Tome III - Chapitre 17 : Une issue de secours

Bonjour ! J'espère que vous allez tous.tes bien. Alors le bac ? ^^ Ca va ? Comment ça se passe pour vous ? Je pense fort à vous, bon courage !! 

Je commence aussi par un remerciement essentiel : les commentaires sur les deux derniers chapitres ont vraiment été importants et ça m'a fait très plaisir parce que cette portion de l'histoire - la mission au Manoir Malefoy - me tient tellement à coeur. Donc un énorme merci de me témoigner votre enthousiasme, ça me motive énormément ! 

Et sinon, bonne lecture ! 

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Chapitre XVII : Une issue de secours

Seule dans l'obscurité, Marlène se mit à compter. Une minute, deux minutes, trois minutes... Regulus lui avait dit d'en attendre cinq avant de sortir à son tour de la bibliothèque et la solitude lui pesait soudain avec violence. Elle contempla les livres endormis sur les étagères, tentant de mettre ses émotions sous contrôle. Elle aurait dû savoir. Elle avait l'habitude après tout. Pour Regulus Black, elle n'avait jamais été et ne serait jamais plus qu'un secret.

Un étau dans la poitrine, elle baissa la tête. La lumière de la lune éclairait faiblement sa robe au tissu pareil à une constellation et elle se revit tombant à genoux près de Regulus. Elle ressentit à nouveau ses lèvres contre les siennes et, mécaniquement, y porta sa main. Elle aurait aimé ressentir autre chose, mais la vérité c'est qu'elle avait aimé l'embrasser. Juste un instant. Elle l'avait dit elle-même, non ? Il aurait été trop tard pour reculer.

Pourtant, un moment volé ne pouvait être que cela... Un moment. Et la soirée de fiançailles de Narcissa et Lucius les attendait derrière les portes de la bibliothèque. Regulus les avait franchis en premier, non sans un regard en arrière. C'était triste à dire, mais Marlène s'accrochait à ce regard. Il signifiait quelque chose, elle le savait. Peut-être qu'elle avait perdu son combat contre les mangemorts lorsqu'ils lui avaient pris Regulus pour le faire entrer dans leurs rangs, mais elle n'avait peut-être pas encore perdu la guerre contre la magie noire dans son ensemble. Après tout, n'était-ce pas la raison d'être de l'Ordre ? Lutter même si tout paraissait vain ? Même si ce n'était pas à eux de le faire ?

Au-delà de ses propres sentiments, l'hésitation de Regulus pouvait leur être utile. Il lui avait confirmé ce qu'elle était venue chercher : Lucius Malefoy était dangereux, il gravitait autour des mangemorts. En était-il un lui-même ? C'était difficile à déterminer, mais il lui restait du temps pour le découvrir. Parce que Regulus n'avait pas été le seul à lui parler ce soir. Elle se souvenait aussi des mots de Claudius Ollivander sur la taille du manoir et ses pièces cachées. Or, Regulus ne lui avait pas dit explicitement en partant qu'elle devait retourner tout de suite dans la salle de réception...

.... et les cinq minutes étaient passées.

Inspirant un grand coup, elle ouvrit à son tour les portes et se glissa dans le couloir. Il était plongé dans la semi-pénombre, tout comme la bibliothèque, mais elle pouvait entendre d'ici les bruits de la fête un peu plus bas. Les rires des conversations, les bruits des verres, les notes de musique. L'atmosphère s'en retrouvait étrangement tendue, presque suspendue, et Marlène se résolut à avancer. Si quelqu'un la surprenait, elle pourrait toujours jouer à la jeune fille perdue, mais elle ne voulait pas soulever plus de question que nécessaire. Maugrey ne voulait pas de vague. Dans sa poche, elle resserra sa prise autour de sa baguette. Maugrey lui avait aussi appris une autre leçon : vigilance constante. Elle ne comptait pas l'oublier.

Du bout des doigts, elle frôla également le bout de miroir que Sirius lui avait donné. Elle ne l'oubliait pas non plus et espérait qu'il était lui aussi en train de recueillir des informations sans croiser le chemin de sa famille. Plus elle y pensait et plus elle se sentait égoïste de lui avoir demandé de venir avec elle. Il était à la fois le plus et le moins indiqué pour cette mission. Elle secoua la tête. Sirius était un grand garçon, il saurait se débrouiller. Elle devait se concentrer sur son but à elle et ne pas perdre de temps.

Au fond de sa mémoire, Marlène tenta de conjurer les plans du manoir que Peter lui avait dessiné sous les indications de Sirius et les archives du service Habitat qu'Alexia avait été consultée pendant ses pauses déjeuners au Ministère. La bâtisse formait un rectangle parfait, blanc et élégant, traversés par des longs couloirs et percés par de vastes fenêtres. Pourtant, de l'intérieur, Marlène se rendait bien compte que des pièces paraissaient plus petites que celles représentées sur les plans. Elle ouvrait des portes au hasard, fouillant d'un simple regard ce qu'elle contenait. Le temps était un de ses ennemis ce soir.

Son esprit aussi sans doute... Regulus y déambulait sans cesse et elle n'arrivait pas à s'empêcher de penser à leur danse, à leur baiser, à leurs mots chuchotés. Elle se sentait à peine mal vis-à-vis de Benjy qu'elle appréciait seulement mais dont elle n'était pas encore assez proche. Est-ce que ça faisait d'elle une personne horrible ? Elle songea à l'indignation de Lily quand elle avait appris que son baiser d'adieu en juin dernier avec Regulus avait eu lieu alors qu'il était encore avec Livia. Que penserait-elle maintenant ? Elle lui dirait sûrement d'arrêter d'être dans le déni, de vouloir tout et son contraire, de continuer à s'accrocher à l'impossible...

Merlin, elle faisait une piètre espionne. Maugrey ne devait pas se laisser distraire par tous ses problèmes personnels quand il menait ses Aurors au combat.

- Reprends-toi, se murmura-elle avec ténacité. T'es une Gryffondor, rappelles-toi !

En vérité, elle ne savait pas d'où lui venait cette nécessité de se raccrocher à son ancienne maison. Elle n'était plus à Poudlard après tout... Mais il fallait croire que McGonagall avait eu raison en première année : l'école finissait par faire parti de soi. Elle y avait construit ce qu'elle était devenue et elle y avait trouvé ses convictions, c'était le moment de s'en servir.

