Tome II - Chapitre 30: Le soleil a rendez-vous avec la lune
Merci encore à tous pour vos retours, ça me touche beaucoup et vous me poussez vraiment à continuer!!
Bonne lecture! :)
Chapitre XXX : Le soleil a rendez-vous avec la lune
James pianota du bout des doigts sur la table, incertain. En face de lui, Sirius attendait une réponse, ou plutôt une validation à son idée qui pourrait lui faire risquer l'expulsion, et il ne savait pas quoi en penser ni quoi en dire.
- Je ne suis pas sûr, avoua-t-il. Si tu te fais prendre... Avec ton dossier en cinquième année, ils pourraient vraiment décider de te renvoyer Patmol...
- Pas à quatre mois des Aspics, affirma Sirius avec conviction. Et je ne me ferai pas prendre, ils ne verront pas que je suis parti. C'est exactement comme nos balades à Pré-Au-Lard en un peu plus loin et un peu plus long ! Tout ce que t'as à faire, c'est m'ouvrir le passage quand je reviens.
- Quelqu'un pourrait demander où tu es...
- Pourquoi ? On est samedi, les profs ne sont pas censés me croiser et t'auras à dire aux autres que je suis dans le dortoir.
James soupira et s'ébouriffa les cheveux. Il devait reconnaître que le plan de Sirius tenait la route. S'il s'infiltrait hors du château pour rejoindre Pré-au-Lard, puis appelait le Magicobus pour se rendre jusqu'à Saint-Mangouste et qu'il passait ensuite la journée avec Alexia avant de revenir en début de soirée ici sans se faire prendre, alors tout irait bien. Le rôle de James se résumerait à lui ouvrir l'entrée du passage de la sorcière borgne quand il reviendrait.
- On pourrait demander à McGonagall si elle pourrait te laisser...
- Non, coupa Sirius, catégorique. Il faut l'autorisation des parents pour quitter Poudlard et tu sais bien que c'est pas la peine d'y penser.
L'argument ne pouvait pas être réfuté.
- D'accord, d'accord... céda-t-il. Mais tu dois être revenu pour la pleine lune ce soir. Remus a besoin de nous.
- Les visites se terminent à 19h, je serai là largement à temps.
Le ton de confiant de Sirius acheva de convaincre James. Il hocha la tête, résolu. Il savait que dans tous les cas, il n'arriverait pas le persuader d'abandonner son idée et qu'il irait voir Alexia de toute façon. Ça ne l'empêchait pas de ne pas apprécier. Soit Lily commençait véritablement à déteindre sur lui, soit le sens des responsabilités lui faisait envisager tout ce qui pourrait mal se passer. Il ne savait pas laquelle des deux alternatives il préférait.
- Patmol ! Appela-t-il avant que Sirius ne passe le trou du portrait.
- Oui ?
- Sois prudent...
Pour toute réponse, Sirius sourit. Pendant plusieurs secondes après que son meilleur ami ait disparu, James se demanda pourquoi ce sourire lui avait paru familier avant de réaliser que c'était le même qu'il lançait à Remus quand ce dernier leur conseillait d'être moins téméraires. Magnifique, songea-t-il, je me transforme en Lily et Remus en même temps.
Il devait avouer que si l'absence de deux Maraudeurs dans le château ne se remarquerait pas, et que si la pleine lune ne tombait pas aujourd'hui, il aurait sûrement accompagné Sirius. Ils n'avaient pratiquement pas dormi de la nuit, tout comme les filles. Personne n'avait bien compris ce qui était arrivé hier lors de la sortie à Pré-au-Lard. Sirius était revenu de l'infirmerie, blême et l'air hagard. Il n'avait réussi qu'à articuler le nom d'Alexia avant de s'enfermer dans un mutisme qui avait duré des heures et James avait dû déployer toute sa patience pour réussir à le faire enfin parler. Glacé, il l'avait écouté raconter la soudaine douleur qu'Alexia avait ressentie, leur transplanage en panique pour regagner l'école, puis la montée chaotique des escaliers jusqu'à ce que les jambes d'Alexia ne la lâche et qu'elle s'effondre, inconsciente. Elle avait cessé de respirer en arrivant à l'infirmerie. Une équipe de médicomages étaient venus la transférer au service des urgences médicales de Saint-Mangouste. James avait eu l'impression que Sirius ne lui disait pas tout, que quelque chose d'autre s'était passé, mais il n'avait pas cherché plus loin. Ils étaient tous restés dans la salle commune, ensemble, à veiller en espérant recevoir des nouvelles, n'importe quoi...
