mal tourner et finir en drame l'étouffaient à moitié. Quand il arriva à la fin sur la façon dont Severus, hors de lui, avait menacé de dénoncer Remus et dont Dumbledore lui avait fait promettre de ne rien dire, Lily pinça les lèvres si fort qu'elle ressembla à sa sœur l'espace d'une seconde. Ses mains s'étaient crispées en poings serrés sur le bord de la table.
- Merlin... lâcha-t-elle finalement. Jamais j'aurais pu imaginer ça...
- Je sais. J'ai du mal à le réaliser moi-même par moments. J'en ai énormément voulu à Sirius, vraiment. C'était peut-être la première fois d'ailleurs, c'était étrange.
- Mais il s'en voulait, c'est ça qui changeait tout. Il s'est fait pardonner. Severus a eu beau s'excuser, il n'a jamais arrêté la magie noire ni de fréquenter Mulciber et Avery ! Il écoutait Evan Rosier !
James se tendit. Dans sa voix, il entendait encore la colère et la désarroi que ça suscitait chez elle et pourtant, alors même qu'il ne se serait jamais attendu à se retrouver dans ce rôle, il se mit à défendre Severus Rogue.
- C'est vrai et c'est pour ça que tu as mis fin à votre amitié. Vraiment, je t'admire pour ça, de ne pas avoir fait plier tes convictions.
- Alors pourquoi tu dis que tu le comprends ? s'exclama Lily, frustrée.
Il eut un léger rictus, frappé lui-même de la position dans laquelle il s'était mis, puis il inspira profondément avant de se lancer.
- Parce que, Lily... Parce que je peux comprendre en partie ce qu'il ressentait, même si je n'aime pas l'idée
- Comment ça ?
- Quand j'étais amoureux de toi mais que je pensais que ça ne serait jamais réciproque... explicita-t-il avec réticence. J'ai une petite idée de ce qu'il a pu ressentir parce que tu ne me feras pas croire qu'il voulait juste être ton ami.
Il tenta de ne laisser filtrer aucune rancœur dans sa voix, même s'il était sûr de ne pas y être totalement parvenu. En face de lui, Lily ouvrit la bouche à moitié, prise de court, et son teint pâle s'empourpra
- Oh... murmura-t-elle, faute de mieux.
Il sourit avec indulgence.
- Ouais, « oh », répéta-t-il en essayant de garder la face.
- Je n'ai pas pensé... enfin si, j'y ai pensé, mais je n'avais jamais... fait le lien, je suppose. Je ne sais pas ce que...
Troublée, elle laissa sa phrase en suspens et il se chargea de continuer, le cœur affolé. Même si aujourd'hui tout allait bien – il allait épouser la fille de ses rêves par Merlin – il n'oubliait pas la détresse qu'il avait pu ressentir.
- Ce que ça fait ? compléta-t-il. C'est un sentiment qui fait mal, je dois avouer. Ça te bouffe l'esprit, ça te sert le ventre. Et tu ne peux rien faire. Tu ne peux pas convaincre quelqu'un de t'aimer, même si tu sais au fond de toi que tu serais la personne parfaite pour elle. Peut-être qu'on se détestait pour ça avec Servilus... je veux dire avec Rogue. On t'aimait tous les deux et on avait en commun la douleur de savoir que ça ne serait sans doute jamais réciproque. Alors oui, dans un sens, je peux le comprendre en partie... Même si ça n'excuse rien.
Il n'arriva cette fois pas à endiguer sa dureté sur les derniers mots, persuadé au plus profond de lui d'avoir raison. Tout le monde prenait des coups dans la vie. Certains plus que d'autres, certes, mais chaque action restait un choix. Il avait vu ses parents lutter contre l'oppression toute sa vie, il avait vu ses amis s'engager à ses côtés dans la résistance. Rogue, lui, avait simplement détruit la meilleure chose qui lui était arrivé en ne comprenant pas ce qui comptait au moment où il aurait dû. Perdre Lily était le prix à payer.
