Tome III - Chapitre 16 : Des liens indéfectibles

Yooo ! Un grand merci pour vos réactions sur le dernier chapitre, j'avais tellement hâte de vous le poster ^^ Et j'ai peut-être un peu menti... Oui, le dernier était mon préféré mais en vrai celui-là aussi haha ! Ils vont énormément de paire en fait. De manière générale, j'adore tous les chapitres que j'ai écris pour la "Mission Malefoy" donc il y en aura encore derrière et votre enthousiasme me fait donc hyper plaisir ! 

Sans plus attendre, je vous laisse repartir vers le Manoir Malefoy et on se retrouve en bas pour une annonce... surprenante mais épique haha ! 

******************************************************

Chapitre XVI : Des liens indéfectibles

Regulus en était à son deuxième verre de champagne, posté près du buffet, lorsque son père fondit vers lui tel un oiseau de proie. Ce qui faisait sûrement lui la victime dans cette comparaison. Encore perturbé de sa danse avec Marlène – McKinnon causerait sa perte – il se redressa dès que son père arriva à sa hauteur et il lui fit un signe de tête en guise de salut.

- Ah Regulus, je te retrouve enfin, dit-il d'un ton impatient. Je peux savoir ce que tu fabriques ?

- Ce que je... ? Père ?

- Ta cavalière fait le pied de grue depuis une demi-heure près des fenêtres. Je crois que sa contemplation a assez duré, tu ne penses pas ?

Avec un regard entendu, son père désigna Livia, insistant. Regulus se tourna vers elle. Effectivement, elle était toujours là où il l'avait laissé après avoir aperçu Marlène comme une apparition au milieu de la foule. Il s'était figé, incapable d'en croire ses yeux, et Livia l'avait poussé en avant. « Va la retrouver ». Il ne lui en avait jamais été autant reconnaissant et son soutien était une preuve de plus que leur relation n'était devenue qu'une façade pour faire plaisir aux autres. Leurs liens étaient amicaux, rien de plus, il suffisait de voir leur manque de proximité physique ce soir pour le comprendre.

- Je comptais la retrouver plus tard, affirma-t-il à son père. Elle n'aime juste pas la foule.

- Dans ce cas, reste à l'écart avec elle. Ce n'est pas très respectueux autrement.

Pris au dépourvu, Regulus renvoya un regard surpris à son père. Jamais il ne s'était mêlé de ses fréquentations ou de sa vie amoureuse ; il n'en avait pas eu besoin. Il avait toujours eu les bons amis après tout. Ses camarades de Serpentard – Antonin, les jumelles Zabini, même Rosier – faisaient partie de leur sphère et il n'avait eu une remarque à ce sujet. Pourtant, depuis qu'il sortait avec Livia, il sentait que sa famille gardait un œil sur lui, mais il avait cru que cette tendance un peu agaçante ne concernait pas son père. Visiblement, il avait fait erreur.

De tous les soirs où son père aurait pu montrer enfin un peu d'intérêt, celui-ci était pourtant le pire. Le champagne commençait à lui monter à la tête, Marlène hantait son esprit, et sa relation avec Livia n'en était plus une depuis plusieurs semaines maintenant.

- Pourquoi ? s'entendit-il demander avant de réfléchir.

- Je te demande pardon ?

- Pourquoi ça vous intéresse tout d'un coup ?

Il réalisa ce qu'il venait de jeter à la figure de son père en voyant ce dernier le dévisager. Horrifié, il déglutit et attendit la répartie cinglante qui n'allait pas manquer de suivre. S'il y avait bien quelque chose que son père détestait, c'était l'impertinence et même si sa question était sincère elle restait inappropriée.

Pourtant, son père ne le reprit pas sur le coup. Son regard dériva une seconde et Regulus le suivit. La réalisation le frappa.

- C'est grand-père ? lâcha-t-il. Il vous a encore fait une remarque sur moi ?

- Regulus !

Son père braqua à nouveau son attention sur lui et il rentra la tête dans les épaules.

- Laisse-moi m'occuper de ton grand-père, tu veux bien.

- Mais...

- Ce n'est rien qui te concerne pour le moment.

C'était un mensonge éhonté et ils le savaient tous les deux. Leur conversation à l'instant le prouvait.

- Il parle encore de mariage, c'est ça ? pressa-t-il malgré son cœur battant.

- Ce n'est pas pour tout de suite, tu as encore le temps de t'inquiéter de ça.

- Avec Livia ?

- Rien n'est encore décidé, mais son nom a évidemment été évoqué, ne t'en fais pas.

Bien, la méprise était donc là. Il était peut-être temps qu'il informe son père... Embarrassé, il but une gorgée de champagne en plus avant de se lancer.

- On n'est plus ensemble, vous savez, révéla-t-il, nerveux. Je veux dire, Livia et moi.

La réaction ne se fit pas attendre. Il manqua de sursauter quand son père pivota complètement vers lui, arrêtant enfin de chercher grand-père Arcturus dans la foule des invités. Même si son expression contrôlée resta en place, comme d'habitude, il perçut son trouble et s'accrocha un peu plus à son verre de champagne pour se préparer.

- Quoi ? Mais depuis quand ?

- Pas longtemps... Enfin, on n'en a pas vraiment discuté, mais on n'en a pas eu besoin. Ça ne marche juste pas...

- Allons, ces choses-là demandent... de la persévérance, protesta son père avec un geste vague de la main.

C'était au moins rassurant de constater qu'il était aussi mal à l'aise que lui.

- Je sais, mais Livia et moi ça n'avait pas de sens. Ça n'en a jamais vraiment eu, on est amis.

- Mais tu l'amènes en cavalière ce soir !

- Parce que c'était prévu depuis des mois, je ne voulais pas bouleverser les plans de Cissy, se défendit-il sans bien savoir pourquoi. Je ne pensais pas que ça serait si grave.

Il était honnête. Il ne comprenait pas le soudain emportement de son père à défendre son couple alors même que la question n'avait jamais été discutée à la maison et, encore plus nerveux qu'avant, il lui renvoya un regard d'excuse. Cela parut atteindre son père car il soupira :

- Ce n'est pas grave, voyons... Oublies tout ça.

- Mais ça l'air de l'être quand même. Dites-moi allez ! C'est grand-père, n'est-ce pas ?

- Regulus, je n'aime pas me répéter.

