Tome II - Chapitre 23 : Les frères
Chapitre XXIII : Les frères
Marlène savait qu'elle aurait dû être plus prudente. Elle aurait dû demander à une des filles de l'accompagner. Même si la nouvelle n'avait pas fait la une de la Gazette, elle avait fait assez de bruit pour revenir aux oreilles des élèves au château et ce n'était qu'une question de temps avant que quelqu'un ne lui tombe dessus. Or, Marlène n'était pas de tailler à lutter contre Darren Mulciber.
- Tu vas payer, susurra-t-il en approchant son visage du sien alors que sa baguette s'enfonçait un peu plus contre sa clavicule. Les McKinnon vont comprendre où est leur place...
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*
- J'arrive toujours pas à croire qu'il ait fait ça... marmonna Marlène en relisant la lettre de sa mère pour la troisième fois. Ça ne lui ressemble vraiment pas.
- C'est du génie, oui, dit Sirius. Ton frère est mon nouveau héro !
- Je croyais que John Lennon était ton héros, protesta Alexia en se massant les tempes. Tu as dit hier que « pour un moldu », il était hyper cool.
- C'était sur le moment. Avoue que ce que Benjamin a fait est du grand art !
- Je ne sais pas... j'espère qu'il n'aura pas d'ennui surtout, et puis il faut qu'il retrouve un travail. Et Merlin, qu'est-ce qu'ils font le commando de choc ?
Marlène sourit. Le commando de choc était le nom que James, Dorcas et Remus s'étaient donnés avant de partir pour les cuisines. Ça allait faire plus d'une heure qu'ils travaillaient tous dans la salle commune sur leur devoir de sortilèges et James avait décrété qu'un peu de nourriture en guise de carburant ne leur ferait pas de mal. Elle enviait sincèrement Lily qui avait déjà terminé le devoir la semaine passée et qui était actuellement en train de se promener dans le château pour faire ses rondes de préfète-en-chef.
D'un côté, elle ne pouvait pas s'empêcher d'être fier de son frère et de l'autre elle trouvait son comportement irresponsable, voire dangereux. Benjamin travaillait depuis près de quatre ans sous les ordres d'Orion Black en tant que conseiller financier dans son fond d'entreprise rattaché à Gringotts. Une violente dispute entre lui et son patron avait éclaté hier, et devant plusieurs témoins, il l'avait accusé, lui et la famille Black en général, d'être un adorateur de la magie noire doublé d'un partisan complice des crimes de Tu-Sais-Qui. Si Marlène ne doutait absolument pas que les accusations de son frère soit fondées, il n'en restait pas moins qu'il s'en était pris à la réputation du nom Black au sein de la société sorcière de façon publique. Il avait été renvoyé sur le champ. Lorsque Marlène l'avait raconté à ses amis, Sirius avait eu un énorme sourire, comme s'il était prêt à élire Benjamin prochain ministre de la magie.
Avec résignation, elle rangea la lettre de son frère dans son sac et reporta son attention sur son devoir. Elle avait déjà rédigé ses idées principales au brouillon et venait de terminer son introduction dont elle était plutôt satisfaite. En jetant un coup d'œil aux parchemins de Sirius et Alexia, elle s'aperçut que si lui semblait aussi avoir bien avancé, la copie de son amie était pratiquement blanche.
- Eh Alex... tu bloques ? Tu veux que je t'aide avec le sujet ? Demanda-t-elle avec délicatesse.
- Hm ? Oh non, non, c'est bon...
Intrigué, Sirius se pencha sur son parchemin.
- T'es sûre princesse ? Parce que t'as juste écris ton nom et le titre...
- Je sais, j'ai seulement mal à la tête... faut que je me concentre...
Marlène échangea un regard inquiet par-dessus la table avec Sirius alors que la brune grimaçait. Elle se rappela que l'un des symptômes de la maladie d'Alexia était aussi de violents maux de tête.
- Tu devrais peut-être t'allonger un peu...
- J'ai pas le temps de me reposer, dit-elle, ce truc est à rendre pour demain et j'ai besoin d'un effort exceptionnel minimum pour rattraper le test du premier trimestre...
