Tome II - Chapitre 25 : Back to Black


Chapitre XXV : Back to Black

Regulus comprit dès qu'il la vit. Elle se tenait près des larges portes en bois qui menaient au hall aux côtés du professeur Slughorn et d'Evan Rosier en personne, ses lourdes boucles noires reconnaissables entre toutes. Il sentit sa gorge se fermer. Il savait ce que sa présence ici aujourd'hui signifiait... Il ne pouvait plus reculer.

- Merlin, est-ce que c'est Bellatrix là-bas ? Demanda soudain Livia, sourcils froncés.

- En personne...

- Qu'est-ce qu'elle fait à Poudlard ? Et... c'est Rosier avec elle ?

La colère perceptible dans sa voix crispa Regulus et il se leva, résolu.

- Je dois y aller, dit-il. Je reviens sûrement ce soir.

- Quoi ? S'exclama-t-elle en tournant la tête vers lui, ce qui fit voler ses cheveux blonds autour de son visage. Où est-ce que tu vas avec eux ? Reg !

- Crois-moi, c'est mieux si tu ne poses pas de question.

- Regulus !

Il ne prit pas la peine de se retourner, s'éloignant d'un pas vif. Heureusement, elle ne tenta pas de le rattraper et il avança, le regard résolument fixé droit devant lui. Il ne chercha pas à voir la réaction de Marlène ou de Sirius lorsqu'il passa devant la table des Gryffondor, incapable d'affronter leur déception.

A mi-chemin, il sentit quelqu'un se caler sur son rythme. Elizabeth Yaxley marchait à ses côtés d'un air déterminé et, même s'il ne la portait pas vraiment dans son cœur, il eut le sentiment irrationnel d'être moins seul.

Le professeur Slughorn les avait devancés et était en train de parler à Bellatrix et Evan quand ils arrivèrent enfin dans le hall.

- C'est véritablement un plaisir de vous revoir, Rosier, disait-il. Je peux bien l'avouer maintenant, mais vous avez toujours été un de mes élèves préférés !

- La réciproque est tout aussi vrai, professeur, répondit Evan avec son fameux sourire charmeur que Regulus trouva sinistre et froid. Ça ne fait même pas un an, pourtant Poudlard me manque beaucoup.

- Oh, dites plutôt que ce sont les yeux de miss Yaxley qui vous manquent ! C'est pour cela que vous venez la chercher ?

Elizabeth laissa échapper un rire étranglé puis sourit pour essayer de paraître plus sincère. Son fiancé lui jeta un regard d'avertissement.

- J'admets qu'être loin d'elle n'est pas facile, reprit-il, mais je suis bien occupé malgré tout.

- Bien sûr, bien sûr ! Vous travaillez dans la société de votre père, c'est cela ? A un poste haut-placé pour quelqu'un de si jeune ! Je n'ai jamais douté de vous, bien entendu, mais c'est très impressionnant.

- Merci, professeur.

Toujours d'un air jovial, Slughorn s'épongea le front et s'adressa ensuite à Bellatrix.

- Et vous, miss Black ! Comment allez-vous ? J'ai cru entendre que vous alliez épouser le fils Lestrange ?

- C'est exact, monsieur.

Regulus dévisagea sa cousine. Soit sa famille ne l'avait pas tenu au courant, soit ces fiançailles surprises venaient d'être conclues de manière brusque. A aucun moment il n'avait eu vent d'un quelconque mariage pour Bellatrix. L'idée même lui sembla incongrue. Bella était comme sa tante Walburga, indépendante. S'il s'imaginait très bien Narcissa dans le rôle d'épouse modèle, Bellatrix en était l'opposé.

Il ouvrit la bouche pour lui poser la question, mais elle le fit taire d'un regard noir dans lequel brillait cette lueur proche de la folie qu'elle possédait depuis l'enfance.

- Formidable, formidable, se réjouit Slughorn. Vous étiez vous aussi une étudiante brillante ! Mais je ne vais pas vous retenir plus longtemps, vous devez tous avoir des choses à faire. Vous m'avez apporté les autorisations, je présume ?

- Les voici, professeur, dit Rosier en lui remettant deux feuilles soigneusement pliées. Elles sont signées par leurs parents et stipulent qu'ils seront de retour ce soir pour le banquet.

- Je comprends, tout le monde peut avoir une « urgence familiale » de temps en temps. Tout est en règle, vous pouvez y aller. Une calèche vous conduira à Pré-au-Lard où vous pourrez transplaner. Bonne journée !

Regulus adressa un hochement de tête à son directeur de maison, puis emboîta le pas à Bellatrix sans un mot tandis que Rosier ouvrait la marche.

