Tome II - Chapitre 21 : Orientation ou Avenir
Chapitre XXI : Orientation ou Avenir
« Je ne sais pas, je n'y ai pas vraiment réfléchi... »
« Médicomage, sûrement, pour me rendre utile »
« J'ai toujours pensé au Quidditch, mais maintenant, avec tout ce qui passe...je ne suis plus sûr... »
« Auror »
« Je n'aurai sûrement aucun avenir professeur, à quoi ça sert ? »
« J'ai des idées, mais mes notes ne sont pas assez bonnes... »
« L'enseignement m'aurait plu si...enfin vous savez... »
**
*
Revenir à Poudlard après les vacances avait été étrange pour la première fois. Sur le quai de la gare, Sirius avait laissé Euphemia l'enlacer plus longtemps que d'habitude et il était resté près de Fleamont jusqu'au dernier moment, comme un soutien silencieux. Ce dernier n'avait rien dit, mais il savait qu'il avait apprécié le geste.
Les derniers jours de vacances au manoir, après le départ de leurs amis, avaient été pesants. James s'enfermait dans sa chambre pour ne pas inquiéter ses parents, ni leur montrer sa tristesse, sans grand succès ; et Sirius tentait de se faire le plus petit possible pour ne pas déranger la famille dans cette épreuve. Evidemment, Fleamont et Euphemia ne les avaient pas laissé faire longtemps avant de décréter une réunion de famille (« oui, toi aussi Sirius ») dans le salon pour s'expliquer. La conversation avait été longue et pénible, mais nécessaire. Pour Sirius, perdre les Potter revenait à perdre une seconde fois sa famille, et il ne savait pas s'il pourrait le supporter. L'idée d'être impuissant, de regarder la maladie les emporter, eux aussi, lui donnait envie de s'écrouler. Un an ou deux.... C'est ce que les médicomages avaient aussi dit à Alexia. Si la Mort avait de l'humour, il ressemblait probablement à cela.
Pour le moment, il essayait de suivre les conseils d'Euphemia. Il ne pouvait pas s'arrêter de vivre à cause de son inquiétude, il fallait juste continuer sa vie de tous les jours... Et en parlant de vie de tous les jours, la porte sur sa droite s'ouvrit et le professeur McGonagall apparut dans l'encadrement.
- Ah monsieur Black, vous êtes à l'heure. Parfait, entrez. Et resserrez moi cette cravate !
Elle s'effaça pour le laisser passer et Sirius pénétra dans le bureau de sa directrice de maison. Il y était déjà venu à plusieurs reprises, souvent après avoir enfreint une énième fois le règlement, et il connaissait la pièce décorée de tartan écossais par cœur.
Il attendit que McGonagall ait repris sa place derrière son bureau avant de s'assoir à son tour.
- Bien, commença-t-elle en attrapant un dossier sur lequel était écrit en lettres appliquées « Black. S ». Cet entretien avec les septièmes années a pour but d'éclaircir un peu vos choix d'orientation après Poudlard. Evidemment, rien n'est inscrit dans une boule de cristal et ce que nous verrons ensemble aujourd'hui est susceptible d'évoluer, particulièrement en fonction de vos résultats aux ASPIC en fin d'année. Dans tous les cas, je suis là pour vous guider ou vous aider à déterminer quelles voies s'offrent à vous une fois vos études dans cette école terminées. Est-ce que vous avez déjà une idée ?
- Auror, répondit-il sans hésitation.
McGonagall suspendit sa plume, surprise.
- Voilà qui est très précis, commenta-t-elle. Auror est une carrière qui demande énormément d'exigence et l'examen d'entrée ainsi que la formation sont aussi difficiles qu'intensifs.
- J'en ai conscience, oui... J'en ai un peu parlé avec Fleamont....enfin Mr Potter. Il est second en chef du bureau des Aurors.
- Oui, je le sais évidemment, dit McGonagall d'un air entendu et fier à la fois. C'est une bonne chose que vous ayez pu en discuter avec lui. Cependant, je dois vous avertir : le bureau des Aurors n'a pris aucun candidat depuis ses deux dernières années. La dernière recrue, si ma mémoire est bonne, était une élève de Serdaigle : Gemma Ackerley. Ils ne prennent que sur dossier avec des critères très spécifiques. Attendez, où est-ce que j'ai mis la brochure ?