La brimade, prononcée sur un ton sec sans que son père n'ait à élever la voix, le fit sentir comme un petit garçon pris en faute même s'il savait au fond de lui qu'il avait raison. Il n'y avait que son grand-père Arcturus pour mettre Orion Black dans cet état d'agitation sous-jacente. Le problème d'être désormais le seul à Poudlard, c'est qu'il n'arrivait plus à suivre les aléas qui agitaient la famille. Bellatrix et Narcissa étaient trop occupées par leur cause respective – les mangemorts et un mariage parfait – pour maintenir une correspondance avec lui et ses parents s'étaient toujours montrés discrets. Il n'était de toute façon à leurs yeux que le « Petit Regulus » comme aimait le surnommer tante Lucretia.

Pourtant, la question de son avenir et d'un hypothétique mariage devait être sur la table. C'était la seule explication à l'attitude de son père. S'il était assez vieux pour ça, il n'était plus le Petit Regulus qu'on devait garder dans l'ombre.

- Père, tenta-t-il en un soudain élan de courage. J'ai le droit de...

Il fut coupé instantanément.

- A vrai dire, non, déclara Orion. Je t'ai dit que je m'occupais de cette affaire et jusqu'à preuve du contraire je suis toujours le chef de cette famille. Alors retourne t'amuser et ne pose plus de question, c'est clair ?

Comme toujours, le ton de son père était d'une suffisance prégnante et Regulus ravala la boule d'humiliation dans sa gorge. Subir les cris colériques de sa mère était une chose, encaisser la froideur de son père en était une autre. Faute de mieux, il hocha finalement la tête.

- Bien. Dans ce cas, je vais aller retrouver ta mère. Cette information mérite toute son attention.

- D'accord... A plus tard...

Mais son père s'était déjà éloigné. Amer, Regulus termina sa coupe de champagne et s'en servit une troisième sans même attendre. Il n'avait plus aucune envie de retrouver Livia, ni même d'être sociable avec qui que ce soit. Au diable Cissy et sa démonstration de piano. Il avait l'âge pour que Bellatrix le fasse entrer chez les mangemorts, mais pas pour savoir ce qui se tramait derrière son dos sur l'avenir de la famille.

« Qu'ils aillent se faire voir », songea-t-il. Il était juste épuisé ce soir.

Sans réfléchir, il avala d'une traite son verre. Il n'avait plus envie de rester ici à parader.

- Eh toi ! appela-t-il en direction d'un elfe à proximité.

Ce dernier se retourna, ses grands yeux ronds s'agrandissant sous le coup de la surprise. Il s'empressa de venir à sa rencontre et manqua de trébucher sur son habit blanc noué autour de sa taille.

- Dobby peut aider Monsieur, monsieur ? dit-il avec frénésie.

- Tu n'aurais rien de plus fort ?

- De plus fort, monsieur ?

- Oui, s'il te plait.

Il ajouta la mention de politesse avec un temps de retard, mais il pensa à Kreattur qui avait toujours tendance à répondre à ses demandes s'il se montrait gentil avec lui depuis l'enfance. Les elfes n'étaient pas si différents des sorciers à cet égard et il s'était surpris plus d'une fois à remercier Kreattur pour sa prévenance alors même que personne d'autre à Square Grimmaurd n'avait de gestes pareils envers lui.

Dobby se mit à acquiescer avec force. Il eut peur une seconde que sa tête se décroche.

- Bien sûr, monsieur, nous avons du Whisky Pur Feu en cuisine, mais le Maître nous a demandé de le servir uniquement aux coups de minuit.

- J'en ai besoin maintenant.

- Maintenant ? Mais le Maître...

- Malefoy a dû vous dire de satisfaire les invités aussi ? argua-t-il, impatient.

- C'est vrai, monsieur.

Encore un peu hésitant, l'elfe finit par lever une main et suspendit son geste. Pourtant, le désir de plaire aux invités devait prévaloir sur un ordre plus mineur et il claqua des doigts. Une bouteille se matérialisa.

Regulus ne prit pas le risque de se faire surprendre : il s'en saisit et la cacha sous sa cape.

- Merci.

Sans s'attarder ni vérifier que l'elfe retournait bien à son travail, il traversa la foule sans que personne n'essaye de l'arrêter. Il dépassa Narcissa mais elle ne remarqua même pas, trop occupée à accepter ses cadeaux de fiançailles. Il devait lui accorder une chose : elle était rayonnante. Au milieu de tous les Black, lugubres et drapés dans leur dignité, Cissy avait l'air d'un rayon de soleil. Il était heureux pour elle. Sincèrement. Ils avaient beau ne pas avoir grand-chose en commun tous les deux, ils s'étaient souvent serré les coudes enfants. Les deux petits derniers face aux grands. Malgré tout, il lui enviait son assurance et sa capacité à afficher un sourire brillant en toutes circonstances. Elle n'avait pas le poids qu'il portait et, égoïstement, il lui en voulait pour ça.

Le corps lourd, comme s'il avait quelque chose qui lui pesait dans la poitrine, il sortit enfin de la salle de réception. Le bruit devint lointain à mesure qu'il avançait dans les longs corridors du manoir Malefoy, plus lumineux que ceux de Square Grimmaurd grâce aux grands baies-vitrées qui les bordaient. A cause de la nuit tombée, il ne voyait pourtant pas dehors. Ou du moins il voyait mal. Il arriva tout de même à distinguer une tâche blanche au loin, sans doute un des fameux paon albinos dont se vantait Abraxas Malefoy en début de soirée.

Ecœuré, Regulus porta la bouteille de Whisky Pur Feu à ses lèvres et en but une longue gorgée. La brûlure immédiate lui arracha une toux. Il grimaça et poussa la porte de la bibliothèque. Du moins, si ses souvenirs étaient bons.

La vue d'une centaine de livres sur des étagères aussi hautes que le plafond lui confirmèrent son intuition. Il n'était pas venu souvent, mais cette pièce l'avait marqué. Au fil des siècles, les Malefoy avaient acquis une collection d'ouvrages impressionnante et, comme toujours avec cette famille, ils aimaient le démontrer aux yeux de tous. La vision en était presque vertigineuse, à moins que ça ne soit l'alcool qui commençait à faire effet. Il n'avait pas vraiment l'habitude d'en boire après tout. De la bièreaubeurre à Pré-au-Lard à l'occasion, un verre de vin pendant les repas de famille sous la supervision de sa mère, mais jamais autant en si peu de temps. Peu importe : il reprit une gorgée de Whisky. Le goût lui arracha une nouvelle grimace. Comment est-ce que les gens buvaient ça par plaisir ? Il n'en avait aucune idée, il voulait juste arrêter de penser.