Immobile sur sa chaise, cette dernière le considérait avec gravité et émotion, les plans pour le mariage momentanément oubliés entre eux. Il réalisa qu'il ne lui avait jamais avoué avec autant de sincérité son ressenti sur cette période, sur leur cinq premières années à Poudlard... La sixième année avait été différente, comme une sorte de tournant où tellement de choses l'avaient fait grandir, à commencer par la guerre en pleine essor. Il avait fallu ensuite qu'il attende encore la septième année pour voir ses espoirs prendre vie : jamais il n'oublierait ce soir où Lily l'avait enfin embrassé dans son salon autour d'un bol de glace au citron en attendant le retour de son père de l'hôpital.
- Oh James...
Souplement, elle se leva soudain pour faire le tour de la table. Il n'hésita pas avant de s'écarter un peu et elle se glissa sur ses genoux, un bras autour de son cou alors qu'il enroulait les siens autour de sa taille. Sa proximité dénoua le nœud dans sa gorge presque immédiatement.
- Je t'aime maintenant, souffla-t-elle contre sa joue, tu le sais pas vrai ? J'aurais jamais pu tenir toute cette année sans toi...
- Je sais, rassura-t-il. Et je remercie Merlin chaque jour parce que je ne sais pas si j'aurais réussi à continuer à te voir tous les jours en ayant ce poids dans la poitrine.
Rien que la perspective était douloureuse à imaginer. Les traits de Lily se contractèrent, comme si elle en souffrait aussi, et il déposa un baiser sur sa tempe pour la détendre. Il allait bien, ils allaient bien. Ils allaient se marier et c'est tout ce qui comptait. Encouragé en la sentant se détendre entre ses bras, il laissa ses lèvres poursuivre leur course vers son front, ses pommettes, son nez, le coin de sa bouche... Bientôt, c'était tout le visage de Lily qu'il embrassait à un rythme saccadé et elle éclata de rire, la tête rejetée en arrière.
- James ! s'écria-t-elle.
- Quoi ? Je t'aime, faut que la terre entière le sache. Ça sera noté dans le contrat de mariage même !
- Bah voyons...
Elle repoussa contre le dossier de sa chaise en appuyant sur son torse, mais pas avant qu'il ne lui vole un baiser. James sourit, conscient de sûrement avoir l'air niais et il se fit pour la énième fois la réflexion que son lui de seize ans aurait été sous le choc de savoir ce que le futur lui réservait. Il avait voulu suivre les traces de son père en luttant contre la magie noire, il était aujourd'hui dans le groupe de résistance fondé par Dumbledore en personne. Il aurait tout donné pour que Lily Evans pose les yeux sur lui, il allait l'épouser d'ici un mois. Il rêvait que le lien avec ses amis perdure, même après Poudlard, et ils se voyaient constamment, forts de leurs idées et de leurs actions. Alors même si la guerre faisait rage dehors, il jugeait que ce n'était pas si mal. Il avait besoin de s'en rappeler, surtout les jours les plus difficiles comme lors du coup de Ste-Mangouste et de l'attentat des Archives. Mais des jours comme celui-ci, en apparence calme, était aussi de bonnes piqures de rappel : la vie continuait. Il avait beau être au cœur du tourbillon, la vie continuait...
Et à cet instant précis, la vie se matérialisa sous la forme d'un Remus Lupin qui déboula dans la cuisine sans prévenir. Ses cheveux châtain étaient en bataille et il tenait une de ses chaussures dans une main tandis que l'autre, déjà à son pied, n'avait même pas ses lacets attachés.
- Bonjour, oui ça va, non j'ai pas le temps, et oui Lily a raison sur toutes les idées du mariage ! lança-t-il à la volée en attrapant la cafetière sur le plan de travail.
- Wouah... Bonjour à toi aussi, Lunard. En retard peut-être ?