A la porte suivante, elle prit le temps de s'arrêter plus longuement. Contrairement aux autres, elle paraissait ridiculement petite, même si elle faisait bien la taille de son salon chez elle. Surtout, elle semblait dépourvue d'usage au premier abord. Un simple guéridon contre un mur, un portrait de paon albinos au-dessus d'une cheminée éteinte, et deux coffres à l'aspect ancien, sûrement utilisés pour stocker des affaires. Et pourtant, Marlène y entra, mue par une intuition étrange. Elle se mit à tourner sur elle-même. La voix de Gideon raisonna dans son esprit. Il leur avait dit de ne pas négliger le moindre détail et de toujours chercher la chose qui ne semblerait pas à sa place. Dans la vraie vie, ce conseil s'avérait plus compliqué qu'en théorie. Qu'est-ce qui n'avait pas sa place dans un endroit pareil ? Elle laissa son regard vagabonder encore un instant...

Et soudain elle le vit. Au-dessus de la cheminée, le tableau. Enorme, visible, en apparence normal. Il représentait le manoir lui-même, planté dans toute sa splendeur au milieu de la campagne du Wiltshire et entouré de son vaste terrain. Seulement, sur sa pelouse bien entretenue, ce n'étaient pas des paons albinos – symbole des Malefoy – qui déambulaient, mais bien des serpents au corps ondulant.

Marlène plissa les yeux. Même si les Malefoy étaient liés à la maison Serpentard, elle croyait se souvenir que certains de ses membres avaient été dans d'autres maisons. De manière générale, il était étrange pour un peintre de représenter une maison respectable avec des serpents dans le jardin, surtout quand ladite maison possédait des paons blancs.

Avec précaution, elle tendit la main vers le tableau, hissée sur la pointe des pieds. Sa main enfleura la minuscule porte peinte, presque un détail au milieu des autres, mais elle sentit la vague de magie sous ses doigts. Elle n'était pas sensible aux couches de sortilèges d'habitude. Dorcas s'était révélée bien meilleure aux enseignements des frères Prewett. Mais la chance fut de son côté pour aujourd'hui et, brusquement, l'antre de la cheminée sous le tableau s'ouvrit.

- Merlin !

Elle recula précipitamment, surprise. Une volée de marches venaient bien d'apparaître dans le trou, là où aurait dû se trouver le mur du fond de la cheminée. Elle en resta bouge-bée. Le neveu d'Ollivander avait eu raison : le Manoir Malefoy possédait bien des pièces secrètes. Le cœur battant, Marlène releva le bas de sa robe et se courba pour entrer dans le passage.

- Lumos, murmura-t-elle en tendant sa baguette à bout de bras.

La lumière de sort révéla le nouvel espace découvert. Un bureau. Ce fut le premier mot qui vient à l'esprit de Marlène. Un bureau richement décoré, confortable, avec des tables et des dossiers de parchemins rassemblés. Des objets aussi. Nombreux. Elle n'arrivait pas à en reconnaître la moitié, mais elle pouvait presque sentir les irradiations de magie noire qui tourbillonnaient dans l'air. Avec prudence, elle s'approcha du bureau principal. Un carnet aux pages en parchemin y était ouvert à côté d'une élégante plume de paon. Quoi d'autre ? songea-t-elle avec ironie. En se penchant, elle découvrit plusieurs colonnes avec des noms et des chiffres d'inscrits, parfois accompagné de remarques. Elle retint un hoquet de surprise.

- Par toutes les baguettes de Merlin, souffla-t-elle, sonnée.

Elle n'en était pas certaine, mais ce livret ne pouvait pas être trente choses. En haut de la page, elle repéra le mot « Département de la Justice » écrit à la va vite, suivi de « Juges d'instruction 3 et 4 ». La colonne suivante indiquait « Malcom Yaxley – affaire des poisons » et celle encore d'après contenait la somme de « 50 gallions ». Le processus reprenait à chaque ligne. Marlène suivit chacune d'elle du bout des doigts, le cœur battant encore plus vite. Tout était là, écrit noir sur blanc : Lucius Malefoy mettait sa fortune aux services des mangemorts. Il achetait des juges, finançait des opérations, investissait dans des objets de magie noire. Les sommes dépensées lui rapportaient pouvoir et influence, mais aussi des rentrées d'argent. Elle vit passer plusieurs transactions avec la société de finance d'Orion Black et repéra même un échange de service avec l'Auror – le nom restait anonyme – qui avait effacé Evan Rosier de la liste des suspects pour l'attaque de Pré-au-Lard il y a deux ans. Elle s'était toujours demandé comment il s'en était sorti alors même qu'il avait été à la tête du groupes d'élèves menant l'attaque. Tout s'expliquait désormais.

Par instinct, elle chercha le nom de Regulus, juste pour s'assurer qu'il ne faisait pas parti de cette liste, mais le carnet était déjà composé de plus d'une quinzaine de pages. Elle vit plusieurs noms défiler : Thorfinn Rowle, un certain Jugson, Theodore Nott, Wilkes... Certains manquaient pourtant à l'appel. Elle se remémora le tableau qu'Emeline et les frères Prewett avaient affiché dans la cuisine du QG : plusieurs portraits des mangemorts soupçonnés ou confirmés s'y étalaient dont Bellatrix Black, son fiancé et son beau frère Rabastan et Rodulphus Lestrange, ou encore Corban Yaxley, le frère de Malcom et cousin d'Elizabeth. Un monde d'entre soi, de connaissances et relations... Certains étaient juste mieux protégés que d'autres et ne se laissaient pas prendre. Elle se doutait que Bellatrix Black ne voulait avoir aucune dette envers le futur mari de sa sœur et s'arrangeait pour être au-dessus de tous soupçons.

Le cerveau en ébullition, Marlène hésita. Devait-elle ramener le carnet à Maugrey ? Lucius Malefoy remarquerait forcément son absence ! Elle tenta de se rappeler de la formule de duplication, mais la panique faisait déjà trembler ses mains. Si elle se ratait et endommageait le carnet avec son sort, Malefoy se rendrait aussi compte de quelque chose...

Indécise, elle releva la tête et son regard accrocha à nouveau un éclat. Sur une étagère s'alignaient des dizaines de fioles, certaines à moitié pleines. Des potions ? Ou du poison ? « L'affaire des poisons » indiquait après tout le registre mais elle n'en avait jamais entendu parler. La Gazette était parfois citée comme bénéficiaire de Lucius Malefoy et elle ne doutait pas que certaines affaires avaient dû être étouffées. Peut-être que les autres membres de l'Ordre en sauraient davantage.

Elle allait faire un pas vers les fioles lorsqu'un craquement résonna dans son dos, déchirant le sol. Elle se figea, épouvantée, avant de faire volte-face en un mouvement fluide. Ne jamais tourner le dos à l'ennemi. Ça avait été le premier conseil d'Emeline au début de sa formation.