Pour lui dont l'esprit ne cessait de le tourmenter depuis des mois – si ce n'était plus à être honnête – tenter de faire taire son cerveau apparaissait comme une solution miracle. Il voulait tout oublier l'espace d'une soirée.

Le tatouage sur son bras, la voix de Gemma Ackerley, les attentes de ses parents, les plans de mariage de son grand-père, le bruit de la porte que Sirius avait claqué, les traits distordus du Seigneur des Ténèbres, le regard plein de larmes de Marlène.

Merlin, il était épuisé...

Instable, il se laissa glisser au sol, dos au bureau qui ornait la pièce. La surface solide et froide l'aida à s'ancrer au moment et il tenta de fixer son attention sur un autre point. Il n'y avait que des livres, formes fantomatiques dans la lueur bleuâtre de la nuit. Il réalisa à cet instant qu'il n'avait pas pris la peine d'allumer une lumière de sort ou un feu dans la cheminée, mais il préférait ça. L'ambiance sombre lui offrait un contraste bienvenue avec l'aura dorée de la salle de bal à l'autre bout du manoir, comme si le temps était suspendu.

C'était ce dont il avait besoin sans doute : suspendre le temps. Il laissa échapper un rire amer en songeant à tous ses problèmes qui pourraient se régler grâce à ça. Il arrêterait son ascension chez les mangemorts, il n'aurait plus à s'inquiéter d'assurer l'avenir de la famille par un hypothétique mariage à seize ans, il pourrait arrêter de penser à Marlène ne serait-ce que cinq minutes... Il n'aurait pas à sortir de cette bibliothèque et à retourner parader pour Narcissa et ses maudits invités.

Il se demanda combien de temps elle allait mettre à remarquer son absence. Peut-être qu'elle ne verrait rien, qu'aucun membre de sa famille ne s'en rendrait compte. Enfant, il avait la manie de se réfugier au calme quand les réceptions devenaient trop bruyantes et il n'avait visiblement pas perdu ce réflexe. La seule différence, c'est qu'il avait une bouteille d'alcool aujourd'hui avec lui. Il la porta à ses lèvres. Il ne sentait presque plus la brûlure désormais et il accueillit avec soulagement la vague brumeuse qui tomba un peu plus sur son esprit.

En face de lui, des grains de poussières étaient en suspension dans un rayon de lune, pâle, et il contempla leur danse avec fascination.

- Regulus ?

La voix le tira de sa rêverie avec fracas. Sa nuque protesta alors qu'il relevait la tête brusquement pour braquer ses yeux vers la porte, même s'il avait déjà reconnu la voix.

- Oh Merlin, Reg, souffla Marlène, l'air exaspéré. Ça fait vingt minutes que je te cherche !

- Mais... ? Qu'est-ce que tu... ? Qu'est-ce que tu fais ici ?

Incrédule, il la vit s'avancer vers lui et il ne réussit pas à bouger, trop emprisonné par les effets de l'alcool et de la surprise. Elle roula des yeux.

- Tu me l'as déjà demandé, tu te souviens ? Ou ta bouteille t'es déjà monté à la tête ?

- Comment... ?

- J'observe, Reg. Tout le monde. Et tu es loin d'être discret.

- Merde...

Las, il laissa sa tête retomber contre le bureau derrière lui. Il avait voulu s'échapper un instant, rien qu'un instant... Mais c'était déjà trop demander apparemment.

Marlène ne se formalisa pas de sa vulgarité. Dans un bruit d'étoffe presque trop assourdissant pour le silence qui régnait dans la bibliothèque, elle s'abaissa à genoux en face de lui et chercha son regard. Il la laissa faire, frappé par son apparition. Elle ressemblait à une princesse de conte de fée dans cette robe, réalisa-t-il soudain. Le tissu l'engloutissait à partir de la taille et se répandait autour d'eux, comme une marée mouvante. Non... Plutôt comme un ciel étoilé.

L'image s'imposa à lui et il ne comprit pas comment il ne l'avait pas remarqué tout à l'heure. La robe était d'une couleur bleu nuit, foncée et chatoyante, mais son effet résidait principalement en la couche de tulles cousus de fils d'or autour des hanches et du bustier. D'instinct, il attrapa un morceau entre deux doigts.

- Qu'est-ce que tu fais ? dit Marlène, sourcil dressé.

- Ta robe... Bel hommage.

- Quoi ?

Il pesa ses mots avec précaution, soudain incertain quant à son élocution, mais heureusement il avait encore l'esprit assez clair pour parler.

- On dirait des étoiles, souffla-t-il. Des constellations dans le ciel. Je me disais que c'était approprié pour la fête d'une Black.

- Black bientôt Malefoy, lui rappela aussitôt Marlène.

Il n'en aurait pas juré à cause de l'obscurité, mais il crut la voir rougir. Il haussa les épaules.

- Peu importe qu'elle se marie, elle restera une Black. Personne ne quitte cette famille, pas même les femmes. Demande à ma tante Lucretia, à ma mère... Bon sang, elle a tout fait garder pour son nom, elle ! (Il lâcha un rire sans joie et fit tourner la bouteille de Whyky entre ses doigts). Je ne leur échapperai pas non plus, ajouta-t-il alors dans un murmure. Mais tu le sais déjà.

- Reg... Tu as bu, arrête.

- A peine. Je sais très bien ce que je dis.

- Peut-être, convint Marlène avec douceur comme si elle parlait à un enfant. Mais tu n'oserais pas me le dire si tu étais dans ton état normal. Si quelqu'un d'autre s'aperçoit que tu...

- Peut-être que c'est une bonne chose, non ? la coupa-t-il. Que j'ose enfin te parler ?

Merlin, il n'aurait sans doute pas dû dire ça. Du moins, c'est ce que son esprit réalisa avec un temps de retard et il eut soudain l'impression d'être en décalage avec le réel. Un éclat de compassion s'alluma dans les yeux de Marlène. Il le connaissait par cœur cet éclat, il s'en rendait malade...

Elle soupira.

- Pas comme ça, Reg, s'il te plaît. Je suis juste venue te chercher avant que tu fasses quelque chose que tu regretterais. Allez viens, ta cousine t'attend.

- Elle a plus de deux cents invités pour la divertir.

- Ce n'est pas une raison pour rester enfermé ici.