McGonagall était venue en personne à l'aube leur annoncer qu'elle venait de recevoir une lettre par hibou express de la mère d'Alexia. Son état était apparemment stable, les médicomages avaient réussi à faire repartir son cœur même s'il l'avait placé en observation toute la nuit. Par mesure de précaution, elle devait rester à l'hôpital pour les prochains jours. James se souvenait d'avoir serré la main de Lily dans la sienne alors que son regard avait croisé celui de sa directrice de maison. McGonagall avait eu l'air épuisé, comme si elle aussi n'avait pas été se coucher, et pour la première fois il remarqua à quel point elle semblait avoir vieilli en seulement trois ans, depuis le début de la guerre. Elle ne devait pas avoir plus de quarante-cinq ans, pourtant elle en paraissait bien dix de plus. Il se rappela de ce qu'il s'était dit, face à face avec elle lors de son entretient d'orientation : il ne voulait pas devenir un souvenir de plus qui hanterait McGonagall. Combien d'élèves connaissait-elle qui étaient morts ou blessés aujourd'hui ? Que ressentait-elle quand elle avait dû contacter la famille d'Alexia pour leur annoncer ce qui était arrivé ?
Et surtout, la question qui le hantait, qu'est-ce qu'il devrait lui annoncer à elle s'il arrivait quelque chose à Sirius ?
Résigné, James s'affaissa contre le dossier du canapé et regarda le feu qui crépitait dans la cheminée.
- Cornedrue, ça va ?
Il releva la tête. Remus venait de descendre du dortoir, ses cheveux châtains encore humides et son corps mince noyé dans son pull « j'aime le chocolat noir comme mon âme ». James se demanda vraiment ce que lui et Sirius avaient en ce moment avec ce sweat, il avait l'impression de le voir partout.
- Oui, oui... répondit-il avec un temps de retard. Et toi ? Pas trop fatigué ?
- Etrangement non. C'est un bon mois.
Un bon mois dans leur langage était un mois où Remus n'avait pas à partir à voir Pomfresh dès la veille de la pleine lune à cause de la fatigue ou des courbatures. Heureusement que ce mois-ci était de ceux-là parce que James ne voulait plus personne à l'infirmerie avant la fin de l'année. Il avait assez donné.
Remus se laissa tomber à côté de lui, une lueur inquiète dans ses yeux ambrés.
- Sirius est...
-... parti ? Compléta-t-il. A l'instant... Il a dit qu'il rentrerait pour ce soir...
- Vous êtes sûrs qu'il ne se fera pas prendre ?
- Moi non, mais lui avait l'air confiant... Si quelqu'un demande où il est, il s'est enfermé dans le dortoir en attendant des nouvelles d'Alex, d'accord ?
- Noté...
Même dans ce simple mot, James entendit les doutes de Remus et il ne pouvait pas vraiment lui en vouloir.
- Je peux encore le rattraper, dit-il, sa jambe tressautant nerveusement. Tu crois que... ?
- Non, ça ne servirait à rien. Il a déjà décidé qu'il irait, il voulait juste ton avis par principe.
- Par principe ? Merci, Lunard...
Remus laissa échapper un rire étouffé.
- Je sais que Sirius t'écoute... la plupart du temps. Mais c'est parce que vous êtes sur la même longueur d'onde. Essaye de lui dire non pour une fois et il t'enverra balader, comme le commun des mortels que nous sommes.
- Sirius n'est pas...
- Sirius est exactement comme ça, martela Remus d'un ton léger. Tu ne t'en rends pas compte ou tu as fini par t'y habituer et tu ne le vois plus, mais Patmol n'est pas la personne la plus conciliante au monde. La plupart du temps, il n'en fait qu'à sa tête, souvent sans réfléchir. Toi aussi, tu me diras, même si tu t'es un peu calmé je te l'accorde.
- On s'est tous calmé...
- Peut-être dans un sens, mais Sirius a fait de son habitude de défier le monde un mode de vie et son rapport aux autres. A force de ne pas vouloir écouter ses parents, de se rebeller contre toute forme d'autorité, il croit qu'il peut jouer les têtes brulées sans se brûler les ailes.
- Beau jeu de mot, lâcha James.
Remus soupira et se tourna vers lui pour lui faire face complètement. La lueur du feu qui crépitait dans la cheminée éclaira la cicatrice sur son visage.
