Tome III - Chapitre I : Aux portes de la guerre

Chapitre I : Aux portes de la guerre

- Allez ! On se bouge ! Plus vite !

- Je vais te tuer, Prewett...

- Ce sont les mangemorts qui vont te tuer si tu ne cours pas plus vite ! Allez ! Encore un tour ou je vous envoie Maugrey pour la prochaine séance.

James redoubla sa foulée. Plutôt mourir que de devoir affronter Maugrey à nouveau. Les frères Prewett étaient peut-être des instructeurs sans pitié, mais ils restaient dans les limites de la légalité. Ce que Maugrey leur faisait endurer devait forcément être répréhensible ou punie par une loi quelque part en Europe. Du moins, James en était persuadé.

Les poumons en feu, il accéléra davantage. Plus vite il ferait le tour de la maison, plus vite il pourrait s'affaler dans l'herbe et ne plus bouger. Ses jambes criaient grâce. Il trouvait quand même osé que Fabian lui fasse une remarque à lui alors qu'il était le premier du groupe. Il n'avait même pas besoin de se retourner pour savoir que les autres peinaient derrière, surtout Lily et Marlène, même si elles s'étaient grandement améliorées par rapport à la première séance d'entraînement en juillet dernier.

L'été avait été bien différent des précédents. D'habitude, James passait ses deux mois de vacances à dormir jusqu'à midi, à voler dans son jardin, et à rendre visite aux Maraudeurs tous les deux jours pour sortir en ville. Tout avait changé cette année. Il n'était pas retourné à Poudlard le 1er septembre pour commencer et cette simple perspective le déstabilisait encore. Surtout, ses journées avaient été rythmées par un réveil matinal, des duels de sortilèges, et des entraînements physiques. Avec comme instructeurs en chef les frères Prewett, Fabian et Gideon. James ne savait honnêtement toujours pas quoi penser d'eux. Le premier, l'aîné, avait la tête froide et l'esprit critique. Il était aussi un duelliste hors pair. Son cadet, lui, était bien plus sarcastique, voire cruel avec les mots, mais était tout aussi efficace lorsqu'il s'agissait de se battre. Il fonctionnait surtout à l'instinct et aux émotions, ce qui faisait qu'il pouvait se montrer plus compatissant que son frère, et James se sentait davantage proche de lui que de Fabian.

Il ne pouvait pas le nier : les Prewett lui appris en un été ce que Poudlard aurait mis un an à faire. Les cours particuliers aidaient à avancer plus vite, mais c'était surtout le fait de se faire pousser dans ses retranchements qui le faisait aller de l'avant. James aimait un défi. Il aimait se dépasser, aller au-delà de ses limites, et c'est exactement ce que l'Ordre lui demandait. Il avait conscience que ce n'était pas le cas pour tout le monde. Peter avait eu énormément de difficulté au début et James avait dû intervenir le jour où Gideon avait été si virulent avec lui qu'il en avait eu les larmes aux yeux, paralysé. Dorcas aussi avait eu du mal, mais pas pour les mêmes raisons. Son caractère s'était en effet souvent heurté aux ordres et au ton autoritaire des Prewett, à tel point que Edgar Bones avait repris en main son entraînement lorsqu'il le pouvait. Haut placé à la Justice Magique, son emploi du temps était pourtant déjà surchargé, mais il mettait un point d'honneur à passer les voir le week-end pour voir leurs progressions. Il avait non seulement donné des conseils à Dorcas, mais aussi Peter et Marlène.

De tous leurs instructeurs, James préférait de toute façon Emmeline Vance. Avec les frères Prewett, elle était chargée de les former cet été et sa méthode était bien plus douce que celle de Gideon et Fabian. Pédagogue, elle n'hésitait pas à leur montrer et à leur expliquer les choses plusieurs fois. Sirius aimait la surnommer « Em' » juste pour faire enrager Fabian.

- Et... terminé ! cria justement ce dernier. Pas mal, Potter. C'est ton meilleur temps ! McKinnon, bel effort, tu t'améliores. Lupin, tu m'as fait quoi aujourd'hui ? Tu t'es pris pour un escargot ? Et Evans, comme j'ai pitié de ton visage de tomate, je vais dire que c'était bien mais améliorable. Les autres, je veux encore mieux la prochaine fois !

James s'effondra littéralement. Le cœur battant à un rythme erratique dans sa cage thoracique, il se renversa sur le dos, haletant. Il essuya son front trempé de sueur et essaya de ne pas recracher ses poumons. A côté de lui, Lily se laissa tomber sur les genoux. Son teint avait effectivement pris une teinte rouge vif.

- Je vais mourir, annonça-t-elle.

- Mais... mais non... Tu as entendu Fabian : t'as fait une bonne performance.

- J'ai couru quatre tours de moins que toi, James.

Il grimaça, puis roula sur le côté pour lui faire face, une main sous la tête.

- C'est normal, je fais du sport depuis mes six ans et j'avais entraînement de Quidditch pendant toute notre scolarité. Toi, tu passais ton temps à la bibliothèque.

- Rembarre tout de suite ton air satisfait, Potter, j'ai compris... J'aurais mieux fait de sortir de mes livres.

- J'ai pas dit ça...

- C'est marqué sur ton visage.

James éclata de rire. Il tendit la main pour l'attirer contre lui, mais elle le repoussa avec une exclamation de protestation :

- Ah James ! Tu dégoulines de sueur ! M'approche pas !

- Tu ne disais pas ça hier soir, Evans, lança Gideon, goguenard.

