Tome II - Chapitre 34: L'espoir meurt en dernier



Alors ^^ Je suis en retard, mais pour une fois j'ai une bonne raison puisque j'ai déménagé la semaine dernière (enfin y'a presque 2 semaines maintenant) et ça m'a pris énormément de temps donc je n'ai pas réussi à écrire le chapitre pour samedi dernier. Heureusement, il est terminé là !

Merci à tous pour vos retours et bonne lecture!!

Chapitre XXXIV : L'espoir meurt en dernier

Lorsque Remus vit James et Lily passer le trou du portrait et rentrer dans la salle commune, il comprit immédiatement que quelque chose était arrivée. Leurs vêtements étaient déchirés, leurs mains égratignées... Lily avait même des brindilles dans les cheveux et un filet de sang coulait le long de son poignet. Pourtant, ils souriaient et aucun d'eux ne paraissait blessé gravement.

Soulagé, il laissa échapper un soupir reconnaissant. Sa réaction fit se retourner Sirius et Peter qui dévisagèrent le couple à leur tour.

- Bon sang, où est-ce que vous étiez ? S'exclama Sirius.

- Le dîner a commencé depuis quinze minutes....

- On se fiche du dîner, Pete ! Vous avez disparu pendant des heures ! Qu'est-ce que t'as été faire dans la Forêt Interdite ? Sans nous ?

Remus aurait voulu corriger, le « sans nous » n'était sans doute pas nécessaire, mais il se contenta de s'enfoncer un peu plus dans son fauteuil. Il savait pertinemment pourquoi James était allé dans la forêt. Pour lui.

- On a eu un léger contretemps, répondit James en se passant une main dans les cheveux. Désolé.

- Quel contretemps... ? Commença Peter.

La voix de Sirius couvrit la sienne.

- Désolé ? Bon sang, Cornedrue, pourquoi tu ne m'as pas attendu ?

- Tu étais à l'hôpital, je pouvais m'en occuper tout seul, dit-il, surpris.

- Comment va Alexia ? Intervint Lily. Et où est Marlène ? Vous êtes revenus ensemble ?

- Elle va mieux, elle revient à la fin de la semaine... expliqua Remus d'une voix posée en voyant que Sirius était toujours agacé. Et Marlène est partie manger avec Dorcas, on a préféré attendre que vous reveniez.

La salle commune autour d'eux était effectivement déserte, tout le monde étant descendu il y a plusieurs minutes. Remus avait rassuré les filles et leur avait dit qu'ils les rejoindraient une fois que James et Lily seraient revenus. Elles avaient hésité, mais sans aucune raison concrète pour s'inquiéter la faim l'avait emporté.

- J'ai hâte qu'elle revienne, dit Lily en soupirant. Par contre, avant d'aller manger, il faut que je passe me changer. Et me laver les mains.

Pour leur montrer, elle leva ses mains devant elle et Remus remarqua qu'elles étaient pleines de terre et de sang séché. Son estomac se contracta.

- Merlin, qu'est-ce qui s'est passé ?

- On a dû... monter dans un arbre. C'est juste des égratignures.

- Monter dans un arbre ? Répéta Peter. Pourquoi ?

- Des centaures, révéla James, un brin trop enthousiasme. Tout un troupeau, Pete ! T'aurais dû voir ça !

- James, c'était tout sauf une partie de plaisir. Arrête.

- Désolé...

Remus laissa un échapper un rire étouffé. Il n'était pas surpris, après tout lorsque James avait appris pour sa lycanthropie, une fois le premier choc passé, il s'était exclamé que c'était quand même cool d'avoir un ami loup-garou. Puis, il n'avait rien trouvé de mieux que de se transformer illégalement en animagus pour rester avec lui pendant les pleines lunes. En comparaison, un troupeau de centaure n'était pas grand-chose.

- Et vous êtes juste restés en haut d'un arbre pendant deux heures ?

- Au moins plus d'une heure en tout cas, dit Lily. Mon dos peut en attester... Tout ça pour une maudite clairière que tu aurais pu aller chercher à un autre moment... Et on dit que les cerfs sont intelligents.