Il secoua la tête. Assis ainsi face à face, il trouvait leurs retrouvailles moins intimidantes que sur la piste de danse et, juste parce qu'il en avait envie, il attrapa la main de Marlène dans la sienne. Elle baissa les yeux avec un hoquet de surprise, mais ne se dégagea pas.

- Pourquoi tu m'as suivi ? souffla-t-il. Je croyais que t'avais une mission ? Des gens à espionner ?

- Je ne vois toujours pas de quoi tu parles.

- Arrête, c'est pour ça que t'es venue. Ton histoire d'apothicaire, là, c'est des conneries, je te connais.

- Tu crois ?

Il redressa le menton, piqué par le défi qui perçait dans son sourire. Elle tenta de le cacher, mais il l'avait vu, ce signe de familiarité entre eux qu'elle ne pouvait pas ignorer. Pendant une seconde, il eut l'impression d'être de retour dans leur repère avec le vieux canapé vert et il joua avec sa main du bout des doigts au-dessus du tissu au ciel étoilé.

- Bien sûr que je te connais, affirma-t-il, sûr de lui. Marlène McKinnon... (il étira les syllabes à dessein et elle frissonna). La fille de Gryffondor qui cherchait son chat.

- Oh bon sang...

- Oui, ne crois-pas que j'ai oublié ton monstre à fourrure blanche.

Marlène rit et il sentit un coup retentir dans sa poitrine en écho.

- On lui doit notre rencontre, rappela-t-elle malgré tout. Sans lui, on ne serait jamais devenus amis.

- C'est vrai... On n'aurait pas passer des heures dans notre repère. (Il inspira profondément, pris par une nostalgie inexplicable). J'ai tout laissé là-bas, tu sais... Le canapé, tes dessins sur le tableau, même ton livre de métamorphose que t'as oublié l'année dernière.

- Reg...

Toute trace de rire évanoui, elle serra sa main un peu plus, mais ce n'était pas assez. Quelque chose tirait en lui, faisait presque mal, et il s'accrocha à elle.

- Je crois que tu me manques, Marlène, dit-il brusquement.

Les mots venaient de monter dans sa gorge, impossible à réprimer, et il fut pris d'une soudaine envie de pleurer. Il disait la vérité : le château lui semblait horriblement vide malgré tous ses élèves, mais surtout il se sentait seul. C'était cette solitude la plus dure à supporter.

Les larmes aux yeux, Marlène émit un son étranglé et se força à sourire tristement.

- Tu crois seulement ? chuchota-t-elle. C'est une avancée par rapport à l'année dernière au moins... Tu ne voulais pas le reconnaître.

- C'est parce que tu n'étais pas encore partie...

- Peut-être, mais je suis là ce soir, non ?

C'était bien le problème, songea-t-il. Il voulait plus que « ce soir ». Revoir Marlène était comme une addiction dans laquelle il replongeait et il ne savait pas comment s'en défaire. L'alcool n'aidait sans doute pas, même si son esprit s'éclairait à mesure que les minutes passaient.

Marlène soupira à nouveau et passa sa main libre sur son visage, écartant sa mèche blonde de son front. Il suivit le mouvement des yeux.

- A quoi on joue, Reg ? murmura-t-elle, las.

- Je sais pas... avoua-t-il honnêtement.

- Parce que ça devient sans fin... On ne peut pas se dire adieu à chaque fois. Il faut qu'on brise le lien à un moment...

- Même si on ne veut pas ?

Il ne savait pas d'où lui venait cette soudaine urgence de la retenir alors même qu'il avait été celui à la repousser l'année dernière, mais il avait l'impression de ne juste plus avoir de filtre. Marlène eut l'air surpris devant ce revirement et secoua la tête, un rire triste à nouveau coincé dans la gorge.

- On a déjà établi ce qu'on voulait, Reg. Je ne trahirai pas l'Ordre.

Apparemment, elle avait renoncé aux faux-semblants. Il lui en fut reconnaissant.

- Et je ne trahirai pas ma famille, ajouta-t-il, défait.

- Donc ça ne sert à rien. On devrait vraiment retourner à la soirée, ils vont...

- Marlène, est-ce que je peux t'embrasser ?

Ça aussi, c'était sorti sans qu'il n'arrive à le retenir. Marlène se figea, encore plus incrédule, et il la contempla à se perdre dans ses traits. C'était une envie – un désir – qui courrait en lui depuis qu'il avait posé ses yeux sur elle à travers la foule, telle une apparition, et contrairement à leur séparation en juin dernier il arriva à prononcer la phrase entièrement. Il en avait besoin.

- Oh Merlin... souffla Marlène. Fais pas ça, Reg. Nous fais pas ça...

- Pourquoi ? Pourquoi est-ce qu'on ne peut pas faire une exception, juste pour ce soir ?

De manière lointaine, il avait conscience d'être suppliant : c'était embrassant. Mais il n'avait jamais ressenti ce qu'il était en train de ressentir. C'était comme si son corps s'était mis à le faire souffrir à la simple perspective de perdre Marlène, de ne pas l'avoir près de lui, et le contact de leurs mains liées entre elles le brûla soudain.

- On ne peut pas, Reg... Je ne peux pas faire ça à Benjy. Je suis désolée.

- Benjy ? C'est comme ça qu'il s'appelle ?

Elle réalisa son erreur avec une seconde de retard et ferma les yeux, visiblement agacée contre elle-même. Il reprit sans lui laisser la chance de répondre :

- Ca ne te dérangeait pas l'année dernière quand c'était Livia. Qu'est-ce qui a changé, hum ?

- Tout ! Mais tout, Reg ! Arrête ! Tu as bu, tu ne dirais pas ça si...

Elle s'étouffa avec ses mots, perturbée, et il ne lui en voulut pas. Il n'arrivait pas à aligner deux pensées cohérentes non plus, mais si ça n'avait plus rien à voir avec l'alcool. Sans réfléchir, il se redressa légèrement et se pencha en avant jusqu'à venir frôler le visage de Marlène, les yeux mi-clos. Il posa son front contre le sien. Elle se laissa faire.

Ne pas être repoussé lui provoqua encore plus d'agitation dans la poitrine et il était sûr de pouvoir entendre son propre cœur battre à tout rompre. Merlin, il était devenu un cliché. Personne ne lui avait dit qu'un premier amour changeait l'axe de la terre, comme si tout son monde venait de basculer. Il était en orbite autour de Marlène désormais, attiré par elle, jamais assez proche...

