Tome III - Chapitre 8 : La guerre et la fleur

Je pense qu'en fait, mon jour de postage va être "entre le dimanche et le lundi" désormais haha ! En vérité, je poste maintenant parce que demain matin je ne pourrais... J'ai rdv chez le dentiste et je suis terrifiée, si vous saviez ! Je déteste ça ! Du coup, je veux pouvoir lire vos commentaires en salle d'attente, ça m'aidera haha ! (Soutenez moi, commentez à fond ^^)

Le chapitre du jour voit le retour d'un personnage qui me tient à coeur comme vous le savez... Donc bonne lecture ;) 

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Chapitre VIII : La guerre et la fleur

- Regulus ! T'es prêt ou tu me retrouves au stade ?

- J'arrive !

Agacé, Regulus donna un coup de pied dans son coffre au pied de son lit, incapable de remettre la main sur son écharpe verte et argent. Avec le mois d'octobre était revenu le vent écossais dans toute sa vigueur et il refusait de passer une heure dans les gradins à mourir de froid devant un match de Quidditch, surtout alors que sa maison ne jouait même pas. Pourtant, la voix empressée de Livia en haut de l'escalier le décida à sortir de son dortoir. Celui des garçons était un niveau en-dessous de celui des fille, lui-même en-dessous de leur salle commune, et il dut remonter les deux volées de marches avant de la retrouver.

Ses cheveux blonds tirés en queue de cheval, elle avait nouée par une attache en or sa cape sur ses épaules et ses yeux vert eau – presque semblable à la lueur que jetait le Lac Noir en été sur le sol de leur salle commune – le détaillèrent des pieds à la tête.

- Tu ne mets pas d'écharpe ? s'étonna-t-elle.

- Antonin a dû me la prendre. Encore. Laisse tomber.

Elle ne commenta pas davantage. Depuis le début de l'année, il trouvait de plus en plus difficile de lui parler et elle lui semblait distante, même s'il supposait qu'il devait renvoyer la même image. Il avait essayé de s'y préparer, mais il n'avait pas réalisé à quel point cette année allait être différente des précédentes et cette impression pesait sur tout le monde. Les couloirs et la Grande Salle paraissaient paradoxalement vides – alors même que le bruit des conversations de centaines d'élèves était toujours bien là – sans les Maraudeurs et les autres anciens septièmes années. C'était comme voir une page de Poudlard se tourner. Regulus avait cru qu'il aurait apprécié de ne plus avoir son frère dans son champ de vision tous les jours... Ce n'était finalement qu'à moitié vrai. Ne plus voir quotidiennement Sirius l'aidait à se détacher de lui, il le sentait bien, mais en même temps sa présence constante lui manquait. Tant qu'il avait eu Sirius avec lui, sa fugue de la maison n'avait pas été aussi radicale pour lui puisqu'il pouvait encore le voir. Cette fois-ci, il ne savait même pas s'il le reverrait avant dix ans.

Et il n'y avait pas que l'absence de Sirius qui lui pesait.

Il y avait surtout celle de Marlène.

Tous les jours, il se fustigeait de faire un détour pour passer devant leur ancien repère et tous les jours il empruntait pourtant le même chemin, incapable de passer la porte pour y entrer. Il ne voulait pas s'infliger la vision de cette salle sans Marlène à l'intérieur tout en sachant qu'ils ne s'y retrouvaient plus jamais tous les deux à réviser, discuter, ou dessiner à la craie sur le vieux tableau branlant.

Maintenant qu'il y pensait, son éloignement avec Livia était peut-être dû à ça aussi... Il ne savait pas exactement à quel point elle était au courant de sa relation avec Marlène et ils n'en avaient plus reparlé depuis le jour où elle lui avait avoué être au courant de ses « escapades avec une Gryffondor » grâce aux jumelles Zabini à qui rien n'échappait dans ce château. Seulement, cette discussion remontait à l'attaque de Pré-au-Lard quand ils étaient en cinquième année et ils n'étaient pas ensemble à cette époque. De toute façon, ils étaient ensemble sans l'être. Il s'en était bien rendu compte au fil des mois l'année dernière. Si Livia lui avait avoué ses sentiments, ils relevaient plus d'un attachement amical que d'un véritable amour, il en était persuadé. Ils s'embrassaient à peine, même s'ils passaient du temps ensemble, et ils n'avaient jamais vraiment pris la peine de poser les mots sur ce qu'ils étaient en train de devenir. Leur couple était une façade pour faire plaisir à leurs parents et leurs amis respectifs et à choisir Regulus préférait maintenir cette fameuse façade avec elle.