- On s'en fiche du jeu de mot, dit-il, impatient. Je parle de l'Ordre. Est-ce que tu as pensé à ce qui pourrait lui arriver ?
- Comment ça ? Je sais qu'il y a des risques, oui, on en a parlé et...
- Vous en avez déjà parlé ? Sans nous ? Evidemment, j'aurais dû m'en douter....
- Quoi ? On aurait dû tenir une réunion officielle ? Rétorqua James, piqué au vif.
- Non, bien sûr que non... C'est juste que je sais comment vous fonctionner tous les deux. Il t'a convaincu d'entrer dans l'Ordre, c'est ça ?
- Pas convaincu, je voulais déjà le faire, mais il m'a... présenté des arguments.
- Ecoute, je me doutais que vous voudriez le faire. Moi aussi, même si je ne suis sûr que quelqu'un comme moi sera très utile mais...
- Remus, commença-t-il à protester.
- ... j'ai peur que Sirius se mette en danger. Plus que les autres, je veux dire.
James fronça les sourcils et redressa ses lunettes sur le bout de son nez. Il savait ce dont parlait Remus, il n'était pas idiot et plus que tout il connaissait son meilleur ami. Sirius serait le premier à se jeter dans une bataille, à se porter volontaire pour une mission, surtout si cela signifiait sauver des vies et lutter contre la magie noire qu'il haïssait sûrement plus qu'eux tous car il la connaissait véritablement. Sauf que Sirius était aussi le genre de personne à refuser d'abandonner dans une situation critique ou à obéir lorsqu'on lui dirait non. Dumbledore était peut-être le plus grand sorcier de l'histoire après Merlin, et ils le respectaient tous énormément, mais si Sirius estimait qu'il devait outrepasser un ordre, il le ferait impulsivement.
- Et j'ai peur que tu te mettes en danger aussi, ajouta Remus après un court silence. Pour lui.
Encore une fois, James dû admettre qu'il avait raison. Si Sirius se lançait dans une situation impossible, il le suivrait jusqu'au bout.
- Sans parler du fait qu'il devra probablement se battre contre sa famille...
- Je ne pense pas que Bellatrix soit un problème pour lui, contra James sincèrement.
- Je ne parlais pas de Bellatrix.
- Oh...
Pendant une seconde, il avait oublié Regulus. Il remarqua que Sirius n'en avait pas dit un mot lors de leur conversation en haut de la tour d'astronomie il y a plusieurs semaines. La gorge nouée, il regarda longuement Remus, incapable de former une pensée cohérente pour le rassurer. Au lieu de ça, il fit ce qu'il savait faire de mieux : esquiver par une plaisanterie.
- Arrête de nous analyser psychologiquement... ça fait peur.
- Cornedrue...
- Je lui en parlerai, d'accord ? On a encore plusieurs mois.
- Mais...
- Concentre-toi plutôt sur la pleine lune de ce soir, dit-il d'un air faussement dégagé. C'est pas la peine de stresser et de te fatiguer encore plus.
- Me concentrer sur quoi ? Répliqua Remus avec sarcasme. Je n'ai rien à faire à part attendre que mes os se brisent et que je me transforme.
James tressaillit en visualisant l'image. Même s'il aimait quand Remus faisait de l'ironie, il aurait préféré qu'il s'abstienne.
- Est-ce que si tu devenais astronaute et que tu allais dans l'espace, la lune aurait toujours un effet sur toi ? Demanda-t-il soudain avec sérieux.
- Tu m'épuises, soupira Remus.
**
*
Sirius n'avait jamais mis les pieds à Saint-Mangouste jusqu'à aujourd'hui et c'est pour cela qu'il avait préféré venir en magicobus. Valait mieux éviter une erreur de transplanage avec son timing serré. En réalité, il n'avait jamais eu de raison de venir à l'ancestral hôpital sorcier. Lorsqu'il était malade enfant, ses parents faisaient venir le guérisseur de la famille et il était trop jeune quand sa grand-mère Melania était morte pour qu'il vienne la visiter sur son lit de mort.