Immédiatement, l'insinuation fit s'embraser le visage de Lily. James fusilla Gideon du regard, agacé. Depuis le début de l'été, il s'amusait à faire des plaisanteries dans ce genre en sachant pertinemment que cela mettrait Lily mal à l'aise, surtout qu'ils n'avaient jamais passé la nuit ensemble dans ce sens-là.

- Tu ne nous as pas assez martyrisé comme ça ? dit-t-il.

- Jamais. Vous êtes mes petites recrues !

- Allez les jeunes, leur cria Fabian. L'entraînement est fini pour aujourd'hui, on vous libère.

Un concert de soupirs soulagés lui répondit. Le corps douloureux, James se remit sur ses pieds et se tourna vers Remus qui arrivait vers lui, le souffle court. Il lui donna une tape dans le dos.

- Tu tiens le coup ? chuchota-t-il.

- Ça peut aller... Dure journée, c'est tout...

- Mauvais mois ?

- Non, il y a eu pire... Mais je suis fatigué avec la course, c'est tout.

James se retint de protester. Il voyait bien que le corps de Remus était épuisé par les effets de la pleine lune qui s'approchait et que son ami tentait de faire bonne figure. Le mois dernier, il avait réussi à tenir jusqu'au bout sans trop en ressentir le contre-coup. Au fil des années, James avait observé que Remus pouvait se sentir plus ou moins fatigué en fonction des mois et qu'il était impossible de prévoir à l'avance. En juillet, il avait voulu persuader Remus d'avouer son secret aux frères Prewett ou à Emmeline Vance pour qu'ils soient au courant de sa situation, mais il avait fermement refusé. Seul Dumbledore et Maugrey étaient au courant. La veille de la pleine lune, Remus se contentait de prétexter devoir retourner voir ses parents car sa mère était malade. James avait tellement entendu cette excuse au cours des dernières années qu'il en était venu à la détester, mais pour l'instant personne n'avait posé de questions. Ils n'étaient pas obligés de rester sept jours sur sept au QG, ni d'être disponibles hors des jours d'entraînements... Du moins pour l'instant. James avait peur que Remus ne puisse pas maintenir les apparences après leur période de formation qui devait prendre fin dans deux semaines.

- Tu es toujours sûr de toi pour... ton problème de fourrure ?

- Certain, James.

- Mais...

- Le lapin de Remus fait encore des siennes ? lança Fabian en arrivant brusquement. Tu devrais le passer à la casserole, tu serais tranquille !

- Sans cœur ! lui hurla Peter depuis l'avant du groupe.

Leur conversation avait dû lui parvenir aux oreilles et James le remercia intérieurement pour la diversion car Fabian se détourna tout de suite pour rejoindre les autres devant. Dès qu'il fut plusieurs mètres devant eux, Remus lui adressa un regard de reproche.

- James, sois discret par Merlin ! murmura-t-il furieusement.

- Désolé, désolé ! J'avais pas vu qu'il...

- Alors regarde mieux la prochaine fois !

Le ton tranchant de Remus prit James au dépourvu. Blessé, il ralentit le pas pour cacher l'expression de son visage. Depuis le début de l'été, il se rendait bien compte que Remus était stressé par son secret. Devoir être constamment sur ses gardes était épuisant au bout d'un moment, il le comprenait bien. Pourtant, ils avaient toujours fait front ensemble : les Maraudeurs étaient une unité, un groupe qui affrontait les problèmes des uns et des autres. Il n'avait pas l'habitude que Remus se renferme comme ça. Si Sirius lui avait déjà fait le coup, Remus était plus ouvert d'habitude.

- Pardon, s'excusa-t-il à nouveau. C'était ma faute, je ferai attention...

Son orgueil blessé devait s'entendre dans sa voix car Remus se retourna et avisa son expression. Il soupira, les épaules défaites, puis se passa une main fatiguée sur le visage.

- Non, c'est moi qui suis désolé... Je suis un peu à cran je crois en ce moment. Je n'ai plus l'habitude de me sentir comme ça, toujours sur les nerfs... A avoir peur que quelqu'un...

- Eh Remus, ça va aller, assura-t-il. Si tu ne veux pas leur dire, je comprends, vraiment...

Son ami afficha un sourire triste.

- Non, James, tu ne comprends pas. Mais je suis heureux que tu ne puisses pas comprendre justement, je ne le souhaite à personne. Et puis vous êtes toujours là les soirs de pleine lune, ça aide.

- Complètement ! approuva-t-il, soucieux de le rassurer. On fera toujours en sorte que l'un de nous soit disponible, t'en fais pas.

Remus laissa échapper un rire étouffé et s'arrêta devant la porte du QG, une vieille maison campagnarde perdu au milieu des landes irlandaises sans aucune trace humaine à des kilomètres à la ronde.

- Comment tu fais ça ? fit-il, un sourire en coin presque incrédule aux lèvres.

- Ca quoi ?

- Être toujours optimiste !

James joignit son rire au sien.

- Aucune idée, un énième talent pour moi ! Que veux-tu ? Je suis incroyable !

- C'est ton ego qui est incroyablement gonflé oui, rétorqua Remus.

- Eh !

A coups d'épaule, ils se poussèrent mutuellement pour rentrer en riant et Emmeline Vance, qui passait dans le couloir entre le cellier et la cuisine, s'arrêta pour les regarder. Elle secoua la tête, faisant se balancer ses longs cheveux châtains qui lui arrivaient au niveau des hanches.