Elle fouilla un instant dans un de ses tiroirs puis en ressortit un prospectus sur lequel le sceau du Ministère, un M violet frappé d'une baguette, se détachait nettement.
- Voilà, c'est écrit ici, lut-elle. Cinq ASPIC avec la mention Effort exceptionnel au minimum sont requis, et ce en métamorphose, sortilèges, potions et bien évidemment défense contre les forces du Mal entre autres. Il faut également passer une série de tests d'aptitude et de personnalité particulièrement rigoureux, où il faut par exemple montrer sa capacité de réaction face à des situations dangereuses.
Sirius hocha la tête à chacun des points attendus. Il connaissait la plupart des informations que McGonagall lui fournissait, mais cela ne faisait que renforcer sa détermination. Par-dessus ses lunettes, son professeur le détailla du regard avant de soupirer et de reposer sa brochure.
- Je vois bien que vous avez l'air sûr de vous, Black, et c'est tout à votre honneur. Ceci dit, je tiens à préciser que d'autres métiers relèvent de la même sphère que celui d'Auror. La Brigade de police magique, par exemple, manque cruellement d'effectifs, notamment dans leur département de Tireur d'élite de baguette magique....
- Sauf votre respect, professeur... Leur travail est assez différent des Aurors.
- Ils mènent des interventions pour arrêter des criminels, il me semble.
- Mais pas des mages noirs, souligna Sirius avec solennité.
McGonagall le regarda longuement de ses yeux perçants, comme si elle réfléchissait intensément. Puis, elle enleva ses lunettes d'un geste lent, et lui tendit la brochure.
- Dans ce cas-là, je ne peux vous conseiller que de travailler dur. Et si vous avez besoin d'une lettre de recommandation à la fin de l'année, vous savez à quelle porte venir toquer.
- ... la vôtre ?
- Oui, Black, confirma-t-elle en souriant. Si quelqu'un en a les capacités et la volonté, je pense qu'il s'agit de vous. Maintenant allez-y, je ne voudrais pas que vous arriviez en retard au cours du professeur Binns. Et dites à miss Cassidy d'entrer.
Toujours à moitié sous le choc du compliment de sa directrice de maison, Sirius récupéra son sac à tâton et lui adressa un signe de tête reconnaissant en se dirigeant vers la porte. A nouveau dans le couloir, il souffla un grand coup, vidant l'air de ses poumons. Au moins, son entretien avait été rapide. Un sentiment indescriptible gonfla dans sa poitrine alors que les mots de McGonagall rejouaient dans sa tête et il sut qu'il avait pris la bonne décision.
- T'es déjà sorti ? Lança une voix sur sa droite. Mince, je suis en retard ?
Alexia arriva à sa hauteur, une tartine à moitié entamée encore dans la main et les cheveux en désordre.
- Bonjour à toi aussi princesse, sourit-il. Et non, ne t'inquiète pas, c'est juste que ça a été vite pour moi....
- Oui mais on n'a pas tous la chance de savoir ce qu'on veut faire.... Je dois rentrer ?
- Elle t'attend avec toutes ses brochures et ton dossier scolaire depuis la première année....amuse-toi bien !
- Sérieusement ? Sirius !
Il s'éloigna à reculons, amusé, et attrapa sa tartine au passage avant de mordre dedans.
- Confiture de cerise, vraiment ? Grimaça-t-il.
- Eh, c'était mon petit dej' !
- A tout à l'heure ! Bonne chance, princesse !
- Je te hais ! Répliqua-t-elle alors qu'il tournait à l'angle.
**
*
A moitié endormie sur sa table, Lily tentait de continuer à prendre des notes du cours d'Histoire de la magie, mais elle sentait sa concentration faillir un peu plus chaque seconde. La voix monocorde de Binns était comme un bruit de fond qui n'arrangeait rien. Pourtant, elle avait été plein de bonne volonté en ce début de trimestre et s'était placée au deuxième rang, toute seule, tandis que les filles s'étaient regroupées au fond de la classe. L'Histoire de la magie était la seule matière où ses notes n'étaient pas au niveau, mais pour sa défense Binns ne faisait rien pour y remédier.