- Alex, tu auras toute la soirée, je te passerai ma copie si tu veux.
- Je peux le faire toute seule !
- Non, elle a raison, intervint Sirius d'un ton implacable avant de lui prendre sa plume de la main. Allonge-toi, vas-y. Là, tu perds juste ton temps, tu ne vas pas réussir à écrire une ligne.
Alexia parut sur le point de protester, puis elle soupira, vaincue. Sans cérémonie, elle bascula sur le côté et posa sa tête sur les genoux de Sirius tandis que le reste de son corps prenait toute la place sur le canapé. Marlène lui trouva le teint plus pâle que d'habitude et un élan de pitié la traversa.
- Je vais aller à l'infirmerie demander à Pomfresh quelque chose pour la douleur, dit-elle en se levant. Je reviens.
- Laisse, t'as pas besoin de...
- Toi, contente-toi de dormir, coupa Sirius en passant une main dans ses cheveux avant d'ajouter en direction de Marlène, merci...
- Pas de problème !
C'était le moins qu'elle puisse faire pour aider Alexia. Ces derniers temps, elle tentait de faire bonne figure malgré sa maladie et si pour une fois elle avait besoin d'une pause, elle pouvait bien lui accorder.
La Grosse Dame lui adressa un sourire chaleureux lorsque Marlène la dépassa. Elle pressa le pas dans les couloirs pour ne pas perdre de temps, car elle devait malgré tout elle aussi terminer ce fichu devoir et il était hors de question qu'elle demande à Lily de lui passer le sien comme souvent à la dernière minute. Si Dorcas avait peu de scrupule à le faire, Marlène savait que le jour des ASPICS, l'examinateur ne lui laisserait pas deux minutes pour aller gentiment jeter un coup d'œil sur la copie de la rousse.
D'un coup sec, elle frappa à la porte de l'infirmerie et attendit plusieurs secondes avant que le battant ne s'ouvre sur Pomfresh.
- Oui ?
- Bonjour, excusez-moi de vous déranger... Je voudrais un remède pour un mal de tête, s'il vous plait ?
- Vous l'avez depuis longtemps ? C'est une simple migraine ou la douleur est plus forte ?
- Euh... Ce n'est pas pour moi, avoua-t-elle. C'est pour Alexia Cassidy, vous savez elle...
- Ah oui bien sûr ! Dit Pomfresh d'un air entendu. Vous auriez dû me le dire toute suite, je ne peux pas lui donner un remède classique, ça entrerait en contre-indication avec son traitement. Attendez là.
Elle disparut à l'intérieur et Marlène se contenta de rester sur le seuil, n'osant pas la suivre. Elle n'attendit pourtant pas bien longtemps puisque Pomfresh revint, un flacon en argent surmonté d'un bouchon en forme de fleur dans les mains.
- Voilà, donnez-lui cela. C'est à inhaler pendant cinq minutes toutes les deux heures, les extraits d'écailles d'hippocampe et de baies de sureau devraient la soulager. Si elle ne sent pas mieux demain, surtout dites-lui de venir me voir.
- Bien madame, acquiesça Marlène. Je vous remercie, bonne fin de journée.
Elle fit demi-tour dans le vaste couloir où une immense tapisserie représentant les plus grands médicomages et savants au fil des siècles courait tout le long du mur, la fiole dans sa poche. Sur le chemin du retour vers la salle commune, elle se repassa mentalement la structure de son devoir pour tenter de garder sa concentration.
Trop absorbée par ses pensées, elle ne prêta pas attention à la silhouette qui se glissa dans son dos et se rapprochait. A cette heure-ci, un dimanche de janvier alors que la température dans les couloirs ne dépassait pas quinze degrés malgré les torches, la plupart des élèves restaient bien au chaud dans leur dortoir, leur salle commune ou la bibliothèque. Ce n'était pas rare de traverser le château sans rencontrer trop de monde, et par conséquent Marlène ne trouva pas étrange d'être seule.
Elle sursauta lorsqu'une main se referma au niveau de son coude avec brusquerie et un cri s'étrangla dans sa gorge.
- Ahh !
- La ferme, McKinnon.