Quelques pas derrière Livia, il la suivit jusqu'au stade et la laissa monter dans les gradins pour prendre place. Ils retrouvèrent les sœurs Zabini et Antonin Dolohov déjà installé, une écharpe bien enroulée autour de son cou.

- T'as pas l'impression de m'avoir pris quelque chose ? fit Regulus à peine assis.

- Quoi ?

- Mon écharpe, Antonin !

- Ton... ? Oh ! C'est la tienne ?

Phyllida tira sur le bout de l'étoffe en lorgnant la laine, yeux plissés.

- Evidemment, espèce d'idiot, se moqua-t-elle. Regarde là, c'est l'emblème des Black. A moins que les Dolohov ait changé de blason, tu viens de commettre un vol.

- C'est bon, désolé. Ne me collez pas un procès.

Il entreprit de dérouler l'écharpe de son cou puis il l'a lui jeta par-dessus la tête de Livia. Regulus l'attrapa au vol. Le mouvement lui rappelait presque celui pour attraper un vif d'or et Dymphna dû avoir la même idée car elle se pencha, sa natte sombre lui frôlant l'épaule.

- Alors ? Qu'est-ce que ça fait d'être dans les gradins pour le premier match de l'année ?

- Etrange, répondit-il honnêtement. Mais ça ne me dérange pas. Je préfère vraiment affronter Gryffondor qu'une équipe réduite.

Ses amis hochèrent la tête en accord. Traditionnellement, le premier match qui ouvrait la saison de Quidditch à Poudlard voyait toujours s'affronter Gryffondor et Serpentard dans une rivalité séculaire, mais cette année le planning avait été modifié. Serdaigle et Poufsouffle seraient les premiers à jouer pour laisser le temps à Mary McDonald, nouvelle capitaine de Gryffondor à la suite de James Potter, de reconstituer son équipe bien entamée. Ils avaient perdu trois joueurs cette année : deux batteurs et un poursuiveur. Potter et Sirius étaient évidemment partis de Poudlard et le second batteur n'avait pas voulu poursuivre dans l'équipe, ce qui avait laissé Mary McDonald désemparée. En un mois, elle avait fait passer plusieurs essais mais n'était pas parvenue à remplacer tout le monde. Regulus le savait d'expérience : perde un joueur était déjà difficile, mais perde en plus un capitaine l'était d'autant plus. Il ne portait pas Potter dans son cœur, mais il devait avouer qu'il avait réussi à mener Gryffondor à la victoire deux années de suite avec panache à son plus grand agacement.

De toute façon, le changement de planning n'avait pas été fait que pour les Gryffondor. Serpentard avait accepté aussi pour la simple et bonne raison qu'ils étaient dans le même cas : l'équipe avait vu partir leur deux batteurs, Mulciber et Avery, et leur capitaine Lucinda Talkabot. Regulus regrettait déjà cette dernière. Avec ses yeux bleus glace et son autorité naturelle, Lucinda avait été une capitaine compétente, uniquement desservie par son statut de née-moldu qui lui avait explosé au visage l'année passée. La révélation, couplée à sa relation que tout le monde savait ambiguë avec Dorcas Meadowes, avait achevé de lui faire perdre le respect de beaucoup de personnes au sein de leur maison. Regulus mettait clairement leur défaite de l'année dernière sur ce compte.

- Bienvenue à tous ! lança soudain la voix de Tiberius Ackerley depuis sa tribune. Ne vous en faites pas, vous n'avez pas perdu la tête ni la notion du temps, la rencontre du jour va bien voir s'opposer Serdaigle et Poufsouffle ! Ne vous inquiétez pas non plus, personne n'a décidé d'éradiquer Gryffondor et Serpentard ils reviendront pour le prochain match.

En écho, les supporteurs marquèrent leur approbation en applaudissant. Regulus fut rassuré d'entendre que Tiberius commençait à retrouver sa joie de vivre coutumière, lui qui n'avait été que l'ombre de lui-même après la mort de sa sœur. Penser à Gemma lui donna pourtant la nausée, comme toujours, et il dût se raidir un peu brusquement car Livia lui coula un regard de biais.

- Toi aussi ça te fait étrange ? murmura-t-elle.

Il se figea.

- Quoi ?

- De revenir au stade... J'ai l'impression de revoir Yaxley et son épouvantard avec le corps de... enfin tu sais...

