Tome II - Chapitre 24 : Cartes sur table
Chapitre XXIV : Cartes sur table
- Qu'est-ce qui prend tant de temps à Marlène ? Murmura Alexia.
- Aucune idée... T'inquiète pas, elle ne va pas tarder.
Alexia soupira et enfouit son visage un peu plus contre Sirius. Son mal de tête avait empiré et elle avait abandonné l'idée de continuer –de commencer serait plus honnête– son devoir de sortilège. Avec des gestes lents et répétitifs, Sirius jouait avec une mèche de ses cheveux d'une main tandis que l'autre reposait sur sa hanche.
- Qu'est-ce que tu penses du coup de Benjamin ?
- Je te l'ai dit, j'approuve totalement, répondit Sirius. Il est temps que quelqu'un remette mon père à sa place.
- Mais... Il est impliqué directement avec les mangemorts ? Demanda-t-elle, hésitante.
Elle sentit sa main se figer. Elle savait que Sirius n'aimait pas en parler, surtout avec elle, et elle ne voulait pas le pousser dans une conversation inconfortable pour lui, même si elle était horriblement curieuse. Il mit plusieurs secondes à reprendre la parole.
- Non, pas comme tu le penses, soupira-t-il. Du moins, il ne l'était pas quand je suis parti. Mes parents... ils aiment tirer les ficelles en coulisse. Ils sont plus une sorte de soutien silencieux comme la plupart des vieilles familles et des personnes qui soutiennent Tu-Sais-Qui. Tu ne les verras jamais mener des attaques avec un masque ou avoir la marque des ténèbres au bras, mais ils sont tout aussi dangereux dans ce qu'ils font.
- C'est-à-dire ?
- Déjà, financièrement. Je ne doute pas qu'ils aident pas mal de monde pendant des procès ou qu'ils prêtent des propriétés qui permettent aux mangemorts de se rassembler.
- Et cet argent... comment ils l'ont ? La société de gestion de ton père... il détourne de l'argent ou fait des trucs illégaux ?
Dans sa tête, elle se représenta Orion Black en parrain de la mafia, mais Sirius éclata de rire.
- Non, princesse. Les Black n'ont pas besoin de ça pour être riches.
- Excuse-moi, monsieur le milliardaire ! Répliqua-t-elle en riant.
- Pas dans ce sens-là... Je veux dire, mon père est peut-être un salaud de première, mais si je peux lui reconnaître quelque chose, c'est qu'il est un requin en affaire. Il a renforcé sa fortune en toute légalité, avec l'aide de son réseau de connaissance évidemment.
- Quel réseau ?
- C'est toujours plus simple quand tu t'es construit des alliances depuis l'enfance parce que tes parents te traînaient à des fêtes ou des bals organisés par l'élite des sang-purs, expliqua Sirius patiemment. Par exemple, son principal associé est Claudius Travers et ils se connaissent depuis leurs huit ans, alors que Penelope Carrow, qui gère la communication et les relations publiques de l'entreprise, est l'une des meilleures amies de ma mère.
Alexia laissa échapper un sifflement impressionné. Encore une fois, il lui parlait rarement de son enfance, mais d'après ce qu'elle entendait, ils n'avaient clairement pas eu la même. Elle passait ses week-ends à regarder la télévision ou aller faire du vélo avec des amies pendant que lui apprenait la valse pour plaire à des futurs partenaires commerciaux.
- Et toi ? Tu allais à ces soirées ?
- Oh oui ! Et je m'ennuyais à mourir. La plupart du temps, je devais danser avec l'une des jumelles Zabini ou supporter Elizabeth Yaxley et Evan Rosier parce qu'on avait à peu près le même âge. Pendant un moment, ma mère voulait même me marier à Livia Fawley.
Il annonça cela d'un ton neutre parfaitement maîtrisé, à tel point qu'Alexia eut un temps de réaction avant de comprendre ce qu'il venait de dire et elle s'étrangla presque de surprise et d'indignation mêlées.
- Quoi ? Lâcha-t-elle. Livia Fawley ? Elle sort pas avec... ton frère ?