Distraitement, sa plume cessa d'écrire alors qu'elle dessinait des figures alambiquées sur le coin de son parchemin. Elle aurait sûrement couvert toute la marge si la porte de la salle ne s'était pas ouverte, la détournant de son travail artistique.
Sirius se glissa dans l'embrasure et remonta l'allée centrale avec nonchalance, sans prendre la peine de s'excuser auprès de Binns qui de toute façon continuait de débiter son monologue sur la crise économique de 1855 à Gringotts. Il passa devant la table de James et Peter, assis côte à côte puisque Remus était à l'infirmerie, et se laissa tomber à la droite de Lily.
- Ton entretien d'orientation est déjà terminé ? S'étonna-t-elle.
- Que veux-tu, Evans, j'ai un avenir brillant et McGo le sait !
Lily roula des yeux.
- C'était au tour d'Alex ?
- Oui, je l'ai laissé devant la porte. Elle paniquait.
- Je sais, elle a passé la soirée à tourner en rond dans le dortoir en répétant qu'elle voulait retourner à la maternelle au lieu de devenir une adulte.
Sirius étouffa un rire et sortit ses affaires pour entretenir au moins l'illusion.
- Et alors ? Reprit-elle à voix basse. Comment ça s'est passé ?
- Plutôt bien. Je savais ce que je voulais faire, donc elle n'a pas eu trop de problème...
- Tu sais déjà ? Toi ?
- Je ne suis pas qu'un fauteur de trouble, Evans, dit-il, goguenard. Je pense aussi à mon futur. Si tu as pu reconnaître que James pouvait être sérieux, envisage-le pour moi aussi non ?
- C'est tout mon système de valeur que tu me demandes de remettre en question là, rétorqua-t-elle en souriant. Laisse-moi du temps.
- Si tu veux changer ton opinion sur nous quatre, je t'annonce que Remus a la meilleure descente pendant les jeux d'alcool et que Peter m'a battu une fois au bras de fer.
Lily le regarda, stupéfaite, et lorgna ses épaules de batteurs comme une question muette.
- J'avais le poignet cassé, admit-il, mais quand même.
- Je comprends déjà mieux...
- Par contre, Remus et l'alcool, ça ne t'étonne pas ?
- Pas vraiment, répondit-elle sincèrement. La lycanthropie a des effets sur l'organisme, notamment le ralentissement de l'absorption de l'alcool dans les veines.
Ce fut au tour de Sirius de la dévisager et elle se sentit rougir, sans trop savoir pourquoi elle était gênée. A une époque, il y a quelques années, il se serait moqué d'elle et l'aurait appelé « miss-je-sais-tout » avec un certain agacement ; aujourd'hui elle lut plutôt un certain respect dans ses yeux.
- Comment est-ce que tu sais ça ? S'étonna-t-il finalement.
- J'ai lu dans des livres sur le sujet... Ne me fais pas croire que tu n'as pas fait de recherches toi quand tu as appris son secret.
- Certes...
Il fit une pause, l'air songeur.
- Je comprends mieux, dit-il, énigmatique.
- Mieux quoi ?
- Pourquoi tu sors avec James maintenant, élabora Sirius. Vous avez les mêmes valeurs, les mêmes principes, sur beaucoup de point. J'avoue que quand il nous a réveillés pendant les vacances pour nous annoncer qu'il t'avait embrassé et que tu avais enfin ouvert les yeux, j'ai eu du mal à y croire. Après tes refus incalculables, j'en étais venu à me dire que c'était impossible et qu'on finirait par ramasser James à la petite cuillère quand il l'aurait aussi compris...
- Tu pensais réellement que je lui briserai le cœur ?
- Honnêtement ? Je ne sais pas... Je pensais surtout qu'il te laisserait lui briser le cœur si ça voulait dire tout tenter jusqu'au bout.
Après cela, ils retombèrent dans le silence et Lily reporta son attention sur le cours. Binns, qui flottait à quelques centimètres au-dessus de sa chaise, déclamait toujours d'un ton monocorde et elle renonça définitivement à prendre des notes.