Sa voix l'abandonna et Regulus refoula la nouvelle vague de nausée qui déferla en lui. Evidemment que Livia parlait de la dernière épreuve du Tournoi et pas de sa cérémonie d'initiation dans les rangs des mangemorts. Mais entendre l'horreur qui perçait dans sa voix suffisait à le rendre malade. Il avait passé du temps avec des mangemorts cet été pourtant. Bellatrix l'avait emmené dans l'Allée des Embrumes acheter des objets emplis de magie noire pour le compte du Seigneur des Ténèbres et il l'avait même vu revenu avec ses lourdes boucles noires poissés de sang un soir de juillet. Il avait vu Malcom Yaxley jeter un sort de torture sur un elfe de maison pour s'entraîner. Mais tout le monde lui répétait que c'était pour la noble cause du Seigneur des Ténèbres et son esprit avait fini par mettre un filtre entre les horreurs auxquelles il assistait et sa raison. Personne ne pouvait arriver à changer les choses sans mesures extrêmes, c'était nécessaire... et presque fascinant. Cette fascination, il l'a percevait chez tous les mangemorts, il l'a voyait briller dans les yeux de Bellatrix, de Rogue ou des Carrow dès que le Seigneur des Ténèbres faisait usage de sa magie, si puissante qu'il avait l'impression de la ressentir. Mais malgré tout cela, Gemma Ackerley échappait au filtre... Elle était la seule qui le laissait éveillé la nuit, les yeux grands ouverts alors qu'il se remémorait le bruit de son corps s'écroulant sur le tapis ouvragé des Lestrange. Il revoyait son regard empli de crainte et de détermination mêlés : « Quand mon petit frère pleurera ma mort, ne détourne pas la tête. Tu seras responsable ».

- Regulus ? l'apostropha soudain Livia, sourcils froncés. Tu te sens bien ?

Il ne répondit pas, incapable d'articuler le moindre son. Il avait l'impression que sa gorge s'était emplie de particules, comme le jour où Sirius avait découvert la vérité et que le dégoût s'était peint sur ses traits.

- Regulus ? Eh ! Reg ?

Le surnom lui fit l'effet d'une gifle. Marlène l'appelait Reg. Sirius l'appelait Reg. Livia ne le faisait que lorsqu'elle pensait qu'il avait besoin de réconfort. De très loin, il entendit Tiberius commenter le match, signe que celui-ci avait commencé, mais il voyait à peine les silhouettes bleue et jaunes s'affronter dans le ciel.

- Je reviens, déclara-t-il d'une voix sans timbre. Garde-moi ma place.

- Quoi ?

Livia tenta de le retenir, mais il s'était déjà levé. D'un pas vif, il redescendit les marches des gradins sans se faire remarquer. Tout le monde était trop occupé à regarder Artemisia Meadowes filer à toute vitesse pour chercher le vif d'or et, même dans son état, il ne put ignorer le talent pur qui émanait de la troisième année si frêle. Au moment où il quittait le stade, il entendit même Matthew Bones, le gardien de Gryffondor, siffler d'admiration en mettant deux doigts dans sa bouche alors qu'un de ses amis de Serdaigle à côté de lui tressaillait face au bruit aiguë.

Regulus ne s'attarda pas davantage. Il contourna le stade, le vent de face, mais son esprit ne s'éclaircit pas pour autant. Le visage de Gemma Ackerley était imprimé dans sa rétine et son estomac se contracta à nouveau. Même si son fantôme ne l'avait jamais vraiment quitté, il n'avait plus ressenti sa présence au sein de sa conscience avec autant de force depuis l'année dernière, comme si l'évocation de l'épouvantard d'Elizabeth Yaxley avait réveillé quelque chose en lui.

Les jambes tremblantes, il s'arrêta finalement au milieu du parc et se laissa glisser à terre le long d'un tronc d'arbre. Avec un temps de retard, il leva la tête pour vérifier que ce n'était pas le saule cogneur, mais heureusement ce n'était qu'un simple pin. Il supposait qu'autrement il aurait déjà pris une branche en pleine figure de toute façon. Pour refouler sa nausée, il plaça son visage entre ses genoux et se mit à inspirer puis expirer lentement, une technique que lui avait donné Andromeda quand ils étaient enfants il y a longtemps. Il se souvenait l'avoir lui-même conseillé à Elizabeth alors qu'elle paniquait après sa fuite du stade lorsqu'il l'avait emmené dans son repère au canapé vert pour la cacher le temps d'aller chercher Sirius et la faire évader. L'ironie ne lui échappa pas : aujourd'hui c'était lui qui fuyait le stade à cause du souvenir de Gemma Ackerley.