Et il ne devait pas être le seul à ressentir cette étrange sensation car, en une seconde, la distance entre eux fut brisée. Il n'aurait même pas su dire lequel des deux avait comblé l'espace qui les séparait, mais il savait une chose : il embrassait enfin Marlène McKinnon après quatre mois à rêver de le faire.

Son imagination n'avait pas rendu justice à la réalité. Toutes ses perceptions se réduisirent à ses lèvres qui se mouvaient contre les siennes, aventureuses, et il exhala, le souffle court. Il cherchait sa bouche, la trouvait, jouait avec elle. Il avait l'impression d'être ivre de façon complètement différente ; même l'alcool n'avait pas été aussi grisant et il était comme sobre à cet instant. Avec l'envie d'être toujours plus proche de Marlène, il lâcha sa main pour venir enrouler son bras autour de sa taille, à l'image de leur danse partagée, et elle suivit le mouvement en se redressant. Il se servit de l'impulsion du mouvement pour l'attirer sur ses genoux.

La robe rendit la manœuvre délicate et ils durent rompre leur baiser, amusés et gênés en même temps, avant qu'elle ne recapture ses lèvres. Il remonta son autre main vers sa joue pour la maintenir en place. Il aurait voulu passer le reste de sa vie dans cette bibliothèque à embrasser Marlène McKinnon. Chacun de ses baisers envoyaient des vagues de plaisir dans tout son corps : ses lèvres, son torse, son ventre... Il essayait de ne pas y penser, mais son poids sur lui et contre lui faisait qu'il avait horriblement conscience de leur corps pressé ensemble.

Ensemble. C'était le mot qui résonnait le mieux en lui à cet instant.

Ils n'étaient pas assez proches, ils ne le seraient jamais assez. Il l'embrassa avec plus de force pour tenter d'y remédier et elle émit un bruit sourd, accrochant ses bras derrière sa nuque. Merlin... Il aurait voulu tout envoyer valser pour cette fille. Sa famille, les mangemorts, sa fascination pour la magie du Seigneur des Ténèbres.

Mais il savait que ça ne fonctionnait pas comme ça... Seulement, ce soir, il avait le droit de l'oublier.

- Tu m'as manqué aussi, souffla soudain Marlène contre ses lèvres. Par Merlin, tu m'as tellement manqué...

- Je suis désolé...

- Non, ne le dis pas... On ne changera rien ce soir, on le sait, mais... C'est trop tard là pour s'en soucier, non ?

Avec un rire incrédule, elle désigna leur position et il sentit ses joues s'embraser. L'obscurité le cacherait au moins en partie. Mais Marlène avait raison. Foutu pour foutu, se dit-il.

Et il se remit à l'embrasser.

**

*

Sirius était foutu. Du moins, c'est l'impression qu'il avait, caché dans un placard étriqué depuis dix minutes et il réajusta sa position pour éviter une crampe. Le cabinet de travail des Malefoy était horriblement silencieux, même s'il pouvait entendre quelques notes de musique en provenance de la fête un étage plus bas s'il tendait l'oreille. Fête où il aurait dû être. Au lieu de ça, il avait suivi son impulsion folle : se cacher pour pouvoir écouter ses parents.

Il commençait pourtant à perdre patience. A tous les coups, ils avaient décidé de parler autre part ou d'attendre d'être rentrés entre les murs de Square Grimmaurd et il faisait le pied de gru pour rien. Quand Maugrey lui demanderait quelles informations il avait recueilli pendant la mission, il n'aurait qu'à lui répondre que « le bois de chêne était peu confortable pour une planque ». Il allait se faire enterrer vivant et, connaissant Maugrey, personne ne retrouverait son corps. Ou celui de Jean Desplantes ? Est-ce que la mort annulait les effets du polynectar ou est-ce qu'il resterait coincé avec l'apparence d'un apothicaire français pour l'éternité ? Il faudrait qu'il pense à demander à Lily.

De toute façon, une sensation d'oppression commençait à peser sur lui. Même s'il avait laissé un léger interstice entre les deux portes pour avoir une vue réduite sur la pièce, l'espace restreint n'était pas fait pour contenir un individu et il se trouva soudain ridicule. S'il pouvait le voir, James serait déjà en train de se payer sa tête et Remus s'agacerait contre son manque de tact.

Résigné, il allait se remettre debout et sortir du placard lorsque la porte d'entrée s'ouvrit vivement. Il se figea en une demi-seconde, alerte.

- J'espère que tu as une bonne raison de me traîner ici, fit la voix de sa mère avant qu'elle n'entre soudain dans son champ de vision, sa lourde robe noire bruissant contre le parquet. Si Narcissa – ou pire Cygnus et Druella – remarquent notre absence, ils vont nous en parler jusqu'à l'année prochaine !

- Non, je voulais juste te montrer l'architecture du lieu, lui répliqua son père avec sarcasme. Evidemment que j'ai une bonne raison, Walburga ! Toi qui veut toujours être au courant de tout, j'ai pensé que l'information que je viens d'apprendre allait t'intéresser.

Ils se tenaient face à face dans une parodie de conseil de famille et Sirius se félicita une fois de plus d'être parti loin d'eux. Suspicieuse, sa mère plissa les yeux.

- J'écoute, déclara-t-elle, impérieuse. Allons, parle.

- Disons que j'ai eu une conversation avec Regulus. Il m'a éclairé sur sa... situation.

- Situation ? Ne me dis pas que tu lui as parlé des plans de ton père !

Orion eut un rire désabusé.

- Des plans de mariage, tu veux dire ? se moqua-t-il, acerbe. Je t'en prie, ils sont aussi secrets que les ambitions de Barty Croupton, c'est-à-dire que tout le monde est au courant ou le sera à la fin de la soirée. Regulus ne fait pas exception.

- Il a seize ans par Merlin, ce n'est pas raisonnable d'en parler maintenant et Arcturus le sait.

- Et toi tu es une mère qui refuse de lâcher son petit. C'est ridicule, Walburga, laisse-nous gérer cette affaire.

- Que je vous laisse ? J'ai mon mot à dire là-dedans, tu ne crois pas ?

A son ton, Sirius comprit tout de suite qu'elle ne plaisantait pas et que son père marchait sur une couche de glace très mince : il pouvait passer à travers à tout instant. Pourtant, il se contenta de passer une main dans sa barbe, l'air peu ébranlé. La force de l'habitude après trois décennies de mariage ? Sûrement.

- C'est de cela dont je voulais te parler de toute façon. Les plans devront subir un contre-temps, la fille Fawley n'est plus une option dans l'immédiat.