Les mots de Sirius tournaient dans sa tête, implacables. Au fond d'elle, elle savait qu'il avait raison. Il connaissait James sûrement mieux que n'importe qui et elle-même connaissait sa façon de fonctionner, sa ténacité, pour reconnaître qu'il n'aurait pas abandonné avant la fin de leur scolarité. Elle repensa à ses lèvres contre les siennes alors qu'ils s'embrassaient et une sensation de chaleur l'envahit, la confortant dans son idée qu'elle avait pris une bonne décision en reconnaissant ses sentiments.
Quitter James après la semaine passée chez lui avait d'ailleurs été plus difficile qu'elle ne l'aurait cru. Quand Alexia se plaignait souvent que Sirius lui manquait, elle n'avait jamais bien compris et plus d'une fois avait été un peu sèche avec son amie. Le karma avait un drôle d'humour. Lorsqu'elle était rentrée chez elle, la maison était vide : Pétunia avait emménagé chez Vernon et ses parents travaillaient encore, même si c'était la veille de noël, puisqu'ils ne prendraient leur congé d'hiver que la semaine suivante. Le sentiment de solitude qui l'avait saisi était d'autant plus fort qu'elle ne pouvait s'empêcher de comparer avec l'effervescence de la maison des Potter. Durant son séjour, il y avait toujours eu du bruit. Soit le rire des garçons, Mrs Potter qui chantonnait dans la cuisine, la porte d'entrée qui claquait quand Mr Potter revenait du jardin, ou même le cri de Dorcas qui s'était brûlée la main avec son sortilège de lissage.
Mais le plus grand vide c'était révélé être la présence de James à laquelle elle s'était habituée à une vitesse presque inquiétante. James était quelqu'un de tactile, elle l'avait déjà remarqué, et il n'avait pas cessé de cogner son genou contre le sien lorsqu'ils étaient assis ensemble dans le canapé, de jouer avec ses cheveux, de l'embrasser à la dérobée avant d'aller se coucher.... Tout ça lui avait manqué pendant la fin des vacances, surtout car elle savait qu'il n'allait pas bien. Il lui avait avoué la maladie de son père le soir où il l'avait appris et son cœur s'était serré en voyant la douleur qu'il ressentait. Elle ne l'avait vu interagir avec son père que quelques jours, mais ça lui avait suffi pour comprendre à quel point il l'aimait et était proche de lui.
- Le cours de la mornille a chuté en combien ? Demanda brusquement Sirius.
Elle sursauta, sortant de ses pensées et se tourna vers lui. Il était penché sur son parchemin, sa plume suspendue au-dessus de son encrier.
- Désolée, s'excusa Lily. Je n'écoutais pas...
- A quoi ça sert que je me mette à côté de la préfète-en-chef si elle ne suit même pas le cours ?
- Parce que tu m'apprécie un minimum ?
- Possible...
Lily sourit devant son expression de doute feinte alors que la cloche retentissait. Aussitôt, elle ramassa ses affaires et se leva. James et Peter arrivèrent vers eux et elle boucla son sac.
- Quelqu'un a réussi à tout prendre ? Interrogea Peter, anxieux. J'ai plein de trou dans ma prise de note...
- On croisera nos cours, le rassura James avant de s'adresser à elle. Alors comme ça tu me piques mon meilleur ami ?
- Tu m'as piqué Alexia pendant deux ans avec tes entraînements de Quidditch. Je peux bien m'assoir avec Sirius pour une heure.
- Tu veux que je t'ajoute au planning de garde avec Alex ?
- Ne me dis pas que tu continu avec ce truc ? Grommela Sirius en sortant de la salle.
Lily jeta un coup d'œil à sa montre.
- Mince, mon entretien d'orientation va commencer ! Lança-t-elle avant que James ait pu répondre. J'y vais ! Garde moi une place en arithmancie, Remus !
- Pas de problème...
Elle commença à s'éloigner avant que James ne la rattrape par le bras une seconde. Il lui plaqua un baiser sur la bouche et lui sourit.
- Bonne chance ! Cria-t-il en courant pour rattraper ses amis.