Il n'était pas sûr que la distance suffise à lui échapper de toute façon.

**

*

- T'es sûr que tu vas mieux ? T'étais vraiment pâle hier et...

- Livia par Merlin arrête ! s'exclama Antonin Dolohov. Tu te prends pour sa mère ou quoi ?

Regulus retint une grimace alors que Phyllida ricanait.

- Ce n'est pas un compliment, lâcha-t-elle avant de lui jeter un faux regard d'excuse. Le prend pas mal, hum, mais ta mère est effrayante.

- Elle fait peur à tout le monde, je sais.

A part peut-être à Sirius qui s'était toujours fait un devoir de la faire enrager, pensa-t-il avec aigreur. Mais il n'ajouta rien de plus, laissant le soin à Phyllida et Antonin de débattre sur le comportement de Livia. Cette dernière les ignorait d'ailleurs, concentrée sur lui, et il veilla à garder l'expression la plus neutre possible.

Ils étaient tous en route pour Pré-au-Lard et Regulus s'était plus ou moins remis de sa crise de culpabilité de la veille pendant le match de Quidditch remporté contre toute attente par Poufsouffle. D'après ce qu'on lui avait raconté, Artemisia Meadowes avait attrapé le vif d'or, mais Serdaigle n'avait pas réussi à rattraper son retard en but après un triplé brillant de la poursuiveuse remplaçante de Poufsouffle, Charlotte Shelton. Dès qu'elle était rentrée du match, Livia ne l'avait plus lâché, l'air suspicieux malgré ses affirmations répétées que « oui, Liv, je vais bien par Merlin ». Il n'avait plus l'habitude de subir son inquiétude poussive. Marlène était généralement plus douce, plus compréhensive, et il s'en voulait de les comparer toutes les deux alors même qu'il admirait d'ordinaire la force de caractère de Livia. Le problème en ce moment c'est qu'il ne pouvait s'empêcher de reprocher à Livia tout ce qu'elle n'était pas – ou plutôt tout ce que Marlène était – car elle avait le désavantage d'être là contrairement à l'ancienne Gryffondor.

- Très bien, j'arrête, céda finalement Livia. On se retrouve plus tard ? Quand t'auras terminé avec tes cousines ?

Il se força à lui sourire.

- Je t'attendrai devant la Poste, promit-il. A tout à l'heure.

Il partit en direction des Trois Balais pendant que ses amis continuaient dans les ruelles de Pré-au-Lard. Il avait reçu en début de semaine une lettre de sa tante Druella qui l'informait qu'il était tenu de venir rejoindre Bella et Cissy à la sortie prévue dimanche pour parler « d'affaires familiales ». Autant dire qu'il avait haussé un sourcil.

Pourtant, lorsqu'il passa la porte du célèbre pub, il repéra bien ses deux cousines à une table, assises côte à côte. Il se fraya un chemin jusqu'à elles.

- Ah Regulus ! s'exclama Narcissa dès qu'elle l'aperçut. Viens, on t'a commandé un jus de citrouille !

Il faillit en rouler des yeux. Il supposait que pour sa famille, il ne cesserait jamais d'être le petit dernier même maintenant alors que sa majorité approchait. Sans commenter, il s'assied en face d'elles.

Pour lui qui était le portrait de son frère, c'était toujours déstabilisant de constater à quel point les deux sœurs étaient différentes. Bellatrix et Narcissa étaient des miroirs inversés : l'une avait la blondeur des Rosier, l'autre la chevelure sombre des Black ; l'une était une femme forte, l'autre la parfaite future épouse ; l'une était une guerrière consciente de ses talents magiques, l'autre une fleur consciente de sa beauté au même titre que la plante dont elle avait hérité le nom. Elles se retrouvaient seulement sur leur charisme naturelle et Regulus savait qu'elles se valaient autant l'une que l'autre contrairement à ce que les gens avaient tendance à croire.

- Désolée de t'avoir prévenu aussi tardivement, s'excusa Narcissa en étirant ses lèvres écarlates dans un sourire sincère. J'espère que tu n'avais rien de prévu pour aujourd'hui.

Il haussa les épaules.

- Pas vraiment. J'ai surtout été surpris que vous veniez.

Il était honnête. En maintenant plus de six ans à Poudlard, il pouvait compter sur les doigts d'une main le nombre de fois où il avait passé la journée avec ses cousines à Pré-au-Lard.