Sur ses genoux, Lily se contorsionna pour voir leur ami et étouffa un rire. Remus, lui, avala une gorgée de café dans une tasse ébréchée qui avait dû trainer dans l'évier et dont il était presque sûr qu'elle appartenait à Benjy.
- Complètement en retard, confirma-t-il, le souffle court. Je me suis pas réveillé. Merci d'ailleurs !
- Eh, je suis pas ta mère. Ou alors je te dirais de te trouver « une gentille fille » qui pourra remplir le rôle de réveil matin.
- Même s'il est midi passé, glissa Lily.
Remus les fusilla du regard.
- Très drôle, j'aurais jamais dû te raconter cette phrase de ma mère...
- Elle veut que tu trouves une fille pour te réveiller ? s'étonna Lily en riant.
- Hein ? Non, non, juste une fille en général. Je crois que ça commence à l'inquiéter de jamais me voir et quand elle me demande ce que je fais, je suis incapable de vraiment lui dire. Je ne peux pas vraiment lui parler de l'Ordre, tu vois. Et comme elle sait vaguement que je fais une coloc avec James, Sirius et Peter, mais que je laisse parfois échapper le nom de Benjy ou des frères Prewett, elle s'angoisse un peu. La semaine dernière, elle m'a dit que « je pouvais lui parler si des changements avaient eu lieu dans ma vie » et c'était pas de l'Ordre dont elle parlait...
Les joues rouges, Remus roula des yeux et James éclata de rire spontanément. Merlin, il aurait tout donné pour voir Espérance Lupin questionner son fils sur sa sexualité, surtout à mots couverts. Lily couvrit sa bouche de sa main, mais il vit bien qu'elle cachait elle aussi son rire.
- C'est ça, rigolez, grommela Remus. En attendant, je dois y aller, sinon je vais vraiment être en retard et je tiens pas à me faire virer une deuxième fois en trois mois.
La remarque, acerbe, suffit à faire mourir son éclat de rire.
- Je maintiens que le premier employeur était un con, martela-t-il.
- Peut-être... mais on ne peut pas le blâmer quand j'ai été absent plus de quatre fois en un mois à cause des missions et de la pleine lune. C'est comme ça.
- Hum...
Il se força à ne pas argumenter, même si une pointe de colère le traversa. Il savait que Remus n'aimait pas en parler et qu'il était surtout mal placé, lui qui ne travaillait pas et qui vivait sur les économies laissées par l'héritage de ses parents. L'Ordre était son métier à bien des égards et il s'estimait plutôt chanceux en vivant au QG sans rien payer à part de temps en temps pour payer les courses et les fournitures de base pour que la vieille maison ne tombe pas en ruine.
Pour Remus, les choses étaient plus compliquées. Ses parents l'aidaient financièrement même si ça leur coûtait et il savait qu'il détestait ça. Depuis deux semaines, il avait pourtant enfin réussi à trouver un travail : un petit poste de vacataire aux archives de l'IRIS, l'Institut de Recherches Intensives en Sortilèges à Oxford. Dans les faits, il était surtout là pour reclasser et aider les Archivistes et les Archivistes-stagiaires à trier la tonne de dossiers venus des Archives Magiques qui n'avaient pas brûlé en juin dernier. C'étaient Caradoc Dearborn et Fabian, respectivement directeur de département et inventeur de sort à l'IRIS, qui lui avaient trouvé le job. Rien de passionnant, bien en dessous des compétences de Remus, mais ça lui permettait de gagner un peu d'argent.
La mine défaite elle aussi, Lily soupira.
- Ca va aller cette fois-ci, j'en suis sûre, positiva-t-elle. Tu seras là ce soir pour le dîner ? C'est à moi de préparer. Il y aura aussi Fabian, les Londubat et Emmeline normalement. Peut-être Dorcas, si elle ne termine pas trop tard sa mission de surveillance.