Pendant une seconde, elle fut touchée par son geste avant de réaliser ce qu'il venait de faire... Il avait dégoupillé une grenade. Autour d'elle, les élèves commencèrent à chuchoter, incrédules. Depuis le retour des vacances il y a deux jours, des rumeurs circulaient sur leur compte à cause de leur soudaine proximité et certains pensaient qu'ils sortaient ensemble. Malgré tout, personne n'en avait la preuve formelle. Et si un simple rapprochement depuis deux jours avait mis le feu aux poudres au point que toute l'école parlait d'eux, le geste de James venait de tout faire exploser.
Lily s'empressa de s'éloigner pour essayer d'échapper aux commentaires de ses camarades, sans succès. Les messes basses lui arrivèrent aux oreilles.
- Potter et Evans ? C'est une blague ?
- Tu me dois deux semaines de desserts, je te l'avais dit !
- Elle le détestait, je comprends pas...
- Il est trop bien pour elle !
- Je te dis qu'il vient de l'embrasser, j'en suis sûre ! Non, elle ne l'a pas giflé, ils sont ensemble !
- Je les ai toujours trouvé mignons tous les deux.
- Un Imperium, je vois que ça...
- Tu peux arrêter de rêver, Jess. Il est pris.
Tête haute, Lily se contenta de continuer son chemin, un sourire aux lèvres. Les autres ne pouvaient pas comprendre, mais qu'importe : ce qu'elle et James avaient n'appartenaient qu'à eux.
**
*
Appuyé contre mur, James regarda Marlène disparaître à l'angle et il se retrouva à nouveau seul dans le couloir. Elle avait rendez-vous juste avant lui malgré l'ordre alphabétique, puisqu'il avait changé sa place avec Dorcas afin d'être à l'heure pour la réunion des préfets avant le dîner. La plupart de ses amis étaient déjà passé dans la journée et il savait plus ou moins ce qui l'attendait pendant l'entretien.
Il n'avait jamais véritablement réfléchit à son avenir sérieusement. Comme tout le monde, sa vie après Poudlard lui avait traversé l'esprit, mais dans l'ensemble l'idée lui paraissait très floue. Jusqu'à ses quinze ans, son rêve avait été de devenir joueur de Quidditch professionnel, même s'il savait au fond de lui que c'était peu probable. Il était doué, mais le niveau demandé par les grands clubs demandait un investissement colossal. Le début de l'ascension de Voldemort l'année dernière avait pourtant fait voler un éclat ses certitudes sur ce qu'il pensait vouloir faire de sa vie. Pour la première fois, le Quidditch lui avait paru futile tandis que des dizaines de personnes disparaissaient ou se faisaient tuer lors des raids des mangemorts. Ce matin encore, la une de la Gazette annonçait la mort d'une fillette de quatre ans, née-moldu, et de ses parents près de Manchester.
Ce sentiment de décalage et d'impuissante face à la réalité s'était renforcé depuis qu'il sortait avec Lily. Il se demanda ce que ça lui ferait si un jour il voyait son nom étalé dans la rubrique nécrologique du journal et il eut un haut le cœur rien que d'y penser.
- Potter ? Vous venez ?
James sursauta. Il n'avait pas entendu la porte s'ouvrir et McGonagall lui jetait un regard perçant depuis l'embrasure.
- Pardon, s'excusa-t-il. J'arrive.
Plus nerveux qu'il ne voulait bien l'avouer, il lui emboita le pas et s'assit en face d'elle, le dos droit. Malgré leur relation compliquée, il avait une profonde estime pour sa directrice de maison qui l'accompagnait maintenant depuis presque sept ans et il n'imaginait aucun autre professeur lui servir de conseiller d'orientation aujourd'hui.
- Alors, marmonna-t-elle en attrapant une chemise dans laquelle s'entassait plusieurs parchemins. Potter, voilà votre dossier. Je vous écoute, vous savez pourquoi vous êtes là. Avez-vous une idée de ce que vous voudriez faire une fois vos études dans cette école achevées ?
- Si j'obtiens mes ASPIC ?