- C'était plus simple de discuter en personne, se justifia Narcissa. Les préparatifs pour les fiançailles prennent énormément de temps et tout le monde s'est dit que tu devais être tenu au courant en tant que... nouvel héritier. (Elle buta légèrement sur le mot, mais se reprit). Donc on a préférées se déplacer, c'est tout.

- Et tu ne pouvais pas m'informer par lettre ?

- Si, j'aurais pu. Mais... Bella avait aussi des choses à voir avec toi alors on s'est dit qu'on allait finalement venir toutes les deux.

La crispation de Narcissa n'échappa pas à Regulus. Il jeta un regard suspicieux vers Bellatrix qui n'avait toujours pas décroché un mot et qui pianotait du bout de ses longs ongles sur la table en bois des Trois Balais. Elle avait l'air d'un prédateur forcé au repos, son beau visage figé dans un masque de marbre.

- Quelles choses à voir avec moi ?

- Des affaires plus confidentielles, répondit-elle d'un ton solennel. Cissy, commence.

- D'accord. Bon, Regulus, comme tu le sais ma fête de fiançailles aura lieu le mois prochain chez les parents de Lucius. Ils nous remettront la clé du manoir pour l'occasion et on a environ deux cents invités.

- Deux cents ? s'étrangla-t-il.

- Il faut bien marquer l'évènement.

Regulus serra ses lèvres l'une contre l'autre pour ne pas commenter, même s'il trouvait déjà la fête bien trop extravagante. Il n'osait pas imaginer ce que serait le mariage. La fête de fiançailles de Bellatrix, en début d'été, avait été pourtant tout aussi extravagante et il aurait dû s'attendre à la même chose. Il avait juste pensé naïvement qu'en tant que troisième fille de sa fratrie, Narcissa n'aurait pas eu le droit au même faste, mais il supposait qu'avec les départs successif d'Andromeda et de Sirius, les Black devaient compenser pour réaffirmer leur puissance.

- Donc on fait la fête pour tes fiançailles 4 novembre et le mariage de Bellatrix le 10 décembre ? résuma-t-il.

- C'est ça. Les Lestrange ont accepté de prêter leur demeure dans le Sussex pour le faire. On a déjà prévenu Poudlard que tu devrais t'absenter et n'oublies pas que tu devras faire la troisième danse avec Bellatrix.

- Je sais...

En face de lui, Bellatrix trahit son agacement et il ne lui en voulut pas. Elle avait aussi peu hâte d'être à son mariage que Narcissa trépignait pour le sien. En même temps, elle avait reculé tant qu'elle avait pu mais à vingt-huit ans, il était inacceptable pour elle d'être une femme non mariée plus longtemps malgré son engagement auprès du Seigneur des Ténèbres. Il savait qu'elle n'était pas vraiment amoureuse de Rodolphus Lestrange, mais il lui assurait une situation convenable et surtout un lien privilégié au sein des mangemorts, cercle dans lequel il l'avait introduit il y a plusieurs années. Bellatrix ne laisserait rien lui coûter sa place au plus proche du Seigneur des Ténèbres, même si ça signifiait se marier.

- Pour les fiançailles, il faudrait que tu arrives la veille pour aider à préparer, continua Narcissa, imperturbable. Les elfes de maison vont s'occuper de tout bien sûr, mais il faudra renforcer les sortilèges autour du manoir Malefoy, assurer l'arrivée des invités, et faire quelques répétitions. Tu as bien ta cavalière ?

- Il faut vraiment que j'en ai une ?

Narcissa lui envoya un regard sévère sous ses longs cils.

- Tes parents insistent, dit-elle. Je crois que ta mère a évoqué la fille des Fawley ?

- Livia, oui... Elle doit être invitée de toute façon. Je viendrais avec elle. (Il songea brusquement aux noms qui devaient aussi figurer sur la liste des invités). Hum... Il y aura qui d'autres ?

- Je t'ai dit, plus de deux cents personnes, je ne vais pas tous te les citer.

- Mais dans les familles sang-purs je veux dire... Les McKinnon par exemple ?

Il prit soin de prendre un ton ennuyé, comme s'il avait choisi le nom au hasard, et ses cousines le dévisagèrent. Son cœur se mit à battre plus vite.

- Peut-être bien, finit par répondre Narcissa, perplexe. Oui, je crois qu'on leur a envoyé une invitation pour la forme, mais après ce qu'un des fils a osé dire sur oncle Orion l'année dernière je ne sais pas s'ils prendront la peine de venir.

- Hum...