Ils traversèrent le parc en silence. Pour éviter de penser à ce qui l'attendait, Regulus laissa ses yeux errer autour de lui, observant les branches plier sous le vent ou le calmar géant agiter ses tentacules à la surface du lac. D'un geste sec, il desserra sa cravate et ouvrit le premier bouton de son col de chemise dès qu'ils passèrent le portail, comme si ça allait l'aider à mieux respirer.

- Evan, lâcha Elizabeth en trébuchant sur le sol inégal, où est-ce qu'on va ? Tu ne m'as pas prévenu...

- Tais-toi un peu, Betty, coupa-t-il d'un ton cassant. Tu comprendras bien assez vite.

- Mais...

- Je suis sûr que Black a déjà deviné, pas vrai ?

Regulus serra les dents.

- On doit prêter allégeance aujourd'hui...

- Quoi ? Sursauta Elizabeth. Evan, on avait dit qu'on attendrait que je ... enfin tu sais bien...

- Changement de plan, le Seigneur des Ténèbres n'a déjà que trop attendu. Vous devez faire vos preuves.

Elizabeth blêmit, ses longs cils jetant des ombres lugubres sur ses pommettes. Regulus posa sa main au creux de son dos en une légère pression pour l'inciter à continuer à avancer. Il ignorait ce qu'elle avait voulu dire. Attendre quoi ? Qu'elle ait terminée ses études et quittée Poudlard ? Qu'elle ait épousée Rosier ? En vérité peu importe, ça n'avait plus d'importance aujourd'hui. La seule voie à suivre dans leur cas était celle du Seigneur des Ténèbres, il n'y avait plus d'alternative possible, plus alors qu'ils s'étaient autant liés à sa cause ces dernières années, sans même le réaliser pleinement.

Dans la calèche, Regulus se retrouva assis à côté de Bellatrix, face à face avec Elizabeth dont les traits étaient figés. L'atmosphère enneigée de la forêt était glaciale et les roues crissaient en s'enfonçant dans le sol gelé, ce qui faisait tanguer toute la voiture.

Rosier tenta de prendra la main de sa fiancée, qui reposait sur ses genoux, mais la jeune fille se dégagea.

- Evan, je t'en prie...

- Arrête de faire l'enfant, s'agaça-t-il. Tu me fais honte.

- Si tu apportes des personnes infidèles au Maître, Rosier, intervint Bellatrix, tu sais ce qui t'attend.

- Je ne crois pas t'avoir demandé quoique ce soit, rétorqua-t-il, tendu.

Les yeux noirs de Bellatrix se plissèrent et elle se pencha en avant, un rictus malsain accroché aux lèvres.

- Reparle-moi encore une fois comme ça, Rosier, susurra-t-elle, et tu auras le même sort que les nés-moldus, tu m'entends ?

Evan resta inexpressif, même s'il se garda bien de répondre. Regulus en savait peu sur la hiérarchie des mangemorts, mais il était certain que Bellatrix avait une position plus importante que lui qui était à peine sorti de Poudlard et dont le seul fait d'arme était d'avoir terrorisé une école pleine d'enfants de onze ans. Il ressentit une certaine satisfaction à voir sa cousine effacer l'air suffisant de Rosier.

Dans tous les cas, le ton menaçant de Bellatrix avait fait son effet, comme d'habitude, et Elizabeth n'ouvrit plus la bouche de tout le trajet.

Ils arrivèrent à Pré-au-Lard environ une trentaine de minute plus tard et Regulus s'étonna du calme qui régnait. D'ordinaire, le village grouillait de monde et de vie, les vitrines des commerçants attiraient l'œil, mais aujourd'hui il ne repéra que deux sorcières qui descendaient la rue principale d'un pas pressé. Il réalisa que c'était à cela que devait ressembler Pré-au-Lard le reste de l'année en dehors des dimanches où les élèves du château avaient l'autorisation de venir. Au loin, une bourrasque de vent fit grincer l'enseigne des Trois Balais.

Malheureusement, Rosier n'était pas venu pour faire du tourisme. Il jeta un regard à sa montre avant de leur faire face.

- C'est presque l'heure. Betty tu vas transplaner avec moi, et toi Black avec ta cousine. On se retrouve sur place.

Regulus ne chercha pas à demander où ils allaient. Il le saurait bien assez vite.