- Eh ! Protesta James en lui donnant un coup de coude.

Remus sursauta. Abasourdi, il crut une seconde avoir mal entendu, mais Sirius dévisagea Lily aussi et Peter blêmit, les yeux écarquillés.

- Qu'est-ce... qu'est-ce que tu as dit ? Murmura-t-il, le cœur battant.

- Que j'avais mal au dos...

- Non après... Le cerf... Comment tu... ?

- Oh ! S'exclama James. Elle sait ! Je lui ai montré Cornedrue.

- Tu as fait quoi ? S'étrangla Sirius.

Il s'avança brusquement vers James et Lily, l'air aussi stupéfait que Remus devait sûrement l'être. Face à face, le regard des deux garçons s'accrochèrent et il eut à nouveau le sentiment que quelque chose n'allait pas au-delà de la simple mésaventure avec les centaures. Sirius semblait à bout, nerveux, sur les nerfs...

- James, personne ne devait...

- Il fallait qu'on sorte de la forêt, coupa-t-il. Cornedrue était le moyen le plus rapide. Je sais ce qu'on avait dit, Patmol, mais Lily ne dira rien.

- Je le promets, intervint-elle. Ce que vous avez fait pour Remus... Peu importe si c'est illégal, je trouve ça incroyable. Dangereusement stupide, mais incroyable quand même...

- Et ça devait rester entre les Maraudeurs ! On risque de se faire jeter à Azkaban, James ! Toi le premier, tu avais dit que personne ne devait être au courant en dehors de nous. Ce n'est pas contre toi, Lily, ajouta-t-il, mais ce n'est pas parce que vous êtes ensembles depuis trois mois qu'elle peut connaître tous nos secrets !

- Parce que d'après toi j'aurais dû aller le dire à Rogue en premier ?

La question jeta un froid brutal. Tout le monde se tendit et Remus tressaillit. C'était un coup bas, mais il savait que remettre en cause Lily était un point sensible pour James qui avait fait de la confiance envers les gens qu'il aimait une valeur essentielle. Et même si l'incident du saule cogneur avait été pardonné il y a longtemps, personne ne l'avait oublié.

- Je... je ne voulais pas dire ça, murmura James. Patmol...

- Va te faire voir.

Remus écarquilla les yeux. Dans un même mouvement, ils dévisagèrent tous Sirius. Lui-même semblait surpris de son éclat de colère envers son meilleur ami.

- Sirius, intervint-il prudemment. Tu devrais peut-être aller dormir, on en parlera demain matin...

- Je n'ai pas besoin de dormir ! Merlin, personne ne voit le problème ?

- Lily ne dira rien, elle savait déjà pour la lycanthropie...

- Et maintenant qu'elle sait, elle risque autant que nous ! Alors quoi ? On entraîne tous nos amis en prison ? On manque tous de se faire tuer par des centaures sans en parler aux autres ?

- Tu dramatises un peu, Sirius, commenta Peter. Ils n'ont rien, juste des égratignures. T'as déjà eu pire.

Du coin de l'œil, Remus vit James approcher lentement. Presque prudemment, il força Sirius à croiser son regard.

- Eh Patmol... ça va ? T'es sûr qu'Alex... ?

- Elle va bien, coupa-t-il, cassant. C'est juste...

- Juste ?

- J'ai rencontré Orion à l'hôpital... Il était là avec toute ma famille. Genre, vraiment toute. Et disons que mon père n'a pas changé...

- Quoi ? Mais tu lui as parlé ?

- Il m'a parlé, corrigea Sirius. Et comme d'habitude, il avait son avis sur tout. Rien de bien nouveau...

Remus commençait à comprendre ce qui s'était passé. Il n'en avait plus l'habitude depuis la fugue de Sirius, mais il reconnaissait les signes de malaise et de renfermement qu'il montrait quand il était question de sa famille ou un d'un sujet sensible.

- Et il a dit quelque chose en particulier ? Demanda-t-il d'un ton neutre.

