Tome II - Chapitre 26 : La mort frappe à la porte



Chapitre XXVI : La mort frappe à la porte

- Dorcas, allez, arrête de faire la tête et vient avec nous, dit Lily.

- Pourquoi ? Tout le monde est contre moi ici.

- Oh arrête d'être dramatique, s'agaça Alexia. Tu deviens ridicule, Marlène s'est excusée mais tu ne peux pas la forcer à arrêter d'être amie avec Regulus.

Dorcas pinça les lèvres et les dévisagea. Ils étaient tous assis à la table du petit déjeuner ce dimanche matin, à l'exception de Dorcas. Elle n'avait pas décroché un mot aux autres la veille depuis leur dispute ; ni lorsque les filles étaient remontées au dortoir, ni au réveil ; et visiblement la nuit n'avait pas apaisé sa colère.

Pile à cet instant, Regulus dépassa la table des Gryffondor d'un pas pressé en direction du hall, Elizabeth Yaxley dans son sillage, et Dorcas le fusilla du regard.

- Je ne suis pas dramatique, je suis lucide, dit-elle d'une voix ferme en reportant son attention sur ses amis attablés. Quand vous aurez tous retrouvés vos esprits, vous savez où me trouver.

- Non, Dorcas...

Lily amorça un geste pour la rattraper, mais James la retint par le poignet.

- Laisse, conseilla-t-il. Elle se calmera toute seule, comme d'habitude.

- Mais c'est vraiment idiot...

- On sait, Lily, soupira Remus.

Frustrée, Lily se rassit avec résignation. Elle n'avait même pas été présente hier pendant toute l'affaire entre Marlène, Regulus et Mulciber à cause de ses rondes de préfète. James s'était chargé de lui faire le récit de tout ce qu'elle avait loupé pendant le dîner, lui expliquant pourquoi Dorcas s'était brusquement isolée à l'autre bout de la table. Effarée par toutes les informations, elle avait voulu aller lui parler elle-même, mais son amie l'avait coupé net dans son élan en lui affirmant que « si tu es aussi de leur avis, ce n'est même pas la peine ».

Elle entreprit de beurrer son toast avec rage, comme si tout cela était de sa faute, puis passa le pot de sucre à James sans un mot. Il le prit et en renversa bien la moitié dans son café, ce qui la fit grimacer. Il le remarqua et sourit, amusé, avant de porter sa tasse à sa bouche d'un air provocateur.

- Tu vas finir diabétique, tu sais.

- La vie sans saveur serait trop triste, se contenta-t-il de dire.

- Quelle saveur ? Intervint Alexia. Tu ne dois même plus sentir le goût du café.

- Moi au moins je prends un petit-déjeuner. Qu'est-ce tu fais là au juste ?

D'un geste de la main, il indiqua le parchemin qu'elle avait étalé devant elle à la place de son assiette, repoussée un peu plus loin, et le livre de sortilège posé contre la cruche de lait qu'elle lisait avec attention sans toucher à la nourriture.

- Je tente pitoyablement d'écrire quelque chose pour le devoir de Flitwick, expliqua-t-elle, l'air désespéré. Juste histoire de ne pas rendre copie blanche. Avec mon mal de tête et Dorcas hier soir, je n'ai pas eu le temps de le faire...

- Oh Alex, je suis sûre que si tu lui expliques il pourra te donner un délai, dit Marlène.

- Ma maladie n'est pas une excuse, refusa-t-elle. C'est de ma faute, j'aurai dû m'y mettre plus tôt.

Malgré son ton catégorique, l'échange de regard entre James et Sirius n'échappa pas à Lily. Elle allait leur demander ce qu'ils manigançaient encore, mais n'eut pas besoin de le faire car Sirius se pencha et sortit un parchemin roulé de son sac. Il le tendit à Alexia qui haussa un sourcil.

- Qu'est-ce que c'est ?

- Ton magnifique devoir entièrement rédigé, répondit James en souriant.

- Quoi ?