- Elle-même, confirma-t-il. C'était leur saint club des « Vingt-huit sacrés ».
- Qu'est-ce que c'est que ça encore ?
Parfois, Sirius semblait oublier que même si elle était sang-mêlé, elle avait été principalement élevée dans le monde moldu. En se mariant, sa mère avait pour ainsi dire quitté la société sorcière et ses seuls contacts avec la magie en étant enfant venaient de sa sœur et de son frère à Poudlard. Elle avait donc été parfaitement renseignée sur le système éducatif sorcier et le Quidditch, mais beaucoup moins sur l'aspect politique, historique ou encore sociologique.
- C'est le surnom qu'on donne généralement aux familles qui figurent dans le Registre des Sang-Pur. Il été rédigé anonymement dans les années 30 environ et répertorie les vingt-huit familles de sorciers qui sont « d'authentiques » sang-purs.
Le sarcasme et la colère dans le ton de Sirius ne lui échappa pas.
- Et les Black y sont, j'imagine ?
- Oui, comme plein d'autres que tu connais. Les Londubat, les Malefoy, les Avery, les Nott, les Ollivander, les Rosier, les Lestrange, les Macmillan, les Abbot... Toutes les familles ne sont pas mauvaises, tu vois.
- Et les Potter ?
- C'est là que c'est intéressant, dit Sirius, un rictus au coin des lèvres. Ils ne figurent pas sur le Registre, ce qui est assez bizarre puisque c'est une très vieille famille également, même si elle n'est pas aussi connue que certaines. Mais une quinzaine d'année avant la rédaction du registre, Henry Potter, le grand-père paternel de James, a accusé publiquement le ministre de la Magie Archer Evermonde qui interdisait aux sorciers de porter secours aux moldus pendant la Première Guerre Mondiale. Autant te dire que ça n'a pas plu à pas mal de personne. On pense que c'est pour ça que les Potter ne sont pas sur le Registre.
- J'imagine que ça ne les a pas beaucoup dérangés...
- Non, évidemment. Henry Potter avait depuis longtemps pris sa retraite et Fleamont accroissait la fortune familial en inventant sa potion capillaire, alors ils s'en moquaient bien tous les deux.
- Mr Potter n'a pas toujours été Auror ?
- Pas dans sa jeunesse, non. Avec James, on se moque toujours de lui parce que quitte à inventer une potion capillaire, qui s'appelle Lissenplis en plus, il aurait pu faire quelque chose pour les cheveux incoiffables de son fils !
Alexia rit et se retourna sur le dos pour pouvoir le regarder dans les yeux. Maintenant qu'il s'était mis à parler, elle n'allait pas laisser passer l'occasion de lui poser toutes les questions qu'elle avait en tête. Elle ressentit une certaine fierté à le voir s'ouvrir à elle un peu plus que d'habitude, lui à qui elle avait tant de mal à arracher quelque chose dès qu'il s'agissait de sa famille ou son enfance.
- Tu as dû apprendre toute l'histoire de la famille Potter avant d'emménager chez eux ? Plaisanta-t-elle.
- En fait, j'ai connu le grand-père de James pendant deux ans. Il est mort quand on était en deuxième année, mais il adorait nous raconter plein d'histoires quand on venait dîner chez eux. A la fin, il radotait tellement que Peter récitait en même temps que lui. Et puis, quand j'étais petit, ma mère nous donnait des cours sur l'histoire sorcière, à sa façon évidemment. On a appris la généalogique des « Vingt-huit sacrés » sur le bout des doigts.
- C'est glauque pour des enfants... marmonna Alexia.
- Et surtout des conneries. Je peux t'assurer que pratiquement aucune des familles de ce Registre n'est totalement sang-pur. On a tous au moins quelques ancêtres moldus ou né-moldus. Dans le cas des Black, on les renie et on les efface de la tapisserie familiale tu me diras...
- Radical, mais efficace, dit-elle, sarcastique.
- Le plus drôle, c'est que certaines familles ne voulaient pas être sur le Registre. Les Weasley en étaient indignés ! Tu te souviens d'Arthur Weasley, il était en septième année quand on est arrivés ? Un rouquin ?