Avec horreur, elle reconnut la voix de Mulciber une seconde avant qu'il ne la force à se retourner et qu'elle se retrouve face-à-face avec son visage patibulaire et son corps bâti comme une armoire à glace.
- Darren... Qu'est-ce que tu veux ?
- Quoi ? Tu ne veux pas discuter ? Dit-il avec un sourire mauvais. T'es moins grande gueule que ton frère ?
- Je... ça n'a rien avec moi, Benjamin...
- ... a fait une erreur s'il pensait pouvoir s'en prendre au Seigneur des Ténèbres sans conséquences. Il n'aurait pas dû jouer avec enjeux qu'il ne comprend pas.
- Il a déjà été renvoyé...
- Evidemment, il a pris soin de faire son petit esclandre en public, d'assurer ses arrières, et Orion Black n'avait pas le choix. Il ne pouvait rien faire sans que ça se sache. Ce n'est pas mon cas. Tu savais que ton frère avait balancé des noms, McKinnon ? Beaucoup de noms.
Marlène trembla. Elle n'était pas au courant des détails de l'invective de Benjamin, seulement ce qu'il avait bien voulu lui raconter dans sa lettre. Le ton calme, trop calme, de Mulciber lui noua l'estomac. Elle n'oubliait pas ce qu'il avait fait à Mary McDonald en cinquième année, ni sa participation aux attaques des nés-moldus qui lui avait valu un mois de suspension à la fin de l'année dernière.
Dans une montée de panique, elle tenta de se dégager d'un mouvement d'épaule mais il resserra sa prise avant de la pousser contre le mur. La force du choc lui arracha un grognement de douleur.
- Mon oncle et mes parents font l'objet d'une enquête, révéla-t-il en plongeant la main dans sa poche. Tout comme le père d'Avery et Evan Rosier. Ton frère a fichu un sacré bordel dehors. Or, ça serait dommage qu'il recommence et que votre famille en paye les conséquences, non ?
Il leva lentement sa baguette à la hauteur de son regard et Marlène déglutit. Elle imagina les mangemorts débarquer chez eux, dans leur maison tranquille que sa mère aimait tant, et s'en prendre à ses parents, à Benjamin et à Daniel, son frère aîné.
- Mais peut-être que lui envoyer un message d'avertissement serait assez... dissuasif, non ?
- Je... Darren je t'en supplie arrête...
- Quand il saura ce qui est arrivé à sa petite sœur chérie par sa faute, il y pensera sûrement à deux fois avant de s'en prendre à nous, tu ne crois pas ?
Marlène retint un sanglot et se mit à se débattre.
- Tu vas payer, susurra-t-il en approchant son visage du sien alors que sa baguette s'enfonçait un peu plus contre sa clavicule. Les McKinnon vont comprendre où est leur place...
- Mulciber ! S'écria soudain une voix.
Darren s'écarta aussitôt, surpris, et se tourna vers la personne qui arrivait vers eux à grandes enjambées. A travers les larmes qui brouillaient sa vision, Marlène mit un instant à distinguer ses traits alors qu'elle entrait dans la flaque de lumière projetée par les flammes de la torche, et une vague de soulagement déferla sur elle en reconnaissant Regulus.
Ce dernier dévisagea Mulciber avant de couler un regard anxieux vers Marlène, toujours collée contre le mur, l'air terrorisé.
- Je peux savoir ce que tu fais ? Demanda-t-il avec hargne.
- T'inquiète pas, répondit Mulciber d'un ton confiant. Je m'occupe de régler l'affront fait au Black.
- De quel droit ? Rétorqua Regulus. Tu crois que nous ne pouvons pas régler ça nous-mêmes ? Tu penses peut-être être supérieur à nous pour t'en charger ?
Mulciber parut désarçonné. Visiblement, il ne s'attendait pas à des réprimandes en faisant ce qu'il considérait comme une faveur pour les Black. L'expression glaciale et méprisante dont Regulus avait le secret le fit reculer d'un pas et il leva les mains.
- Je faisais ça pour toi...
- Et bien je suis parfaitement capable de m'en charger, affirma-t-il en sortant lui aussi sa baguette avant de faire face à Marlène. L'offense faite aux Black sera lavée par quelqu'un qui en porte le nom.