D'une main ferme, il saisit le bras de Bellatrix et eut l'impression de décoller du sol, comme s'il venait de perdre l'équilibre vers l'avant. Les couleurs tourbillonnèrent autour de lui, trop vite pour que son cerveau n'arrive à les analyser, tandis que son corps compressé ne cessait de se mouvoir. Il avait déjà pratiqué le transplanage d'escorte à quelques reprises ; pourtant, contrairement aux fois précédentes, il sentit d'avantage la présence de Bellatrix à ses côtés. Il avait l'impression que sa main, celle en contact avec sa cousine, le brûlait presque, et ce fut avec soulagement qu'il retrouva la terre ferme. Ses genoux plièrent sous le choc, mais il réussit à rester debout.

La première chose qui le frappa fut l'odeur d'herbe et d'humidité dans l'air. Une épaisse brume flottait autour de lui, l'empêchant de distinguer son environnement une seconde, puis il vit l'imposante bâtisse qui se dressait à sa droite. Il pivota. La maison, qui tenait plus du manoir, avait dû coûter une fortune et paraissait absorbée la lumière. De hautes haies bordaient l'allée pavée qui y menait.

Bellatrix sourit. Elle semblait parfaitement à sa place dans ce décor sinistre.

- Tu reconnais ? Demanda-t-elle.

- Non... Je devrais ?

- Noël 1966. Il y avait un orage.

Regulus eut envie de vomir. « Viens, Reg, n'ai pas peur »

- Les Lestrange, souffla-t-il. On est chez les Lestrange.

- Chez Rodulphus, précisa Bellatrix. Les parents sont morts le mois dernier, il vient d'en hériter après que son frère lui ait céder sa part.

- Pourquoi ?

- C'était plus correct pour le mariage, il nous fallait un endroit où vivre.

- Justement, quand est-ce que ça a été décidé ?

Bellatrix émit un claquement de langue, agacée.

- En début d'année, répondit-elle d'une voix dure. Ma place privilégiée auprès du Maître commençait à... attirer l'attention, et un mariage fera taire les rumeurs. C'est prévu pour juin.

Regulus ne put s'empêcher de ressentir une certaine tristesse pour elle, toujours si indépendante et affranchie en ce qui concernait les hommes. Ils n'avaient jamais été proches, tous les deux, même enfants, à cause de leurs dix ans de différence, mais parmi sa fratrie, Bellatrix se détachait comme une étoile qui brûlait tout sur son passage. Andromeda était parti fonder une famille dès ses études terminées, elle s'était marier et était déjà mère ; tandis que Narcissa vivait sa parfaite histoire d'amour avec le fils Malefoy depuis plus deux ans. Bellatrix, à maintenant 27 ans, n'avait eu pour amant que ses convictions et l'honneur de son nom. A elle seule, elle avait porté l'honneur des Black, tête haute, et avait écrasé toutes les personnes qui se dressaient sur son chemin pour intégrer le cercle intime du Seigneur des Ténèbres.

- Peu importe, dit-elle finalement. N'en parlons pas aujourd'hui. Reste ici, attends que je revienne te chercher, et dis à Rosier de venir me rejoindre dès qu'il arrive.

Regulus hocha la tête. Il l'observa s'avancer jusqu'au portail en fer devant lequel elle s'arrêta une brève seconde, le temps de relever sa manche pour exposer son avant-bras gauche. La porte s'ouvrit aussitôt pour la laisser passer et elle continua son chemin, ses boucles noires lui battant les épaules et sa longue robe sombre volant autour de ses chevilles.

Brusquement, un « pop » sonore déchira le silence. Rosier et Elizabeth apparurent. Il remit son col de chemise en place, sans se soucier de sa fiancée qui tomba à genoux, le teint pâle.

- Remets-toi, Betty, il va falloir y aller, ordonna-t-il.

- Bellatrix a dit que tu devais aller la retrouver...

- Je le sais, Black, dit-il, cassant. Restez là.

Evan imita le geste de Bellatrix quelques secondes plus tôt en dévoilant sa marque pour entrer avant de disparaître dans la maison.

Mal à l'aise, Regulus s'approcha d'Elizabeth.

- Tu vas bien, Yaxley ?

- Je... Juste mal au cœur, le transplanage tu sais...

- Respire à fond.

Il ne savait pas si c'était à cause de la luminosité, mais il la trouva presque verdâtre sous cet angle. Elizabeth posa soudain sa main parfaitement manucurée contre son ventre et se pencha, courbée en deux.

Regulus eut juste le temps de s'écarter avant qu'elle ne vomisse sur l'impeccable pelouse des Lestrange.

- Merlin... jura-t-il.

Il passa dans son dos et ramena ses beaux cheveux blonds en arrière alors qu'elle toussait, un sanglot coincé dans la gorge. Il se demanda ce que les autres filles de Poudlard diraient si elles voyaient la d'ordinaire si parfaite Elizabeth Yaxley dans cet état. Alexia Cassidy aurait sans doute été ravie de se moquer tandis que Bertha Jorkins serait sûrement déjà en train de répandre la nouvelle dans chaque couloir.