- Quand vous les obtiendrez, rectifia-t-elle d'un ton neutre. Je veux un taux de réussite complet pour ma maison cette année, Potter, donc ne me faites pas l'affront de ne pas faire honneur à l'enseignement que je me suis efforcée de faire rentrer dans votre jeune cervelle.
James eut un sourire en coin. Pas de doute, McGonagall lui manquerait.
- J'ai toujours pensé au Quidditch, avoua-t-il honnêtement, mais maintenant, avec tout ce qui passe...je ne suis plus sûr...
- Qu'entendez-vous par là ?
- Je sais que je n'en donne pas l'air, mais je réfléchis, dit-il avec légèreté pour tenter de masquer son état d'agitation. Je vois ce qui est en train de se passer, même si le Ministère veut étouffer les choses. Et j'espère que je me trompe, professeur, vraiment... Mais j'ai vu mon père revenir après s'être fait attaquer par des mangemorts. Ces gens n'arrêteront pas là. Je refuse de rester les bras croisés, j'ai besoin...j'ai besoin d'être utile, mais je ne sais pas comment...
Etonné, il constata que McGonagall ne paraissait pas surprise de sa réponse, voire qu'elle s'y attendait. Son visage reflétait à la fois une certaine résignation et une pointe de fierté.
- Vous savez, dit-elle lentement, quelques élèves aujourd'hui m'ont donné des réponses similaires à la vôtre. Je ne peux que me féliciter que des personnes aussi jeunes que vous ayez conscience de ce qui se joue en dehors de ces murs... Mais justement, monsieur Potter, réfléchissez bien. La voie que vous voulez emprunter ne sera pas la plus simple, elle sera même, et j'emploie ce mot à dessein, dangereuse. Vous êtes jeune, vous avez la vie devant vous, et je vous connais assez pour dire que vous croyez un peu trop en votre chance pour votre propre bien. Le seul conseil que j'aurai à vous donner, James, est le suivant : faites ce qui vous semble juste, sans pour autant oublier qu'une multitude d'opportunité s'offre à vous.
James sentit son cœur cogner contre ses côtes et il resta immobile sur sa chaise, incapable de répondre. Il comprenait la solennité que revêtait ce moment, et pour cause elle n'avait jamais employé son prénom en six ans, mais surtout il tentait de lire entre les lignes. Avec un brusque sentiment de froideur au creux du ventre, il se demanda si McGonagall avait déjà perdu des élèves dans cette guerre. Voldemort agissait dans l'ombre depuis plus de deux ans. Si pendant cette période, aucun élève de Poudlard n'était mort, les agressions des nés-moldus au sein même du château et sous sa vigilance avait dû être un coup dur pour elle. Il y avait également les plus âgés, les jeunes diplômés qui avaient quitté l'école ces dernières années. Le visage de Gemma Ackerley, la recrue en formation des Aurors, s'imposa à son esprit. Elle avait été touchée dans l'attaque mais avait survécu. D'autres anciens élèves dont il ne connaissait pas le nom ou dont il avait oublié les visages, n'avaient peut-être pas eu cette chance...
Inconsciemment, il repensa à l'été dernier, lorsque Sirius l'avait poussé pour rigoler à consulter une diseuse de bonne aventure. Ils se promenaient tous les deux dans les ruelles adjacentes qui formaient le quartier sorcier autour du Chemin de Traverse et riaient tellement forts que les passants se retournaient pour les dévisager. Ils étaient alors passés devant une petite échoppe éphémère comme il y en avait des dizaines aux alentours.
« - Regarde, dit Sirius en l'attrapant par le coude pour le forcer à s'arrêter.
James suivit son regard et aperçut une sorte de stand, collé au mur de pierre sombre de la ruelle. Il se détachait des autres et attiraient l'œil grâce à ses tentures colorées qui chatoyaient au soleil, jetant des reflets ocre et mauve sur les pavés. Un petit écriteau en bois surmontait l'entrée. James plissa les yeux pour arriver à déchiffrer l'enseigne qui indiquait « Voyance & Avenir ».
- Encore un attrape touriste, commenta-t-il. Ils connaissent autant l'avenir que ma grand-tante Giselle et ses présages météorologiques toujours à côté de la plaque !