Horrifiée, Marlène fixa Regulus sans y croire. Elle tenta de déceler un indice qui montrerait que tout ça n'était qu'une comédie, mais il se contenta de lever sa baguette vers elle, imperturbable. Elle voulut ouvrir la bouche pour se défendre ou l'insulter, elle ne savait pas encore ; un sentiment de trahison douloureux au creux du ventre, mais il la devança.
- Laisse-moi avec elle, reprit-il en direction de Mulciber.
- Je peux t'aider à...
- Non ! Coupa Regulus d'une voix cinglante. C'est entre elle et moi. Tu peux y aller maintenant.
Mulciber fit la moue, comme si on venait de lui enlever son jouet, et pendant une seconde Marlène fut persuadée qu'il allait insister. Il finit par hausser les épaules, puis s'approcha à nouveau d'elle.
- Mulciber... avertit Regulus. J'ai dit...
- Je te laisse, je te laisse. Je dis juste au revoir à McKinnon, dit-il avant de se pencher, sa bouche à quelques centimètres de son oreille. T'as de la chance, murmura-t-il, j'avais prévu quelques doloris pour toi. Mais ne crois pas être tirée d'affaire, la fierté blessée des Black peut faire beaucoup de dégât aussi... On aurait pu s'amuser tous les trois.
La bouche sèche, elle sentit son énorme main lui frôler brusquement la poitrine et elle eut un haut le cœur. Sans réfléchir, elle le repoussa avec violence, poings serrés et furieuse. Elle l'aurait frappé s'il ne s'était pas éloigné à ce moment-là.
Au bout d'une éternité, Mulciber disparut enfin à l'angle du couloir. Immédiatement, le masque hautain de Regulus tomba et il abaissa sa baguette.
- Merlin, tu vas bien ? Il ne t'a rien fait ?
Marlène hoqueta de soulagement, incapable de répondre. La respiration haletante, elle se plia en deux et se mit à pleurer. Ses jambes tremblaient tellement qu'elles manquèrent de se dérober sous elle et des larmes brûlantes dévalèrent ses joues.
- Marlène !
Il se précipita à ses côtés. Il referma ses bras autour d'elle et Marlène s'agrippa à ses épaules, le visage enfouit contre son torse en essayant de se calmer. Elle eut honte d'avoir cru pendant une seconde qu'il allait véritablement l'attaquer.
- Il t'a touché ? Marlène ?
- Non... non, pas vraiment...
- Ca veut dire quoi « pas vraiment » ? Demanda-t-il, et pendant une brève seconde sa voix dérailla. Je vais le tuer, je jure que...
- Reg' ? Je...ça va... ça va...
Il ne répondit pas avant un long moment et se contenta de la maintenir dans ses bras. Elle ne chercha pas à se dégager.
- Je suis désolé, dit-il, dès que j'ai su ce qu'il comptait faire je t'ai cherché mais... Oh bon sang, McKinnon, dans quelle galère est-ce que tu t'es encore mise ?
- Moi ? S'étrangla-t-elle. C'est Benjamin qui s'en est pris à Tu-Sais-Qui et à...
Elle se stoppa elle-même, mais Regulus comprit.
- Et à mon père ? Compléta-t-il. Oui, j'en ai entendu parler. Ce n'est pas la première fois qu'il se fait insulter par ses employés, mais j'avoue que ton frère a fait fort. Les accusations qu'il a faites... ça va lui attirer des ennuis, Marlène.
- Mulciber me l'a assez bien fait comprendre, oui.
Regulus se crispa. D'un geste lent, il repoussa ses cheveux blonds qui cachaient son visage et planta ses yeux gris dans les siens. Elle avait rarement vu autant d'émotions jouer dans son regard. Ils demeurèrent immobile pendant plusieurs secondes jusqu'à que sa main vienne trouver le sienne et que leurs doigts s'entremêlent.
Le cœur de Marlène s'emballa. Ils n'étaient pas dans leur repère, avachis dans le canapé vert et cachés à la vue de tous, mais en plein dans un couloir où n'importe qui pouvait les surprendre. Elle n'oubliait pas non plus Livia Fawley, toujours dans le tableau.