Avec curiosité, il détailla les couloirs dans lesquels il déambulait depuis une dizaine de minute à la recherche de la chambre 205. Le deuxième étage était entièrement consacré au service des virus et microbes magiques, ce qui englobait les maladies comme la dragoncelle ou les disparitions pathologiques, mais aussi les maladies chroniques d'origine sorcière dont souffrait Alexia. Des médicomages s'agitaient dans tous les sens et Sirius manqua de se faire bousculer par une petite sorcière en uniforme vert qui poussait un chariot de fourniture. Elle lui adressa une excuse précipitée et un sourire devant son air perdu avant de tourner à l'angle, trois seringues lévitant derrière elle.
Il tenta de se remémorer une fois de plus les indications que lui avait données la dame de l'accueil d'une voix monocorde, l'air profondément ennuyé par le sorcier au nez en forme de trompe qui n'arrêtait pas d'éternuer dans la salle d'attente. A bout de patience et de temps à perdre, il arrêta une infirmière qui le dépassait au pas course, une pile de dossiers dans les bras.
- Excusez-moi, interpella-t-il, je cherche la chambre 205. Pour une visite.
- Au bout du couloir à gauche, indiqua-t-elle. Juste là-bas.
Elle désigna une porte d'un geste du menton, faute de pouvoir tendre le bras, et Sirius la remercia avant d'avancer. Il trouva la chambre immédiatement. Le numéro était gravé sur une petite plaque en bronze, juste au-dessus de l'embrasure, et le nom d'Alexia avait été inscrit sur une note qui se déploya à son approche pour donner toutes ses informations.
Cassidy
Alexia
15 avril 1960 - 17 ans
Maladie chronique d'origine magique - fibrosis pulmonis dite « mutation respiratoire du dragon»
Médicomage référant : Calypso Taylor
Dernier examen : aujourd'hui à 7h42
Sirius contempla longuement la note, la gorge serrée, avant de tourner les yeux vers la vitre qui donnait sur l'intérieur de la chambre. Le rideau avait dû être tiré à la va vite car il arriva à voir par l'interstice.
Assise dans son lit, le dos calé contre des coussins, Alexia était en train de jouer aux cartes avec une jeune femme qui lui ressemblait trop pour ne pas être sa sœur. Il ne l'avait jamais rencontré officiellement car Sarah Cassidy avait quitté Poudlard l'année où ils étaient arrivés, mais Sirius la reconnut d'après la photo de famille qu'Alexia gardait avec elle au château. Elle avait les mêmes cheveux châtains que sa cadette, même si ses yeux n'étaient pas bleus mais marrons et qu'elle n'avait pas la minceur de sa sœur. Il repéra aussi Mathieu, le frère aîné, perché sur le rebord de la fenêtre en train de rire. Son corps athlétique paraissait trop grand pour cet espace réduit, voire pour l'exiguïté de la pièce tout entière.
La fratrie éclata de rire ensemble alors que Sarah jetait ses cartes sur la petite table d'un air scandalisé et Sirius devina qu'elle venait de perdre. Pendant une seconde, il revit son propre frère, la marque des ténèbres étalée sur son avant-bras. Son estomac se retourna et il toqua à la porte pour chasser le souvenir.
Sans attendre de réponse, il poussa le battant. Trois paires d'yeux se tournèrent vers lui, surpris.
- Sirius ! S'exclama Alexia, abasourdie.
- Tiens, l'amoureux est arrivé...
- Matt, rabroua Sarah, un sourire amusé aux lèvres. Bonjour, entre, entre !
Ses pieds semblèrent avancer tout seul. Il détailla Alexia du regard, sans prendre la peine d'essayer d'être subtil. Son cœur cognait trop fort contre ses côtes pour qu'il écoute le peu de raison qui lui restait après une nuit sans dormir. La dernière fois qu'il l'avait vu, elle était étendue sur un des lits de l'infirmerie, immobile et livide, et son corps se soulevait tandis que Pomfresh tentait de la réanimer. Moins de vingt-quatre heures plus tard, c'était comme si rien n'était arrivé. Sa peau avait repris des couleurs, ses yeux bleus brillaient de vivacité... elle respirait.
- T'as une tête à faire peur, Black, commenta Mathieu.
- Et toi toujours ta tête de troll, Cassidy, répliqua-t-il sans réfléchir à son ancien capitaine.
Les deux sœurs éclatèrent de rire.
- Je refuse qu'il entre dans la famille si c'est pour me faire traiter comme ça !
- Mathieu, grommela Alexia en rougissant. Va me chercher de l'eau au lieu de parler.
- Oh on doit vous laisser seuls c'est ça ? Je ne sais pas si...