- Quoi ?

- Tu as bien entendu, Regulus me l'a dit lui-même. Tu auras tout le loisir de lui trouver une remplaçante. Tu vois, tu auras ton mot à dire. Satisfaite ?

Prise au dépourvu, sa mère cilla et se mit à marcher en rond, sourcils froncés. Il la perdit de vue plusieurs secondes, mais il pouvait voir son père. Il regardait sa femme, impassible et impatient à la fois, et Sirius en profita pour encaisser lui-même la nouvelle. Un mariage. Il aurait dû s'y attendre, mais il avait cru avoir plus de temps. Comme sa mère l'avait justement dit pour une fois, Regulus n'avait que seize ans et, malgré les apparences, il n'étaient plus au XVIe siècle. Même les Black laissaient un peu plus de temps à ses membres. Bellatrix, à vingt-sept ans, en était la preuve vivante et même Narcissa avait pu attendre quelques années avant de considérer les choses plus sérieusement avec Lucius Malefoy. Il ne comprenait pas pourquoi son grand-père – puisqu'apparemment l'idée émanait de lui – était si pressé de marier Regulus. L'idée était perturbante. Merlin, il s'agissait de son petit frère, celui qui dévalait encore les escaliers il n'y a pas si longtemps. Un jour, peut-être, il lui avouerait que c'était lui qui l'y avait poussé et non Bellatrix...

- Bien, alors les plans avec la petite Fawley tombent à l'eau, très bien, reprit soudain sa mère, méthodique. Ce n'est pas un drame, il n'a pas encore terminé Poudlard et il y a d'autres partis intéressants. Au risque de me répéter, nous avons le temps.

- C'est là que tu te trompes peut-être...

La voix de son père avait beau être prudente, Sirius tiqua en même temps que sa mère. Elle se tourna à demi vers lui et haussa un sourcil en une expression exagérée.

- Oh je me trompes ? répéta-t-elle, acerbe. Dans ce cas éclaire-moi, Orion. Vais-je enfin apprendre ce que ton père et toi mijotez dans mon dos depuis des semaines ?

- Nous ne faisons rien de la sor...

- Arrête-toi tout de suite et fais-moi le plaisir de ne pas me prendre une idiote. Si tu crois que je ne me rends pas compte de ce qui passe sous mon toit ou de ce qui concerne mon mari, détrompe-toi.

Elle avança jusqu'à venir se planter devant lui, attendant une réponse, et Sirius dû reconnaître que son père ne flancha pas.

- Nous ne te cachons rien, maintint-il d'ailleurs avec autorité. Seulement ce sont des affaires d'hommes.

- Je vois... Dans ce cas, explique à la pauvre femme que je suis ce dont il s'agit.

Elle se moquait clairement de lui. En réponse, un tic agita le coin de sa bouche et il grommela entre ses dents serrées :

- Tu n'as jamais été une « pauvre femme » un seule jour de ta vie et je n'oserai pas le penser. En l'occurrence, il s'agissait de... succession. De patrimoine, pourrions-nous dire. Nous avons un petit problème juridique et, de nous deux, j'étais simplement le mieux placer pour m'en occuper.

- De succession, hum ? Un rapport avec notre... désaccord ?

- Partiellement, concéda-t-il.

Sirius resta perplexe une seconde avant que l'évidence ne le frappe. Elle parlait du désaccord à son sujet, celui qu'elle avait confié à la tante Lucretia tout l'heure. Il n'arrivait pas encore à vraiment y croire. Il n'était pas déshérité, pas sur le plan juridique, et ce constat était autant déconcertant qu'aberrant pour tous les partis impliqués dans la débâcle qu'avait été sa fugue.

- Il se trouve que mon père commence à se pencher sur son testament. Il n'est plus tout jeune et son assistant juridique lui a conseillé de le faire. Il m'a convoqué avec ma sœur. (Marquant une pause, Orion sembla peser ses mots un instant et finit par reprendre d'une voix grave). En tant que fils aîné, la plupart de ses biens me reviendront bien évidemment. Des biens que je pourrais moi-même transmettre le temps venu. Or, ce temps... pourrait venir plus vite qu'attendu.

- Plus vie que... ? Orion ?

- Ce n'est pas la peine de tomber dans le sentimentalisme, ni même de tenter de deviner le futur, s'empressa-t-il d'ajouter, sévère. Mes médicomages sont eux-mêmes incertains, mais il semblerait que j'ai hérité du cœur fragile dont souffrait cette pauvre Callidora. Cela pourrait m'être fatal aussi bien dans deux mois que dans quinze ans.

Il prononça les derniers mots avec fatalisme et fermeté, tel un politicien énonçant une vérité impossible à combattre. Sirius en resta immobile, incapable de bouger le moindre muscle, et il posa à nouveau les yeux sur sa mère juste à temps pour voir son expression vaciller. Deux mois ou quinze ans... Ce n'était pas la même chose. Il y avait un écart, un gouffre, une myriades de souvenirs à faire entre ces deux temporalités.

Au fond de lui, Sirius ressentit un coup au cœur, mais le coup était atténué par des années de confrontations, de châtiments corporels et de mots cruels. Il n'allait pas pleurer sur le sort d'un homme qui le méprisait depuis qu'il avait onze ans.

- Tout ça est donc incertain, reprit soudain son père, rompant le silence installé. Le problème est que mon père déteste l'incertitude et a commencé à regarder nos comptes, nos documents confidentiels, ce genre de choses. Il n'a évidemment rien trouvé puisque tout est géré depuis plus de vingt ans avec la plus grande attention de ma part. Seulement... (Il marqua une nouvelle pause, mal à l'aise, et reformula). Comme tu le sais pertinemment, j'ai pris la décision de léguer ce qui revient à l'héritier légitime tout ce qui va avec la fonction de chef de famille... Mon père est bien sûr d'accord avec cette décision, c'est une tradition ancestrale.

Cette information parut faire sortir sa mère de sa torpeur. Elle vrilla ses prunelles sombres sur son mari et Sirius trouva la vision si familière qu'il frissonna. Ce regard hantait encore ses nuits parfois.

- Laisse-moi deviner, persiffla-t-elle, il y a simplement un problème avec cette tradition, n'est-ce pas ? Ou du moins il y en a si tu n'as toujours pas pris la mesure qui s'imposait en faisant de Regulus l'héritier officiel par voie légale. (Elle leva la main, l'empêchant de la couper). N'essaye pas de noyer le strangulot, Orion, je sais comment tout cela fonctionne. Les contrats de succession ont été rédigés et ensorcelés siècle après siècle, toujours le même. Les modifier n'est pas simple, mais pas impossible ! Si tu ne t'en occupes pas, ça ne servira à rien de marier Regulus et Arcturus le sait très bien. Il t'offre un contre-temps inespéré en mettant fin à son histoire avec la fille des Fawley.