- Une connerie sur l'héritage, le respect... Il... Il a dit que je serai toujours son fils, peu importe ce que je ferai... Comme si je ne pouvais jamais lui échapper...

- Il peut dire ce qu'il veut, c'est faux, contra Lily. Tu as choisis pour toi-même.

- Pour moi-même, oui, répéta-t-il vertement. J'avais justement choisis pour moi-même de garder le secret des animagi.

- Sirius, gronda James, agacé. On avait fait le choix ensemble et je suis désolé, mais Lily commençait à se douter de quelque chose. Si je ne lui avais pas dit ce soir, elle l'aurait deviné assez vite, comme pour le loup-garou. Tout le monde va bien, personne n'aura de problème. Affaire réglée.

Au vu de l'expression de Lily, Remus devina aisément ce qu'elle pensait. Elle n'aurait sans doute pas deviné si facilement. Les animagi étaient rares dans le monde sorcier, très rares. Le processus était mal connu et surtout dangereux. Malgré toute son intuition et son intelligence, il n'était pas sûr que Lily ait su à percer leur secret si James ne l'avait pas mis dans la confidence. Dans le fond, ça ne le dérangeait pas. Il l'avait fait par nécessité, pour se sortir de la Forêt, et il savait que Lily était digne de confiance. Elle le lui avait maintes fois prouvé.

Sirius laissa échapper un rire proche de l'hystérie qui ne le rassura pas. Son manque de sommeil se lisait clairement sur ses traits et Remus se demanda une seconde s'il n'avait pas l'air fiévreux.

- Affaire réglée ? Oh Morgane... Pourquoi vous ne réfléchissez jamais aux conséquences ? Pourquoi vous agissez sans penser aux autres ? Qu'est-ce que j'aurais fait si vous n'étiez pas ressortit de la forêt ?

- C'est un peu St-Mangouste qui se moque de la charité, lança Peter impulsivement. Toi aussi tu...

- On ne parle pas de moi, Queudver ! Je ne suis pas responsable, ce n'est pas ma faute...

Remus haussa un sourcil. Les phrases de Sirius devenaient de plus en plus confuses.

- On n'a pas dit que c'était de ta faute, dit James, perplexe. Calme-toi sérieusement ; tout le monde va bien, personne n'est mort, personne n'a tué quelqu'un...

Ce qui n'était qu'une simple plaisanterie parut être le déclencheur. Brusquement, les lumières vacillèrent, plongeant la salle commune dans le noir durant une fraction de seconde, et une tasse laissée sur la table basse explosa en une pluie de fragments. Lily laissa échapper un cri effrayé. Instinctivement, Remus porta sa main vers sa baguette, mais il arrêta son geste en voyant Sirius chanceler.

Il était d'une pâleur extrême, le visage contracté et il semblait sur le point de vomir. La sueur plaquait ses mèches sombres contre sa peau. James le saisit par le coude, inquiet.

- Sirius...

- Il... il est brûlant... murmura Lily en lui posant une main délicate sur le front tandis qu'il se laissait tomber sur le canapé.

- Sirius, sérieusement, tu devrais aller t'allonger. Tu es épuisé...

- Il... il l'a tué... c'était lui...

- Quoi ?

- Qu'est-ce qu'il a dit ? Demanda Peter.

Sirius plongea sa tête dans ses mains, les épaules défaites.

- J'ai vu la marque sur son bras... Il l'a fait, il les a rejoints. Et c'est lui qui a tué Gemma. Je...

Une sensation glacée se répandit au creux du ventre de Remus en comprenant de qui Sirius parlait. Il croisa le regard de James dans lequel se reflétait son propre sentiment d'horreur. Derrière le dossier du canapé, Peter hoqueta.

- Je ne pensais pas... j'étais sûr qu'il n'irait pas jusque-là.

- Je... je ne comprends pas, intervint Lily d'une voix faible. Qu'est-ce qui se passe ?

- Tu ne peux rien dire, ordonna Sirius avant même que l'un d'eux puisse répondre. Si tu sais si bien garder des secrets, Evans, alors garde celui-ci. Personne ne doit savoir, il ne peut pas... il...