- Ça nous a pris la moitié de la nuit, mais on a réussi, ajouta Sirius. On a aussi évidemment fait attention à ce qu'il ne ressemble pas trop au nôtre. Tu n'as plus qu'à recopier avec ta plus belle écriture, princesse.

Alexia resta stupéfaite, le devoir à la main. Elle le déroula lentement et Lily se leva, curieuse, pour venir lire par-dessus son épaule. Elle reconnut sans mal les lettres rondes et serrées de James qui s'étalaient sur les 50cm de parchemin et fut impressionnée par l'effort. Même en ne lisant qu'en diagonale, elle constata que le devoir semblait tenir la route, surtout compte tenu du peu de temps que les garçons avaient eu pour le rédiger.

- Je... je ne peux pas le rendre, protesta Alexia, le rouge aux joues. Ce n'est pas moi qui...

- On s'en fiche, c'est juste une fois, coupa Sirius. En plus, maintenant que c'est fait, tu es obligée de l'accepter sinon ça voudra dire qu'on a travaillé pour rien.

- Alex, tu n'as loupé aucun cours ni aucun devoir en quatre ans de maladie. Je décrète que tu as le droit à un joker aujourd'hui. Les deux préfets-en-chefs te donnent leur bénédiction, pas vrai Lily ?

La rousse sourit et glissa sa main dans celle de James qui la suppliait du regard d'accepter. Elle hocha la tête sans avoir à se forcer.

- Ils ont raison. Vas-y, prends-le. Tu n'auras pas un Optimal, mais ça sera suffisant pour t'éviter une catastrophe en sortilèges.

- J'approuve aussi, lança Remus, un pain au chocolat à la main. Donc tu as une double bénédiction, celle du préfet et celle des Maraudeurs.

- Dans ce cas... souffla Alexia, émue. Merci beaucoup les garçons. Vraiment.

Sirius se contenta de déposer un baiser sur son front tandis qu'elle se rapprochait de lui, le teint écarlate devant leur attention.

Un sentiment de fierté se répandit dans la poitrine de Lily en les observant. Elle prit soudain conscience du chemin parcouru par les Maraudeurs, notamment James, qui il y a encore deux ans se conduisait comme un enfant immature et qui aujourd'hui avait su surmonter ses défauts pour devenir le jeune homme passionné qu'elle avait toujours entraperçu derrière sa façade.

Le menton posé au creux de sa paume, elle le regarda remettre une énième cuillère de sucre dans sa tasse de café tandis que, derrière ses lunettes, ses yeux noisette pétillaient de vitalité. Il se passa une main dans les cheveux, riant à une remarque de Peter, et elle ressentit un élan d'affection pour lui. Elle avait l'impression d'aimer James Potter un peu plus chaque jour, mais ça ne lui faisait absolument pas peur. Bien au contraire.

Le cœur léger, elle enroula ses doigts autour de sa tasse de thé fumante et se détendit un peu plus au contact de la chaleur.

- James ? On y va ?

- Déjà ?

- J'aimerais arriver avant que la bibliothèque soit prise d'assaut... Avec les examens blancs, on va finir par réviser par terre...

Sirius fit mine de s'étrangler et porta la main à son cœur.

- Attendez, j'ai bien entendu ? Tu vas réviser un dimanche dès le matin ? Evans, qu'est-ce que tu lui as fait ?

- On ne révise pas vraiment pour les Aspics, clarifia Lily en roulant les yeux. C'est pour mon épreuve de Potion. Il me reste moins de deux semaines et je ne suis absolument pas prête.

- Tu pourrais allumer un chaudron les yeux fermés, rétorqua Alexia. Tu es la meilleure de cette école, Slughorn va sûrement te coucher sur son testament !

Lily se mordit la lèvre. Elle aurait voulu objecter et dire que Severus était probablement bien meilleur qu'elle, mais elle ne voulait pas l'inclure dans la conversation. Elle se contenta d'hausser les épaules.

- Qu'est-ce que Dumbledore a dit déjà hier soir dans son discours sur l'Epreuve ?