- Les garçons ! Un peu de sérieux... Et moi qui croyais que tu étais le « sage » de la bande, Remus. Une telle désillusion.

- On ne t'avait rien promis, nous ! répliqua James. Fallait pas te faire de faux espoirs.

- Tu rejettes la faute sur moi, là ? Fais attention, demain je suis chargée de l'entraînement et je peux te faire vivre une séance bien difficile.

Immédiatement, le sourire de James s'effaça.

- Em' ! Je rigolais ! dit-il en courant après elle dans la cuisine. Allez !

- Arrête avec ce surnom, râla-t-elle. Sirius est déjà assez pénible.

- Mais je suis moins pénible que lui quand même, non ?

- C'est sujet à débat.

Gideon, assis à la table de cuisine devant une tasse de café fumante qu'il venait juste de se faire, s'esclaffa avant d'afficher un rictus en coin.

- D'ailleurs Potter, où est ta moitié ?

- Lily ? Partie prendre une douche sûrem...

- Non, pas Evans. Black. Il était prévu à l'entraînement, non ?

James se passa une main dans les cheveux pour les ébouriffer, agité. Le nom de Sirius était bien inscrit sur le tableau de présence de l'après-midi, mais il n'était jamais arrivé et James avait une petite idée de pourquoi. Ce matin, son meilleur ami avait prévu de passer prendre Alexia chez sa sœur en banlieue londonienne après qu'elle ait passé la soirée à garder sa petite nièce, Ellie. Ils devaient passer la matinée ensemble puisque Alexia ne travaillait pas au Ministère ce jour-là. Et il ne fallait pas être devin pour comprendre que la matinée s'était transformée en journée.

Mal à l'aise, il soutenu le regard de Gideon, inquisiteur, avant de répondre prudemment :

- Un empêchement, je crois... Mais il sera là demain.

- Y'a intérêt. Et dis-lui qu'il fera trois tours supplémentaires pour compenser.

- Gide, soupira Emmeline.

- Il faut être dur avec eux pour ça rentre ! (Il avala une gorgée de sa tasse puis se leva souplement). Bon je file ! J'ai rendez-vous avec Maugrey. A demain !

Emmeline tenta de le retenir, mais il était déjà presque à la porte :

- Gide ! Ton café, tu n'as pas... Roh !

- Moi aussi à sa place j'aurais peur d'être en retard à un rendez-vous avec Maugrey.

- James... Va te doucher.

Il sourit.

- Oui m'dame !

Et il disparut à l'étage.

**

*

Le corps encore endormi, Sirius se redressa sur un coude et jeta un coup d'œil à l'horloge murale qui semblait le narguer à l'autre bout de la pièce. Il était quinze heures passées. Il aurait dû être au QG depuis une éternité pour l'entraînement physique du jour des frères Prewett. Merlin, Gideon allait le tuer. Et Fabian allait l'enterrer pour faire bonne mesure.

En toute honnêteté, Sirius n'avait pas vu le temps défiler. Ce matin, il était passé prendre Alexia chez sa sœur et elle lui avait ouvert, sa petite nièce Ellie âgée de seulement un mois dans les bras, rayonnante. Après avoir babillé pendant dix minutes pour lui dire au revoir, il avait enfin réussi à l'emmener avec lui pour une balade à moto à pleine vitesse en périphérie de Londres. Sur les chemins de campagnes, il avait poussé l'accélérateur bien au-delà de la raison et les cris de joie d'Alexia s'étaient mêlés au bruit assourdissant du vent. Elle lui avait déjà confié que la vitesse lui donnait la sensation d'être vivante. Que l'air lui brûlait les poumons, violent et implacable, mais qu'elle se sentait indiciblement vivante. Et Sirius aimait lui offrir ce sentiment.

Il baissa les yeux sur Alexia, encore endormie à côté de lui. La couverture avait glissé jusqu'à sa taille, dévoilant sa poitrine, et il se contenta de contempler les mouvements de sa respiration qui animait son corps. Après leur balade à moto, ils étaient revenus chez lui dans son petit appartement du côté moldu de Londres. Ils n'avaient même pas mangé alors que l'horloge sonnait midi et leur début d'après-midi s'était déroulée dans son lit.

Incapable de se retenir, il tendit la main et frôla du bout des doigts la clavicule d'Alexia qui frissonna. Sirius sourit, amusé, puis renouvela son geste. Cette fois-ci, les paupières d'Alexia papillonnèrent et elle s'étira en grommelant.

- Tu m'as épuisé et tu me laisses même pas dormir...

- Moi je t'ai épuisé ? rit-il. Je crois me rappeler que c'est toi qui a...

- Tais-toi, coupa-t-elle en le repoussant.

Elle se laissa tomber sur son torse, leurs jambes entremêlées sous la couverture, et Sirius l'attira contre lui. Alexia fronça les sourcils.

- Tu ne devais pas partir pour l'entraînement ?

- Si...

- Sirius...

- Quoi ? Je brave la colère de Gideon et Fabian pour toi ! Sens-toi flattée.

Alexia le repoussa à nouveau en riant, mais il verrouilla ses bras autour d'elle. Il sentait la chaleur irradier de son corps mince et il déposa un baiser le long de sa clavicule, là où il l'avait caressé du bout des doigts quelques secondes auparavant.

- Sirius... souffla-t-elle. Tu devrais réellement filer...

- L'entraînement est presque terminé à cette heure-ci, protesta-t-il. Ça ne servirait à rien. (Il l'embrassa à nouveau juste au-dessus de la poitrine). Tu veux me mettre dehors ?