- Je le sais bien, qu'est-ce que tu crois ? Ces choses-là prennent du temps c'est tout ! Et mon père n'est pas avare de commentaire sur la question, rassure-toi, Walburga. Je ne suis pas prêt d'oublier l'échec que ce changement de succession représente pour lui et pourtant je ne peux pas me défendre par égard pour toi ! Alors par pitié, épargne-moi tes leçons !

Comme à son habitude, il n'avait pas élevé la voix, pas vraiment, mais son ton glacial et ferme faisait passer le message. Sa mère ne parut pas ravie et ses traits se contractèrent sous le coup de la colère.

- Par égard pour moi ? répéta-t-elle, tranchante. Je peux savoir ce que c'est censé vouloir dire, Orion ?

- Tu le sait très bien.

De la façon dont il le dit, Sirius eut l'impression que la raison était effectivement évidente et il retourna son attention vers sa mère, perplexe. Pourquoi est-ce que son père prenait le blâme de la part de grand-père Arcturus par égard pour sa mère ? Ca n'avait pas de sens... Pourtant celle-ci eut soudain un éclat de compréhension sur son visage et lâcha un rire dépourvu de chaleur.

- C'est dont cela, n'est-ce pas ? fit-elle. Les remarques que te fait ton père ne sont pas le problème ; le problème c'est que tu penses qu'il devrait me les adresser à moi. (Elle secoua la tête, agacée, avant d'ajouter avec hargne). La vérité, Orion, c'est ce que tu ne m'as jamais pardonné !

- C'est ce que tu penses ?

- C'est ce que je crois et ce que j'observe depuis presque trois ans. A tes yeux, je serais toujours responsable de la fugue de Sirius et tu n'arrives pas à me le pardonner.

- Je n'ai jamais dit...

- Tu n'en pas besoin ! cria-t-elle. Tu me le fais sentir un peu plus chaque jour. A chaque fois que tu reviens d'un déjeuner avec ton père ou ton conseiller juridique ; à chaque fois que le mariage de Regulus est évoqué ; à chaque fois que tu passes devant la tapisserie ! Comme si j'étais la seule responsable, comme si tu n'avais pas eu le courage d'aller le récupérer chez les Potter par fierté !

Ça y est, l'illusion d'une conversation civilisée vola en éclat et la voix perçante de sa mère se grava en Sirius avec l'écho des souvenirs. Il avait bien souvent été celui en face qui recevait ses cris et il serra les poings, tendus. Il ne s'était pas attendu à entendre ça... Jamais il n'avait pensé que ses parents avaient même pensé à l'idée de venir le récupérer quand il était parti. Ce soir-là avait été tellement définitif. Ça avait été le résultat de ses nerfs poussés à bout, du spectacle de leur famille, de leur volonté de l'envoyer chez les mangemorts, de l'ultimatum lancé par sa mère...

Même si ses sensations n'étaient plus qu'un souvenir flou, brouillé par le temps et le choc, il se souvenait encore de chaque mot. « Si tu passes cette porte, ce n'est pas la peine de revenir. Tu seras déshérité à la minute où tu passeras ce seuil ». Il avait cru à cette promesse. Ce soir-là, sa dernière confrontation avec les Black s'était cristallisé en la personne de sa mère. Walburga Black, incapable de vivre pour autre chose que sa famille et son idéologie, lui avait tenu tête et n'avait pas flanché un seul instant. Personne n'était intervenu. Pas son père, pas Arcturus, pas Bellatrix. Regulus lui-même avait été à court de mot au moment de faire un choix et Sirius était donc parti. Il n'avait jamais songé que la décision n'avait pas été accepté par tout le monde et son père lui donna raison en dévisageant sa mère ouvertement :

- Qu'est-ce que tu voulais que je fasse, Walburga ? s'énerva-t-il. Aller le chercher chez les Potter, tu dis ? Et reconnaître l'humiliation que tu as imposé à notre famille sous notre toit sans me consulter ? Imagine ce que mon père aurait dit !

- Je me fiche de ce qu'il aurait dit ! J'aurais été effacer l'air suffisant d'Euphemia Potter moi-même si tu m'avais laissé faire !

- Mais ma pauvre, je sais reconnaître une cause perdue quand j'en vois une ! Sirius ne serait pas revenu, jamais ! Tu l'avais déjà rayé de la tapisserie, tu lui avais dis que tu aurais dû l'étouffer à la naissance !

- Il nous provoquait !

- Non ! Tu t'es laissée provoquée par un gamin de seize ans, comme d'habitude ! Parce que tous les deux vous êtes pareils ! Et à cause de ça, j'ai perdu mon héritier !

L'accusation claqua, implacable, et Sirius se sentit soudain engourdi. Il avait la sensation d'assister à la scène à travers un miroir déformé, incapable de vraiment comprendre les émotions brûlantes que ses parents se jetaient à la figure. Il était à la fois au centre et en périphérie de cette dispute.

Pendant une seconde, il crut que tout avait été dit. Le silence s'étirait, lourd, et creusait un vide entre eux tous, même si ses parents ignoraient sa présence. Pourtant, sa mère répondit. Et quand elle le fit, elle n'éleva pas la voix. Ce fut encore plus glaçant.

- Ton héritier ? souffla-t-elle, livide. (Elle traversa la distance qui les séparait et vint repousser son père des deux mains, le faisant vaciller. Elle avait le visage déformé par une rage enfouie et le fusilla du regard). Ton héritier ? répéta-t-elle à nouveau. Tu as perdu ton héritier, Orion ? Mais mon pauvre... Moi j'ai perdu mon premier-né !

Sa voix se brisa. Impuissant, son père ne put que l'observer, les yeux écarquillés, alors qu'elle se détournait. Sirius devait avoir la même expression, tétanisé. C'étaient toutes ses croyances qui s'effondraient sous ses pieds et il se décala pour garder sa mère dans son champ de vision, incapable de la lâcher maintenant. De dos, il la vit enrouler ses bras autour de ventre comme pour retenir quelque chose qui y avait un jour été mais n'était plus. Cette vision le rendit malade et il se sentit brusquement oppressé entre les quatre murs de son armoire.