- Quelque chose dans le genre « l'entraide est la plus belle des forces lorsqu'on est dans le besoin »... récita James. Bref, typique de Dumbledore, mais ça ne nous avance pas à moins que l'épreuve consiste à aller distribuer des potions aux sans-abris.

- Ça pourrait presque être une idée.

Parfois, Lily se demandait si Dumbledore passait du temps à rédiger ses discours de façon à ce qu'ils soient énigmatiques. Il devait aimer les regards perplexes des élèves. Dans tous les cas, ce n'était pas le maigre indice du directeur qui allait l'aider à remporter l'épreuve et elle se leva, son sac sur l'épaule, avant d'attraper une pomme dans le panier de fruit.

- A tout à l'heure, lança-t-elle.

James termina son « sucre au café » en une gorgée et l'imita. Il adressa un signe rapide aux Maraudeurs, puis ils sortirent tous les deux de la Grande Salle.

Dans le hall, Lily manqua de s'arrêter de net en voyant la porte principale se refermer sur...

- C'était Evan Rosier ? Souffla-t-elle, abasourdie.

- Quoi ?

- Tu ne l'as pas vu ? Juste... juste là ?

James suivit le point qu'elle lui indiquait, mais secoua la tête.

Une boule se forma dans le ventre de Lily alors qu'ils se remettaient en marche. Que pouvait bien faire Evan Rosier ici ? Et surtout, comment osait-il après tout ce qu'il avait l'année dernière ? Il n'avait jamais été arrêté ni interrogé pour son implication dans les agressions des élèves nés-moldus, ni pour la bataille de Pré-au-Lard. Personne n'avait eu le cran de le dénoncer parmi son cercle d'amis, et ceux qui le méprisaient n'avaient aucune preuve tangible à fournir aux Aurors. Lily n'oubliait pas la peur qu'elle avait ressentie toute l'année passée à chaque fois qu'elle sortait seule dans les couloirs. Elle aurait pu se faire agresser n'importe quand seulement à cause de son sang. Elle n'oubliait pas non plus les heures d'attentes en haut de la tour d'astronomie avec Kevin Mells qui la menaçait et pendant lesquelles elle avait été persuadée, juste une seconde, qu'elle n'allait pas s'en sortir.

Soudain, James se saisit de ses mains tremblantes et la força à s'arrêter en face des portes de la bibliothèque. Elle n'avait pas dû réussir à cacher son trouble aussi bien qu'elle le pensait.

- Eh Lily, murmura-t-il.

- Désolée...

- Rosier ne fera plus rien. Il ne te fera rien.

- Tu n'en sais rien. Il est dehors, sûrement en train de tuer des gens comme moi sous les ordres de Tu-Sais-Qui. Si un jour...

- Il ne te fera rien, répéta James avec force. Tu m'entends ? Je ne le laisserai pas. Et tu sais aussi pourquoi je suis sûr que Rosier ne peut rien contre toi ?

- Non...

- Parce que tu es mille fois plus forte que lui, affirma-t-il en souriant. Il s'enfuirait en courant. Tu es la personne la plus brillante que je connaisse et Rosier ne tiendrait pas une minute face à toi. Tu n'aurais qu'à lui envoyer une encyclopédie en pleine face !

Lily éclata de rire, puis l'attira contre elle. Il enroula ses bras autour de sa taille.

- Merci, Potter.

- Ce n'est que la vérité...

- Peut-être...et d'ailleurs en parlant d'encyclopédie, viens le rayon potion nous attend !

James grommela alors qu'elle le tirait par la main.

Ils passèrent devant le bureau de Mrs Pince qui classait une pile de livre ; ainsi que plusieurs tables occupées par des élèves, fiches de révision à la main. Lily n'avait pas menti au petit déjeuner, la bibliothèque était bondée.

Ils finirent par s'installer dans le fond de la pièce, près d'une fenêtre qui donnait sur le parc, et Lily ne manqua pas la lueur d'envie qui passa dans les yeux de James lorsqu'il regarda au loin le terrain de Quidditch.