- Non, jamais. Mais j'ai peur que James débarque ici pour te chercher et on n'est pas vraiment visibles là tout de suite.

Sirius s'apprêtait à objecter, mais elle le coupa :

- Et même si tu as partagé un dortoir avec lui pendant sept ans, il ne m'a jamais vu nue, moi, et j'aimerais que ça ne change pas.

- Tu as partagé un dortoir avec lui aussi pendant une semaine ! rétorqua-t-il sans réfléchir. Et tu sais qu'on avait un minimum de vie privée même dans notre dortoir ?

- Quelle idée idiote...

- Quoi ? La vie privée ?

- Mais non ! s'esclaffa-t-elle. Moi dans votre dortoir. Si les profs avaient appris ça...

- McGonagall en aurait avalé son chapeau !

Alexia se mit à rire et passa une main dans ses cheveux châtains pour les repousser avant de se réajuster contre lui, une main soutenant sa tête. Au niveau de sa hanche et de sa taille, la couverture marquait un creux et Sirius se surprit à remarquer ce détail. Il y a encore quelques mois, le corps d'Alexia était si mince après sa crise qui l'avait mené à Sainte-Mangouste qu'il n'aurait pas pu voir ce fait. Aujourd'hui, elle affichait plus de formes, ses joues étaient plus rebondies et elle avait pris du poids. Marlène, qui avait perdu plusieurs tours de taille grâce à l'entraînement, plaisantait souvent en disant qu'Alexia avait récupéré ses kilos envolés.

- Tu te souviens que Remus avait retrouvé ton soutien-gorge dans son armoire ? se souvint soudain Sirius.

- Oh Merlin... (Alexia rougit et se couvrit les yeux, l'air catastrophé). Je reste persuadée que c'est James qui a fait ça ! Je ne portais même pas de soutien-gorge l'année dernière !

- Et je ne t'en remerciera jamais assez.

- Sirius !

Cette fois, elle lui donna une tape sur l'épaule et se dégagea, amusée. Aussitôt, Sirius frissonna.

- Rends-moi la couverture ! s'exclama-t-il.

- Non ! Lève-toi, espèce de paresseux. On va aller au QG et trouver une excuse pour ton absence de cette après-midi. Avec un peu de chance, Gideon n'en parlera pas à Maugrey.

- Alex...

- Dépêche-toi ou je prends ma douche sans toi ! lança-t-elle en s'engouffrant dans la salle de bain.

Le corps soudain bien éveillé, Sirius bondit sur ses pieds et se précipita à sa suite.

**

*

Les cheveux enroulés dans une serviette, Lily ressortit de la salle de bain et frissonna. Le QG avait beau être pratique, la vieille maison était mal isolée et maintenant que septembre commençait le vent s'engouffrait de plus en plus dans les fissures des murs. Epuisée par l'entraînement, elle se passa une main sur le visage et grimaça en sentant sa peau la tirer. Elle hésita une seconde à retourner dans la salle de bain prendre une lotion hydratante, mais renonça dès que ses yeux se posèrent sur son lit où elle s'effondra.

Si l'entraînement cet été avait été intense, ce n'était rien comparé à ce début de rentrée. Elle avait commencé à travailler en tant qu'interne au service des Potions et Elixirs de St-Mangouste pour être formée aux potions médicinales. Du moins, c'est ce qu'elle croyait. Son temps et son apprentissage étaient en réalité partagés en deux : les laboratoires avec les potionistes les plus renommés du monde magique et les heures de travail en tant qu'infirmière auprès des médicomages confirmés. Sa tutrice, Judith Winger, une irlandaise à l'accent prononcé, ne lui épargnait rien. Lily finissait souvent ses journées à bout de souffle, le dos douloureux après avoir enchaîné dix chambres de patients aux soins tous différents et particuliers. En rentrant au QG, elle maudissait les frères Prewett qui décidaient parfois de faire un entraînement inopiné.

Elle n'était pas la seule à avoir du mal à garder le rythme. Marlène s'était trouvée un travail de vendeuse chez Madame Guippure,, elle qui ne connaissait rien à la mode ou au prêt-à-porter il y a encore quelques semaines. Avec ses notes aux Aspics, elle aurait pu trouver bien mieux, mais elle n'avait pas voulu surcharger son emploi du temps. Une bonne idée que Lily enviait parfois. Peter aussi travaillait désormais. Il avait été embauché à la poste de Pré-au-Lard pour trier les colis. Il revenait certains soirs avec plein de plumes de hiboux dans les cheveux juste pour faire rire James et Sirius. Ces deux idiots ne travaillaient pas, eux. Ils n'en avaient pas besoin. James n'avait pas explicitement expliqué à ses parents ce qu'il faisait, mais monsieur Potter, enfin retraité, était assez perspicace pour en avoir une bonne idée et il donnait de l'argent à James tous les mois pour lui permettre de se consacrer à l'Ordre. James lui avait proposé de partager puisqu'ils vivaient de toute façon tous les deux au QG et qu'il avait donc largement assez pour tous les deux. Lily avait fermement refusé. Elle ne voulait pas vivre au crochet des Potter et la guerre ne durerait pas toute sa vie : être formée à Sainte-Mangouste était une chance inestimable. En ce qui concernait Sirius et Dorcas, ils semblaient eux aussi avoir des coffres en banque qui leur permettaient de ne pas travailler tout de suite. Alexia, elle, avait été la première à se trouver un travail avec son poste de secrétaire au Ministère et elle refusait désormais de servir un café à qui que ce soit au QG. Seul Remus n'avait pas trouvé alors qu'il l'aurait voulu. Le cœur de Lily se serra en repensant à sa mine défaite après son énième entretien d'embauche qui s'était soldé par un refus. Les employeurs refusaient de prendre quelqu'un qui risquait de disparaître un à trois jours par mois.