- Allez viens, Matt, soupira Sarah avant de le saisir par le bras pour le tirer sur ses pieds. On revient dans dix minutes, d'accord ?
- Dix minutes ? Ils ont le temps de nous faire un neveu ou une nièce en dix minutes !
Sarah referma la porte fermement dans leur dos en poussant son frère dans le couloir. Alexia lui sourit, gênée, et passa une main dans ses cheveux en une vaine tentative pour les remettre en ordre.
- Désolée... marmonna-t-elle. Je crois que c'est sa façon à lui dédramatiser. Maman et Charles sont partis se reposer vers 4h du matin et ils ont pris le relais, la nuit a été longue pour tout le monde...
Au moins les Cassidy avaient pu se relayer, songea-t-il en repensant à sa propre nuit, assis sur un fauteuil de la salle commune à sentir chaque seconde défiler.
- Tu vas rester au milieu de la chambre sans parler encore longtemps ?
- Princesse...
Sa voix sonna plus rêche qu'il ne s'y attendait.
- Je vais bien, s'empressa-t-elle de dire en voyant son expression. Je vais bien maintenant, je te le promets.
Il en était venu à détester cette phrase. Elle n'était jamais vraie et ne le serai jamais.
- Sirius, souffla-t-elle. Je suis tellement désolée...
- Désolée pour quoi ? Tu ne pouvais pas prévoir.
- Je sais bien, mais ce n'était pas... enfin je veux dire...
Elle se mit à jouer nerveusement avec le bout de sa couverture, l'ai mal à l'aise.
- Je ne sais pas ce que je veux dire, avoua-t-elle finalement. Mais ma question tient toujours : tu vas rester là longtemps ?
Sirius sourit devant son entêtement. Il traversa la pièce en quelques enjambées et se laissa tomber à côté d'elle sur le lit. En une seconde, sa main se glissa dans la sienne. Sans pouvoir s'en empêcher, il ressentit une vague de soulagement en sentant son pouls battre vivement sous sa peau. Il était peut-être erratique et rapide, signe qu'elle était nerveuse, mais il battait. Et pour l'instant, c'est la seule chose dont Sirius avait besoin.
- McGonagall t'as laissé venir ici ? Demanda-t-elle, surprise.
- Pas vraiment... J'ai pris le magicobus en bus, je dois rentrer ce soir pour le dîner avant que quelqu'un remarque mon absence.
- Sirius, si tu te fais prendre...
- On s'en fiche, ça ira, ne t'inquiète pas, assura-t-il en écartant le problème d'un geste de la main. Les médicomages savent ce que tu as eu ? Ce qui a provoqué la crise ?
- Non, dit-elle en secouant la tête, pas encore. Le docteur Tayler dit qu'il veut vérifier plusieurs variables, j'ai pas tout compris... Mais je pense que je suis coincée ici pour quelques jours au moins.
- Et les cours ?
Et moi ? pensa-t-il égoïstement.
- Je rattraperai en revenant... Heureusement que j'ai Lily, elle me prendra mes notes. Enfin, sauf pour la divination, ça je compte sur toi ou Dorcas. Mais les Aspics vont être une catastrophe, si je les loupes et que je dois redoubler...
Alexia détourna les yeux et sa voix se réduisit à un murmure.
- Premièrement, si tu espères plus de deux phrases cohérentes de mes notes de divination, abandonne tout de suite. Et tu ne vas pas rater tes Aspics, tes notes sont bonnes en sortilèges et en défense...
- Et j'ai eu un P en histoire la magie, un D en potion et tout juste un A en métamorphose...
- Quoi ? Quand ?
- Aux examens blancs. Les options et le devoir que vous m'aviez fait en sortilège m'ont sauvé mon trimestre mais quand même. Depuis quelques mois j'ai l'impression de ne pas arriver à tenir le rythme, j'ai mal à la tête, je suis fatiguée même pendant les cours. Si les médicomages ne trouvent pas un moyen de m'aider et que je dois redoubler alors que vous... tous vous...
Sirius n'eut pas besoin qu'elle termine. Ils entreraient dans l'Ordre, ils s'engageraient contre les mangemorts, et elle resterait derrière. Ils ne pourraient plus se voir, à part de rares fois pendant les vacances scolaires ou les sorties à Pré-au-Lard, seulement lorsque les missions le permettraient. Mais ça resterait dangereux. Il ne pourrait pas lui parler de ce qu'il vivait, pas complètement du moins, afin de ne pas compromettre les informations de l'Ordre.