- Tu t'es encore égarée McKinnon ? fit une voix glaciale.

Marlène déglutit. De toutes les personnes qui pouvaient la trouver, il fallait que ça soit lui...

- Mulciber, articula-t-elle à travers ses dents serrées.

Il fit un pas en avant, l'air menaçant même si un sourire mauvais ourlait ses lèvres. Il se délectait de la trouver ici et de voir la peur qu'elle n'arrivait pas à masquer.

- Comme on se retrouve, lâcha-t-il. Et cette fois, je crois que personne ne viendra nous déranger.

- Je... je me suis perdue...

- On dirait bien, oui. Dommage pour toi, pas vrai ?

Il avança encore un peu. Marlène sentit la peur lui paralyser le corps. Elle s'était entraînée pour ça pendant des mois, mais Edgar Bones avait eu raison : le terrain, la réalité du danger imminant, n'avait rien à voir avec la formation au QG entourée de ses amis. Rationnellement, elle savait que Mulciber ne brillait pourtant pas par ses capacités magiques et qu'elle pouvait le battre. Sans Avery à ses côtés, il ne valait pas grand-chose. Seulement, il avait l'avantage de la force brute. En plus de sa carrure de batteur imposante, il la dépassait au moins d'une bonne tête et surtout il savait qu'elle n'aurait jamais dû se trouver ici.

La gorge sèche, elle se força à poursuivre la conversation. Tant qu'il parlait, il n'attaquait pas.

- Comment tu m'as trouvé... ? voulut-elle savoir, soudain inquiète qu'il l'ait vu avec Regulus.

- Par hasard. J'en avais marre de la fête de Narcissa à la gloire des Black et de leur petite beauté. Je t'ai vu rentrer ici. Le passage de la cheminée était ouvert. (Il promena son regard sur la pièce secrète). Pas mal, Malefoy sait y faire. Je suis sûr qu'il sera ravi de savoir ce que tu penses de sa déco.

La menace était à peine voilée. Marlène sentit son ventre se tordre d'appréhension, mais elle n'avait qu'une seule chance de s'en sortir : littéralement sortir d'ici. Sans laisser à Mulciber le temps de faire ou de dire quoique ce soit, elle usa de son effet de surprise et se mit en mouvement en un éclair. Gideon avait veillé à ce qu'ils aient tous de l'endurance et elle allait s'en servir. Ses jambes, qui avaient été ankylosées une seconde auparavant, se déployèrent en une foulée vive. Elle se mit à courir vers le passage de la cheminée, contournant Mulciber par sa droite.

- McKinnon ! rugit-il.

Elle le sentit se jeter à sa poursuite et redoubla d'effort malgré sa robe qui entravait sa course. Elle pria pour ne pas trébucher. Dès qu'elle atteignit à nouveau l'autre côté de la cheminée, elle plongea sa main dans sa poche dans un geste désespéré. Les pas de Mulciber étaient juste quelques secondes derrière elle.

- Sirius ! Sirius ! s'écria-t-elle en portant le morceau de miroir à double sens face à elle.

Presque immédiatement, elle vit son visage se brouiller et des traits étranges se dessinèrent dans la surface miroitée : moitié Jean Desplantes, moitié Sirius Black. Visiblement le polynectar commençait à perdre son effet, mais elle n'avait pas le temps de s'y attarder.

- Sirius ! J'ai besoin d'aide ! dit-elle, haletante.

- Quoi ?

- C'est Mulciber, il...

Des bras se refermèrent autour d'elle. Le miroir lui glissa des mains...

**

*

Hébété, Sirius contempla le miroir. Le visage de Marlène, paniqué, y avait disparu et il se retrouva seul dans le noir avec pour seule compagnie son reflet. Il manqua d'avoir un mouvement de recul. Le temps qu'il avait passé caché dans l'armoire avait suffit pour que le polynectar commence à perdre de ses effets et il commençait à retrouver son propre physique : ses cheveux noirs, ses yeux gris, ses lèvres fines... Le tout formait un visage étrange, comme déformé, mais il n'avait pas le temps de s'y attarder.

Une fois cette considération écartée, son esprit se mit à rugir de pensées éparses. Il devait se concentrer et oublier la discussion surprise entre ses parents. Marlène avait besoin de lui, tout de suite. Sans attendre, il se remit sur ses pieds et sortit en trombe du cabinet de travail. Le Manoir des Malefoy était immense, il pouvait mettre des heures à la retrouver. L'angoisse lui fit monter le cœur au bord des lèvres. Il était venu pour protéger Marlène, il lui avait promis, et au lieu de ça il avait préféré suivre ses parents, s'engageant dans une mission personnelle. Il jura à voix haute.

Plus que jamais, il aurait aimé avoir une Carte des Maraudeurs avec lui. S'ils avaient eu plus de temps et plus de renseignement, peut-être qu'ils auraient été capables d'en reproduire une représentant la demeure des Malefoy, mais le sortilège et la magie impliqués dans ce genre d'objet était d'une rare complexité. Ils avaient mis quatre ans à créer celle de Poudlard et encore deux à y apporter des modifications pour qu'elle soit aussi parfaite que possible. L'Ordre ne leur offrirait jamais autant de temps pour une mission et il savait que c'était un souhait vain, mais la frustration l'anima quand même. Il la canalisa en se mettant à courir. Le bruit de ses pas étaient presque assourdissant contre le sol de marbre, mais sa priorité n'était plus d'être discret, c'était de retrouver Marlène.

Il n'avait eu le temps de véritablement observer le décor derrière elle pendant les quelques secondes qu'avaient duré leur communication par miroir. Il avait cru distinguer un tableau accroché au-dessus d'une cheminée, mais il espérait ne pas inventer de faux détails. Dans tous les cas, il était sûr qu'elle n'était plus dans la salle de réception principale, ni même au rez-de-chaussée. Ne restaient que deux étages entiers...

- Merde... jura-t-il. Allez réfléchis !

Avec détermination, il tenta de convoquer ses souvenir d'enfance. Il n'était pas venu ici souvent – ses parents préféraient les réceptions chez les Rosier ou les Croupton en raison d'alliances familiales – mais il avait vaguement en mémoire une partie de cache-cache géante avec ses cousines, son frère, Livia Fawley et même Evan Rosier. Bellatrix, Andromeda et Lucius, adolescents, avaient consenti à les accompagner dans leur exploration du château en roulant des yeux. Pourtant, il se rappelait que Lucius avait été ravi de parader devant ses cousines en leur montrant des entrées secrètes et des pièces spéciales. Du haut de ses huit ans, il l'avait trouvé prétentieux et ennuyant, au point d'en faire des grimaces dans son dos, ce qui avait fait mourir de rire Regulus.