- Tu sais, tu n'es pas obligé de rester avec moi, dit-elle en étalant ses affaires devant elle. Je comprends que ça ne soit pas ton dimanche idéal...

- Non, non ! Je veux t'aider. Gryffondor va gagner ce Tournoi grâce à toi, tu vas tous les exterminer.

- Le Tournoi doit promouvoir l'entente entre les maisons, glissa-t-elle, amusée.

- Et bien on sera amis avec les autres une fois qu'on les aura exterminés alors !

Lily roula des yeux.

- De toute façon, reprit James en se balançant sur sa chaise, j'ai mes rondes de préfet à faire dans une heure. Ça ne sert à rien d'aller sur le terrain maintenant.

- Merci encore de me remplacer...

- C'est normal, tu ne feras rien d'autre que des potions pendant deux semaines. Tu as le droit à un congé de ronde.

- Rien d'autre que des potions ? Répéta-t-elle, amusée.

- Si, tu pourras m'embrasser à l'occasion !

Lily sourit sans répondre et ouvrit son manuel pour commencer à réviser. Comme les épreuves précédentes, elle n'avait aucune idée de ce qu'allait être la sienne, ce qui rendait la préparation un peu chaotique. Avec un soupira, elle rassembla ses cheveux sur le sommet de sa tête pour éviter qu'il ne lui retombe devant le visage et se mit à prendre des notes. Elle avait vaguement conscience de James, en face d'elle, qui triait plusieurs livres de potion afin de lui tendre des plus intéressants.

- Dis, ce n'est pas ton père qui était très bon en potion ?

Il releva la tête, surpris.

- Si, il est même toujours plutôt bon. Avant de rentrer chez les Aurors, il travaillait en tant que chercheur dans le milieu et il a même inventé une potion capillaire.

- Ça pourrait être ça l'Epreuve, plaisanta Lily. Devoir faire une potion pour nos cheveux.

- Rogue est foutu d'avance si c'est ça, dit James sans réfléchir.

Il réalisa son erreur en voyant Lily se tendre et il y eut un instant de silence. Gêné, James se passa une main dans les cheveux, les ébouriffant un peu plus avant de changer piteusement de sujet.

- Je... je ne t'ai jamais demandé mais tes parents, ils font quoi ?

Aussitôt, l'expression de Lily s'éclaira. Peu de personne prenait la peine de lui demander des choses sur le côté moldu de sa vie, particulièrement celles qui avaient connu la magie depuis leur enfance. Pourtant, James faisait des efforts. Il n'arrivait toujours pas à maitriser les expressions moldus, ni à les comprendre, mais elle lut dans son regard une curiosité sincère.

- Mon père est professeur à l'université, répondit-elle d'un air fier. Il enseigne les mathématiques. Et ma mère a longtemps travaillé comme secrétaire et dactylo dans une agence près de chez nous, mais elle a arrêté à ma naissance.

- Je n'ai aucune idée de ce que sont une dactylo ou les mathématiques, avoua-t-il.

- Les maths c'est un peu l'équivalent de l'arithmancie et dactylo c'est une personne qui tape à la machine. Tout le monde n'a pas de plume auto-écrivante !

- On appelle ça une plume à papote, rétorqua-t-il, goguenard.

Lily lui donna un coup de pied dans la jambe sous la table.

- Aïe ! Espèce de cinglée.

- Tu sais, dit Lily en ignorant la remarque, ça serait génial que tu viennes à la maison un soir pendant les prochaines vacances. Tu pourrais les rencontrer...

- Tes parents ? Tu veux... que je rencontre tes parents ?

Lily rougit et joua nerveusement avec le coin de son parchemin.

- C'était juste une idée, tu n'es pas obligé, je comprends que...

- Non, non ! J'aimerais bien, ça serait super. Enfin, ça serait stressant pour moi mais on s'en fiche... C'est juste que ça m'étonne. Je ne pensais pas que tu voudrais me présenter à tes parents si vite.