- Il ne peut pas s'en sortir comme ça, coupa James, tremblant. Si... s'il a vraiment tué Gemma, les Aurors doivent...

- Non ! Non, James !

- Tu ne peux pas le protéger pour ça ! C'est un meurtre !

- Ça ne la ramènera pas !

- C'est une question de justice, pense à sa famille, à son frère !

- Je pense au mien !

James se détourna, agité. Il se mit à faire les cents pas et Remus le suivit des yeux, incapable de vider son esprit et de penser clairement.

- Il a seulement seize ans, James, croassa Sirius. Il ne peut pas payer pour le reste des mangemorts. Il va servir d'exemple pour tous les sangs-purs qui se sont engagés auprès de Tu-Sais-Qui. L'affaire a fait la une de la Gazette ; le mangenmagot va le condamner au baiser du détraqueur pour satisfaire l'opinion publique... Il a peut-être jeté le sort, et crois-moi je le déteste pour ça, mais je... c'est mon petit frère...

Le dernier mot, à peine un murmure, resta suspendu entre eux. Lily était blême, mais elle resta silencieuse, et Remus se douta qu'elle avait dû comprendre ce dont ils parlaient. Peter tentait visiblement de disparaître derrière un fauteuil, comme s'il avait peur qu'on lui demande son avis, et lui-même se sentit incapable de parler.

D'un geste lourd de sens, il se contenta de poser une main réconfortante sur l'épaule de Sirius. Son soutien sans mot ne passa pas inaperçu. James se figea. Remus soutint son regard. Il savait ce que ça faisait de commettre des actes dont on n'était pas réellement responsable, de se sentir comme le pantin d'une force extérieure qui vous entraînait, qui était trop forte pour lutter contre elle.

- Tous les mangemorts sont responsables de la mort de Gemma, Tu-Sais-Qui aussi. Regulus ne peut pas payer pour eux tous... dit-il calmement.

- Alors quoi ? Il s'en sort sans rien ? Gemma n'aura jamais de justice ?

- Il y a des sorts pires que la prison ou la mort, souffla Lily dans un filet de voix. Son acte le hantera toute sa vie, il a perdu Sirius, il n'a plus le choix de son avenir... Il ne s'en sort pas sans rien, James.

Devant tous leurs regards insistants, James poussa un soupir résigné. Il se passa une main dans les cheveux, comme s'il luttait intérieurement, mais Remus connaissait déjà sa décision. Il ne le faisait pas pour Regulus, il le faisait pour Sirius.

- Très bien... murmura-t-il. Comme vous voulez...

Sirius laissa échapper un soupir de soulagement. Il avait l'air prêt à s'évanouir.

- Je vais... je vais aller marcher... J'ai besoin....

- James... dit Lily en secouant la tête.

- Je ne sors pas du château, la rassura-t-il. J'ai vraiment juste besoin de marcher pour me vider la tête. Je reviens avant le couvre-feu, promis. Et va dormir, Patmol. Sérieusement.

Remus aida Sirius à se remettre sur ses pieds.

Avec tendresse, James embrassa Lily avant de s'approcher d'eux. Sans cérémonie, il étreignit Sirius et ce dernier s'accrocha brièvement à son meilleur ami, reconnaissant. Si proche, Remus entendit ce que James lui glissa à l'oreille :

- Ce n'est pas de ta faute, Patmol...

Puis il se dégagea comme si de rien était. Il traversa la salle commune, le pas lourd. Lui aussi paraissait épuisé après sa course poursuite avec les centaures, mais Remus ne pouvait pas lui reprocher d'être incapable d'aller dormir tout de suite.

James allait atteindre le portrait lorsqu'il s'arrêta soudainement. Remus fronça les sourcils.

- Marlène...

Son cœur loupa un battement. Il ne l'avait pas vu. Il n'avait pas regardé, ni pensé à jeter un sonorus autour d'eux. Pourtant, Marlène était bien là. A moitié dissimulé dans l'ombre dans le passage qui faisait le lien entre l'entrée et la salle commune, elle avait deux assiettes à la main. Des larmes emplissaient ses yeux.