Aujourd'hui, leurs jeux d'enfants semblaient bien loin...

Avec agitation, Sirius continua à remonter les larges couloirs, tous semblables. Une cheminée et un tableau, c'était un maigre indice. Ça pouvait correspondre à des dizaines de pièces, même si les cheminées devaient être limitées dans la demeure : la plupart des maisons sorcières en comptaient une, les grandes familles trois tout au plus. Ça ne servait à rien d'en posséder plus car le raccord au réseau de cheminettes était compliqué et coûteux et les pièces pouvaient très bien être chauffées avec des boules de feu suspendues dans l'air, bien plus élégantes.

Où est-ce que les Malefoy auraient pu donc décider d'en garder une ? Il exclut le salon d'office, sûrement rempli d'invités, et la cuisine, réservée aux domestiques ou aux visites peu importantes. Il ne devait pas rester beaucoup de choix... Un bureau ? Le cœur prêt à exploser, Sirius tourna au prochain angle et manqua de déraper sur le marbre dans sa précipitation. Si sa mémoire était bonne, il se souvenait vaguement de plusieurs pièces qui pouvaient correspondre à cette fonction. L'une d'elle était juste en face de lui.

Sans prendre la peine de réfléchir, il poussa la porte. La lumière, allumée, contrasta violemment avec la pénombre des couleurs et il fut aveuglé le temps d'une seconde. Quand sa vision s'ajusta, il découvrit alors le spectacle qui se jouait ici. Il se figea comme s'il venait de recevoir un sort de pétrification. Devant lui, Marlène était plaquée contre le manteau d'une cheminée, une baguette pointée sur le creux de sa gorge. A l'autre bout, la silhouette massive de Darren Mulciber la toisait. Il fit volte-face en l'entendant entrer, surpris.

La façon dont la scène se suspendit en aurait presque été comique. Personne ne parla et ils se dévisagèrent tous, visiblement incapable de déterminer comment réagir. Puis, Mulciber fronça les sourcils et s'exclama l'air choqué :

- Black ?

Et Sirius comprit brusquement son erreur. Le polynectar avait dû cesser de faire effet. Dans sa précipitation, il n'avait plus du tout fait attention à son apparence. Une erreur grossière qui allait de lui coûter cher.

- Darren Mulciber, lâcha-t-il avec une assurance feinte. Pourquoi ça ne m'étonne pas ?

- Pourquoi... Mais bordel qu'est-ce que tu fous ici ?

- Je te retourne la question. Ce n'est pas une façon de traiter une femme, tu crois pas ?

D'un geste, Sirius fit signe à Marlène de venir le rejoindre. Mulciber, décontenancé, se reprit pourtant à cet instant et raffermit sa prise sur sa baguette. Il la pointa avec plus d'autorité.

- Tss, tss... fit-il en secouant la tête. Tu ne bouges pas, McKinnon. J'ai trop attendu de te mettre la main dessus. Il est temps que les traîtres à la cause sorcière commencent à comprendre les conséquences de leurs actes.

- Mulciber, gronda Sirius.

- Quoi ? Tu veux faire un scandale ? Tu veux te battre ? (Il ricana, amusé). Mais vas-y. On va voir combien de temps toute ta famille va mettre pour débarquer. J'aimerais bien voir ça pour une fois. Pas toi ?

La provocation claqua entre eux et il serra les mâchoires. Du coin de l'œil, il vit Marlène lui faire signe de rester calme. Elle avait les mains qui tremblaient, mais un air déterminé sur le visage et il décida de lui faire confiance.

- C'est aberrant, cracha-t-il plutôt. Ça fait des années que je me suis barré, mais ça reste le fantasme de toute la bonne bourgeoisie sorcière, pas vrai ? Vous voulez tous me voir à genoux devant les Black à enfin payer ma « trahison ».

- Juste devant ta tarée de cousine, ça suffira, rétorqua Mulciber. Elle pourra se défouler sur toi et ça nous fera un meilleur divertissement que les concerts de piano de ton frangin.

Sirius sentit ses épaules se tendre.

- Pitié, arrête de faire comme si tu connaissais quelque chose à ma famille. Tu sais à peine ouvrir un piano et Bellatrix a plus de pouvoir dans le bout de sa baguette que t'en as accumulé en sept ans à Poudlard. Je peux au moins lui reconnaître ça.

Il ne savait pas d'où lui venaient les mots : ils sortaient et s'enchaînaient, familiers. S'il avait au moins une habitude, c'était celle de provoquer les Serpentard et il avait de la pratique en ce qui concernait Mulciber. Celui-ci semblait d'ailleurs lutter pour trouver une répartie sans Avery à ses côtés. Il était d'ailleurs trop concentré pour remarquer Marlène dont les mains se dirigeaient doucement vers sa poche et Sirius, lui, sentit son rythme cardiaque s'emballer, anxieux.

- Tu dis ça pour t'en sortir, affirma finalement Mulciber avec arrogance. Tu n'es plus rien ici et encore moins sans ta bande. Potter ne sera pas là pour te sauver la mise aujourd'hui.

- Non, c'est vrai. Je compte sur quelqu'un d'autre aujourd'hui.

Mulciber n'eut pas le temps d'être perplexe. Vive, Marlène leva sa propre baguette, sortie de sa poche en toute subtilité, et s'écria :

- Petificus Totalus !

A sa décharge, Mulciber tenta d'esquiver : il se jeter en avant dans un geste désespéré et Sirius n'eut pas le temps de s'écarter avant qu'il ne lui rentre dedans. A moitié sonné, il bascula sur le côté et s'étala de tout son long en laissant échapper une exclamation douloureuse. Heureusement, Mulciber n'atteignit jamais la porte. Le jet de lumière dépassa son bras tendu et vint le frapper au niveau de la clavicule, un peu au-dessus du cœur. Il bascula en arrière avant de s'écraser à son tour au sol dans un bruit sourd, à peine étouffé par le tapis qui ornait le parquet ciré des Malefoy.

- Oh Merlin... souffla Marlène.

Elle se pencha en avant, mains sur les genoux, et Sirius s'empressa de se remettre sur ses pieds pour se précipiter vers elle. Il la força à se redresser pour l'engloutir dans une étreinte. Elle s'accrocha à lui.

- Bien joué, murmura-t-il au creux de son oreille. Fabian aurait été fier.

- Fier ? Tu parles, c'est une catastrophe ! Merlin, on est grillés, Sirius ! Il nous a vu !