De manière générale, ils n'étaient pourtant pas à plaindre. Le QG offrait à ceux qui n'avaient pas d'appartement un logement et ils avaient transformé toutes les pièces disponibles en chambre. Même Sirius restait parfois quand il était trop fatigué pour rentrer chez lui. Ce n'était pas un grand luxe, mais c'était suffisant. Du moment que Lily avait un lit sur lequel s'écrouler en fin de journée, elle s'estimait heureuse.

Dans un grincement sonore, la porte s'ouvrit soudain et la tête de James passa dans l'embrasure. Il avait sa main plaquée devant ses yeux.

- T'es décente ? lança-t-il. Je peux entrer, Lily ?

- Entre, crétin.

A l'aveugle, James s'exécuta puis écarta lentement ses doigts et avisa son peignoir et la serviette dans ses cheveux.

- Tu as fini de prendre ta douche ?

- Non, James, je porte juste cette tenue pour m'entraîner avant de la prendre.

- Question idiote, désolé. Comment tu te sens ?

Lily grogna.

- Epuisée, fatiguée, harassée, exténuée, énuméra-t-elle dramatiquement. Je déteste la course. Et je déteste encore plus le sifflet de Gideon.

- Je te comprends... Je ne sens plus mes jambes.

- Tu m'étonnes, tu as dû faire cinquante tours de plus que nous ! Frimeur !

James n'arriva pas à retenir un sourire suffisant et se passa une main dans les cheveux. Lily retint un rire : il ressemblait à un hérisson qui serait passé dans une machine à laver.

- Va prendre ta douche, James ! dit-elle en souriant, lasse.

- Et je pourrais te rejoindre après ?

Cette fois, elle se sentit rougir. Sa voix l'abandonna un instant tandis qu'une chaleur agréable se rependait au creux de son ventre. Distraitement, elle se mit à jouer avec l'ourlet du couvre-lit et se contenta de hocher la tête. James fila à la vitesse de l'éclair dans la salle de bain.

Lily relâcha le souffle qu'elle n'avait pas eu conscience de retenir. Cela faisait deux mois qu'ils partageaient cette chambre tous les deux par manque de place. Dorcas s'était retrouvée avec Marlène même si cette dernière ne cessait de faire des allers-retours entre chez ses parents et ici, Remus était avec Peter, et Sirius partageait la sienne avec Benjy Fenwick quand ils étaient au QG. S'ils ne l'étaient pas, puisqu'ils avaient tous les deux un appartement à eux, c'était la chambre d'Alexia. Tous les trois n'ayant pas d'endroit fixe, leur chambre était un peu celle que tout le monde pouvait utiliser si besoin. Benjy avait râlé trois jours lorsque Sirius s'était trompé et il lui avait « emprunté » sa cape préférée.

Au début, la cohabitation avec James avait été étrange. Ils étaient tous les deux habitués à un dortoir collectif avec leurs amis respectifs et se retrouver d'un coup ensemble n'avait pas été évident. Gideon ne cessait de faire des insinuations sur eux juste pour le plaisir de voir le visage de Lily s'embraser. Après quelques semaines, Lily avait malgré tout appris à se détendre. Elle ne se crispait plus dès que le corps de James frôlait le sien sous les couvertures et ils avaient passé des dimanches matin simplement enlacés l'un contre l'autre. James aimait jouer avec ses cheveux pendant de longues minutes et elle le laissait faire avec plaisir.

De l'autre côté du mur, elle entendit soudain l'eau de la douche s'arrêter. Quelques secondes plus tard, James revint. Ses cheveux avaient retrouvé un semblant de naturel et il portait un simple t-shirt blanc et un pantalon noir. Lily haussa un sourcil, surprise, et il le remarqua immédiatement.

- Quoi ? demanda-t-il, un sourire dans la voix. Tu t'attendais à me voir juste en serviette, torse nu ? Arrête avec tes fantasmes, Evans !

- Crétin imbu de lui-même, rétorqua-t-elle.

- Tu ne déments pas, observa-t-il.

Lily n'eut pas le temps de répondre. Il se laissa tomber à côté d'elle, l'écrasant presque au passage, et elle se décala en poussant un cri.

- James !

- Non, protesta-t-il, reste là.

Il l'attrapa par la taille et l'attira contre lui avant de déposer un baiser sur sa tempe.

- Je dois aller m'habiller, James, rit-elle.

- Jamais ! Tu es coincée avec moi !

Elle éclata de rire puis se calma et lui rendit son étreinte en plongeant son regard dans le sien.

- Tu ne devais pas aller chez tes parents ? se souvint-elle.

- Si... Je ne vais pas tarder, j'ai promis à ma mère d'être là pour le dîner...

Lily se redressa doucement.

- Tu t'inquiètes pour elle ? souffla-t-elle.

- Tous les jours... Depuis que mon père a commencé à avoir les premiers symptômes. Je sais qu'elle va se faire tester pour la dragoncelle toutes les semaines, mais ça finira par arriver. Elle va être contaminée...

- Peut-être que ça ira pour elle... Que la maladie sera légère et qu'ils arriveront à la soigner ?

- Lily, tu vas devenir médicomage. Tu sais bien qu'à son âge... Elle a presque soixante ans.