Intérieurement, il maudit Benjamin McKinnon, le frère aîné de Marlène, qui avait accusé publiquement son père d'être un allié des mangemorts. Avec volonté, il se força à ne rien laisser paraître et Narcissa parut considérer que la question était close car elle changea de sujet, balayant l'air d'un geste élégant.

- Je voulais aussi te demander une faveur, dit-elle d'une voix mielleuse. Tu pourras jouer du piano pendant la soirée ?

- Moi ?

- Oui, tu as toujours été doué !

Moins qu'Andromeda, se retint-il d'objecter. Avec prudence, il décida d'amener le sujet.

- Je suppose qu'Andromeda et Sirius n'ont pas reçu d'invitation... ?

La réaction fut immédiate : Narcissa fronça le nez, contrariée, et Bellatrix se redressa avec furie.

- Certainement pas, cracha-t-elle, venimeuse. Les effacer de la tapisserie n'était pas un acte suffisant pour que tu comprennes qu'ils ne seraient plus invités ?

- Si, si, bien sûr... C'était juste de la curiosité.

- Et bien cesse d'être curieux.

- Et ne prononce surtout pas leur nom pendant la fête, prévint Narcissa. Je ne veux aucun scandale.

Il s'empressa d'hocher la tête. Bellatrix émit un claquement de langue agacé.

- Puisqu'on en parle quand même... Je voulais te demander si tu avais des nouvelles de Sirius justement.

- Des nouvelles de... Mais tu viens de dire qu'on ne devait plus leur parler. Ni parler d'eux.

- Je sais ce que j'ai dit, Regulus, s'impatienta-t-elle. Mais il y a des rumeurs qui courent et je veux m'assurer de quelque chose. Alors ? Il t'a contacté ?

- Non. Non, évidemment que non... Sirius me déteste, je ne vois pas pourquoi il prendrait la peine de me reparler maintenant qu'il n'est plus à Poudlard.

- Si tu crois qu'il te déteste, alors tu es naïf, répliqua Bellatrix avec dédain.

Il décida d'ignorer la remarque, tout autant que son ventre qui se contractait, et se concentra sur ce qu'elle venait de dire :

- Quelles rumeurs ? Il y a des rumeurs sur Sirius ?

Bellatrix et Narcissa échangèrent un regard chargé de sens. Regulus retint un juron. Il détestait être loin de tout à Poudlard et ne pas avoir conscience de ce qui se jouait pour sa famille en dehors du château. C'était comme s'il avait toujours un portoloin de retard sur tout le monde.

- Disons qu'on a des soupçons sur ses activités, lâcha Narcissa du bout des lèvres, mal à l'aise. Je ne suis pas au courant de tout, Lucius préfère que je ne m'implique pas, mais j'entends ce que les autres disent quand je viens lui rendre visite. Amycus Carrow en parlait encore mardi dernier...

- Cissy, parle moins fort, cingla Bellatrix. Ce n'est pas le lieu pour en parler.

Regulus se pencha vers elle.

- Mais je veux savoir, objecta-t-il à voix basse. J'ai le droit de savoir même, ajouta-t-il en touchant sa marque sous sa manche dans un geste mécanique. Quel genre d'activités, Bella ?

Un éclat de colère froide traversa ses prunelles grises alors qu'elle hésitait à répondre, comme toujours lorsque Sirius était mentionné dans une conversation, mais elle finit par céder.

- Disons que Dumbledore a réuni quelques-unes de ses... connaissances dernièrement. Ça fait déjà plus d'un an qu'il nous surveille et on a repéré certains de ses alliés au Bureau des Aurors ou au Ministère. Alastor Maugrey, Edgar Bones. Les frères Prewett aussi. Ils se sont donnés un nom.

- Lequel ?

- L'Ordre du Phénix, cracha-t-elle presque dans un souffle.

Regulus se mordit la joue. C'était bien un nom à la Dumbledore. La symbolique de l'oiseau ne lui échappa pas et il sentit la curiosité bouillonner en lui.

- Et qu'est-ce qu'ils font ?

- Pour l'instant pas grand-chose. Comme je te dis, ils nous surveillent principalement et ça nous ralenti. Les autorités deviennent suspicieuses avec ceux qui entourent le Maître. Caesar Yaxley a déjà subi deux perquisitions cet été. (Elle laissa courir sa baguette, tordue en une sorte de griffe menaçante, sur la surface de la table). On a aussi dû les affronter à plusieurs reprises. Si tu vois Gideon Prewett avec un nez tordu, il me le doit, ajouta-t-elle avec un sourire glacial.

- Bella, gronda Narcissa.