- Cette guerre va mal finir... Je ne veux pas qu'il t'arrive quelque chose, surtout à cause de moi.
- Ce n'était pas de ta faute, Reg'. Mulciber s'est lancé dans une vendetta personnelle. Et puis arrête avec ce mot... Ce n'est pas une guerre, pas encore.
Un léger rire, qui sonnait presque amer, ébranla Regulus.
- Oh Marlène, toujours aussi naïve !
- Et toi toujours aussi pessimiste, répliqua-t-elle d'une voix douce.
D'un battement cil, elle chassa ses dernières larmes et essuya ses joues du revers de la main en espérant que son mascara n'avait pas coulé.
- Tu sais parfois j'aimerais que... c'est sans doute ridicule...
- Que quoi ?
- Que tu arrêtes de jouer le rôle dans lequel tu es coincé, admit-elle, les yeux dans le vague incapable de le regarder en face. Ce garçon hautain, héritier parfait des Black qui gravite autour de la bande de Rosier. Même maintenant qu'il n'est plus là, j'ai l'impression qu'il surveille encore tout, qu'il tire les ficelles depuis l'extérieur. Des tas de personnes sont en train de nous échapper, Tu-Sais-Qui est en train de nous échapper... Et toi...toi, tu ne luttes même pas, tu te laisses entraîner par eux ! Tu penses que c'est la chose à faire, mais je te connais, et le garçon que je connais, que j'ai appris à connaître, ce n'est pas ça. Reg', je t'en supplie...
Elle leva la tête dans sa direction, si proche qu'elle pouvait distinguer les ports de sa peau et le conflit qui faisait rage en lui. Il inspira, puis resserra un peu plus son étreinte.
- Mais comme tu viens de le dire, je suis coincé, dit-il finalement avec fatalisme. Tu as vu ce que les accusations de Benjamin ont déclenché ? Alors imagine un peu ce que mes parents attendent de moi. Ce n'est pas qu'une question d'idéologie, Marlène. Tout ça, cette guerre dont tu ne veux pas entendre parler, c'est une question de tradition, d'héritage. Et les Black ont un héritage plus lourd que les autres, crois-moi...
- Tu es...
- Marlène !
- Eloigne-toi d'elle !
Les éclats de voix déchirèrent la bulle dans laquelle ils s'étaient réfugiés. Ils s'écartèrent si vite l'un de l'autre que le dos de Marlène heurta à nouveau le mur et elle écarquilla les yeux en voyant James, Dorcas et Remus arrivés en courant. Pendant une seconde, elle se demanda ce qu'ils faisaient là, avant de se rappeler de leur commando de choc en cuisine. Elle distingua brièvement des sandwiches dans le sac que portait Remus en bandoulière, juste avant que James n'empoigne Regulus par le col de sa cape, les traits déformés par la colère.
- Qu'est-ce que tu lui as fait ? Cria-t-il. Hein ? Réponds !
- Lâche-moi, Potter, dit Regulus d'une voix glaciale. Tout de suite.
- James, arrête, il n'a rien fait !
Marlène voulut s'interposer, mais Dorcas lui bloqua le passage et passa un bras réconfortant autour de ses épaules, examinant son visage rougi par les larmes et la marque violette qui commençait à fleurir sur son poignet, là où Mulciber l'avait agrippé quelques minutes auparavant.
- Milles gorgones, souffla-t-elle, tu vas bien ? Il t'a frappé ? Jeté un sort ?
- Non, tu ne comprends pas... Reg' !
- Tais-toi, Marlène, dit-il d'une voix sourde. Tais-toi !
Il lui décocha un regard d'avertissement, lui intimant silencieusement de se taire, mais elle connaissait James. Son sens de la justice n'avait d'égal que son entêtement. S'il pensait que Regulus l'avait attaqué, il ne le laisserait pas repartir indemne.
James ne l'avait d'ailleurs toujours pas lâché et, du coin de l'œil, elle s'aperçut que Remus avait sa baguette levé, prêt à intervenir.
- James, ce n'était pas lui, laisse-le ! Il m'a sauvé !
Tout le monde parut se figer et il y eut un long moment de flottement alors que James, Dorcas et Remus échangeaient des regards d'incompréhension.