- Je sais, murmura-t-elle, je sais... Si je pouvais inventer une potion, James...

Il ferma les yeux, le visage grave. Elle ressentait le poids qu'il avait sur les épaules, cette inquiétude qui lui pesait chaque jour sans qu'il ne puisse rien y faire. Lily avait vu des patients atteints de dragoncelle à l'hôpital. Les enfants se rétablissaient vite après des symptômes fulgurants et une forte fièvre. Les adultes en revanche... Encore hier, elle s'était occupée d'une mère de famille qui avait contracté la maladie un mois auparavant. Elles avaient discuté ensemble pendant la pause de Lily. Le soir, avant de partir, elle avait décidé de passer lui dire au revoir et avait trouvé la chambre vide. Sa tutrice l'avait informé du décès de leur patiente en la voyant plantée dans l'embrasure de la porte.

Bien évidemment, Lily avala la boule qui s'était formée dans sa gorge et se garda bien d'en parler à James.

- On ne peut rien faire, finit-il par soupirer. C'est leur décision à tous les deux.

- Tu es sûr de l'avoir attraper petit, pas vrai ? vérifia-t-elle pour la dixième fois au moins.

- Oui, Lily, sûr et certain. T'en fais pas. C'est toi qui m'inquiète... Je devrais éviter de trop t'approcher en rentrant de chez mes parents. Au moins pour 24h. (Il soupira à nouveau). Je resterai sûrement dormir chez eux d'ailleurs...

- Génial, dit-elle en essayant de garder un sourire de façade, tu ne me voleras pas la couverture comme ça.

James roula des yeux.

- Je ne vole rien du tout, Lily-jolie.

- C'est nouveau ce surnom ?

- Une inspiration soudaine. Un peu comme ça aussi.

Et sans prévenir il se pencha pour l'embrasser. Lily sourit et s'étira pour être à sa hauteur. Elle lui rendit son baiser, avide, et ne put s'empêcher de passer une main dans ses cheveux pour les ébouriffer à nouveau.

- Mieux comme ça, jugea-t-elle.

- Mieux ensemble, corrigea James.

Lily sourit sûrement comme une idiote à ces mots et approuva en l'embrassant. La journée ne lui paraissait plus si terrible.

**

*

Le pas vif, Gideon Prewett remonta le long corridor qui menait au bureau d'Alastor Maugrey. Un coup d'œil à sa montre lui apprit qu'il avait deux minutes de retard et il jura dans sa barbe. A vouloir faire durer l'entraînement des gamins, c'est lui qui allait avoir des ennuis. Il aurait aimé déléguer la réunion à Fabian, mais son frère s'était déjà chargé des deux précédentes et il ne pouvait plus passer son tour. Ça ne lui posait pas de problème outre mesure d'y assister, mais les réunions interminables n'étaient simplement pas sa tasse de thé. Il était un homme de terrain, un Briseur de sort aguerri qui travaillait à son compte depuis trois ans et surtout un accro à l'adrénaline. Emmeline disait souvent qu'il finirait mal à cause de ça, mais pour l'instant Gideon avait encore ses deux jambes. Il laissait la prudence et la stratégie à Fabian, toujours responsable. Issu d'une formation d'Inventeur de sort, Fabian était celui qui créait tandis que Gideon neutralisait. Complémentaires, ils formaient une équipe aux talents diverses, ce qui avait attiré l'attention d'Albus Dumbledore en personne au moment où il avait décidé de créer sa petite société secrète.

Gideon ne se souvenait même pas avoir longtemps hésité. On ne disait tout simplement pas non au plus grand sorcier du siècle lorsque celui-ci venait vous demander de l'aide pour arrêter la guerre en cours. Au début, l'année dernière, l'organisation avait été chaotique. Gideon enchaînait des journées de travail harassantes avec des missions de surveillance interminables et terminait sa semaine avec un combat contre trois mangemorts. Il avait tenu deux mois avant de s'effondrer. Il s'en souvenait encore : il était chez sa sœur Molly au Terrier. Il devait gardé ses neveux Bill, Charlie et Percy pendant que sa sœur se rendait à la maternité pour un contrôle de routine, enceinte à nouveau. Autant dire que Bill et Charlie l'avaient plus gardé qu'autre chose. Lorsque Molly était revenue, elle l'avait trouvé endormi dans le canapé, les deux petits garçons de quatre et six ans jouant dans le jardin sans surveillance. Au moins, Percy était resté sagement dans son lit à faire la sieste. Ses oreilles sifflaient encore du savon que sa sœur aînée lui avait passé. A partir de là, Gideon avait demandé à Dumbledore d'organiser un planning où les emplois du temps de chacun seraient optimisés. L'arrivée de deux Aurors sous la direction de Maugrey, Alice et Frank, les avaient considérablement aidés. Et même s'il n'osait pas l'avouer, les nombreuses nouvelles recrues à peine diplômées allaient l'être aussi. C'est bien simple, l'Ordre allait presque doublé ses effectifs.

Au bout de trois mois, Gideon s'était rendu à l'évidence : Dumbledore ne lui avait pas envoyé n'importe qui. Lily Evans était une sorcière particulièrement douée, mais surtout une potioniste exceptionnelle pour son âge. James Potter, Sirius Black et Remus Lupin se débrouillaient bien quand ils prenaient la peine d'écouter et le dernier de la bande, Pettigrew, pouvait se révéler étonnamment surprenant parfois. Gideon n'aurait pas misé deux noises sur lui au départ et pourtant il se souvenait encore du sortilège cuisant que Fabian avait reçu en pleine figure. Il avait eu l'air d'un œuf trop cuit toute une semaine. Dans la même veine, Marlène McKinnon savait se montrer précise et puissance dans ses sortilèges sous ses airs timides. Il ne parlait même pas de Dorcas Meadowes... Un vrai dragon.