- Vaguement, peut-être...
- Bah son grand-oncle a failli en venir aux mains avec Teignous Nott dans le hall du ministère. C'était lui qu'on soupçonnait d'avoir écrit le Registre à l'époque, c'est pour ça. Il criait que les Weasley étaient fiers d'avoir des moldus parmi leurs ancêtres, ce qui leur a évidemment valu l'accusation de traîtres à leur sang. A contrario, d'autres familles se sont insurgés de ne pas figurer dessus ! Les Goyle et les Mulciber notamment.
- On t'a déjà dit que tu devrais remplacer Binns pour les cours d'Histoire de la Magie ? Parce que tu me captives !
- Mes yeux font souvent cet effet, princesse, répliqua-t-il, goguenard.
- Sirius, ton ego, lança une voix.
Alexia sursauta. Trop absorbée par l'histoire de Sirius, elle n'avait pas vu Remus, Dorcas et Marlène qui étaient revenus. Elle ouvrit la bouche pour leur demander où ils étaient passés et étouffa un cri en voyant l'état dans lequel se trouvait Marlène.
La jeune fille blonde avait les yeux rougis, des traces de larmes encore visibles sur ses joues rondes, et elle se tenait le poignet sur lequel un bleu violacé s'épanouissait. A ses côtés, Dorcas paraissait vouloir mettre son poing dans la figure de quelqu'un, tandis que Remus se laissait tomber dans le fauteuil en face d'eux, tendu.
- Merlin, qu'est-ce qui s'est passé ? S'exclama Sirius.
- Marlène...
Alexia se redressa et le regretta aussitôt. Passer à la verticale si brusquement lui donna la nausée en plus de renforcer son mal de crâne, et elle plaqua sa main contre sa bouche.
- Alex, rallonge-toi ! S'écria Marlène en la voyant pâlir dangereusement. Je vais bien, je n'ai rien. Rallonge-toi, je te dis ! Tiens, j'ai ton médicament. C'est à inhaler pendant cinq minutes...
Elle lui tendit une petite fiole dont Alexia se saisit d'une main tremblante avant de s'allonger à nouveau, reposant sa tête sur les genoux de Sirius.
- Qu'est-ce qui s'est passé ? Répéta-t-il dès que Marlène s'assit à son tour.
- Mulciber, dit-elle à voix basse. Il m'a.... accosté sur le chemin de l'infirmerie.
- Il t'a agressé oui ! S'écria Dorcas, révoltée.
- Pour l'affaire entre Benjamin et mon père ?
- Oui... Il a dit qu'il voulait venger l'honneur des Black et envoyer un message à mon frère. Apparemment, il n'a pas fait qu'accuser son patron, il a cité d'autres noms.
Sirius ferma les yeux brièvement et soupira.
- Je suis désolé, Marlène.
- Ce n'est pas de ta faute, objecta Remus, l'air concentré. Mais j'aurai quand même voulu aller le signaler aux professeurs, il devient incontrôlable.
- Pourquoi on ne le fait pas ? Demanda Alexia, perplexe.
Sa question provoqua un moment de malaise. Remus, Dorcas et Marlène échangèrent un coup d'œil équivoque, ce qui éveilla immédiatement sa suspicion.
- Ne me dites pas que vous l'avez assassiné ! On doit aller cacher le corps ?
- Alex ! Non ! Quelqu'un est juste... intervenu et m'a aidé.
- On lui enverra des fleurs, dit Alexia. Et alors ? Qui est ton chevalier servant ?
Cette fois, le nouvel échange de regard entre les trois autres impatienta Sirius qui croisa les bras, intrigué.
- Bon, crachez le morceau !
- Regulus... souffla Marlène du bout des lèvres. Regulus m'a débarrassé de Mulciber en prétendant s'en prendre à moi. C'est pour ça qu'il ne veut pas que ça se sache.