- Viens, on entre pour voir !
- Patmol...
- Allez, ça peut être drôle, affirma Sirius. On connaît les autres boutiques par cœur. Ça nous occupera.
Résigné, James se laissa entraîner par son meilleur ami. Dès qu'il franchit le voile vaporeux qui servait de porte d'entrée, une forte odeur de feuilles de thé séchées et d'encens le saisit à la gorge et il cligna des yeux pour s'habituer à la semi-pénombre. La pièce, circulaire, était bien plus grande que ce que laissait présagé la devanture et avait dû être agrandie par magie. D'épais tapis orientaux parsemaient le sol, renforçant l'ambiance calfeutré de la boutique, et des boules de cristal gisaient un peu partout. Sur sa droite, une haute étagère menaçait de céder sous le poids de bougies, de tasses de thé, et de bocaux en verre qui contenaient toutes sortes de plantes étranges.
- Drôle de déco, laissa échapper Sirius en tournant sur lui-même.
Soudain, une silhouette émergea de derrière l'étagère et s'avança vers eux sans bruit.
- Bienvenu, jeunes gens, dit une voix féminine avec un léger accent que James n'arriva pas à identifier.
La voyante portait une lourde robe violette qui laissait entrevoir la naissance de sa poitrine et mettait en valeur le teint matte de sa peau. Ses cheveux, aussi sombres que ses yeux, cascadaient sur ses épaules dénudées et étaient coiffés d'un châle brodé de fils argentés.
- J'attendais votre venue, poursuit-elle. Mon nom est Esméralda. Je vous en prie, venez vous assoir.
D'un geste ample, elle désigna une table en bois toute simple, entourée de trois fauteuils. James échangea un regard avec Sirius et ils haussèrent les épaules avant d'obtempérer. Maintenant qu'ils étaient là, autant aller jusqu'au bout.
- Voici James, présenta Sirius. Et moi, c'est Sirius.
- Un nom inscrit dans les étoiles, répondit la voyante d'un air entendu.
James dû se mordre la lèvre pour s'empêcher de répliquer que tout le monde ayant étudié un minimum l'Astronomie aurait pu faire la même remarque.
- Vous voulez connaître votre destinée.
- C'est ça, on voulait... commença-t-il.
- Je le sais, coupa Esméralda, les yeux baissés vers le jeu de tarot disposé devant elle. Je vais commencer par vous, ajouta-t-elle en direction de Sirius. Les cartes chuchotent votre nom.
Le ton dramatique de la jeune femme mit brusquement James mal à l'aise et il s'avança sur le bord de sa chaise, comme s'il se préparait à partir en courant à la moindre occasion. A côté de lui, Sirius se contenta de soutenir le regard de la voyante, goguenard.
Avec un mouvement de main gracile, Esméralda retourna trois cartes et les plaça au centre de la table avant de se pencher pour les examiner.
- Je vois, souffla-t-elle en prenant un air mystérieux qui fut rouler des yeux à Sirius. Des épreuves vous attendent, mon garçon... Oh la peine s'enroule autour de votre destinée comme une amante. Tant de pertes, tant de pertes !
- Vous n'avez rien de plus joyeux ? Demanda Sirius.
Contrairement à James, il ne paraissait absolument pas désarçonné. Pourtant, il ne croyait pas en ses balivernes. Esméralda était comme les autres charlatans dans son genre qui répétaient toujours les mêmes choses aux clients, comme un discours bien rôdé appris par cœur.
- Votre errance sera longue, continua-t-elle en ignorant l'interruption, et vous attendez longtemps la justice qui vous est dû... Cependant, votre âme sera honorée...
- T'entends ça, Cornedrue ? Honorée !
- Ouais...
Il chercha une réplique plus spirituelle, mais déjà Esméralda détourna son attention sur lui et planta ses prunelles sombres dans les siennes. James déglutit alors qu'elle tendait la main vers lui par-dessus la table. Il se retint de reculer d'un geste brusque.
- Donnez-moi votre main, pria-t-elle.
- Pourquoi... ? Articula-t-il. Les cartes...