C'était d'ailleurs sur eux que devait porter la réunion du jour. Enfin arrivé devant la porte du bureau de Maugrey, Gideon donna trois coups secs rythmés sur la porte, puis deux autres plus espacés. Une voix grondante lui répondit :

- Ramène tes fesses, Prewett !

- Ah Fol Œil, toujours aussi accueillant, dit-il théâtralement dès qu'il passa le pas de la porte.

- Tu es en retard ! Tu crois que je n'ai rien d'autre à faire que de t'attendre ?

- Désolé, désolé. Les gamins étaient lents pour courir aujourd'hui.

- La faute au formateur, peut-être ? suggéra Edgar Bones, assis dans un fauteuil près de la fenêtre.

Gideon lui rendit son sourire ironique. Il aimait bien Bones. Un homme solide et juste dont le poste dans les hautes sphères au Magenmagot du Département de la Justice Magique était d'une aide inestimable.

- Si t'étais au QG plus souvent, Bones, tu pourrais peut-être aider à les former, rétorqua-t-il.

- J'ai un Département à faire tourner, mon garçon.

- Parce que moi je suis chômeur ?

- Quel sens dramatique... Je n'ai pas dit ça. (Il secoua la tête avec patience, sûrement habitué en tant que père de garçons turbulents). Allez assieds-toi, Gideon. Faisons vite, j'ai un rendez-vous avec le Ministre français dans une heure.

De mauvaise grâce, Gideon obtempéra.

- Et Dumbledore ? Il ne vient pas ?

- Je lui ferai un compte-rendu, assura Maugrey. Bon commençons. Comment se passe l'entraînement ?

Il fixa son œil magique droit sur Gideon qui se redressa dans son siège. A vingt-sept ans, il avait encore l'impression d'être un gamin face à cet Auror si impressionnant. A côté de lui, Edgar Bones devait être plus détendu car il cala sa fameuse pipe entre ses dents pour l'écouter, nonchalant.

- Plutôt bien, répondit-il honnêtement. Ils ont fait des progrès, je dois le reconnaître. Certains sont même doués, même si j'ai peur qu'ils ne soient pas préparés à la réalité du terrain.

- Rien ne peut les préparer... objecta Bones. Ils le découvriront en mission, ils s'endurciront. Comme nous tous dans le fond. Rappelle-toi de ta première intervention, ce n'était pas brillant si ma mémoire est bonne. Rodulphus Lestrange avait failli t'avoir et tu as de la chance de bien savoir transplaner.

Gideon rougit. Il aurait préféré oublier cet épisode.

- Oui, oui... maugréa-t-il. Bon tout ça pour dire que ça se passe bien. La partie physique est aléatoire. Potter et Black ont une bonne endurance. Lupin est inconstant au possible. McKinnon est pleine de bonne volonté, elle fait des efforts et si elle continue, elle va y arriver. Pour la tête de mulle qu'est Meadowes, ça me fait mal de l'admettre mais elle se débrouille en parcours d'obstacle, elle a de bons réflexes. Par contre, j'espère qu'elle ne fera jamais de course poursuite. Elle s'essouffle vite. Pettigrew est dans la même veine, même s'il est doué en filature. Il sait se faire oublier, ce gars ! Quant à Evans, les exercices physiques ne sont pas son point fort, mais elle ne démérite pas.

Maugrey approuva d'un grognement. Il attrapa la plume posée sur son bureau et se mit à écrire ce que Gideon venait de lui livrer. Les mots, brouillons, noircissaient le parchemin rapidement et Gideon devina que Maugrey ajoutait ses propres remarques pour que Dumbledore ait un rapport complet. Parfois, il enviait le directeur de Poudlard. Aucune réunion de compte-rendu, pas d'entraînements de gamins. Il avait juste à donner les ordres.

- Et Cassidy ? demanda soudain Edgar Bones en expirant un épais nuage de fumée grisâtre et mal odorant.

- Alexia Cassidy ? Dur de juger. Elle n'est pas là tout le temps à cause de sa maladie et elle n'a pas le droit de courir au-delà d'un certain temps. Je peux lui reconnaître qu'elle se donne à fond et ne se plaint pas. Elle s'intégrera bien dans une équipe et respecte l'autorité. (Il marque une pause avant d'ajouter dramatiquement). Ce qui n'est pas le cas de son crétin de copain.

Un éclat de rire étouffé échappa à Bones.

- Une vraie tête brûlée ce petit, c'est sûr. On est sûr qu'il est vraiment un Black ? Quelqu'un a pensé à faire un test ?

- Tu l'as bien regardé ? Il a le mot « Black » écrit sur le front ! dit Gideon.

Edgar lui accorda le point d'un hochement de tête.

- On parlait de Cassidy, les rappela à l'ordre Maugrey brusquement.

Gideon reporta son attention sur lui.

- Oui, Cassidy... Elle ne brille pas non plus par ses savoirs, mais elle a le sens pratique. Elle est débrouillarde. Un peu le contraire d'Evans qui manque de spontanéité.

- Lily Evans est un atout en potion, contra Edgar. Elle a refait nos stocks de potions revigorante pendant tout l'été et j'en ai rarement vu des aussi efficaces. Sans parler de la puissance de ses sortilèges !