- Je suis désolée, hoqueta-t-elle. Oh Merlin, Evan va...

- Calme-toi, il n'est pas là. Contente-toi de respirer. Tu te sens mieux ?

- Je crois...

- Sois en sûre Yaxley, dit-il durement. Ce n'est pas le jour pour leur montrer tes faiblesses.

- Qu'est-ce que tu en sais ? S'énerva-t-elle.

Elle se dégagea d'un geste sec, puis se remit debout avec fébrilité. Son long manteau gris, cintré à la taille, était de travers par-dessus son uniforme, et même ses cheveux formaient une masse étrange sur le côté de son visage. Elle avait l'air d'une enfant terrifiée et Regulus se demanda pour la première fois ce qu'elle faisait là aujourd'hui.

- Je le sais parce que j'ai conscience de ce qui va se passer à l'intérieur, expliqua-t-il, stoïque. Ce n'est pas un jeu, on va entrer dans une guerre, Yaxley. Tu ne pourras pas te contenter d'être l'ombre de Rosier.

- Mais... mais...

Elle ne parut pas trouver les mots. Regulus la dévisagea. Elle n'avait rien d'une future mangemort. Il savait que les rangs du Seigneur des Ténèbres ne comptaient que deux femmes, Bellatrix et Alecto Carrow, la sœur jumelle d'Amycus, âgée d'une trentaine d'année. Elles avaient toutes les deux l'étoffe de guerrières qui n'hésitaient pas à faire couler le sang et étaient sûrement bien plus puissantes que la plupart de leurs homologues masculins. Elizabeth ne correspondait en rien au profil. Elle aurait dû être comme Narcissa, un soutien à la fois proche et lointain qui gravitait autour de son mari et du cercle des mangemorts sans en faire pleinement partie.

- Qu'est-ce que tu fais ici, Yaxley ? Murmura-t-il.

- Evan a dit... il a dit qu'il nous protégerait.

- Quoi ?

D'un geste horriblement lent, elle reposa la main contre son ventre et ses ongles s'enfoncèrent dans le tissu de son vêtement comme les griffes d'une dragonne effrayée. Regulus sentit son sang se glacer et son cœur loupa un battement.

- Mon père est furieux, s'étrangla-t-elle, une larme roulant sur sa joue. Il veut faire annuler le mariage pour déshonneur, mais ça causerai un scandale. Il veut... il veut me retirer de Poudlard pour me faire passer mes examens à domicile et... et le donner à un orphelinat, étouffer l'affaire. Mon cousin est déjà engagé auprès du Seigneur du Ténèbres, Evan aussi... Ils m'ont promis que si j'aidai la cause... Tu-Sais-Qui pourrait m'aider, me cacher.

- Elizabeth...

- Ils ont dit qu'il s'opposerait à ce qu'un enfant sang-pur soit traité ainsi et que je pourrai rester auprès d'Evan. Il faut juste que je sois courageuse, que je fasse mes preuves.

Regulus se passa une main dans les cheveux, agité, les yeux fixés sur le ventre de la jeune fille. Elle avait un an de plus que lui. A peine dix-sept ans.

- Combien... ? Je veux dire, tu es enceinte depuis combien... ?

- Deux mois, souffla-t-elle. Evan était venu me voir pendant la sortie à Pré-au-Lard fin octobre pour fêter l'anniversaire de nos fiançailles...

- Merlin...Yaxley...

- Tu es le seul au courant à part ma famille, révéla-t-elle avec un sourire triste.

Elle n'avait plus rien de la peste qu'il avait toujours connu à Poudlard. Pour la première fois, il entrevit une jeune fille plus douce et humaine sous ses airs hautains.

- Félicitations j'imagine, lâcha-t-il faute de mieux.

- Merci...

- Betty ! Black ! Appela brusquement Rosier depuis les marches du perron à quelques mètres. Venez !

Regulus vit Elizabeth inspirer une grande goulée d'air puis rependre constance et se diriger vers son fiancé. Il retint l'impulsion qui lui intimait de la retenir, de ne pas la laisser s'approcher de cet endroit, mais il serra les poings, impuissant, avant de la suivre.

Le parquet sombre et ciré du vestibule grinça sous leurs pas et Rosier leur indiqua de tourner à droite immédiatement. Ils pénétrèrent dans le salon. Plusieurs personnes, pour la plupart vêtues de longues capes de sorciers, étaient rassemblées au centre de la pièce dont les meubles avaient été repoussés contre les murs.