- Les cartes ne contiennent pas la destinée de tous, coupa-t-elle fermement. La sienne s'y inscrivait car son sort s'entremêle aux chemins de beaucoup d'autres, il est une étoile parmi une constellation....tandis que vous, jeune homme, votre destin me semble plus personnel.
- Un destin est forcément personnel, objecta Sirius, enfoncé contre le dossier de son siège et les bras croisés sur le torse.
Maintenant que son tour était passé, il avait l'air de s'ennuyer.
- Un destin est fait de choix, expliqua la voyante avec patience sans quitter James des yeux et son cœur s'accéléra presque douloureusement. Des choix personnels, bien sûr, mais également les choix des autres. Le fil de notre existence fait partie d'une tapisserie dans laquelle des milliers de fils s'entrelacent. Certains fils sont juste plus importants que d'autres et guident le tracé des autres.
- Moi ?
- Oui... Son destin sera lié aux choix de beaucoup d'autres personnes... Quant au vôtre, il se réalisera aussi bien au travers des choix que vous ferez que le sort inévitable qui vous emportera tel la roue implacable. Votre main, allons.
James sentit sa bouche s'assécher alors que le mot « emportera » résonnait dans sa tête et il tendit la main. La peau tiède de la voyante entra en contact avec la sienne et il frissonna malgré lui. Délicatement, elle caressa sa paume du bout des doigts avant de remonter les lignes qui se dessinaient jusqu'à son poignet.
- Oh, hoqueta-t-elle brusquement.
- Quoi ? Demanda Sirius en se penchant en avant, curieux.
- Votre ligne de vie... Si courte, si jeune...
- Qu'est-ce...qu'est-ce que vous voulez dire... ?
Des sornettes, un numéro de spectacle, se répéta-t-il en boucle pour tenter de calmer son sentiment d'oppression.
- Un grand sacrifice vous attend, jeune homme, souffla-t-elle. L'amour vous rendra fort et vous coûtera la vie.
- Je...
- Vous l'aimerez à en mourir, asséna-t-elle avant de relâcher sa main.
James recula vivement, le sang glacé. Sirius se leva d'un bond et jeta trois mornilles sur la table. Il avait perdu sa nonchalance et, le visage crispé, tira James sur ses pieds.
- Merci pour votre temps, dit-il. On doit y aller. Au revoir.
Il n'attendit même pas une réponse d'Esméralda et ressortit de la boutique en poussant son meilleur ami devant lui. En se retrouvant sur le trottoir, James inspira une grande goulée d'air et son esprit s'éclaira. Il avait l'impression de se réveiller après avoir été piégé dans un rêve étrange. Les mots de la voyante l'avait perturbé plus qu'il ne l'aurait cru, mais à mesure que les secondes passaient il se trouva ridicule. L'art de la divination était une branche nébuleuse de la magie, Esméralda n'en savait pas plus sur son destin que la grand-tante Giselle ne savait si la pluie tomberait demain.
Rassuré par cette conviction, il repoussa la dernière phrase de la jeune femme au fond de sa mémoire.
- Quelle pauvre folle, fit Sirius en secouant la tête, le visage tourné dans la direction opposée. Tu viens, on va manger une glace ? Je meurs de faim !
- J'arrive... »
Face à son professeur au moment de réfléchir à son avenir, James repoussa encore une fois les paroles de la voyante, revenues inopinément des tréfonds de ses souvenirs, et afficha un air déterminé.
- Je comprends, murmura-t-il.
Intérieurement, il se fit la promesse de ne pas devenir le souvenir d'un jeune homme qui hanterait McGonagall.
**
*
« Je ne sais pas, je n'y ai pas vraiment réfléchi... » - Marlène McKinnon -
« Médicomage, sûrement, pour me rendre utile » - Lily Evans -
« J'ai toujours pensé au Quidditch, mais maintenant, avec tout ce qui passe...je ne suis plus sûr... » - James Potter -
« Auror » - Sirius Black -
« Je n'aurai sûrement aucun avenir professeur, à quoi ça sert ? » - Alexia Cassidy -
« J'ai des idées, mais mes notes ne sont pas assez bonnes... » - Peter Pettigrow -
« L'enseignement m'aurait plu si...enfin vous savez... » - Remus Lupin -
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top