- Je... je venais vous apporter à dîner, à toi et Lily... Vous... vous aviez loupé les plats... Je ne voulais pas écouter... Regulus...

- Qu'est-ce que tu as entendu ? Depuis combien de temps... ?

Remus sentit son ventre se contracter. Si elle avait entendu pour les animagi aussi...

- Juste... juste Regulus.... et Gemma... Oh Merlin...

- Marlène... dit Sirius, la voix rauque.

Il voulut s'avancer vers elle, mais Marlène émit un sanglot étouffé, comme une bête blessée. D'un mouvement heurté, elle mit les assiettes qu'elle tenait dans les mains de James qui n'eut pas le temps de réagir avant qu'elle ne tourne les talons dans un tourbillon de cheveux blonds. Elle s'enfuit en courant.

Par réflexe, James amorça un geste pour la rattraper, mais la voix de Lily s'éleva.

- Laisse-la, intima-t-elle. Ça ne sert plus à rien, elle sait...

- Mais si elle le dénonce ?

- Elle ne le fera pas...

- Comment tu peux en être si sûre ? Dit Sirius, nerveux.

Les yeux de Lily se perdirent dans le vague et les flammes de la cheminée jetèrent des ombres sur sa peau blanche.

- Parce qu'elle tient à lui autant que toi....

**

*

- Tu m'avais promis ! Tu m'avais promis, Black !

Regulus sursauta en entendant la porte claquer contre le mur et il releva la tête juste à temps pour voir Marlène entrer dans leur salle de classe vide, le visage ravagé par les larmes. Il bondit sur ses pieds.

- Marlène...

- Je te déteste ! Hurla-t-elle. Je te déteste !

- Je...

Elle se jeta sur lui. Regulus ne vit pas le coup venir. Une seconde, il tendait la main vers elle, celle suivante, une vive douleur explosait contre sa peau. La gifle de Marlène raisonna dans l'air. Lentement, il porta ses doigts à sa joue.

- Qu'est-ce qui te prend ? S'emporta-t-il. T'es folle ?

- Tu l'avais prévu depuis le début, c'est ça ? Les promesses, les doutes, tout ça... C'était des paroles en l'air ? Tu te moquais de moi depuis le début ?

- De quoi... ?

- Je parle de ça, Reg !

D'un geste brusque, elle lui attrapa le bras et il sentit ses ongles s'enfoncer dans sa chair. Il siffla, essayant de se dégager, mais elle releva sa manche avant qu'il n'ait pu s'écarter. Ses yeux tombèrent sur la marque qui s'étalait sur son avant-bras et son souffle se bloqua dans sa gorge. Les orbites vides semblaient le défier, comme si Gemma s'était imprimée en lui au-delà de la mort, fidèle à sa promesse : « quand mon petit frère pleurera ma mort, ne détourne pas la tête, tu seras responsable ». Elle avait eu raison. Il n'arrivait pas à oublier ce qu'il avait fait, à détourner la tête. Il avait appris à vivre avec.

Pourtant, en voyant les yeux embués de larmes de Marlène, un goût de cendre se répandit dans sa bouche.

- Laisse-moi t'expliquer, souffla-t-il. McKinnon, s'il te plait...

- Je t'ai défendu ! Tout le monde me disait que j'avais tort et je t'ai défendu, je n'ai pas cessé de croire... de croire que tu étais quelqu'un de bien ! Et tu as écouté Rosier, tu les as rejoints...

- Je n'avais pas le choix !

- On a toujours le choix ! S'écria-t-elle à s'en déchirer la gorge. C'est ta vie, tes choix ! Tu as juste été trop lâche pour dire « non » !

- Je ne suis pas lâche !

- Si ! Si, tu l'es ! Je ne te ferai pas l'insulte de dire que tu es idiot et ça rend la situation encore pire !

Regulus trembla.

- Tu ne sais pas ce qui s'est passé ce jour-là... Vous ne savez rien ! Vous ne comprenez rien ! Vous n'écoutez rien !