Regulus eut vaguement l'image de ce même salon rempli d'invités, une coupe d'hydromel à la main, auréolés dans la lumière de guirlandes de noël.

**

*

24 décembre 1966

- Non, maman, je veux rester !

- Regulus, cela suffit. Je t'ai dit de monter te coucher.

Regulus, du haut de ses six ans, tapa du pied. Perché sur la première marche de l'escalier en bois, il jeta un coup d'œil envieux à sa cousine Bellatrix qui avait le droit de rester avec les grands et qui discutait avec Mr et Mrs Lestrange, leur hôte pour la soirée.

- Juste cinq minutes ? Plaida-t-il.

- Ce n'est plus l'heure pour les enfants, expliqua Walburga. Allez, monte. Ton frère et Andromeda sont déjà là-haut, elle s'occupera de toi.

- Tu... tu viendras me dire bonne nuit ?

Le visage de sa mère se radoucit et elle se pencha pour lui déposer un baiser sur le front, écartant sa frange de cheveux noirs. Son parfum à l'essence de jasmin l'entoura.

- Promis, plus tard.

- Et père ?

- Tu sais bien qu'il discute de choses importantes, tu le verras demain matin.

Les épaules de Regulus s'affaissèrent, mais il hocha la tête. Vaincu, il s'agrippa avec sa petite main à la rambarde et rejoignit sa chambre d'invité, celle qu'on lui avait attribuée pour la nuit. Sirius était déjà glissé dans son lit, en train de rire avec Andromeda. Visiblement, il tentait d'imiter leur grand-mère Irma pendant le repas en prenant une voix de petite vieille qui critiquait tout.

- Grand-mère n'a pas dit ça...

Sirius tourna la tête vers lui.

- Elle l'a pensé très fort ! Toute cette soirée était une horreur de toute façon, je m'ennuyais !

- Non, c'était trop bien ! Protesta Regulus. Pas vrai, Andy ?

Sa cousine, âgée de treize ans, se contenta de rire. Elle se pencha pour le prendre dans ses bras, mais maintenant qu'il était un grand garçon elle ne parvint qu'à faire décoller ses pieds du plancher alors que sa longue tresse brune lui chatouillait le visage.

- Allez Reg, au lit, dit-elle. Cissy m'attend pour éteindre les lumières.

- Je suis pas fatigué !

- Plus vite tu seras couché, plus vite tu dormiras et donc plus vite tu pourras ouvrir tes cadeaux demain. Le temps passera plus vite.

Regulus fit la moue avant d'obtempérer. Il enfila son pyjama pendant que Sirius continuait à se moquer des invités et à la fin il riait tellement qu'il se retrouva avec sa tête dans sa manche. Andromeda soupira et l'aida à se mettre correctement au lit, puis elle souffla les bougies posées sur la table de nuit.

- Bonne nuit, les cousins, lança-t-elle en fermant la porte dans son dos.

- Bonne nuit Andy !

La tête plongée dans son oreiller à plumes, Regulus tenta de fermer les yeux. Aussitôt, les voix et les rires des convives résonnèrent depuis le rez-de-chaussée. Il s'imagina les robes qui tournoyaient, la fumée des cigares qui formaient des volutes... Bercé par la musique du piano, son esprit dériva lentement tandis que son corps se détendait.

Il était au bord du sommeil lorsque soudain un bruit sourd le fit sursauter et une lumière vive déchira sa vision. Une seconde plus tard, une bourrasque de vent fit frapper une branche contre la fenêtre. Il se figea sous ses couvertures.

- Sirius ? Appela-t-il dans un murmure. Sirius ? Tu dors ?

- Non, je fais une partie de Quidditch avec le chat.

- On n'a pas de chat...

Sirius soupira.

- Qu'est-ce qu'il y a, Reg ?

- T'as entendu ?

- Quoi ? Le tonnerre ? C'est juste un orage.

En écho aux mots de son frère, le ciel se mit à déverser des trombes d'eau qui frappèrent les carreaux et un nouveau grondement sourd ébranla l'atmosphère. Regulus laissa échapper un cri.

- Sirius !

- Oh Merlin, Reg, arrête de faire ton bébé, c'est rien.

- Et si la maison s'écroule ?

- Elle tient debout depuis cent ans, elle ira bien.

- Cent ans ? Répéta Regulus, inquiet. Alors elle est vieille ! Elle est peut-être malade et elle va s'écrouler !

- Espérons que grand-mère Irma aussi alors...

- C'est méchant.... Ahhhh !

Même dans le noir, Regulus devina que Sirius venait de rouler des yeux.

- C'était juste un autre éclair, Reg, calme-toi.