- Moi non plus, reconnut-elle sincèrement. Mais dans le fond, tu as déjà annoncé à mon père que tu étais mon futur mari alors on n'est plus à ça près.

Cette fois, ce fut au tour de James de rougir et il enfouit sa tête dans ses bras d'un air dramatique. Il avait encore perdu une occasion de se taire ce fameux jour sur le quai de la gare. Lily éclata de rire et lui tapota le bras avec compassion.

Soudain, elle réalisa l'heure qu'il était en jetant un coup d'œil à sa montre.

- Oh Merlin, il est déjà 10h ? J'ai à peine avancé, c'est de ta faute !

- Moi ?

- Tu me distrais. Allez, file faire tes rondes et laisse-moi réviser.

- A vos ordres, miss préfète.

Un rictus accroché aux lèvres, James se leva puis contourna la table. Il se pencha doucement pour lui déposer un baiser sur le front et s'éloigna à reculons avec un petit signe de la main.

Il repassa devant Mrs Pince qui lui jeta un regard suspicieux. Depuis qu'il sortait avec Lily, il avait l'impression de passer trois fois plus de temps à la bibliothèque qu'avant, ce qui n'avait pas l'air de beaucoup plaire à Mrs Pince. Peut-être que le fait qu'il ait renversé une étagère en quatrième année y était pour quelque chose.

James se décida à monter les étages pour commencer sa ronde en arpentant les couloirs puisque c'était là qu'avait principalement lieu les transgressions au règlement. Il le savait bien, il l'avait fait pendant des années. Deux minutes plus tard, Adrian Connelly, son attrapeur, lui donna raison lorsqu'il l'aperçut en train de faire léviter ses affaires pour faire rire ses amis.

- Adrian ! Interpella-t-il. Repose cet encrier ou je serai obligé de t'enlever des points.

- Oh allez capitaine...

- Connelly, tout de suite.

Adrian soupira et s'exécuta de bonne grâce. Très honnêtement, ce n'était pas la partie de sa fonction que James préférait, mais Lily lui avait déjà fait comprendre qu'il ne pouvait pas laisser tout le monde s'en sortir en fermant les yeux, comme il le faisait au début.

Dans l'heure qui suivie, il confisqua des feux d'artifices portatifs à des cinquièmes années et enleva dix points à Serdaigle pour une bagarre entre deux garçons. Il avait presque terminé sa ronde lorsque des cris attirèrent son attention. Il pressa le pas.

- S'il vous plait, arrêtez...

En tournant à l'angle, il se figea devant la scène qu'il découvrit. Un petit garçon, sûrement âgé de onze ans, était plaqué contre le mur, le nez en sang. Il tentait de repousser un autre garçon, plus vieux, et une jeune fille brune qui pointait sa baguette sur lui.

- Eh ! Je peux savoir ce que vous faites ?

Tout le monde sursauta. Le garçon plus vieux fit volte-face et James reconnut Walden Mcnair, un Serpentard de quatrième année au visage constellé de bouton à l'air mauvais. Lui aussi sembla le reconnaître car il pâlit et la jeune fille, qui arborait aussi les couleurs verte et argent, recula même d'un pas en avisant son insigne de préfet-en-chef épinglé sur le revers de son col.

- Rien, marmonna Mcnair.

- Vraiment ? Dit James, hors de lui.

Il remarqua alors les deux baguettes dans la main de la jeune fille et un accès de rage le traversa.

- Je suppose que ce n'est pas à toi ?

- Si...

- Oh donc tu as besoin de deux baguettes ? Ollivander faisait des promos ? Arrête de me prendre pour un idiot, rends-lui immédiatement.

Les yeux baissés, elle tendit sa baguette au petit garçon qui la récupéra d'une main tremblante. Il avait les joues mouillées de larmes et s'éloigna aussitôt pour se rapprocher de James. D'un geste doux, il tourna le visage du petit garçon vers lui pour examiner son nez.

- Il ne doit pas être cassé, rassura-t-il, mais tu ferais mieux d'aller à l'infirmerie pour que Pomfresh y jettes un œil, d'accord ? Tu t'appelles comment ?