- Moi ? Moi je n'écoute pas ? Je n'ai fait que ça, de t'écouter ! J'ai passé des heures à te dire que je croyais en toi et que tu valais mieux que ça ! Mais Dorcas avait raison, j'étais juste trop naïve pour voir ce que tout le monde voyait. Sirius a eu raison de partir, il n'y avait rien à sauver !

Il eut l'impression de se prendre une autre gifle et ses poings se crispèrent le long de son corps.

- Tu veux le connaître mon choix, Reg ? Reprit-elle, la voix vibrante de colère. Je vais me battre. Je vais me battre contre eux, contre toi. Alors qu'est-ce que tu vas faire ? Tu vas me tuer ? Tu vas exécuter les ordres ? Vas-y, ne perds pas de temps. Je suis en face de toi !

En prononçant la dernière phrase, Marlène écarta les bras, comme une victime offerte. La même lueur de défi que Gemma Ackerley avait eu avant sa mort brillait au fond de ses yeux. Regulus eut l'impression de perdre pied, que le sol se dérobait sous lui. Il se demanda ce qu'il aurait fait si c'était Marlène que Voldemort lui avait ordonné de tuer ce jour-là, ce qu'il ferait si c'était elle qu'il devait tuer un jour. Il se revit, enfant, le visage collé aux barreaux de l'escalier alors que ses parents hurlaient après Sirius pour une bêtise qu'il avait faite. Comment était-il passé du petit garçon qui tressaillait et retenait ses pleurs à ce qu'il était aujourd'hui ?

Jamais il n'avait vu Marlène si en colère, si déçue. La déception était sûrement pire que sa colère.

- Marlène... s'étrangla-t-il. Je t'en prie...

- Elle t'a supplié aussi ? Gemma ?

- Elle serait morte de toute façon, ils l'auraient tué...

- Ils l'auraient tué, oui sans doute, admit-elle. Pas toi. Ou du moins je le pensais. Je le croyais tellement, Reg...

Elle recula d'un pas et appuya ses paumes contre ses yeux, comme si elle pouvait bloquer la réalité ou peut-être comme s'il allait disparaître de sa vue. La réaction de Sirius avait presque été plus simple, il s'était contenté de le repousser, de lui dire de disparaître définitivement de sa vie. Il y était presque habitué. Marlène était la dernière personne à encore s'accrocher.

- Tu m'avais promis que tu ne me laisserais pas...

- Et tu m'avais promis que tu ne rejoindrais pas les mangemorts, rétorqua-t-elle. Les promesses sont faites pour être brisées apparemment...

- Alors tu es comme lui. Sirius, toi... Vous prétendez, vous promettez, mais vous partez quand même. La noblesse d'âme des Gryffondor c'est ça ?

- Arrête, cingla-t-elle. Ne fais pas comme si je te tournais le dos sans raison. Je me suis battue pour toi, pour être ton amie. J'ai accepté de garder le secret parce que tu avais honte de moi...

- Je n'avais pas...

- ... bien sûr que si, tu avais honte de moi, qu'on nous voit ensemble. Tu avais peur de ce que les autres allaient penser et j'ai fermé les yeux. J'ai accepté de jouer le jeu parce que je voulais sincèrement être ton amie.

- Juste mon amie ?

Regulus se mordit la lèvre. La phrase lui avait échappé et il vit Marlène rougir, une lueur étrange dans le regard. Au bout de quelques secondes, elle détourna finalement la tête.

- Je suppose que ça ne vaut plus la peine de le savoir maintenant, pas vrai ?

- Marlène...

- Je ne comprends pas, tu sais. Je n'arrive pas à comprendre ! Je... Comment est-ce que je ne l'ai pas vu venir ? Comment j'ai pu être aussi idiote ?

- Ce n'est pas ça... Je n'aurais pas pu la laisser...

Il s'interrompit brusquement, mais Marlène fronça les sourcils.

- La laisser ? Répéta-t-elle. Laisser qui ?

- Personne...

- Reg... Tu viens de me reprocher de ne pas écouter et de ne pas comprendre. Je ne peux pas le faire si tu ne parles pas. C'est ta dernière chance.