- J'ai peur... je vais voir maman...

Il balança ses petites jambes sur le côté et se laissa glisser par terre, le cœur battant. Avant qu'il ne puisse s'approcher de la porte pourtant, Sirius l'arrêta :

- Non ! Attends ! Elle va se mettre en colère si tu descends.

- Mais...

- Viens là, Reg, n'ai pas peur.

Regulus hésita une seconde, puis, essayant de ne pas trébucher dans l'obscurité, il rejoignit son frère qui l'aida à monter maladroitement dans son lit. Sirius le recouvrit entièrement de sa propre couverture et s'allongea à côté de lui, face à face. Ils étaient si proches qu'il pouvait sentir son souffle contre sa peau.

- Tu vois, on ne risque rien là. L'orage est dehors.

- Et s'il entre ?

- Il ne peut pas entrer, affirma Sirius d'un ton confiant. Et de toute façon, je te protégerai, Reg. Je te protégérai toujours, promis.

- Promis juré ? Sur ton balai ?

- Toujours.

Rassuré, Regulus ferma les yeux et se blottit un peu plus sous la couverture. Rien ne pouvait lui arriver tant que son grand frère était là. »

**

*

Regulus secoua la tête et le souvenir du noël 1966 se dissipa. Le salon n'avait plus rien d'enchanteur aujourd'hui, Sirius avait brisé sa promesse depuis longtemps, et l'orage qu'il devrait affronter dans quelques instants ne resterait pas dehors cette fois-ci.

D'une démarche chaloupée, Bellatrix s'approcha de lui, encadrée par deux hommes bruns à l'allure imposante.

- Regulus, je te présente Rodulphus et Rabastan.

- Enchanté...

- Alors c'est toi le petit cousin prodige. Tu ne dois pas te souvenir de moi, tu étais trop jeune. Je suis Rodulphus.

Il tendit la main et Regulus la lui serra avec fermeté. Contrairement à son frère, il avait un nez plus brusque, les cheveux plus courts et une légère barbe ombrait son menton.

- Tu as fait le bon choix, reprit-il. Tu verras, le Seigneur des Ténèbres est un grand homme.

- Je n'en doute pas.

Rosier les rejoignit, l'air nerveux.

- Rodulphus, Rabastan, puis-je vous présenter ma fiancée ? Elizabeth Yaxley, présenta-t-il d'un geste. La cousine de Malcom.

- Mademoiselle.

- Ravie de vous connaître, sourit Elizabeth.

- Je ne savais pas que nous avions deux aspirants à la cérémonie d'introduction aujourd'hui, dit Rabastan d'une voix grave. Regulus avait bien entendu été prévu depuis longtemps, mais pas vous, si ne me trompe.

- Mon cas est un peu spécial, mais je vous assure que ma loyauté envers vous et le Maître est entière.

- Oh Evan, tu lui as appris à bien parler, commenta Rosier père en arrivant à leur hauteur.

La cinquantaine triomphante avec son costume trois pièces et ses cheveux argents, il posa un regard condescendant sur sa future belle-fille.

- Ou peut-être qu'elle sait juste s'exprimer par elle-même, lâcha Regulus sans réfléchir.

Un silence gêné suivit sa remarque et il vit le sourire suffisant de Bellatrix s'effriter. Ils connaissaient tous les deux le patriarche de la famille Rosier depuis l'enfance puisque ce dernier était cousin au second degré avec la tante Druella et il n'était pas connu pour son calme ni son sang-froid. Il avait été l'un des premiers, au tout début, à rejoindre les rangs des mangemorts il y a une dizaine d'année.

Il darda ses yeux dorés sur lui.

- Regulus Black, n'est-ce pas ? J'ai beaucoup entendu parler de vous. Le fils prodige. Le départ de votre frère nous a tous surpris, je m'attendais à le voir ici avant vous.

- Désolé de vous décevoir...

- Sirius n'a plus rien à voir avec notre famille, précisa Bellatrix, venimeuse. Les Black connaissent leur place, qui est aux côtés du Maître, tout comme en témoigne la présence de Regulus aujourd'hui.

- Je n'en doute pas un seul instant, dit monsieur Rosier, presque goguenard. Je soulignais seulement mon étonnement, quoiqu'après le mariage de votre sœur, cela n'aurait pas dû.

Le visage de Bellatrix devint livide à la mention d'Andromeda et elle s'avança jusqu'à se retrouver à quelques centimètres de Rosier père. Un sourire dément vint ourler ses lèvres.

- Je leur arracherai moi-même le cœur à la première occasion, susurra-t-elle, soyez-en sûr. Ne remettez pas mon engagement auprès du Seigneur en question.