- Jonas... Jonas Gallagher.

- Ok, Jonas, moi c'est James. Tu as mal quelque part d'autre ?

- Non...

- Tu peux me dire ce qui s'est passé ?

Jonas garda le silence, apeuré. Il s'essuya le nez avec sa manche et James lui posa une main réconfortante sur l'épaule. Dans son esprit, il superposa l'image du petit garçon à Peter quand il était arrivé à Poudlard et il crispa les poings.

- Ils ne feront plus rien, je te le promets. Ils seront punis pour ce qu'ils t'ont fait, mais j'ai besoin que tu me le dises.

- Ils m'ont juste poussé contre le mur et je me suis cogné le nez... murmura Jonas du bout des lèvres. Et ils m'ont pris ma baguette parce qu'ils ont dit que je ne méritais pas d'en avoir une...

Le sang de James se glaça. Il n'osa même pas demander si Jonas était né-moldu, la grimace de dégoût de Mcnair lui suffit pour comprendre ce qui s'était passé avant qu'il n'arrive. Il avait promis à Lily il y a une heure qu'elle n'avait plus rien à craindre. Il savait que cette promesse était utopique, mais il ne s'attendait pas à en avoir si vite la preuve.

- D'accord, j'en informerai leur directeur de maison et les professeurs. Et j'enlève cinquante points à Serpentard.

- Cinquante ? S'indigna la jeune fille.

- Tu ouvres encore la bouche et ça sera cent, menaça James. Tu peux y aller, Jonas. Si tu as besoin de quoique ce soit, si quelqu'un t'embête à nouveau, tu peux venir me voir, d'accord ? Moi ou Lily Evans, c'est l'autre préfète-en-chef. Ou n'importe quel autre préfet, comme Remus Lupin. Je te jure que ça n'arrivera plus.

Jonas hocha la tête et lui adressa un petit sourire reconnaissant. Dès qu'il se fut éloigné pour aller à l'infirmerie, James se tourna vers les deux Serpentard en inspirant une grande goulée d'air afin de garder son calme. Si la jeune fille baissait la tête, faisant profil bas, Mcnair ne détourna pas le regard.

- Vous trouvez ça drôle, j'imagine ? Dit James d'une voix cinglante. De vous en prendre à plusieurs à quelqu'un de seul, désarmé ?

- Pourquoi ? Rétorqua Mcnair. Ça ne te posait pas de problème avant...

- Walden...

- Je te demande pardon ?

- C'est vrai, non ? T'es mal placé pour nous faire la morale, arrête de faire le préfet modèle, Potter. On sait tous ce que tu faisais à Rogue ou aux personnes de notre maison avec les Maraudeurs.

James en resta sans voix. La colère et un certain malaise se disputaient en lui. Pendant une brève seconde, l'idée de mettre son poing dans la figure de Mcnair lui traversa l'esprit, mais il se retint. Ce n'était plus lui. Il avait changé.

- Je ne m'en suis jamais pris à personne pour leur statut du sang, répliqua-t-il, glacial. Maintenant écoutez-moi bien. Je vais vous signaler aux professeurs Slughorn et McGonagall, ils s'occuperont de votre sanction ; mais personnellement je vous colle tous les samedi soir pendant deux mois. Et si je vous revois ne serait-ce qu'approcher Jonas Gallagher ou vous en prendre à qui que ce soit, je ferai personnellement de votre vie un enfer, est-ce que je suis clair ? Je ne plaisante pas, comme tu l'as fait remarquer vous savez que j'en suis parfaitement capable.

Walden serra les dents mais se garda bien de répondre devant l'air presque menaçant de James. Il n'était pas idiot au point de s'attaquer de façon frontale à un Maraudeur, capitaine de sa maison et préfet-en-chef connu par tout le monde. Dans son cas, « faire de votre vie un enfer » n'était pas une simple expression.

- Disparaissez. Tout de suite.

D'un geste du menton, il indiqua le bout du couloir et les deux Serpentard détalèrent sans demander leur reste.