- Quoi ? Lâcha Dorcas. Je comprends plus rien, c'est nous qui venons de te sauver.
- Non, c'est Mulciber qui s'en est pris à moi, et Regulus m'a aidé. Je vais bien !
- McKinnon, arrête...
- La ferme, Reg', je ne veux pas rester les bras croisés à te regarder prendre le blâme pour cette brute !
James sembla hésiter puis, après un hochement de tête de Remus, ses poings se décrispèrent lentement. Dès qu'il le lâcha, Regulus se dégagea d'un coup sec, le visage fermé. Marlène sentit l'appréhension lui nouer le ventre alors que lui et James se fusillaient du regard. Heureusement, ce fut Remus qui reprit de son ton calme et posé habituel.
- Donc Mulciber t'a fait ça ? Tu l'as vu formellement ?
- Oui, il n'a pas pris la peine de se cacher... Il a dit que c'était un message pour mon frère à cause... à cause de ce qu'il a fait.
- Je vois, souffla-t-il. Je vais le rapporter à McGonagall, avec ce qui s'est passé l'année dernière et aux vus de ses antécédents, il devrait...
- Non ! Refusa Regulus, catégorique. Personne ne parlera de quoique ce soit.
Remus haussa un sourcil, surpris.
- Mais il doit avoir ce qu'il mérite, protesta Dorcas, indignée. On ne peut pas le laisser s'en tirer encore une fois.
- Je lui ai dit que je m'occupais de Marlène. S'il apprend que j'ai menti et qu'en plus je l'ai balancé aux professeurs...
- ... tu passeras pour quelqu'un de bien pour une fois ? Lança James, goguenard. Quoi ? Tu as peur que ta réputation de cruel Serpentard soit remise en question ?
- Potter, toujours à faire ce qui est bien quand ça l'arrange sans se soucier des conséquences pour les autres, c'est ça ?
- C'est censé vouloir dire quoi au juste ?
Le nom de Sirius, implicite, parut flotter dans l'air et personne n'osa intervenir. Marlène, la gorge nouée, tenta de croiser le regard de Regulus, mais il s'obstina à l'ignorer.
- Bon, dit Dorcas, on va continuer à se regarder dans le blanc des yeux ?
- Non, on va ramener Marlène à la salle commune, décida Remus. A moins que tu ne veuilles aller à l'infirmerie ?
- Pas besoin...
Il hocha la tête. D'un mouvement souple, il ramassa le sac de nourriture à ses pieds, puis commença à avancer. Marlène piétina sur place, hésitante, et Dorcas la saisit par le bras avant de l'entraîner derrière elle, protectrice. Seul James ne fit pas mine de les suivre.
- James ? Appela Remus. Allez, viens.
- Je vous rejoins, dit-il d'un ton étrange. Allez-y.
Remus soupira sans insister. Il fit signe aux deux filles de l'imiter et ils s'en allèrent, non sans que Marlène ne jette un dernier regard d'excuse par-dessus son épaule à Regulus. Il l'ignora une fois de plus, même si elle ne savait pas si c'était sciemment ou si c'était parce qu'il était trop occupé à paraître menaçant en face de James.
- Remus, ce n'est pas une bonne idée de les laisser seuls... protesta-t-elle.
- Peut-être pas, reconnut-il, mais pour l'instant ma priorité c'est toi. James sait se débrouiller.
- Et tu as des explications à nous donner, ajouta Dorcas d'un air conspirateur. Regulus Black, sérieusement Marlène ? D'où ça sort ?
- Je... Tu ne comprends pas...
- Non, ça, c'est sûr. Je pensais que tu serais la dernière personne de ce groupe à avoir un secret pareil. Juste pour vérifier : tu n'es pas gay ni atteinte d'une maladie et tes parents vont biens ? Avec nos antécédents, je préfère poser la question.
- Ce n'est pas drôle, Dorcas !
- On parlera au calme quand on sera revenus à la salle commune, d'accord ? Intervint Remus. J'avoue que je suis curieux aussi. Oh et bon sang, qu'est-ce que je vais dire à Sirius... ?