Monsieur Rosier déglutit, mal à l'aise.

- Je ne me le permettrai pas. Et après tout, Regulus, tout cela n'était-il pas prédestiné ?

- Monsieur ?

- En latin, votre prénom signifie « petit roi ». Vous voilà ici, à la place de votre frère, comme le prince que personne n'attendait pour porter les valeurs des Black. J'espère que vous réussirez la cérémonie et que vous nous rejoindrez.

Après un dernier hochement de tête, Rosier père posa une main sur l'épaule de son fils, puis l'entraîna plus loin. Elizabeth s'engouffra dans leur sillage sans un mot.

Regulus sentit la tension accumulé au creux de son ventre se relâcher lentement. Il expira, nerveux, et veilla à garder une posture impassible alors qu'il promenait son regard plus en détail sur les personnes présentes. Il en reconnut certaines. Lucius Malefoy, Selwyn, Wilkes, Avery père, Billius Nott, les jumeaux Carrow, Goyle, Xander Travers, Crabbe... Tous réunis pour assister à son introduction au sein de leur cercle.

Son répit fut de courte durée. Alors qu'il commençait à s'acclimater à l'atmosphère étrange de la pièce, un lourd silence tomba, angoissant, et il se tendit à nouveau, sur ses gardes. Il ne s'attendait toutefois pas à voir le nouveau venu qui se tenait dans l'encadrement de la porte.

- Oh Merlin... entendit-il Elizabeth murmurer, comme une prière.

L'homme qui entra à pas feutré ne pouvait qu'être Lui. Le Seigneur des Ténèbres. Regulus aurait été incapable de lui donner un âge, sans doute la cinquantaine, mais c'était difficile de juger. Le teint cireux, ses traits étaient déformés par la magie noire ; et ses yeux sombres, comme deux pierres d'ébène, ainsi que ses joues creusées, paraissaient lui ravir son humanité. Il se mouvait lentement, à la manière d'un serpent mortel, tout en grâce et en animalité.

Regulus comprit ce dont Rosier lui avait parlé. Voldemort semblait entouré d'une aura, d'un charisme, qui imposant la crainte autant que l'admiration. Dans une sorte de miroir inversé, seul Dumbledore lui avait déjà fait ressentir cette impression.

- Voici donc nos deux nouvelles recrues... dit-il d'une voix caressante. Si jeunes...

Bellatrix s'approcha.

- Oui, Maître, mais ils sont prêts à vous servir.

- Nous verrons cela, Bella. Approchez.

D'un geste de la main, il leur fit signe, et les autres s'écartèrent pour les laisser avancer. Regulus se plaça à la droite d'Elizabeth qui avait l'air prête à défaillir. Il pria intérieurement pour qu'elle ne vomisse pas à nouveau sur les chaussures de Voldemort.

- Black et Yaxley. La loyauté de vos familles n'est plus à prouver.

La façon dont il prononça leur nom fit frissonner Regulus.

- Malheureusement, vous comprenez bien que vous devez faire vos preuves avant de nous rejoindre.

- Bien sûr, Seigneur, répondit Regulus en voyant qu'Elizabeth gardait désespérément le silence.

Voldemort plissa les yeux et un rictus glacial se dessina sur ses lèvres pâles.

- Faites entrer la fille, ordonna-t-il.

Immédiatement, Xander Travers et Lucius Malefoy se précipitèrent dans la pièce adjacente. Des bruits étouffés leur parvinrent, comme s'ils traînaient quelque chose, et Regulus sentit l'appréhension prendre possession de lui. Son sentiment se confirma dès qu'ils revinrent.

Ils tenaient une jeune fille, le visage dissimulée sous ses cheveux châtains, chacun par un bras. Elle pendait entre eux comme un pantin désarticulé. Dès qu'ils la lâchèrent, ses jambes se dérobèrent sous elle, et elle s'écroula en un gémissement plaintif. Sur ses mains, Regulus entrevit des griffures encore rouge, signe qu'elle n'était pas arrivée ici sans se battre.

- Black, Yaxley, je vous présente votre épreuve, dit Voldemort.

- Allez au diable ! Cracha la jeune fille.

Elle releva la tête, le visage déformé par la colère. Regulus retint un mouvement de recul. Ses traits lui rappelaient ceux d'un autre. Même nez en trompette, même taches de rousseur. L'image de Tiberius Ackerley, le présentateur de Quidditch, se superposa à la sienne dans son esprit.

- Ils finiront par vous attraper, affirma-t-elle. Maugrey et Dumbledore ne vous...