Paniquée, elle s'écarta pour contempler le corps massif de Mulciber à leurs pieds et eut la lucidité de lui retirer sa baguette des mains d'un coup de pied. Le geste émit un froissement de sa robe, mais au moins le bout de bois alla rouler plus loin, écarté de son propriétaire dont les yeux encore ouverts les fixaient avec un feu colérique. Sirius poussa le vice à se baisser à sa hauteur, un sourire hautain sûrement accroché aux lèvres, mais il ne pouvait pas cacher sa satisfaction malgré sa hanche douloureuse à cause de sa chute.

- Une petite sieste, Darren ? nargua-t-il.

- Sirius, arrête ! fustigea Marlène. Qu'est-ce qu'on va faire ? Il peut nous dénoncer, il sait qu'on était là ensemble et il m'a trouvé en train de fouiller la pièce !

- Parce que t'as trouvé un truc ?

Elle hocha la tête, agitée.

- Oui, derrière la cheminée. Toute un cabinet de travail secret... particulier.

- Particulier ? Tu veux dire que... (il retint un cri de victoire). Bordel, on a nos preuves !

- Elles ne serviront pas à grand-chose si on se fait arrêter, rappela Marlène avec pragmatisme.

Mais il l'écoutait à moitié. Son cerveau s'était remis à tourner à pleine vitesse, comme à la grande époque des Maraudeurs où ils devaient échafauder des plans impossibles.

- Ok, on va sortir d'ici, je te le promets, commença-t-il avec conviction. Déjà, on lui efface la mémoire.

- On lui... Non, on ne peut pas !

- Pourquoi ?

- Parce que c'est illégal !

- Rentrer par ruse chez les gens pour fouiller leur maison aussi, lui fit-il remarquer sur le ton de l'évidence. Et pourtant on est là. (Il se tourna vers Mulciber qui gisait là, les yeux écarquillés) Allez, on n'a pas le choix de toute façon...

Marlène se précipita vers lui.

- Sirius, attend ! Dis-moi au moins ce que tu veux faire et on pourra...

Elle s'interrompit d'elle-même, figée. Lui aussi venait de l'entendre, couvrant presque ses mots. Un bruit de crissement lorsque Marlène avait traversé l'espace entre eux. Lentement, ils baissèrent la tête en même temps et découvrirent soudain des éclats de verre au sol. Sirius sentit son estomac se retourner.

- Oh Merlin... lâcha Marlène, horrifiée. Ne me dis pas que c'est...

- ... ma fiole de polynectar, si.

Pour en être sûr, il palpa ses poches, frénétique, mais le constat était sans appel : elles étaient vides. Sa seule réserve de polynectar gisaient à leurs pieds et il contempla la potion se fondre avec les fibres du tapis. Elle était inutilisable.

- Merde ! jura-t-il.

- Sirius... Comment tu vas faire pour sortir de ce manoir ? Un sort de désillusion ne sera pas assez puissant, pas avec tous les invités et l'agitation !

- Je sais, je sais...

- Alors qu'est-ce qu'on fait ? insista-t-elle.

Il sentit la panique se répandre un peu plus en lui.

- Je ne sais pas ! Laisse-moi réfléchir, Marlène ! claqua-t-il.

Au fond de lui, il se rendit compte que son ton avait sans doute été trop sec, mais il n'arrivait pas à faire taire son esprit depuis presque une heure. Tout tournait trop vite. Les mots de sa mère rejouaient dans cesse et il se maudit de l'avoir suivi. Comme d'habitude, elle l'avait atteint : elle ne savait faire que ça. Il revit son visage déformé par la colère et la douleur alors qu'elle hurlait contre son père. Elle pensait avoir perdu son premier-né ? Elle le regrettait ? Mais Merlin, elle avait été responsable de tout et il la détesta un peu plus à cet instant. Ce n'était pas le moment de penser à tout cela mais il n'arrivait pas à faire autrement... Apprendre qu'il n'avait pas été déshérité remettait tout en question. Il croyait avoir échappé à sa famille et voilà qu'elle le reprenait dans ses griffes. Il aurait eu envie d'hurler sa frustration.

Pourtant, il devait se concentrer et surtout il devait sortir de ce manoir. Il fixa le vide un moment. Il pouvait toujours s'échapper par une fenêtre pour ne pas à avoir retraverser le rez-de-chaussée, même si ce n'était pas exclu que quelqu'un l'aperçoive, ni qu'il se casse une jambe dans le processus. Puis, soudain, la solution le frappa, évidente. Patmol !

- J'ai une idée, s'entendit-il dire, la voix vibrante. On va te faire sortir de ce Manoir, tu vas voir.

- Moi ? dit Marlène, perplexe. Mais... et toi ?

- Je m'en occupe. Je vais faire diversion, je vais m'en sortir. Toi, tu vas prévenir les Londubat que tu dois t'en aller plus tôt que prévu et que tout ce qui va suivre fait partie du plan, d'accord ?

Marlène fronça les sourcils.

- Du plan ? Mais quel plan, bon sang ?

- Je te dis, je gère.

- Sirius, j'ai assez fréquenté Remus pour savoir que quand tu dis ça, c'est souvent une mauvaise idée, opposa-t-elle. Et en plus qu'est-ce qu'on fait de lui ? ajouta-t-elle en désignant Mulciber, toujours figé de tout son long sur le sol.

Sirius l'en aurait presque oublié. Il lui donna un petit coup dans la jambe du bout du pied, histoire d'être sûr que le sortilège de pétrification faisait encore effet, et il reçu un regard incendiaire en retour.

- Je te l'ai dit, on lui fait tout oublier, assura-t-il. Tu ne seras pas compromise comme ça.

- Mais toi, tu le seras si quelqu'un te voit !

Oh si elle savait ce qu'il prévoyait... Non personne n'allait le voir, simplement parce qu'il ne serait plus vraiment lui.

**

*

Agacée, Marlène se résolut à sortir et à laisser Sirius derrière elle. Ils n'avaient pas le temps de tergiverser. Elle ne savait pas dans quel plan fou il s'était embarqué, mais elle devait jouer son rôle. Cette mission était déjà à moitié un fiasco, ça ne pouvait pas être pire. Les Londubat devaient au moins être prévenus. Peut-être même qu'ils avaient déjà remarqué leur absence et les cherchaient, ce qui compromettrait encore plus la mission. Elle se devait de redescendre à la fête. De toute façon, elle ne voulait pas voir Sirius enlever sa mémoire à Mulciber. Elle avait beau le mépriser de tout son être, elle restait mal à l'aise avec l'idée... Elle avait après tout reproché à Benjy d'avoir trafiqué les souvenirs d'une cousine allemande de Yaxley pour prendre son apparence lors d'une garden-party. Il lui avait expliqué qu'il n'avait eu le choix. Aujourd'hui, elle commençai à comprendre ce qu'il avait voulu dire, mais sa morale demeurait.