**
*
James fit longuement face à Regulus, le corps tendu. Il avait déjà ressenti cette tension entre eux la semaine passée lors de l'Epreuve de vol durant laquelle Regulus n'avait cessé de passer ses nerfs sur lui, et James voulait enfin crever l'abcès. Il ne connaissait même pas Regulus si bien que ça, n'avait jamais discuté avec lui, mais puisque l'occasion se présentait de régler leurs compte, il n'allait pas la laisser s'échapper. D'autant plus que toute cette histoire avec Marlène, qu'il avait l'air d'étrangement bien connaître, l'intriguait.
- Si t'as quelque chose à me dire, Potter, vas-y, lâcha Regulus. On ne va pas rester là toute la journée.
- Tu vas vraiment laisser Mulciber s'en tirer comme ça ? Après ce qu'il vient de faire ?
- Il n'a rien eu le temps de faire, je suis arrivé avant.
- Va dire ça à Marlène.
Regulus tiqua à la mention du nom de la jeune fille et croisa les bras.
- Je ne changerai pas d'avis, Potter. Laisse tomber.
- Comme pour le Quidditch à 4 pendant le Tournoi ? Tu vas refuser de m'écouter juste parce que tu ne m'aimes pas ?
- T'as gagné ce stupide match il me semble, alors qu'est-ce que ça peut te faire ? Et le monde ne tourne pas autour de toi, malgré ce que ton ego semble croire.
- Donc ton attitude n'a rien à voir avec moi ? Insista James. Parce que je suis à peu près sûr que je ne t'ai jamais rien à fait personnellement.
Il était sincère en disant cela. Il avait fait de nombreuses blagues, voire plus s'il devait être honnête, à beaucoup de Serpentard mais Regulus n'en faisait pas parti. Il avait toujours été hors limite pour les Maraudeurs.
- Rien fait personnellement ? Répéta Regulus, incrédule. Soit tu es un bon menteur soit terriblement stupide !
- Quoi ?
- J'ai autre chose à faire...
Regulus tenta de contourner James, mais ce dernier tendit le bras et l'empêcha de s'esquiver.
- C'est à cause de Sirius ? Demanda-t-il finalement.
Autant briser la glace tout de suite, ils tournaient autour du chaudron depuis bien trop longtemps. Il sut qu'il avait tapé dans le mille en voyant l'expression de colère de Regulus. C'était troublant pour lui de voir à quel point il ressemblait effectivement à son meilleur ami. Tout le monde le disait, et pourtant il n'y avait pas prêté grande attention jusqu'ici. Physiquement, la ressemblance était indéniable, bien sûr. Même cheveux noirs profonds, même yeux gris, même traits fins. Néanmoins, pour James, la ressemblance allait au-delà. Il se demandait si parce qu'ils avaient été élevés ensemble, mais ils partageaient aussi certaines réactions corporelles ou cette façon de se braquer dès qu'ils se sentaient mal à l'aise ou menacer.
- Tu es la dernière personne avec qui j'ai envie d'évoquer mon frère, Potter. Mais puisqu'il te parle à toi, passes lui donc le bonjour, ajouta-t-il avec sarcasme.
L'accent sur le « mon frère » n'échappa pas à James qui commençait à réaliser où se trouvait le problème.
- Ne fais pas comme si c'était simplement lui qui ne voulait pas parler, rétorqua-t-il. Toi aussi tu...
- Tu ne sais rien, Potter. Arrête.
- Quoi ? C'est de ça dont il s'agit ? De la jalousie ? Ce n'est pas de ma faute si Sirius...
- Bien sûr que si ! S'écria Regulus. Ne fais pas l'innocent ! Tu as foutu ma famille en l'air !
James resta estomaqué. Il cligna des yeux, incertain, ce qui parut encore plus énerver Regulus qui le repoussa des deux mains. Il trébucha mais réussit à rester debout et inspira pour tenter de rester calme.
- Je n'ai jamais voulu me mettre entre vous, dit James sincèrement.
- Quelle importance que tu l'aie voulu ou non ? Répliqua Regulus avec hargne. Tu m'as quand même volé mon frère...
Les épaules de James se tendirent et il sentit le besoin irrépressible de se défendre. Il comprenait la colère de Regulus, mais ce n'était pas juste. Il n'avait rien fait de mal.