Gideon approuva en silence. Tout l'été, ils avaient mis en place des exercices variés pour tester les nouvelles recrues. Les entraînements physiques constituaient une grande partie de la formation pour entrer dans l'Ordre. Ce n'était pas possible d'affronter les mangemorts si on était essoufflé au bout de cinq minutes. L'endurance avait été une des priorités pour eux et Gideon ne se lassait pas de regarder les gamins faire des tours autour de la maison en crachant leurs poumons. Les parcours de vitesse et d'obstacles s'étaient révélés être de grands moments : Black avait manqué de se casser une cheville en sautant par-dessus une palissade avant de mordre l'herbe en pleine face. Potter s'était presque étouffé de rire et n'avait jamais terminé son propre parcours. Les entraînements de filature, quant à eux, avaient révélé des personnalités comme celles de Pettigrew et McKinnon. Ils avaient réussi à semer tous les autres et à rester cachés pendant toute une après-midi sans que personne n'arrive à les retrouver. Gideon soupçonnait encore Pettigrew d'avoir transplané quelque part... Ils avaient retourné tout le QG et ses alentours sans lui mettre la main dessus. Emmeline et Fabian avaient davantage supervisé la partie entraînements magiques, mais des résultats avaient émergé également.

- Justement, gronda Maugrey, comment se passe la formation pratique et théorique en sortilèges, en enchantements ? Et en défense contre les forces du mal ?

- Bien aussi. Evans, Black, Potter et Lupin n'ont aucun souci à se faire, même s'ils doivent encore gagner en concentration pendant les duels. Faudra voir comment ils se débrouillent en situation de stress. Pettigrew a un niveau correct mais il prononce ses sortilèges la moitié du temps. Meadowes a un talent pour comprendre le fonctionnement des enchantements et Fabian lui donne des cours en plus, elle commence à voir comment les neutraliser rapidement. McKinnon est douée en défense, mais manque de caractère pour l'offensif.

- On travaillera ça avec elle... Quoi d'autre ?

- Ils s'en sortent pas mal en défense. Quelques patronus dans le lot et on a prévu de refaire une séance sur ce point. Les boucliers sont maîtrisés, les contre-sorts aussi. Les connaissances sont à revoir. A part Lupin et Evans, ils ont des sérieuses lacunes sur les objets noirs, les créatures, les poisons... Quoique Black a quelques connaissances assez inattendues. (Gideon s'interrompit puis se corrigea soudain). Enfin, inattendues... Peut-être pas tant que ça. Vous savez ce que j'en pense.

Son ton laissait peu de place aux doutes. Il avait plusieurs fois fait part de son point de vue à Dumbledore et à Maugrey lorsqu'ils évoquaient les noms potentiels pour les recrus. Autant dire que le nom « Black » lui avait fait hausser un sourcil. Voire les deux sourcils.

A sa droite, Edgar Bones soupira et tira sur sa pipe, l'air agacé. Gideon ne s'en formalisa pas. Il avait l'habitude de mettre les nerfs d'Edgar à rude épreuve, lui qui avait été son instructeur lors de son entrée dans l'Ordre il y a presque deux ans.

- Mon garçon, tu as la tête dure, lui reprocha-t-il. Le cas de Black a été classé, il me semble ?

- Mais...

- Assez Prewett ! aboya Maugrey. Il s'est engagé avec nous, il va se battre avec nous. Alors, fais-lui confiance, ta vie pourrait en dépendre !

- Vigilance constante, je sais, je sais...

- Tu ferais bien.

Gideon décida d'abandonner. Ce n'était pas le moment. Finalement, Maugrey enroula le parchemin avec soin puis le scella avec un cachet et un sortilège. Ce document était codé, confidentiel, et ne devait pas tomber dans d'autres mains que celles d'Albus Dumbledore. L'œil magique de Maugrey tourna plusieurs fois dans son orbite avant de se poser à nouveau sur eux.

- Bien, bonne réunion. On refait le point à la fin de leur formation. Si tu as quelque chose à signaler, viens me trouver. Ça vaut aussi pour ton frère ou Emmeline. Et Bones, surveille tes arrières. La justice est un point sensible, ils tenteraient de vous infiltrer en ce moment.

- Je suis sur mes gardes, Alastor, ne vous en faites pas.

Après ses mises en garde d'usage, Maugrey les congédia d'un geste impatient. Gideon se leva, vidé, puis ressortit dans le couloir. Il hésita à passer voir Alice ou Frank, mais renonça. Il devait retourner au QG. Avant de partir, il se tourna vers Edgar Bones qui rangeait sa pipe dans son veston.

- Je retourne garder les gosses, dit-il. Portez-vous bien, Bones !

- Toi aussi, Prewett. Et ne les martyrise pas trop.

- Où serait mon amusement dans tout ça sinon ?

Bones s'esclaffa et secoua la tête.

- Rappelles-moi de ne jamais t'envoyer mon fils.

- Matthew ? Comment il va ? C'est sa dernière année à Poudlard ?

- Merlin non, pas encore ! s'exclama-t-il. Cinquième année. Qu'il passe déjà ses BUSES.

Gideon hocha la tête. La guerre pourrait attendre, Matthew Bones avait le temps d'être encore un enfant pour quelques années. D'un mouvement de main, il salua le haut juge de la Justice Magique et recula lentement.

- A bientôt, Bones, lança-t-il par-dessus son épaule.

- Au revoir, Gideon.

Et ils s'éloignèrent chacun de leur côté.

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Prochain chapitre : 31 octobre

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