Alexia était sûre que son expression, en d'autres circonstances, aurait été comique avec ses yeux écarquillés et sa bouche entre-ouverte sous le coup de la surprise. Cependant, elle sentit le corps de Sirius se crisper sous le sien et lorsqu'elle osa lever la tête pour le regarder, elle le vit serrer les mâchoires. Il les dévisagea tour à tour, les épaules tendues, avant de s'adresser à Marlène :
- Je suis pas sûr de te suivre, dit-il. Qu'est-ce que mon frère vient faire là-dedans ? Avec toi ? Il passait par là et a décidé dans un élan d'altruiste de t'aider toi plutôt que Mulciber, alors que l'affront de Benjamin envers les Black a fait le tour du château et qu'ils se connaissent tous les deux ?
- Je me posais la même question, lança Dorcas, enfoncée contre son dossier. T'avais l'air de bien connaître « Reg' ».
- Dorcas...
A la mention du surnom, Sirius haussa un sourcil tandis que Marlène jouait nerveusement avec ses mains sur ses genoux. Alexia aurait presque eu pitié pour elle.
- Je connais Regulus depuis un an, avoua-t-elle à voix basse. On est... amis.
- Marlène, arrête de tourner autour du chaudron. Parle !
- Je ne sais pas quoi dire... On s'est rencontré l'année dernière par hasard, on a parlé, et finalement on s'est mis à se voir régulièrement. Je peux pas dire qu'il a été vraiment gentil avec moi au début, mais au fur à mesure il est devenu plus amical...
- Génial, donc tu as apprivoisé un Black sauvage, résuma Dorcas. Ce que je veux surtout savoir, c'est : est-ce que tu sors avec lui ?
- Oh Merlin... souffla Sirius, la tête dans les mains. Je ne veux pas savoir ça !
Les joues de Marlène s'enflammèrent.
- Non ! Enfin, pas tout à fait... Je l'ai embrassé une fois, mais c'était une seule fois, et...
- Marlène ! Il fréquente des mangemorts ! Sans offense, Sirius...
Sirius n'eut pas le temps de répondre, car Marlène se redressa et perdit finalement son calme face au ton venimeux de Dorcas.
- Il ne fréquente pas des mangemorts, il n'en est pas un non plus, arrête. Il a seize ans, par la barbe de Merlin. Si tu ne condamnais pas les gens si vite, ils ne finiraient peut-être pas rejoindre les rangs de Tu-Sais-Qui. Parfois, tendre la main peut aussi sauver quelqu'un.
- Alors quoi ? Tu le détourne du mauvais chemin, c'est ce que t'es en train de dire ?
- Et toi, qu'est-ce que tu es en train de dire, Dorcas ? Tu me reproches sérieusement d'être ami avec un Serpentard alors que tu sors avec Lucinda ? Je t'ai supporté à la seconde où je l'ai su ! Ne me force pas dans ta haine stupide entre Gryffondor et Serpentard.
- Ca n'a rien à voir, rétorqua-t-elle, piquée au vif. Luce n'a jamais été liée à la bande de Rosier, elle n'a jamais pris parti en ce qui concerne le statut du sang ! Si tu crois que Regulus Black n'a pas le même avis que son père contre lequel ton frère a protesté hier, tu es encore plus naïve que ce que je pensais !
- Ouh la, on devrait se calmer... apaisa Alexia.
- Elle a raison, les filles, approuva Remus d'un ton calme. Je crois qu'aucun de nous n'a le droit de juger Marlène ou de lui demander des comptes sur ses amis.
Dorcas leva les mains en l'air, frustrée, et rejeta ses épais cheveux sombres dans son dos.
- Sirius, défends moi, toi ! Explique-lui ce qui se passe dans les vieilles familles ou les soirées mondaines, les discours qu'ils tiennent sur les moldus. Regulus n'est sûrement pas quelqu'un de recommandable. Enfin, Marlène tu crois qu'il s'est échappé de chez lui et qu'il ne parle plus à son frère pour le plaisir ?
- Ok, assez ! S'écria Sirius, faisant sursauter tout le monde. Dorcas, j'apprécie tes efforts, mais je peux très bien parler pour moi-même. Et ne fais pas comme si tu savais tous des traditions sur le statut du sang. Les Meadowes sont peut-être une vieille famille, mais on sait tous les deux aussi que c'est ton père qui a bâti sa fortune et qu'il y a encore vingt ans vous n'aviez pas accès aux soirées mondaines comme tu dis. Quant à mon frère, c'est plus compliqué que ça, d'accord ?