Brusquement, elle s'immobilisa au milieu de l'escalier. Sa morale... Qui est-ce qu'elle voulait berner ? Une heure plus tôt, elle était en train d'embrasser Regulus et de céder à son désir dans ses bras sans penser à Benjy. Ils ne s'étaient rien promis, mais ça restait une trahison à son égard. Cette prise de conscience, brusque et inattendue, lui tordit le ventre. Heureusement, les notes de musiques en contre-bas l'arrachèrent à la spirale infernale de ses penses.

La mission, pensa-t-elle avec fermeté.

Quand elle entra à nouveau dans la vaste salle de réception, rien n'avait changé. Les lumières étaient peut-être juste un peu plus tamisées, mais il n'était même pas encore l'heure du dîner et tous les invités continuaient à discuter entre eux et à danser allégrement. Elle repéra presque en une seconde Regulus. C'était lui qui était derrière le piano et jouait ses notes envoûtantes alors que Narcissa l'écoutait, accoudée sur le couvercle avec un sourire. Leur regard s'accrochèrent et elle crut distinguer une légère couleur rouge sur ses joues. Elle s'empressa de se détourner pour ne pas le déconcentrer alors que ses lèvres se remettaient à picoter, écho lointain de leurs baisers. Il fallait qu'elle trouve les Londubat. La dernière fois qu'elle les avait vu, ils étaient en compagnie d'une femme au châle en renard et de Bartemius Croupton, le directeur de la Justice Magique. Elle fouilla la pièce du regard, le cœur battant.

Soudain, elle les repéra. Ils avaient changé de compagnie et se trouvaient désormais près d'une grande plante verte avec une femme à l'épaisse chevelure brune – une Black ? – et un homme à la mâchoire carrée en costume gris. Déterminée, elle traversa l'espace qui les séparait et se composa une expression fatiguée, celle qu'elle utilisait enfant pour tenter de convaincre sa mère qu'elle ne pouvait pas aller à l'école.

- ... avec les frontières en ce moment, cela doit être intéressant, était en train de déclarer Alice Londubat lorsqu'elle arriva à leur hauteur. Vous dites que vous êtes principalement basé à Londres pour gérer l'Ambassade de Boston ?

Marlène ne laissa pas à l'homme en face d'elle le temps de répondre. D'un geste qu'elle espéra naturel, elle fit semblant de trébucher, chancelante, et elle sentit soudain un bras la retenir.

- Oh Morgane ! Vous allez bien, mademoiselle ?

D'un coup, toute l'attention du petit groupe se focalisa sur elle. Marlène pria pour ne pas rougir et cligna des yeux, l'air hagard.

- Pardon, monsieur, je ne voulais pas vous déranger... Merci.

- Ce n'est rien, voyons, assura-t-il, inquiet. Vous voulez vous assoir ?

- Non, non...

- Vous devriez, intervint Frank Londubat avec un regard équivoque, signe qu'il l'avait bien reconnu. Monsieur Grims, je peux vous demander la chaise derrière vous ?

Avant qu'elle ne comprenne bien comment, Marlène se retrouva ainsi assise sur une chaise, mal à l'aise dans sa large robe bleu étoilé avec quatre adultes qui la détaillaient d'un regard surplombant. Alice Londubat lui tendit un verre d'eau.

- Merci, répéta-t-elle. Je ne voulais pas vous déranger, j'ai juste eu la tête qui tournait une seconde...

- A parier que le nouveau couple tente d'empoisonner ses invités, commenta la femme brune en jetant un regard vers Lucius et Narcissa par-dessus de son épaule.

- Lysandra ! la réprimanda l'homme en costume.

- Quoi ? Tout le monde sait que la tante de la future mariée s'y connaît en poison et les rumeurs disent même que Lucius en cache chez lui pour fournir ceux qui y mettent le prix.

Elle dressa un sourcil, équivoque, et Marlène n'eut pas besoin de traduction. Les mangemorts y mettaient le prix et si Lucius faisait partie de leurs rangs, il devait faire de beaux investissements. Les Londubat ne manquèrent d'ailleurs pas l'information et échangèrent un regard entendu à leur tour. L'homme en costume, lui, soupira.

- Même si tout le monde sait quelque chose, ce n'est pas la peine de le dire à voix haute, fit-il remarquer.

- Chez les américains peut-être, mais tu sais les anglais n'ont pas leur langue dans leur poche.

Maintenant qu'elle le disait, Marlène avait effectivement remarqué que l'homme possédait un accent. Un américain donc. Elle se fit une note mentale pour l'indiquer dans son rapport.

- J'avais cru remarquer, oui, répondit-il avec amusement. Allez viens, on a assez fait acte de présence, rentrons.

- Bonne idée. Laisse-moi récupérer Cassie et on y va.

Sans s'attarder, la fameuse Lysandra s'engouffra dans la foule et disparu de leur champ de vision. Frank s'empressa de serrer la main de l'homme.

- Monsieur Grims, un plaisir. Et si je puis me permettre... En ces temps troublés, si vous avez des informations intéressantes à l'Ambassade, n'hésitez pas à passer un coup de cheminette au bureau des Aurors.

- Je n'y manquerai pas, acquiesça-t-il, l'air de bien comprendre ce qu'on lui demandait. Au plaisir de vous revoir. (Il se tourna vers elle). Quant à vous mademoiselle, j'espère que ça ira mieux demain.

Marlène se força à sourire, crispée.

- Quand le champagne sera sorti de mon système, oui, dit-elle avec un rire sans joie. Merci, monsieur.

Avec un dernier hochement de tête poli, monsieur Grims partit donc à la suite de sa femme. En un instant, Marlène se remit sur ses pieds, alerte, et se rapprocha des Londubat.

- Désolée, je ne savais pas comment venir vous parler sans éveiller les soupçons...

- C'était très bien pensé, rassura Alice, l'air grave. Leonidas et Lysandra ne faisaient pas partis des invités « sensibles » de toute façon, ne t'en fais pas. Elle est la sœur de Cassiopée Bones.

- Oh...

Marlène avait loupé l'information pendant ses révisions avec Dorcas. A sa décharge, les deux sœurs se ressemblaient peut-être maintenant qu'elle y pensait, mais leur couleur de cheveux diamétralement opposées avaient brouillé les pistes.

- Peu importe, reprit Frank, impatient. Qu'est-ce qui passe ? Tout va bien ?