Regulus sentit son cœur s'accélérer et sa gorge se serrer. Il vit la détermination de Marlène. S'il la laissait passer cette porte sans avoir le courage de parler, il la perdrait pour toujours, comme il avait perdu son frère lorsqu'il était parti de Square Grimmaurd.

Epuisé, il se rassit avec lassitude sur le vieux canapé vert défoncé qui leur servait de refuge.

- Ça risque d'être long... Je ne sais pas si ça suffira...

- C'est à moi d'en juger, répondit Marlène d'un ton dur. Je t'écoute.

Regulus soupira. Les souvenirs de ce fameux jour brumeux envahirent son esprit et il eut l'impression de revoir une autre personne, un étranger qui avait fait ce qu'il devait faire pour survivre.

- Je n'étais pas au courant, commença-t-il, les yeux dans le vague. Rosier m'avait approché quelques mois plus tôt, je ne pouvais plus lui dire non. Et puis je n'ai plus eu de nouvelles jusqu'à ce qu'il revienne à Poudlard avec Bellatrix, ma cousine. Mais je ne suis pas parti seul avec eux ce jour-là, tu te souviens ?

- Oui, peut-être... je... Il y avait Yaxley, non ? Elizabeth Yaxley, la fiancée de Rosier ?

- C'est ça. Elle devait aussi rejoindre les mangemorts.

Marlène tressaillit en entendant le nom.

- Ils... Ils acceptent aussi les femmes ?

- Peu. Bellatrix et Alecto Carrow sont les seules, les autres ne sont que des soutiens lointains, les épouses, mais elles ne font pas partie des rangs. Elizabeth aurait dû être de celles-là, je ne comprenais pas ce qu'elle faisait avec nous. Et puis elle m'a avoué la vérité. Son père voulait faire annuler ses fiançailles avec Rosier, presque la déshériter en l'envoyant à l'étranger pour étouffer le scandale.

- Quel scandale ?

- Elle est enceinte, Marlène, révéla-t-il.

La surprise se peignit sur son visage. Regulus savait qu'il avait promis de ne rien dire, mais il avait confiance en Marlène, et surtout Elizabeth ne pourrait plus garder le secret bien longtemps. Ce n'était qu'une question de semaines avant que les autres ne remarquent son ventre qui s'arrondissait chaque jour un peu plus. Les pulls ne suffiraient bientôt plus à le couvrir.

- Par Merlin... souffla-t-elle. Et elle veut le garder ?

- Apparemment. C'est pour ça qu'elle voulait rejoindre les rangs. Le Seigneur des Ténèbres lui avait promis une protection en échange de sa loyauté, des avantages que donnent son nom et sa réputation à elle et Rosier. Mais elle n'aurait jamais pu, McKinnon. Tu l'aurais vu ce jour-là. Je ne pouvais... je ne pouvais pas la laisser...

- Comment ça ?

- On devait tuer Gemma... Mais penses-y, Marlène. Une seule personne pouvait jeter le sort fatal. C'était elle ou moi. Et le Seigneur des Ténèbres ne voulaient pas vraiment d'Elizabeth comme mangemort, il me voulait moi, il voulait l'héritier des Black. Je n'allais pas laisser une femme enceinte commettre un meurtre...

Marlène déglutit, les larmes aux yeux. L'air frustrée, elle croisa les bras et Regulus sentit son ventre se serrer à nouveau. Il avait envie de se lever, de la retenir physiquement.

- Donc quoi ? Tu as tué Gemma Ackerley par bonté d'âme ?

- Je l'ai tué parce qu'elle était condamnée. Je l'ai tué parce que si ce n'était pas elle, c'était moi. C'était mes parents et ma famille. Les mangemorts ne m'auraient pas laissé repartir, ils s'en seraient pris à mes proches ! Après la disgrâce qu'avaient causée Andromeda et Sirius, je ne pouvais pas leur tourner le dos. Il faut que tu comprennes, Marlène ! Tout ça, toute cette guerre, c'est politique. Je fais partie d'une des familles les plus anciennes, l'héritage ne peut pas être brisé.