**

*

Le lendemain matin, le petit déjeuner commença comme le précédent. Dorcas passa devant eux en les ignorants et Alexia roula des yeux, exaspérée.

- A un moment, je vais la coincée pour lui remettre les idées en place, maugréa-t-elle. Faut vraiment qu'elle se clame.

- Evite de lui planter ta fourchette dans le corps, conseilla Sirius, j'ai pas envie de passer ma journée au tribunal à témoigner pour toi...

- On pourrait tenter de l'apitoyer en mettant Artemisia de notre côté, suggéra Peter, un morceau de saucisse dans la bouche.

- Artemisia ? Qu'est-ce que sa sœur vient faire là-dedans ?

- Rien, mais Dorcas sera plus sympa avec nous si sa sœur plaide notre cause.

- Et pourquoi elle le ferait ?

- Parce qu'elle a le béguin pour James, lança Sirius en riant.

James, qui était de remettre une énième poignée de sucre dans son café, releva la tête et roula des yeux.

- N'importe quoi... Elle a douze ans...

- Et alors ? Ça ne l'empêche d'avoir le béguin pour toi ! Depuis l'Epreuve de vol, dès qu'elle te voit elle rougit comme un souaffle !

- Elle a douze ans !

Sirius et Peter pouffèrent. En face d'eux, Remus secoua la tête d'un air blasé, une tablette de chocolat noisette entamée dans son assiette.

Par expérience, il savait que ça ne servirait à rien d'aller chercher la confrontation avec Dorcas ; elle était bien trop bornée pour changer d'avis. Il fallait lui laisser le temps de réaliser son erreur et, quand elle en aurait assez d'être seule à l'autre bout de la table, elle reviendrait. Le plus perturbant est qu'il n'était même pas sûr de pourquoi elle était énervée. Marlène et Regulus ? La remarque de Sirius sur la famille Meadowes ? Il n'avait même pas la force de suivre.

Un mouvement entre les tables de Serdaigle et Poufsouffle attira son attention du coin de l'œil et il se pencha pour mieux voir. Ce n'était que le professeur Flitwick, qui a cause de sa petite taille ne dépassait pas les élèves assis, qui remontait l'allée. Il s'arrêta devant Tiberius Ackerley pour lui chuchoter quelque chose. Le présentateur de Quidditch parut perplexe et Remus ne le remarqua que parce qu'il avait regardé dans leur direction à ce moment précis, autrement il n'aurait rien vu comme les autres. Flitwick et Tiberius sortirent de la Grande Salle une seconde plus tard. Peut-être que le directeur de maison voulait le briefer pour le prochain match qui devait avoir lieu la semaine prochaine.

- Eh Remus ? T'aurais une noise ?

- Hum ?

- Une noise, répéta Lily en désignant le hibou qui venait de se poser près d'elle. Je dois payer pour la Gazette mais j'ai laissé mon sac en haut... Je te rembourserai.

- Pas de problème.

Mais avant qu'il n'ait pu plonger la main dans sa poche, Dumbledore vint se placer devant son pupitre, sur l'estrade où se trouvait la table des professeurs. Tout le monde parut suspendre son geste, étonné. Habituellement, Dumbledore attendait le dîner pour prendre la parole et ne faisait jamais d'annonce au petit déjeuner, à part cas exceptionnel comme pour leur souhaiter de bonnes vacances le matin du départ pour les congés de noël.

Remus sentit un mauvais pressentiment lui tordre le ventre.

- Bonjour à tous, commença Dumbledore d'une voix solennel et grave. Ce n'est pas, croyez-moi, de gaité de cœur que je me tiens devant vous en ce lundi matin mais j'ai jugé important de vous annoncer la nouvelle moi-même plutôt que vous l'appreniez dans le journal. Un évènement terrible s'est produit hier...

A côté de lui, Remus entendit Lily hoqueter silencieusement. Son regard glissa vers la couverture de la Gazette qu'elle fixait, pâle, et il vit la photo d'une jeune fille au nez en trompette qui s'étalait en première page.