- Pas vraiment, non... Je... J'ai trouvé des infos, mais... j'ai été découverte.

- Quoi ?

La voix d'Alice, un peu trop forte, fit tourner quelques têtes agacées vers eux. Visiblement, les gens voulaient écouter le concerto de Regulus. Frank se décala pour les cacher du mieux qu'il put avec ses larges épaules et Marlène veilla à remettre son masque de « malade » en place, embarrassée. Elle avait l'impression de venir avouer à des professeurs qu'elle avait échoué à un examen.

- Par Darren Mulciber, poursuivit-elle d'une voix tremblante sans se démonter pour autant. Sirius s'en occupe... Il a un plan, je crois.

A nouveau, Alice ne parut pas convaincue et haussa un sourcil. Pour une femme de taille moyenne, elle paraissait diablement impressionnante, sûrement grâce à son aura d'Auror.

- Tu crois ? répéta-t-elle, main sur la hanche. Qu'est-ce que ça veut dire ?

- Il ne m'a pas tout expliqué... Juste, je dois partir maintenant, c'est plus sûr. Il va effacer la mémoire de Mulciber et trouver un moyen de sortir parce qu'il n'a plus de polynectar. On vous expliquera ce qui s'est passé.

Pendant un instant, elle crut qu'elle avait parlé trop bas pour être entendue, trop anxieuse que quelqu'un intercepte leur conversation. Les Londubat la dévisagèrent. Elle voyait bien à leur expression qu'ils désapprouvaient, mais ils étaient avant tout professionnels et aguerris à ce genre de mission : parfois il fallait reconnaître qu'on n'avait pas les cartes en main et ne pas perdre de temps. En tout cas, c'est ce que les frères Prewett lui avait dit pendant sa formation.

- Très bien, consentit finalement Frank dans un soupire. On gère. Sors d'ici au cas où le sortilège d'Amnésie de Sirius n'ait pas fonctionné et que tu sois vraiment compromise. Ne perds pas de temps à dire au revoir. On se retrouve à la fin de la soirée, d'accord ?

Marlène s'empressa d'hocher la tête. Elle n'avait plus qu'une envie : partir avec les informations qu'elle avait et faire ralentir son maudit rythme cardiaque.

- Bon courage, ajouta Alice, bienveillante.

Elle avait toujours l'air impressionnante, mais Marlène lui fut reconnaissante de cette note de compassion envers elle. Sans s'attarder davantage, elle prit donc congé du couple. Elle prit soudain conscience d'un détail alors qu'elle slalomait entre les invités. Les notes de piano avaient cessé, remplacées par l'orchestre à cordes du début de soirée. A peine avait-elle eu le temps le réaliser qu'un corps se matérialisa devant elle et elle trébucha presque sur sa robe en essayant de s'arrêter. Elle le reconnut une seconde plus tard.

- Merlin, Reg ! laissa-t-elle échapper.

Aussitôt, elle plaqua sa main contre sa bouche, conscience de sa familiarité. Heureusement, personne ne parut l'avoir entendu.

- Qu'est-ce qui se passe ? dit-il, tendu.

- Comment... ?

- Je le vois, c'est tout. Dis-moi.

Prise au dépourvu, elle ne chercha pas à nier.

- Rien, quelques ennuis avec quelqu'un... Je dois partir, t'avais raison.

- Maintenant ?

- Oui, acquiesça-t-elle.

Il ne chercha pas à discuter. D'une main autoritaire, il la saisit par le coude et l'entraîna à sa suite.

- Viens avec moi. Je vais te faire passer par derrière, personne ne verra rien.

Tête basse, ils se fondirent à nouveau parmi la foule et traversèrent le rez-de-chaussée pour arriver dans une partie plus calme du manoir. Une grande baie-vitrée donnait sur une terrasse surplombant le jardin et Regulus l'ouvrit avant de la pousser dehors, nerveux. Il referma la porte vitrée derrière eux en une seconde. Aussitôt, Marlène frissonna. Le vent était devenu glacial et la nuit était tombée depuis longtemps. Elle ne voyait pas à dix mètres.

- Voilà, personne ne devrait te voir comme ça, rassura Regulus en enlevant sa veste de costume avant de lui mettre sur les épaules. Tu vas traverser le jardin dans cette direction et transplaner en arrivant à la haie, d'accord ?

- Oui, oui... Mais attends...

Elle voulut enlever la veste de ses épaules, décidée à lui rendre, mais il arrêta son geste.

- Non, je veux que tu sortes d'ici sans mourir d'hypothermie.

- Tes standards sont hauts, moi je voulais juste sortir sans mourir tout court... répliqua-t-elle sans réfléchir.

Surpris, il haussa un sourcil face à son trait d'humour morbide et elle sentit ses joues s'empourprer avant qu'il ne se mette à rire. C'était tellement absurde qu'elle l'imita.

- Je ne peux pas t'en blâmer, je suppose, reconnut-il. Mais ça devrait aller normalement maintenant. (Il sembla hésiter une seconde, puis osa demander). Je sais que c'est confidentiel, mais... quand tu dis quelques ennuis avec quelqu'un... ça ira ?

Marlène sentit un sourire étirer doucement ses lèvres, touchée par son inquiétude. Le garçon qu'elle avait appris à connaître n'avait pas disparu finalement et en avoir la preuve à cet instant la réchauffa bien plus que la veste.

- On verra, éluda-t-elle, incertaine. Désolée, je ne peux rien dire... surtout à toi.

Presque inconsciemment, ses yeux glissèrent vers le bras de Regulus. Il dût le voir car il y porta la main, juste à l'endroit où devait se trouver son tatouage, et recula d'un pas.

- Oui, je comprends... murmura-t-il. C'était juste pour ce soir, pas vrai ?

Son ton était teinté de regret et le cœur de Marlène se serra. C'est ce qu'ils avaient dit dans la bibliothèque. Juste pour ce soir, ils pouvaient oublier.

- Je ne vois pas comment on pourrait faire autrement, souffla-t-elle alors qu'un frisson lui remontait le dos. Tu vas retourner à Poudlard, tu vas continuer à suivre ta cousine... Et moi, je vais... (elle buta sur les mots, trop habituée à ne pas évoquer l'Ordre à voix haute) enfin tu sais bien.

- Ouais, je sais.

Cette fois, ses mots eurent le poids de la fatalité. Pourtant, quand il releva la tête et la regarda à travers les mèches sombres de sa frange en désordre, il avait un rictus au coin des lèvres. Il ressemblait terriblement à Sirius ainsi.

- Va quand falloir qu'on se revoit, non ? lança-t-il, audacieux. Pour que je récupère ma veste ?