Elle jeta des coups d'œil nerveux autour d'eux, mais l'ambiance enthousiaste des Trois Balais noyaient le bruit des conversations dans un brouhaha incompréhensible.

- Et les rumeurs sur Sirius alors... reprit Regulus, un mauvais pressentiment dans la poitrine. Il ferait partie de cet Ordre ?

- Est-ce que ça étonne une âme sur cette terre ? Il fera tout pour faire honte à notre nom ! ragea Bellatrix furieusement. Mais oui, c'est ce qu'on soupçonne. On a plus entendu parler de lui depuis son départ de Poudlard. Pas de travail, pas de voyages, rien. Il a un apparemment à son nom à Londres, mais il y est peu d'après ce que nos contacts nous ont dit. On pense que l'Ordre recrute de nouvelles personnes.

Comme les mangemorts, songea Regulus en écho. Si Rosier avait fait du recrutement à Poudlard – il en était bien la preuve – il ne voyait pas pourquoi Dumbledore se priverait d'agrandir ses rangs lui aussi. Et Bellatrix avait raison. Si cet Ordre du Phénix existait, il n'y avait aucune chance pour que Sirius n'en fasse pas partie. Il connaissait assez son frère pour le savoir.

- Mais quand tu dis que vous les avez déjà affrontés... Ça veut dire qu'on pourrait se battre contre Sirius ? Vraiment se battre ?

- C'est probable. J'attends même l'opportunité, se délecta Bellatrix. Que ce traître ose se tenir devant moi. Il hurlera la devise des Black, même si je dois y passer des jours.

Narcissa blêmit. La lumière des Trois Balais lui donna soudain un teint maladif et Regulus sut à quoi elle pensait. Est-ce que Bellatrix serait capable de faire la même chose à Andromeda, à sa propre sœur, si elle en avait l'occasion ? Il comprenait parce qu'il ressentait la même peur qu'elle malgré sa colère sourde envers son frère.

Imperturbable, Bellatrix remarqua néanmoins leur expression et son regard se fit plus dur. Une lueur de folie y dansait presque.

- Pourquoi Regulus ? Affronter Sirius te pose un problème ? susurra-t-elle. Tu n'es pas prêt à tout donner pour la cause du Seigneur des Ténèbres ?

Il déglutit. A cause de leur dix ans d'écart, Bellatrix lui avait toujours paru effrayante : elle était cette cousine plus âgée, si sûre d'elle et battante, une Black dans toute sa splendeur. Mais depuis qu'il était entré dans les mangemorts, il la voyait sous un autre jour. Elle n'était plus la jeune femme de bonne famille au caractère fort, elle était une lieutenante loyale et fanatique qui le faisait frissonner au moindre faux pas qu'il commettait.

- Si, bien sûr que si, s'empressa-t-il d'assurer. Je voulais juste savoir...

- J'espère bien. Notre nom est un honneur et tu te dois d'en être digne désormais, tu m'entends ?

Il acquiesça. Ce discours avait le mérite d'être au moins familier. Il l'avait assez entendu dans la bouche de ses parents, de son grand-père Arcturus, de son oncle Cygnus... Il l'avait aussi assez entendu parodié ou moqué dans celle de Sirius.

Intérieurement, il maudit son frère de s'être embarqué dans la petite armée de Dumbledore. Comme si les choses n'étaient pas assez compliqués comme ça. Brusquement, il se demanda si Sirius avait entraîné ses amis là-dedans. Fort probable. Les Maraudeurs ne faisaient jamais rien séparés. Une inquiétude sourde lui comprima soudain la poitrine.

- Tu as dis que Dumbledore recrutait de nouvelles personnes, dit-il. On sait qui elles sont ? Que je sache de qui me méfier ?

- Encore une fois, aucune certitude, répondit Bellatrix. Sûrement toute la bande de Sirius. Le fils Potter et les deux autres.

- Remus Lupin et Peter Pettigrew.

- Voilà, eux... On soupçonne aussi la sang-de-bourbe de Potter.

Regulus visualisa les cheveux auburn de l'ancienne préfète-en-chef de Gryffondor. C'était affectivement probable qu'elle en fasse partie. Mais ce n'était pas son nom qui hantait son esprit.

- Qui d'autre ? pressa-t-il.

- Je ne sais pas encore, ils doivent être formés en ce moment... On le saura bien assez tôt de toute façon.