- Gemma Ackerley, qui travaillait en tant qu'apprentie au Bureau des Aurors, a été retrouvée dans la nuit, sans vie, dans une rue du quartier sorcier de Londres. La marque des ténèbres flottait au-dessus de son corps.

Les élèves n'eurent pas la même réaction silencieuse de Lily. Il y eu des cris de surprise, de douleur, et une vague d'agitation déchira la pièce alors qu'inconsciemment plusieurs regards se tournaient vers la place désormais vide de Tiberius. James paraissait sur le point de vomir et Sirius, le visage fermé, serrait tellement son verre qu'il menaçait de se briser.

- C'est une perte et peine immense que nous affrontons tous aujourd'hui. Les plus anciens d'entre vous se souviennent peut-être de miss Ackerley qui avait été diplômée de notre école il y a trois ans maintenant. Elle était une jeune fille intelligente, courageuse, pleine de vie. Elle se battait contre la haine et contre des idéaux qui prônaient la division plutôt que l'amour et le respect de l'autre. Elle se doit d'être un exemple pour nous tous en ces temps troubles.

Dumbledore marqua une pause et la lumière du soleil frappa son visage sur lequel une vive émotion se dessinait.

- Monsieur Tiberius Ackerley sera absent pour un temps indéterminé, bien que toutes nos pensées aillent vers lui et sa famille, reprit Dumbledore. Les cours d'aujourd'hui sont annulées et nous observerons une minute de silence à la mémoire de Gemma ce soir. Bien évidemment, tous vos professeurs sont à votre disposition si vous souhaitez leur parler...

**

*

James remonta à la salle commune dans un état second. Autour de lui, les conversations et les pleurs lui parvenaient de manière étouffée, distordue, distante. Il avait l'impression de regarder l'extérieur depuis le fond du Lac Noir. Il n'avait rencontré Gemma que deux fois. La première fois au détour d'un couloir alors que les Aurors avaient investi Poudlard après l'attaque de Pré-au-Lard. Ils avaient discuté, elle lui avait même demandé de faire passer le mot à son père pour que les stagiaires obtiennent une machine à café. La seconde fois il ne lui avait parlé, il ne l'avait vu que de loin lorsqu'elle s'était précipitée vers Tiberius pour le prendre dans ses bras quand il était revenu de St-Mangouste.

A la pensée de Tiberius, James ressentit une douleur aigue. Il était fils unique, il ne pouvait probablement pas comprendre ce que ça faisait de perdre une sœur, mais il avait les Maraudeurs. Il se souvenait du sentiment indescriptible, cette impression de tomber en chute libre, qu'il avait éprouvé en voyant le corps inanimé de Sirius l'année dernière après leur confrontation avec un mangemort. Il ne voulait pas savoir ce que Tiberius ressentait. Il ne voulait même pas savoir ce qui était arrivée à Gemma.

Il avait envie de crier. Elle avait vingt-et-un ans. A peine une adulte, encore une enfant. Personne ne pouvait mourir à vingt-et-un ans. C'était injuste.

James se laissa tomber dans un fauteuil et les autres l'imitèrent dans de vagues mouvements flous en périphérie de sa vision. Il pensa à son père qui avait engagé Gemma l'année dernière avant de la placer sous la formation de Maugrey. Comment le bureau des Aurors avait-il pu laisser faire ça ? Elle n'aurait jamais dû se retrouver en contact avec des mangemorts.

- James ? Murmura Lily en se penchant par-dessus l'accoudoir. James, ça va ?

- A ton avis ? Dit-il, la voix rauque. Elle est morte... elle avait 21 ans...

Lily déglutit et posa une main douce sur son bras.

- Tu la connaissais ? Gemma ?

- Pas vraiment... Je l'avais déjà rencontré, c'est tout.

Lily dû sentir qu'il n'avait pas envie de parler, ou que les mots restaient coincés dans sa gorge, car elle ne répondit pas et se contenta d'entremêler leur doigts ensemble.


Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top