Pour la première fois depuis longtemps, Sirius vit Alexia se mettre à pleurer. Elle ne fondit pas en larmes comme le jour où ils avaient rompu, après leur dispute, mais un sanglot s'étrangla dans sa gorge et elle baissa la tête pour se cacher derrière ses cheveux.
- Alex...
- Désolée, désolée, balbutia-t-elle. Je sais que tu détestes quand on pleure...
Il haussa un sourcil.
- Qui a dit ça ?
- James, avoua-t-elle. Il me l'a dit un jour en quatrième année, je ne sais plus pourquoi, mais ça m'est restée en tête. Il a dit que tu n'aimais pas quand les autres pleuraient sans raison.
- Il faut que tu arrêtes de croire tout ce que dit James, tu sais, sourit-t-il. Et je pense qu'après ce qui t'es arrivée, tu as le droit de pleurer si tu veux.
- Justement, je ne veux pas même pas...
Elle essuya ses larmes du revers de la main et releva ses yeux rougis vers Sirius. Il lut la peine gravée sur son visage.
- J'en ai marre, murmura-t-elle, j'en ai marre de vivre comme ça à moitié. Je ne peux pas courir, je ne peux pas aller quelque part sur un coup de tête sans avoir pris ma potion, je ne peux pas jouer au Quidditch ou transplaner, je ne pourrais sûrement pas me battre pour l'Ordre...
- Arrête avec l'Ordre, on s'en fiche, coupa-t-il. Il n'y a pas que des missions sur le terrain, tu pourras aider autrement. Si tu crois une seconde qu'on te laisserait derrière, Alex...
- Mais...
Sirius inspira profondément. Dernièrement, il avait compris une chose. Il ne pouvait pas attendre des personnes autour de lui qu'elles comprennent ce qu'il pensait, ni qu'elles voient derrière sa façade. Si Regulus s'était éloigné, s'il l'avait perdu, c'était parce qu'il avait été trop fier pour aller vers lui, trop centré sur lui-même pour tenter de comprendre ce que son petit frère ressentait. Il ne referait plus la même erreur.
- Ecoute-moi bien, dit-il d'un ton brusque, incertain de la façon dont s'y prendre. Juste écoute parce que je pense que t'as besoin de l'entendre. Tu ne sais pas ce que ça m'a fait de te voir hier... sans respirer, sans bouger. Je t'ai porté jusqu'à l'infirmerie en étant persuadé que tu étais morte. Bordel, t'étais juste là, blanche comme si t'étais... comme si t'étais morte, Alex, vraiment. Je te jure que pendant quelques minutes j'ai cru qu'il était trop tard. Et j'étais terrifié. J'étais terrifié comme jamais j'ai été terrifié parce que j'ai réalisé que je pouvais te perdre en une fraction de seconde. Toute la nuit, je me suis dit que je vous avais perdu tous les deux aujourd'hui. Donc je veux te le dire une bonne fois pour toute, princesse. Je t'aime. Et ça veut dire que je serai là jusqu'au bout, je ne te laisse pas. Je n'ai pas pu tenir beaucoup de promesse dans ma vie, mais tu peux compter sur celle-ci.
Le souffle court, Sirius resserra sa prise sur sa main. Il veilla à ne pas détourner le regard et il sentit son ventre se serrer en voyant les yeux d'Alexia s'emplirent de larmes à nouveau.
- Quoi ? J'ai dit quelque chose de vexant c'est ça ? Remus m'a déjà dit que je devais...
- Non, non, assura-t-elle, la voix enrouée. Au contraire. Merci. T'avais raison, j'avais besoin de l'entendre... et encore désolée...
- Tu t'excuses encore une fois, je quitte la pièce.
Alexia se mit à rire. L'air apaisé, elle posa la tête contre son épaule, dans le creux de son cou. Il la vit hésiter une seconde avant de briser le silence.
- Qu'est-ce que tu voulais dire par « nous perdre tous les deux » ?
- On en parlera plus tard... Juste Reg, comme d'habitude...
- Comment ça ?
Brusquement, la porte de la chambre s'ouvrit, le sauvant d'une explication qu'il n'était sûrement pas prêt à avoir. Sarah entra la première, une tasse de café dans chaque main, suivie par Mathieu qui leur adressa un regard suggestif.
- On est de retour, annonça-t-il comme si ce n'était pas évident.
- Oh Alex, s'exclama Sarah, t'as pleuré ?