- Non, répondit Remus, déjà à mi-chemin vers la sortie. Hum... Y'a vraiment beaucoup de travail de reclassement, je vais terminer tard. M'attendez pas. A plus tard !
- Mais on peut...
Lily n'eut pas le temps de terminer sa proposition. En une seconde, Remus était sorti de leur champ de vision, sa tasse ébréchée laissée sur le comptoir, et la porte claqua.
Ils restèrent silencieux quelques secondes. C'était ça aussi, la vie dans l'Ordre : être ensemble sans l'être, se croiser entre deux missions ou deux obligations... Il n'aimait pas y penser. Toujours assise sur ses genoux, Lily dû le sentir car elle passa sa main dans ses cheveux – qui partaient tellement en épis que ça ne faisait pas une grande différence – et il se détendit en retour. Il pouvait toujours compter sur la compassion de Lily Evans comme constance dans sa vie.
- Bon, fit-il avec un enthousiasme feint avant de frapper dans ses mains. Ce mariage va pas se préparer tout seul ! De quelle couleur alors ces serviettes de table ?
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Le soleil entamait doucement sa descente quand Remus quitta Oxford, fatigué mais pressé. Il en fut presque aveuglé à force d'avoir passé sa journée dans les salles d'archives sous-terraines de l'IRIS et il manqua de trébucher sur le sol pavé inégal avant de se rattraper. Ce n'était pas le moment de se casser une jambe.
L'air moite de ce 7 juillet le prenait presque à la gorge, mais il n'avait pas de temps à perdre et surtout il voulait éviter de tomber sur Fabian Prewett. Lily avait dit qu'il serait au QG pour dîner ce soir et s'il venait à le croiser, il aurait du mal à justifier son excuse de « travailler tard » alors même que Fabian travaillait lui aussi à l'IRIS et savait très bien qu'on ne lui demandait pas de faire des heures supplémentaires.
Il fallait simplement qu'il trouve un endroit pour transplaner à l'abris des regards. Dans sa poche, il effleura le bout de papier froissé qu'il trimballait avec lui depuis presque deux mois. Il n'avait même pas besoin de le ressortir, il avait mémorisé l'adresse par cœur à force de le contempler : 33 Rupert Street, Soho, Londres. Il n'avait pas intérêt à être en retard.
Alors que les coups de 20h résonnaient du haut du clocher de la cathédrale universitaire Ste-Mary, il transplana enfin. Il avait pris soin de s'habiller à la moldu et réapparu dans une ruelle étroite repérée la semaine dernière sans encombre. La lueur dorée du coucher de soleil le fit cligner des yeux une seconde, le temps qu'il retrouve ses esprits et que la sensation du transplanage ne cesse.
- Remus Lupin, lança une voix au fort accent écossais derrière lui. J'avoue, je suis impressionnée. Je ne pensais pas que tu viendrais.
Nerveux, il se retourna. Plantée au bout de l'allée, vêtue d'une veste en cuir marron malgré la chaleur estivale, d'une paire de lunettes de soleil qui lui mangeait le visage et d'un débardeur blanc qui dévoilait son ventre et la cicatrice sur sa gorge, Ornella McCall l'accueillit avec un rictus.
Sa première réunion secrète pour la défense des droits des loups-garous pouvait commencer.
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Et voilà ! Verdict de ce premier chapitre ? ^^
On reprend doucement, sans beaucoup d'action, mais après la fin du tome 3 ça me semblait important de reposer les choses et les enjeux dans la temporalité. On est donc à l'été 1979, le mariage se prépare, mais la guerre continue en parallèle...
Et n'oubliez pas, les votes pour le concours de noël sont toujours ouverts dans mon rantbook + le bonus sur Noah et Joséphine (LHDI-LDP) écrit à quatre mains avec Perri est posté dans mon recueil de bonus ^^
La suite dans deux semaines ! Bisouuuuus !
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