Jamais il ne l'avait vu manifester autant d'émotions. Elle ne devait se le permettre qu'en présence de son père et il en fut presque mal à l'aise. Il n'aurait pas dû être témoin de cette faiblesse. Pour la première fois, elle ressemblait à une mère, alors même qu'elle n'était plus la sienne depuis longtemps. Ce paradoxe lui faisait vriller l'esprit.

Avec prudence, son père osa s'approcher d'elle après plusieurs secondes. Lentement, il effleura ses épaules, mains tendues et murmura :

- Walburga, s'il te plaît, je ne voulais pas...

- Arrête. Tu savais très bien ce dont tu m'accusais, nous le savons tous les deux. Ce n'est pas la peine de prétendre l'inverse.

- Peut-être, mais ta souffrance ne me réjouit pas, bien au contraire. Allons.

Il ne la brusqua pas et la fit se retourner avec des geste doux avant de l'enlacer. Contre toute attente, elle se laissa faire. Sirius n'avait peut-être pas vu ses parents aussi proches depuis l'enfance.

- Tu crois que c'est vraiment ma faute... ? murmura soudain sa mère, si bas qu'il eut du mal à attendre derrière les portes de l'armoire. J'avais attendu tellement longtemps de tomber enceinte. Onze ans... Et quand il est arrivé, tout le monde avait un avis sur la façon de l'élever. Je m'en rendais malade, ma mère était tout le temps chez nous, ton père me reprochait de mal faire avec l'héritier des Black...

- Burga...

- Et lui... Merlin, il était un petit garçon tellement turbulent. J'avais beau faire tous les efforts du monde, il refusait de m'écouter, je le repoussais, il revenait avec une nouvelle bêtise... C'était infernal. (Elle se prit le visage entre les mains, secouée). Tu crois qu'il le sentait ? ajouta-t-elle. Que je n'arrivais pas à l'aimer comme j'aurais dû ?

- Voyons, ne dis pas ça, protesta son père. Je n'étais pas non plus assez présent, je te laissais face à toutes les remarques de la famille...

- Mais c'était si différent avec Regulus ! Plus personne ne s'en mêlait, il était vraiment à moi ! Il voulait toujours bien faire... Il était sage et me disait qu'il m'aimait... Il me le laissait le prendre dans ses bras.

- Walburga, arrête de repenser à tout ça. Ça n'a plus de sens aujourd'hui...

Non, plus rien ne faisait sens, songea Sirius. Il avait un goût de cendres dans la bouche. Il ne voulait plus entendre un mot. C'était trop... Parce qu'il savait tout ça, il avait été là. S'il ne s'était pas entendu avec sa mère, c'est parce qu'elle criait effectivement tout le temps. Il ne faisait jamais les choses assez bien pour elle. Il ne savait pas qu'elle se prenait elle-même des reproches derrière, mais il savait qu'elle avait une affinité envers Regulus qu'ils n'avaient pas ensemble. Au moins, leur père les avait traités avec la même rigueur et les mêmes attentes. Tout ça était absurde de toute façon.

Bouleversé, il regarda ses parents se recomposer un visage neutre, ensemble. Il prenait conscience seulement maintenant à quel point ils formaient un duo efficace tous les deux... Une minute plus tard, personne n'aurait pu deviner la crise à laquelle ils venaient d'être confrontés et ils sortirent enfin du cabinet de travail pour retourner à la fête. Sirius expira un souffle tremblant.

Il s'autorisa enfin à se laisser glisser au sol, ouvrant les portes de l'armoire d'un coup de pied. La lumière et l'air frais le frappèrent avec soulagement. Il n'arrivait plus à penser. C'était trop. Trop, trop, trop... Il les détestait. Ils n'avaient pas le droit de lui faire ça, pas maintenant, et leurs sentiments ne changeaient la façon dont ils l'avaient traité pendant des années. Merlin, il aurait voulu que les Maraudeurs soient là... James aurait compris.

Pile au moment de cette pensée, il sentit le miroir chauffer dans sa poche. Il l'en sortit d'une main tremblante. Peut-être que tout son corps tremblait de toute façon... L'esprit embrumé, il le leva à hauteur de son visage et vit soudain apparaître celui de Marlène.

- Eh, est-ce que tout va... ? commença-t-il.

- Sirius ! J'ai besoin d'aide !

- Quoi ?

- C'est Mulciber, il...

La voix de Marlène s'éteignit aussi brusquement qu'elle était apparue et il eut juste le temps de voir ses yeux remplis d'appréhension avant qu'elle ne disparaisse. Il s'accrocha au miroir, le cœur battant.

- Marlène ? appela-t-il. Marlène !

Il ne reçut aucune réponse.

***************************************************

TA DA ! Alors ? Vos ressentis ? 

J'avoue, j'ai fangirlé toute seule avec le couple Marlus... Je suis incapable de les lâcher, je m'y suis trop attachée, et les concrétiser toujours un peu plus dans ce tome me plaît énormément don j'espère que vous ressentez la même chose. 

Quant à la deuxième scène du chapitre... Ah les Black ! Leur tragédie, leur dramaturgie... J'ai voulu apporter de la nuance à Orion et Walburga qui sont aussi des parents qui se battent avec des émotions contradictoires sous le poids de leurs convictions et du devoir. La réplique de Walburga notamment, celle sur la perte de son premier né, a été une de mes préférée à écrire à cause de son intensité. 

Ensuite pour la grande annonce inattendue et épique promise.... 

*Roulement de tambour

Il se pourrait qu'ATDM ait un tome 4. 

J'explique. Hier, j'ai eu une grande séance de brainstorming avec Ophélie aka ma bêta/meilleure amie et je me suis rendue d'une chose : on est seulement au mois de novembre 1978 au chapitre 20 ! Perri me l'avait déjà dit et je me rends à l'évidence: ça va être long. Si je veux aller jusqu'en août 1980 ça va être interminable donc il vaut sans doute mieux que je coupe en faisant comme pour les deux premiers tome, à savoir un tome = une année. Donc tome 3 jusqu'à mi 1979 puis tome 4 jusqu'à la naissance de Harry en 1980. Dites-moi ce que vous en pensez : vous préférez un seul tome mais sûrement hyper long ou deux tomes en fonction des années ?

Sinon, j'ouvre ici une section de remerciements ou de mots adressés à Ophélie pour son intervention dans la continuité de cette histoire haha -- >

Et sinon on se retrouve dans 2 semaines ^^ 


Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top