Sirius ne manque pas de louper le coup d'œil accusateur en sa direction.
- C'est rien, dit Alexia en souriant. Vraiment, ça va beaucoup mieux.
- T'es sûre ? Sinon j'avais quelque chose à vous dire qui pouvait te remonter le moral, je pourrais l'annoncer maintenant mais...
- Je déteste qu'on pique ma curiosité comme ça, lança Mathieu. Crache-le morceau.
Alexia s'était redressée sans pour autant lâcher sa main, curieuse. Sirius remercia intérieurement la jeune femme d'avoir détourné l'attention.
- Je...je voulais que maman soit là, mais je pourrais lui dire après...
- Sarah !
- Je suis enceinte.
Un silence abasourdi accueillit la révélation et même Sirius se trouva à court de mots. Il dévisagea la sœur d'Alexia alors qu'elle glissait lentement sa main, où il remarqua pour la première fois qu'une alliance brillait à son doigt, contre son ventre encore plat.
- Par Merlin... lâcha Mathieu.
- Je vais être tata ! Cria Alexia, l'air euphorique. Merlin, je vais être tata !
Sarah hocha la tête et les deux sœurs se tombèrent dans les bras en riant.
- Sirius, je vais être tata ! Répéta-t-elle.
- Je conseille Elvendork comme prénom, se contenta-t-il de répondre, amusé. En plus, ça marche autant pour une fille qu'un garçon.
- Tais-toi un peu Black, rétorqua Mathieu avant de se joindre à l'accolade entre les deux filles.
Sirius s'exécuta avec plaisir. Il se contenta d'observer la famille, un sentiment indescriptible dans la poitrine. Il ne regrettait pas d'être venu.
**
*
James tourna la page du Quidditch à travers les âges, qu'il devait bien avoir lu une dizaine fois, et réalisa que lire sur un sport était certes intéressant mais beaucoup moins passionnant que de le pratiquer dans la vraie vie. Il était à deux doigts de braver la pluie dehors pour aller jouer lorsque Lily et Peter passèrent le trou du portrait. Il lui portrait son sac en riant alors qu'elle était en train de s'attacher les cheveux, et Remus leur fit un signe pour qu'ils les rejoignent.
- Lily ne sait pas marcher et faire une queue-de-cheval en même temps, dénonça Peter immédiatement en se laissant tomber à côté de Remus sur le canapé.
- C'est faux, protesta-t-elle. C'est mon sac qui m'a déséquilibré et l'escalier a bougé !
- Si tu veux vivre dans une illusion, très bien...
Lily plissa les yeux.
- James ? Je déteste tes amis.
- Je suis vexé.
- Pas toi, Remus. Tu ne comptes pas, tu es mon ami à moi.
- Eh, intervint James, amusé. Ne me pique pas Lunard, il était à moi en premier.
Ils se tournèrent d'un même mouvement vers Remus, comme pour lui demander de confirmer, et celui-ci leva les mains, battant en retrait.
- Je refuse de prendre parti, déclara-t-il. Je vais plutôt aller terminer ma conclusion pour le devoir de métamorphose.
- Quel devoir de métamorphose ? Demanda Peter, paniqué.
- Celui à rendre pour lundi. Ne me dis pas que t'as oublié de le noter ?
James réprima un rire devant l'expression déconfite de Peter et Lily lui donna une tape sur le bras, les sourcils foncés. Elle n'avait pas si déteint sur lui que cela finalement.
- Allez viens, soupira Remus. Je vais t'aider.
Il se leva avec Peter et remonta au dortoir. Lily piqua leur place, ramenant ses jambes sous elle, et James abandonna avec plaisir son livre sur la table basse. Il détailla les quelques tâches de rousseurs qui parsemaient ses jours et son nez avant de s'amuser en la voyant rougir.
- T'as réussi à dormir un peu ce matin ? Demanda-t-il.
- Oui, quelques heures... Même si ça faisait bizarre sans Alex dans le dortoir.
- Je comprends...
Au début, avant qu'ils ne réussissent à devenir des animagi, il passait la nuit à se retourner dans son lit jusqu'à l'aube car il savait que Remus n'était pas là.
- Justement, je voulais te demander un service, dit Lily en se mordant la lèvre.
- Ce que tu veux.