Le coup de sang Sirius fut suivit d'un long silence. Encore une fois, Alexia fut surprise de constater sa connaissance sur l'histoire de l'élite sorcière. Elle avait toujours cru que les Meadowes étaient riches depuis toujours, comme les Black ou les Rosier. Elle n'aurait pas été surprise d'apprendre qu'ils appartenaient au « Vingt-huit sacrés », même si maintenant qu'elle y pensait, rien ne lui en avait donné de preuve formelle à part leur statut de sang-pur. Depuis qu'elle connaissait Dorcas, elle savait qu'elle était riche. Son amie portait des vêtements hors de prix, dépensait sans compter, et vivait dans un manoir victorien. Tout ça grâce au travail de son père, un riche homme d'affaire peu présent pour ses enfants. Apprendre qu'ils étaient en fait ce qu'on pouvait appeler des « nouveaux riches » lui fit étrange, comme si on venait de renverser toutes ses croyances sur la respectable famille Meadowes.
Dorcas n'en menait pas large non plus. Elle dévisagea Sirius, l'air blessé, et des plaques rouges apparurent le long de son cou et de sa clavicule. Alexia n'aurait pas su dire si c'était à cause de sa colère ou de son embarras.
- Très bien, souffla-t-elle d'une voix blanche. Si vous le prenez comme ça, je n'ai plus rien à ajouter ! Vous ferez ce que vous voulez quand Marlène aura été blessée ou enrôlée chez les mangemorts à cause de ses escapades secrètes avec « Reg ».
Avant que quiconque puisse la retenir, elle bondit sur ses pieds comme une furie et monta les escaliers qui menaient au dortoir sans un regard en arrière. Marlène laissa échapper un sanglot désespéré, visiblement épuisée par sa journée. Remus lui posa une main réconfortante sur l'épaule, puis se tourna vers Sirius avec une lueur réprobatrice dans ses prunelles ambrées.
- T'y es sans doute allé un peu fort...
- Désolé, mais elle ne connaît même pas Regulus. Elle n'avait pas à dire des choses pareilles non plus !
- Je crois qu'il y a des tensions entre Lucinda et certains Serpentard, expliqua Alexia en lui prenant la main avec douceur. Elle est probablement à cran là-dessus aussi. Et elle s'inquiète pour toi, Marlène.
- Mais je lui ai dit que ça allait ! Je suis désolée de ne pas vous avoir parlé de Reg plus tôt, mais c'est mon ami, il ne me fera rien. Et puis... c'était bizarre de venir vous en parler, surtout à cause de toi Sirius. Je ne voulais pas... je ne savais pas comment tu le prendrais.
Les yeux gris de Sirius se perdirent dans le vague un instant et Alexia eut peur qu'il s'énerve à nouveau, mais il reprit calmement, presque hésitant.
- Comme on l'a fait remarquer, je ne fais plus parti de sa vie. Ça serait hypocrite de ma part de t'interdire de le voir.
- Sirius...
- Est-ce qu'il va bien ? Demanda-t-il, la tête résolument baissée.
Marlène sourit timidement, indulgente.
- Oui... Il va bien. Et malgré les bruits qui courent, je peux t'assurer quelque chose : ce n'est pas trop tard. Je n'abandonne pas. Je crois qu'il s'est mis dans une situation dont il ne sait pas comment se défaire, mais il est quelqu'un de bien. Avec moi en tout cas. Et si tu m'aidais, peut-être que...
- Pas moi, non, coupa Sirius. Mais si tu arrives là où on a tous échoué, alors sauve-le de tout ça, Marlène. Parce qu'il ne s'est pas mis dans cette situation tout seul comme tu dis, mes parents et Bellatrix sont responsables. Quand je suis parti, il n'y avait plus d'hériter et il n'a pas eu le choix.
- Ce n'est pas de ta faute, dirent Alexia et Remus d'une même voix qui témoignaient d'une habitude bien rôdée.