- Silence ! Coupa Voldemort d'une voix ténébreuse. Ce vieux fou et les Aurors n'arriveront à rien. Et toi, ma chère, tu vas mourir ici. Black, Yaxley, vous avez devant vous Gemma Ackerley, la jeune protégée des Aurors, qui a cru pouvoir s'en prendre à nous ; elle, la pauvre pathétique née-moldu.

Il marqua une pause et personne n'osa bouger.

- Tuez-la, ordonna-t-il.

- Montrez-nous que vous êtes dignes des mangemorts, ajouta Monsieur Rosier avec un sourire sadique.

Elizabeth ferma les yeux lentement, tremblante. Sa poitrine se soulevait avec difficulté à un rythme erratique et Regulus comprit immédiatement. Ils ne pouvaient pas être deux à la tuer. L'un d'eux uniquement jetterait le sort fatal.

Il plongea la main dans sa main où ses doigts se refermèrent sur sa baguette. Il avança d'un pas sous le regard attentif de Bellatrix et s'agenouilla face à Gemma. Elle le regarda droit dans les yeux.

- Regulus Black, chuchota-t-elle. Je me souviens de toi à Poudlard.

- Je dois le faire...

- Tu ne dois rien du tout. Je t'en prie.

- Désolé, murmura-t-il tout bas pour qu'elle seule l'entende. Sincèrement.

- Tu ne vaux pas mieux qu'eux, rétorqua-t-elle.

Le cœur au bord des lèvres, Regulus se releva. Il sentit Elizabeth se glisser dans son dos.

- Je peux... je peux...

- Non, dit-il fermement. Laisse-moi faire.

Il ne valait peut-être pas mieux qu'eux, mais qu'il soit damné s'il laissait une femme enceinte accomplir un meurtre sous la contrainte. Elizabeth avait une chance de s'en sortir, de ne pas prendre part aux actions des mangemorts. Elle avait un choix qu'il n'avait pas.

- Je ne peux pas juste rien faire, protesta-t-elle en chuchotant. Ils ne me laisseront pas...

Regulus serra les mâchoires.

- Tu sais jeter un doloris ? Demanda-t-il.

- Oui...

- Alors vas-y.

Il s'écarta légèrement, croisant le regard d'Elizabeth. Elle hocha la tête avec gratitude. D'un geste ample, elle leva sa baguette, le visage dépourvu d'expression. Lorsqu'elle prononça la formule, ce fut d'une voix atone.

- Doloris !

Le hurlement de douleur pure qui s'arracha de la gorge de Gemma ne la fit pas flancher.

La jeune Auror se tordit au sol et ses ongles s'enfoncèrent dans le tapis alors qu'elle continuait à crier. Des larmes se mêlèrent à ses supplications. Plusieurs mangemorts se mirent à rire. Regulus se demanda ce que Marlène dirait si elle le voyait se tenir là sans intervenir, si elle penserait toujours qu'il pouvait être sauvé.

Au bout d'une minute, qui parue durer une éternité, Elizabeth cessa enfin. Elle ne cilla même pas en voyant Gemma s'écrouler, épuisée, et Regulus reprit sa place. Il sentit Voldemort l'observer. Il avait l'air de trouver tout cela divertissant.

Regulus se demanda ce que tous les autres rassemblés ici avaient dû faire le jour de leur cérémonie d'introduction, si tout le monde devait tuer quelqu'un... Bellatrix avait sans doute torturé sa proie bien plus qu'une minute.

Lorsqu'il pointa sa baguette sur elle, Gemma se redressa une ultime fois en puisant dans ses dernières forces.

- Tu diras à mon petit frère, dit-elle d'une rauque, que je me suis battue autant que j'ai pu... et tu le regarderas droit dans les yeux en sachant que tu m'as tué. Quand il pleurera ma mort, ne détourne pas la tête. Tu seras responsable.

Les mots se gravèrent en lettres de feu dans la mémoire de Regulus et il sut qu'il ne pourrait jamais les oublier, qu'ils viendraient le hanter dans son sommeil.

Il pensa à sa mère, si fière de son précieux fils. Il pensa à Sirius, au château, qui avait fui et n'était plus là. Il pensa à Marlène et Livia. Il pensa au futur enfant d'Elizabeth qui ne méritait pas de naître avec une mère à l'âme déchirée.

Puis il arrêta de penser.

- Avada Kedavra, souffla-t-il.

Le corps sans vie de Gemma Ackerley heurta le sol dans un bruit sourd.

Bellatrix posa une main sur son épaule, et ses lèvres lui caressèrent l'oreille alors qu'elle susurrait d'une voix chantante :

- Bienvenu dans nos rangs, petit cousin.

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