La note de menace dans la voix de Bellatrix ne lui échappa pas. Il pria Merlin pour que Marlène ne se soit pas engagée dans l'Ordre. Il ne savait pas s'il arriverait à l'affronter elle et Sirius... Puis il repensa à l'aura du Seigneur des Ténèbres, la seule fois où il l'avait aperçu, et il sut qu'il n'aurait pas le choix.

- Il y a autre chose dont je voulais parler avec toi, ajouta brusquement Bellatrix.

- Hum ?

- Yaxley.

Pendant une seconde, Regulus crut qu'elle parlait de Caesar Yaxley, le patriarche de la famille qui finançait en partie les mangemorts sans être dans leurs rangs, ou encore Malcom et Corban, ses deux fils qui eux en faisaient partie. Il comprit une seconde plus tard en voyant la moue indigné de Narcissa qu'elle ne faisait que devant les comportements qu'elle jugeait inapproprié. Comme une grossesse hors mariage et des fiançailles rompues par exemple... Son cœur rata un battement.

- Tu veux dire Elizabeth Yaxley...

- Elle-même, confirma Bellatrix avec agacement. Cette petite traînée peut nous causer des ennuis.

- Je croyais qu'elle s'était enfuie, dit-il en veillant à garder un visage neutre. Après le Tournoi. Les Aurors la recherchent toujours ?

- Le mandat d'arrêt devrait être levé sous peu. Ils n'ont aucune preuve et Rosier affirme qu'elle est partie aux Etats-Unis, ce n'est plus de leur juridiction.

Il retint une expiration soulagée. Il n'avait eu aucune assurance qu'Elizabeth soit parvenue à quitter le pays après qu'il l'ai aidé à s'échapper du château, même s'il l'avait soupçonné, et il espéra qu'elle arriverait à refaire sa vie avec son bébé loin de l'Angleterre.

- Alors il est où le problème ? demanda-t-il.

- Le problème, petit cousin, c'est qu'elle est toujours en liberté et susceptible de parler, déclara Bellatrix d'un ton sec. Et si elle décide de le faire... Disons que ton nom pourrait très vite apparaître dans la conversation.

L'angoisse le reprit aussi vite qu'elle l'avait quitté.

- Tu veux dire... Tu penses vraiment qu'elle pourrait parler de ce qui s'est passé pendant ma cérémonie...

- Reg ! Pas ici ! siffla Narcissa, affolée.

- Désolé. Je veux dire... ce qui s'est passé chez les Lestrange ? reformula-t-il. Mais elle était là aussi ! Si elle parle aux Aurors, elle se dénonce.

- Ou elle sauve sa peau. Après tout, ce n'est pas elle qui est allée jusqu'au bout.

L'euphémisme était presque déplacé et Regulus visualisa à nouveau le corps de Gemma Ackerley avec horreur. Narcissa ne le regardait plus dans les yeux.

- Elle ne ferait pas ça, assura-t-il après quelques secondes d'une voix blanche. Elle ne parlerait pas aux Aurors, c'est trop risqué pour elle avec son bébé.

- Ah oui, le bâtard de Rosier... Peut-être qu'elle ne parlera pas aux Aurors, mais si elle le fait avec quelqu'un d'autre... Si la rumeur se répand.

- Ca sera sa parole contre la nôtre.

Bellatrix le toisa, puis un léger rictus retroussa ses lèvres fines.

- Tu n'as pas tort, admit-elle. Le nom des Black aura toujours plus de poids que celui de cette traînée. Il faut juste faire attention.

- Tant qu'elle reste aux Etats-Unis...

- Elle a intérêt à y rester. Si elle repose un pied dans ce pays, je peux t'assurer que je m'occuperais d'elle moi-même, petit cousin. Il ne t'arrivera rien.

- Je n'aurais qu'à dire quelques mots et elle sera plus bas que terre, ajouta Narcissa dans un élan protecteur.

Les promesses de Bellatrix et Narcissa auraient dû le rassurer. La guerrière et la fleur, chacune capable de terrasser les ennemis des Black avec leurs propres armes. Bellatrix n'avait pas peur de sa magie ni de s'en servir à ses fins et Narcissa avait un cercle social si étendu qu'elle pouvait faire et défaire une réputation dans simple regard. Tel était le pouvoir qu'elles avaient obtenus à la naissance rien qu'en portant le nom des Black dont seules les étoiles surpassaient l'éclat.

Et pourtant Regulus n'arriva pas à chasser l'inquiétude dévorante qui s'était installée en lui depuis des mois. 

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Chapitre un peu court, mais je voulais en garder l'unité. Qu'est-ce que vous en avez pensé ? ^^ 

On se retrouve dans deux semaines ! 

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