Ils échangèrent un sourire, amusés, et Sirius resserra sa prise sur sa main avec reconnaissance. Distraitement, il traçait des motifs alambiqués avec son pouce contre l'intérieur de son poignet, là où son pouls battait.
Marlène regarda intensément Sirius à travers ses cils.
- Je crois surtout qu'il a besoin de son grand frère, même s'il ne veut pas l'avouer, murmura-t-elle.
Le souffle de Sirius se coinça dans sa gorge et il détourna à nouveau les yeux, le cœur au bord des lèvres. Il se demanda si Marlène savait tout ce qui c'était réellement passer entre eux, derrière les portes closes de Square Grimmaurd. Il doutait que Regulus, malgré son amitié avec elle, se soit ouvert à ce point. Parce que si c'était le cas, elle saurait qu'il ne pouvait plus être le grand frère dont Regulus avait besoin. Il l'avait compris il y a longtemps. Il ne pouvait pas retourner vers les Black après leur avoir échappé, et il se détestait pour ça. Il brisait sa promesse, celle qui l'avait faite à son petit frère à l'âge de sept ans. « Je serai toujours là pour te protéger, Reg, c'est promis ».
Sirius secoua la tête. Brusquement, alors qu'il repensait à frère, il réalisa quelque chose.
- Où est James ?
Un énième silence gêné lui répondit. Il plissa les yeux en direction de Remus qui s'agita nerveusement.
- Où est James ? Répéta-t-il, alerte.
- Il... je lui ait dit de nous suivre, mais tu le connais...
- Lunard !
- Il est resté en arrière discuter avec Regulus. Il voulait lui parler seul à seul.
- Oh bon sang Merlin, soupira Sirius. Je devrais aller le chercher...
- Pas besoin, il est là, l'arrêta Alexia avec un mouvement de menton.
Ils se retournèrent tous. Effectivement, le portrait de la Grosse Dame venait de pivoter pour laisser entrer James qui pénétra dans la salle commune, les mains enfoncées dans les poches. Il s'avança vers eux, sans expression, et se laissa tomber dans le fauteuil laissé vide par Dorcas quelques minutes auparavant.
James les fixa un à un sans prononcer un mot, et ce fut Marlène qui craqua la première.
- Alors ? Comment ça s'est passé ?
- C'était intéressant... dit-il prudemment. Tu vas mieux ?
- Oui, comme un charme, assura-t-elle pour ce qui lui semblait la dixième fois aujourd'hui. Vous avez parlé de quoi ?
James ne lui répondit pas. Au lieu de cela, son regard se porta sur Sirius et comme souvent, ils parurent avoir une conversation silencieuse entre eux tandis qu'une myriade d'émotion jouait sur leur visage. Alexia devina ce qu'ils allaient leur demander avant même qu'ils ne le fassent.
- Je pourrais parler avec Sirius ? Deux minutes ? On se retrouve pour le dîner après, d'accord ?
- Bien sûr, acquiesça Remus, déjà debout. Je vais retrouver Lily, ça va être mon tour de ronde de toute façon, et je suis sûr que Marlène a besoin de se reposer.
Il affirma ce dernier point avec un sourire, doublé d'une voix qui ne soufflait aucune réplique. Parfois, Marlène oubliait à quel point il pouvait être aussi sournoisement charmeur que ses amis. Elle voulut tout de même protester, la dernière chose dont elle avait envie était de retrouver Dorcas dans leur dortoir, mais elle ne trouva aucun prétexte qui justifierait sa présence entre les Maraudeurs. En plus, Alexia n'avait toujours pas l'air au mieux de sa forme.
Avec un soupir résigné, elle hocha la tête et aida son amie à se relever doucement. Alexia tangua sur ses jambes et grimaça de douleur avant de s'appuyer contre elle, ce qui lui valut un regard inquiet de Sirius.
- Princesse ? Appela-t-il alors qu'elles s'engageaient dans les escaliers.
- Oui ?
- Si tu ne te sens pas bien d'ici le dîner, je t'emmène à l'infirmerie.
- Je t'aime aussi, répliqua-t-elle pour faire bonne figure.