- Tu pourrais prendre mon tour de ronde ce soir ? J'ai mes cours de tutorat à préparer pour demain, et avec tout ce qui s'est passé hier je n'ai pas eu le temps... J'ai deux élèves de deuxièmes années qui ont vraiment besoin d'aide en potions, je ne peux pas arriver sans avoir rien fait... Et là tout de suite je dois terminer mes traductions de runes.
- Tu devais patrouiller à quelle heure ?
- Après le dîner, de 19h30 à 22h30. Enfin, ça débordera sûrement jusqu'à 23h, Livia Fawley est malade, elle ne pourra sûrement pas prendre son tour.
James sentit son cœur couler au creux de son ventre. Immédiatement, il comprit qu'il ne pouvait pas accepter. Il devait aller ouvrir le passage à Sirius à 19h avant de partir en vitesse au saule cogneur. L'hiver, et surtout au mois de mars, la nuit tombait plus tôt, ce qui signifiait que les effets de la pleine lune agissaient plus tôt et plus longtemps aussi.
- Désolé, impossible... je dois... enfin je suis pas libre...
- Oh... souffla Lily. Pourquoi ? Tu n'as pas entraînement de Quidditch le samedi, ni le soir... ?
- Non, évidemment, mais je... je dois aider Peter avec le devoir de métamorphose.
- Remus est en train de le faire.
- C'est la pleine lune, il ne pourra pas l'aider après le dîner.
- Mais tu pourras l'aider demain, objecta Lily. Le devoir est pour lundi. Tu n'as qu'à faire ça avec lui demain pendant que je serai au tutorat et comme ça tu peux me remplacer ce soir. Affaire réglée !
Le raisonnement parfaitement logique de Lily fit accélérer le cœur de James. Son esprit tourna à vide et il paniqua, conscient qu'il devait trouver une excuse. Vite. Il se passa une main nerveuse dans les cheveux. Il faisait confiance à Lily, évidemment, mais le secret des animagi était un secret entre les Maraudeurs. Un secret qui ne lui appartenait pas seulement. Ils risquaient tous Azkaban pour ne pas s'être enregistrés sur le registre officiel du Ministère, ils risquaient le renvoie pour avoir menti au directeur, ce n'était pas une chose à prendre à la légère.
- Pas possible non plus, s'entendit-il répondre d'une voix atone, je dois recopier mes notes de divination pour Alexia dimanche. Elle a loupé les cours donc il faut que je lui passe les miens, tu comprends...
Si James avait pu, il se serait jeté dans le lac noir ou enterrer au plus profond du désert. Même à ses propres oreilles, son excuse sonnait comme un mensonge éhonté, et Lily plissa les yeux, l'incrédulité peinte sur son visage.
- Tu te moques de moi ? Demanda-t-elle finalement. La divination ?
- Oui...
- Tu ne prends pas de notes en divination, tu te contentes de raconter n'importe quoi avec Sirius pendant toute l'heure.
- C'est faux, je dois recopier mes notes...
- Très bien alors montre-les moi, vas-y, répliqua-t-elle en croisant les bras. Va les chercher.
James visualisa instantanément les trois lignes qu'il avait griffonné au dernier cours et écarta la simple éventualité d'obtempérer. Imperturbable, Lily le dévisageait et il eut l'impression de faire un bond dans le temps à l'époque où elle le détestait cordialement. Il ressentit un coup au cœur devant ce constat.
- Lily...
- Te fatigue pas, coupa-t-elle froidement. J'ai compris. Si tu n'avais pas envie de le faire, il suffisait de me le dire franchement.
- C'est pas ça... Lily attends !
Il bondit sur ses pieds et la rattrapa juste avant qu'elle ne pose le pied sur la première marche de l'escalier qui menait aux dortoirs des filles. Il l'attrapa par le coude et elle fit volte-face, les yeux étincelants.
- Crois-moi, j'aurais vraiment voulu, mais je ne peux pas ce soir...
- Et tu n'as pas assez confiance en moi pour me dire pourquoi ?
- Le problème n'est pas là, dit-il, frustré. Bien sûr que je te fais confiance.
- Tu m'excuseras si je ne te crois pas. De toute façon, ne bouleverse pas tes plans pour moi, continuez à faire vos blagues idiotes ou à sortir en douce après le couvre-feu, je me débrouillerai pour les rondes.
Sans lui laisser une chance de répondre, elle tourna les talons, sa longue queue de cheval rousse battant ses épaules.
- Lily ! Appela-t-il. Lily, ce n'est vraiment pas pour ça, attends... Lily !
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