- C'est des conneries ton héritage ! Rétorqua-t-elle dans un nouvel accès de colère. Si personne ne fait rien pour changer les choses, elles ne changeront pas. Tes parents ne sont pas des mangemorts, pourquoi est-ce que tu devais absolument... ?

- Parce que les parents ne se battent pas si leur fils peut le faire pour eux ! Ils ne se préoccupent pas des moldus, des nés-moldus... Du moins, ils ne se battront pas physiquement pour ça. Ils sont au-dessus de tout ça dans leur tour d'ivoire. Ce qui compte pour eux, c'est la famille. La famille Black et son honneur. Je représente cet honneur. Alors si le Seigneur des Ténèbres me demande, que ça soit à cause de ma cousine ou à cause de moi personnellement, je ne peux pas reculer. Tu comprendrais si tu n'étais pas...

- Si je n'étais pas quoi ? Dit Marlène sèchement. Pauvre ? D'une famille normale, pas influente ? Si je venais plutôt d'une famille qui avait des racines françaises et dont la lignée remontait au IXe siècle ?

Regulus sera la mâchoire à s'en faire mal. Le ton condescendant de Marlène l'irrita et il tenta de garder son calme. Qu'est-ce qu'il devait faire ? S'excuser d'être né Black ? Il savait au fond de lui que malgré toute sa compassion, toute son ouverture d'esprit, elle serait incapable de comprendre. Livia comprenait parce qu'elle vivait la même chose depuis l'enfance, mais même elle ne saisissait pas tous les enjeux. Personne n'était au rang des Black.

- Tu voulais la vérité, tu l'as, McKinnon, souffla-t-il. Je ne l'ai pas tué parce que je le voulais, je l'ai tué parce que je le devais... Et si être un mangemort me permet de sauver mes parents, de te sauver toi, alors je le ferai.

Secouant la tête, Marlène fit volte-face, les traits crispés par une myriade d'émotion. Il crut qu'elle allait partir, mais elle se retourna à nouveau vers lui. Une vague d'espoir le traversa en voyant son visage s'adoucir. Doucement, elle se baissa à sa hauteur et leurs regards s'accrochèrent.

Elle leva la main, ses doigts effleurant sa joue, là où elle l'avait frappé il y a quelques minutes. Regulus sentit sa peau le brûler.

- Et ce que tu penses toi, dans tout ça ? Murmura-t-elle. Tu parles des autres, d'héritage, d'obligation, d'Elizabeth, de tes parents, de moi, de Sirius, de Livia, de ta cousine... Mais toi, qu'est-ce que tu veux ? Qu'est-ce que tu penses, Reg ?

- Ca n'intéresse personne... ça n'a pas d'importance...

- Ca en a pour moi. Qu'est-ce que tu penses ?

- Je pense qu'il est trop puissant, Marlène. Tu l'aurais vu. Cet homme... il est allé au-delà de ce qu'on connait, il a repoussé les limites de la magie. On ne pourra pas l'arrêter... Même Dumbledore, je ne sais pas si... Il est trop puissant. Je sais reconnaître de la magie noire et pourtant je ne comprends pas comment il a fait...

- Et tu espères le découvrir ?

- Peut-être... Non...

Il avait conscience que sa peur et sa fascination mêlées devaient se lire sur son visage. Les larmes réapparurent dans les yeux de Marlène et il se sentit mal de lui infliger ça. Pourtant, il était incapable de lâcher prise. Il avait pensé des dizaines de fois à mettre fin à leur amitié, à leur relation étrange et inexplicable, mais il n'arrivait pas à se résoudre à ne plus avoir Marlène McKinnon dans sa vie.

Sans réfléchir, il agrippa sa main dans la sienne avec force, les entremêlant ensemble.

- Ne m'abandonne pas... supplia-t-il. Marlène...

Marlène déglutit, puis, après de longues secondes, elle posa son front contre le sien. Il sentit son souffle contre sa peau. Lui contre elle. Elle contre lui.

- Je ne te laisserai pas, Regulus Black. Jusqu'au bout. J'ai encore espoir...


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