**
*
Sirius savait pertinemment que James était nerveux, pour la simple et bonne raison qu'il était immobile.
D'ordinaire, il ne tenait pas en place et c'était impossible de le faire assoir trop longtemps sans rien faire. En première année, les cours avaient été une torture pour lui, jusqu'à ce qu'il comprenne qu'écouter avec attention lui servait de distraction. A part de temps en temps où il préférait discuter ou jouer les fauteurs de trouble, il était un élève appliqué, ce qui lui avait toujours rapporté des bonnes notes. Malgré ça, il ne pouvait pas s'empêcher de tourner sa plume entre ses doigts ni de faire tressauter sa jambe, comme des spasmes, ce qui rendait Lily et Dorcas folles. Souvent, Remus appuyait fortement sa main sur son genou pour le faire arrêter, exaspéré lui aussi.
Or, actuellement, il se tenait face à Sirius, enfoncé dans son fauteuil sans bouger.
- Tu lui as parlé ? Demanda-t-il. A Reg ?
- Oui, oui... Je m'attendais pas exactement à ce qu'il m'a dit par contre...
- Pourquoi ?
James redressa ses lunettes sur son nez et se passa une main dans les cheveux.
- Tu sais que j'avais trouvé sa conduite bizarre avec moi pendant l'Epreuve de vol ?
- A juste titre, oui.
- Je lui ai demandé des explications, dit James. Je pensais qu'il m'en voulait pour le match, ou à cause des différents entre Gryffondor et Serpentard. En fait, ce n'était pas tout à fait ça.
- Alors c'était quoi ?
- Toi. Il m'en veut à cause de toi. Il pense que je lui ai « volé son frère ». Ses mots, pas les miens, précisa-t-il précipitamment.
Sirius eut la sensation d'avaler une couleuvre. Il ne s'était pas attendu à ça et une douleur familière qu'il associait désormais à son petit frère se répandit dans sa poitrine. Il ne comprenait honnêtement pas. Il avait toujours tenté de protéger Regulus, jusqu'au jour où il avait atteint son point de rupture et était parti de chez lui, mais même là il lui avait tendu la main une dernière fois. Certes, leur relation s'était dégradée à son entrée à Poudlard, ils ne s'adressaient presque plus la parole, pourtant James n'avait rien à voir là-dedans.
Le problème était que, depuis le temps, il pouvait lire entre les lignes rien qu'au ton de James et à sa façon de le regarder. Les accusations de Regulus l'avaient perturbé plus qu'il ne le laissait paraître.
- C'est faux, protesta-t-il. C'est à cause de lui si on pouvait plus se supporter au bout d'un moment !
- Pas d'après lui... Il a dit que quand tu es revenu de Poudlard, la première année, tu t'es éloigné de lui sans explication. Que tu ne lui avais même pas laissé une chance. Il n'a pas compris ce qui se passait, il avait l'impression de perdre son frère d'un coup. Et il pense que je suis responsable parce qu'on est devenu amis à ce moment-là et que tu es venu habiter avec moi plus tard...
Sirius ferma les yeux. Il aurait voulu dire à James que Regulus avait menti, qu'il avait tout inventé, mais sa voix l'abandonna. Il tenta de voir la situation à travers les yeux de son petit frère de dix ans qui l'avait attendu juste derrière la porte à son retour, le bombardant de question sur le château. Il se revit le repousser un peu plus chaque jour, s'enfermer dans sa chambre pour écrire des lettres à James en lui racontant l'enfer qu'était Square Grimmaurd pendant les vacances. Regulus avait plusieurs fois essayé de le confronter, lui demander ce qui passait, sans succès. Au bout d'un moment, il s'était braqué lui aussi, comme Regulus savait si bien le faire, et à partir de là les deux frères n'avaient jamais plus réussi à véritablement communiquer.
- Ce n'est pas vraiment ça qu'il s'est passé... souffla-t-il. C'est vrai que je ne lui ai peut-être pas expliqué, mais c'était comme si d'un coup je m'étais retrouvé de l'autre côté d'un mur. Je n'arrivais pas à les comprendre, tous. Mes parents, mes cousines, Regulus. Tout ce que j'avais entendu ou vu quand j'étais petit, toutes les choses sur les moldus ou les statuts du sang, j'ai compris cette année-là que ce n'était pas normal grâce à toi, Remus et Peter. J'ai voulu m'éloigner d'eux, Reg inclus.