- Je ne suis pas responsable de vos choix à tous les deux, contra-t-il d'une voix ferme. J'ai été là pour lui quand il en avait besoin, tu ne peux pas en dire autant. Il détestait les idéaux des Black, tu le sais aussi. Il t'a demandé de le suivre.
- Et qu'est-ce que j'aurai fait ? Craqua Regulus en haussant la voix. Je serais venu chez toi ? On ne se connait pas ! Et il n'a pas toujours détesté notre famille ! C'est toi qui lui as mis des idées dans la tête ! Avant de partir pour Poudlard il était toujours mon grand frère, il m'a promis qu'on se retrouverait à Noël.... Mais quand il est revenu il ne parlait que de toi, des Maraudeurs, de tolérance envers les gens différents. Il ne pouvait plus avoir une conversation avec ses propres parents sans leur jeter des horreurs à la figure et il m'a repoussé comme si j'avais la dragoncelle d'un coup. Je n'avais pas changé, il ne m'a même pas laissé une chance, il m'a juste...exclu de sa vie. Tout ça à cause de toi !
- Ce n'est pas vrai, tu le sais...
Mais lui-même n'était plus aussi convaincu de ses mots qu'il y a une minute alors que son cœur battait à tout rompre et qu'un trouble étrange se répandait dans sa poitrine.
- S'il ne t'avait pas rencontré, j'aurai toujours un frère, martela Regulus, les traits déformés par la douleur.
James trouva qu'il ressemblait horriblement à un petit garçon blessé à cet instant, tout comme Sirius lorsqu'il faisait face à sa mère. Cette constatation renforça son malaise.
- Tu sais ce qu'il m'a jeté à la figure la dernière fois qu'on s'est parlé ? Hein, Potter, toi qui crois toujours tout savoir mieux que tout le monde ? Tu le sais ?
- Non...
- Il m'a dit « James est mon frère, plus que tu ne le seras jamais ». Assez équivoque, non ?
Dans ses oreilles, la phrase résonna avec la voix de Sirius. Il l'imaginait affirmer cela avec force et pour la première fois, James n'en ressentit pas que de la fierté. Les poings serrés, il observa Regulus qui avait l'air plus en colère que triste, comme s'il s'était résigné, ou comme s'il lui était plus facile d'en vouloir aux autres que d'affronter sa peine.
Brusquement, James revit Sirius arriver chez lui le fameux soir où il s'était enfuit. Il était trempé, tremblant, et avait un bleu sur la joue. Il se souvenait encore de ce qu'il lui avait dit, brisé et impuissant : « J'ai essayé, James ! Je te jure que j'ai essayé ! Je lui ai proposé de venir ! ». Et puis il y avait toutes les fois où Sirius avait reculé devant un mauvais tour, tout simplement parce que Regulus était impliqué. James se souvint également des souffrances aussi ben physiques que mentales que Sirius avait dû endurer au Square Grimmaurd.
Une partie de sa culpabilité s'envola et il redressa la tête.
- Ce n'est pas de ma faute, dit-il doucement. J'ai aidé Sirius quand sa famille lui a tourné le dos, mais je ne l'ai jamais forcé à rien. Ne lui enlève pas son libre arbitre. Ce que tes parents lui faisaient ou attendaient de lui... ça n'avait rien d'une famille.
- C'était la mienne...
- Alors j'en suis désolé. Regulus, s'ils te faisaient ce qu'ils lui faisaient, tu devais bien comprendre...
- Non, coupa-t-il. Ils ne m'ont jamais rien fait. C'était Sirius qui...
Il s'interrompit tout seul, mais James n'eut pas de mal à deviner. Sirius lui avait déjà avoué que souvent, il prenait le blâme pour son petit frère, même si la faute n'était pas de lui, pour ne pas que ses parents s'en prennent à Regulus.
- Tu sais quoi, Potter ? Ça ne sert plus à rien aujourd'hui. Tu as gagné de toute façon.
- Non, attends...
Cette fois, Regulus le repoussa avec plus de force que la première fois, et força le passage. Impuissant, James le regarda partir, le cœur lourd.
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