- Pour que... Reg ! Espèce de Serpentard ! Si tu me l'as donné juste pour ça... !

Amusée, elle lui donna une tape sur l'épaule. Pourtant, elle ne pouvait pas nier que l'idée lui semblait presque attirante. Une bulle euphorique gonfla dans sa poitrine. Ce soir lui avait sans doute appris quelque chose : elle était liée à Regulus Black. De manière peut-être inexplicable et absurde, mais ils étaient liés. Ils l'étaient certainement depuis cette fameuse soirée dans les couloirs de Poudlard où il lui avait rendu son chat avant de lui serrer la main. Elle se souvenait avoir affirmé qu'elle était une Gryffondor et qu'elle prenait le risque d'être son amie. Deux ans plus tard, rien n'avait changé. Elle avait beau ne plus appartenir à la maison rouge et or, son esprit et ses convictions s'étaient renforcés.

Peut-être que leur folle histoire pouvait fonctionner... Elle avait envie d'y croire, d'être l'éternelle optimiste. Elle s'arrangerait avec l'Ordre et surtout elle mettrait fin à son histoire avortée avec Benjy. Elle en était capable, elle pouvait jouer sur plusieurs fronts.

- Viens là... murmura-t-elle.

Regulus n'attendait visiblement qu'un mot de sa part. Aussitôt, il combla la distance entre eux et se glissa entre ses bras ouverts. Elles les referma autour de lui, puis bascula la tête ne arrière pour atteindre ses lèvres. Il avait encore grandi depuis l'été dernier. Elle ne s'en était pas rendue compte tout à l'heure dans la bibliothèque car ils avaient été à même le sol, mais la différence la frappa à cet instant. Il n'était plus le gamin renfermé qu'il était, tout comme elle n'était plus cette fille timide. Avec avidité, elle l'embrassa donc jusqu'à être sûre de graver la sensation dans sa mémoire. Il répondit en raffermissant sa prise autour de ses hanches.

- Marlène...

Le souffle, à peine exhalé, lui caressa le visage. La bulle d'euphorie était prête à éclater dans sa poitrine. Pourtant, elle n'oubliait pas ce qu'ils faisaient là...

- Je dois partir, Reg...

- Une seconde...

Il l'embrassa une dernière fois. Ni l'un ni l'autre ne savait vraiment quand ils se reverraient. Elle s'apprêtait à enfin tourner les talons quand des éclats de voix leur parvinrent depuis l'intérieur. Regulus se tendit.

- Alors Cissy, s'exclama une voix étouffée qu'ils entendirent malgré la distance, tu te fiances sans inviter ton cousin préféré ?

Horrifiée, Marlène sentit ses muscles se raidirent. Plus que tout, elle vit Regulus devenir livide dans la nuit et se retourner vers la baie-vitrée. Il n'y avait aucune ambiguïté : lui aussi avait reconnu la voix.

- Comment... ? Merlin, qu'est-ce qu'il fout ici ?

- Reg...

Il fit volte-face pour la fixer à nouveau.

- Tu savais qu'il était là ? demanda-t-il d'une voix sourde. Tu le savais ?

Marlène sentit son cœur se remettre à battre plus fort mais pour une toute raison et elle déglutit.

- Oui, admit-elle. Il m'a aidé avec mes ennuis... Je ne savais pas qu'il allait faire ça par contre...

A l'intérieur, la voix de Sirius leur parvenait toujours, mais elle n'arrivait plus à distinguer les mots qu'il prononçait. Furieux, Regulus leva les bras au ciel, comme s'il se retenait surtout d'envoyer son poing dans le mur.

- Merlin ! s'écria-t-il brusquement à travers la nuit. Bon sang, pourquoi est-ce qu'il faut toujours qu'il fasse ça ? C'est pas vrai !

- Il faut qu'il sorte de là...

- Qu'il se débrouille ! Il veut les provoquer encore une fois ? Très bien ! C'est un idiot ! Il va se faire tuer et il te met en danger en prime !

Au fond d'elle, Marlène était en partie d'accord. Elle ne comprenait pas ce que cherchait à faire Sirius. Il venait de se lancer dans une mission suicide et elle ne voyait plus comment le faire sortir de ce manoir indemne. Regulus la contempla soudain.

- Pars, déclara-t-il alors. Tu ne peux plus rien faire. Je vais rentrer et tenter de minimiser les dégâts. Personne ne pourra rien faire devant autant de témoins de toute façon.

Il avait encore raison. Elle savait que, de toute façon, il y aurait eu de grandes chances pour que Sirius ait été compromis sans polynectar pour l'aider à sortir. Quitte à être démasqué, il avait juste décidé de faire les choses en grand. Désormais, elle espérait juste que Sirius savait ce qu'il faisait... Il lui avait dit de partir après tout et elle se rappelait assez une de leur première leçon : si les circonstances le veulent, il fallait se résigner à quitter une mission en laissant son partenaire derrière. Et même si l'idée lui donnait les larmes aux yeux, elle n'avait pas le choix. Elle ne pouvait plus rentrer dans le manoir, sinon tous leurs efforts n'auraient servi à rien. Elle avait encore l'espoir de ne pas être compromise.

- Allez, pars ! ordonna soudain Regulus à nouveau.

Sa tendresse envers elle s'était envolée. Elle n'arrivait pas à déterminer s'il était en colère contre elle ou juste contre la situation. Elle n'avait pas le temps de le découvrir.

- Reg ? appela-t-elle alors qu'il rouvrait la baie-vitrée.

- Quoi ? dit-il, impatient.

- Souviens-toi de ta promesse... Ne m'oublies pas.

C'était son dernier recours. Peut-être qu'en s'accrochant à cette idée, elle ne le perdrait pas. Elle n'avait de toute façon plus le temps pour d'autres grands discours et, enfin, elle se mit à fuir le manoir des Malefoy. Et alors qu'elle courrait à travers le jardin, haletante et frigorifiée, elle leva la tête vers le ciel. Regulus avait eu raison. Sa robe ressemblait à une constellation. 

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Ta da ! On en a pas terminé avec cette mission, je vous le dis haha ! 

J'espère que le début ne vous a pas semblé trop loin lorsque Sirius et Marlène étaient seuls, j'ai essayé de rendre la narration aussyi dynamique que possible ^^ Au-delà de ça, n'hésitez pas à me dire ce que vous avez pensé du chapitre : la confrontation avec Mulciber, le plan de Sirius, l'apparition des Londubat et des Grims, et puis évidemment le couple maudit mais que je n'arrive pas à lâcher aka le Marlus (ou Regulène?) --> 

A dans deux semaines et merci encore ! 

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