- Mais si tu lui avais expliqué...
- Il n'aurait pas écouté. Tu n'étais pas avec lui, Cornedrue. Il n'arrêtait pas de répéter les discours de nos parents, ça avait le don de m'agacer. Quand il dit qu'il n'avait pas changé, il a raison. C'est le problème justement.
- Il avait à peine onze ans ! Répliqua James. A quoi tu t'attendais ?
- Je sais pas, j'étais énervé... Et puis il a été réparti à Serpentard, je voyais bien que Rosier s'intéressait à lui, ça a empiré les choses. Dès qu'on était à la maison, il jouait le pion de ma mère en essayant de me faire la morale.
James haussa un sourcil.
- Et tu n'as jamais pensé que ce n'était pas ta mère qui l'envoyait, mais sa façon à lui de te récupérer ? De te faire redevenir « normal » selon sa vision des choses ?
- Sauf que je ne pouvais pas faire comme avant ! Ecoute, James, on avait sans doute nos torts tous les deux, mais j'avais mon choix et lui le sien. Fin de l'histoire.
Sirius voyait bien que ses explications n'avaient pas totalement convaincu James, mais il ne pouvait pas changer ce qui s'était passé.
- C'est vrai que tu lui as dit que j'étais plus ton frère que lui ? Demanda-t-il brusquement.
Ce gamin ne sait décidément pas se taire, songea-t-il, fatigué.
- Oui, reconnut Sirius. Je lui ai dit pendant qu'on se disputait, l'année dernière. J'essayais de le persuader de ne pas faire l'imbécile et de s'éloigner de Rosier. Evidemment, il m'a envoyé balader.
- Quoi ? Quand ?
- Après l'attaque de Pré-au-Lard...
James se crispa et il s'en voulut d'avoir évoqué le sujet. Il savait que son meilleur ami avait encore des cauchemars à cause de l'attaque.
- C'est à cause de lui que je suis ressorti de la boutique ce jour-là, avoua-t-il. J'ai vu Reg dans la rue et j'ai eu peur. Je pouvais pas rester là sans rien faire... Mais quand j'ai voulu en parler avec lui, il a tout pris avec cynisme en me disant que j'étais hypocrite de revenir vers lui maintenant.
- C'est un cercle vicieux, marmonna James. Il veut que tu sois là pour lui, mais en même temps il te reproche d'être parti et donc il ne veut plus te laisser revenir, chose que de toute façon tu ne veux pas faire.
- Exact... donc on est coincé. J'étais sincère tout à l'heure, si Marlène peut le sauver, qu'elle le fasse. Je sais que je n'y arriverai pas... Et mes parents vont l'envoyer droit chez les mangemorts à la vitesse où ça va.
Dans son esprit, il s'imagina son petit frère, habillé de noir, un masque à la main, alors que la marque des ténèbres se détachait sur son bras comme une condamnation à mort irrévocable. Rien que l'idée lui serra le ventre.
- Marlène et Regulus ! Lâcha James, qui n'avait pas suivi ses pensées. J'avoue, j'aurai misé plus sur Lily et moi en première année que sur eux.
Sirius sourit.
- J'aurai plus misé sur Hagrid et Mrs Pince, renchérit-il.
- Eh Patmol ?
- Hum ?
James s'ébouriffa encore une fois les cheveux.
- Je suis désolé, tu sais, si je me suis mis entre vous sans le vouloir... Je ne voulais pas...
- Arrête. Je regrette beaucoup de chose avec Reg, mais tout est de la faute des Black, de leur incapacité à vivre avec leur temps. Certainement pas toi. Et je ne regrette pas non plus ce que je lui ai dit... c'était vrai... Tu es mon frère, sûrement plus que lui.
James hocha la tête, apaisé. Ils restèrent tous les deux jusqu'à l'heure du dîner.
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