Tome II - Chapitre 20 : Derrière les portes closes
Chapitre XX : Derrière les portes closes
Les mains enfoncées profondément dans les poches de son long manteau, Sirius remontait l'allée du jardin des Potter. La tête rentrée dans son écharpe pour se protéger du vent glacial qui lui ramenait les flocons dans les yeux, il tentait tant bien que mal d'avancer. Le bruit de ses pas qui crissaient sur la neige était la seule chose qu'il arrivait à entendre par-dessus les bourrasques qui faisaient battre dans l'air les branches dénudées des arbres qu'il longeait.
Bien qu'il soit presque midi, le soleil hivernal peinait à percer la couche de nuage gris, ce qui donnait au ciel un aspect bas et plombé. Lorsqu'il était sorti, Euphemia avait levé la tête, concernée.
- Allez vite à l'intérieur, au chaud, d'accord ? Et remonte ton col, tu vas attraper froid.
- Promis... A tout à l'heure, je ne rentrerai pas tard.
- Ne t'inquiète pas pour l'heure, profite ! Si tu as un problème, appelle James avec le miroir ou envoie-moi un patronus surtout, ajouta-t-elle en boutonnant son manteau jusqu'en haut.
Il souriait toujours en repensant à l'attitude maternelle d'Euphemia alors qu'elle le regardait s'éloigner depuis l'encadrement de la porte lorsqu'il arriva au grand portail qui délimitait la propriété.
Derrière la grille en fer forgée, il repéra une silhouette qui attendait. Andromeda lui adressa un grand sourire, ses cheveux sombres coincés sous un bonnet de laine, et un nuage de fumée s'échappa de sa bouche quand elle s'approcha pour le prendre dans ses bras.
- Sirius ! Tu m'as manqué. Comment tu vas ?
- Ca va.... Tu m'as manqué aussi.... Ted et Nymphadora vont bien ?
- Elle était déçue de ne pas te pouvoir te voir aujourd'hui, mais je me suis dit que visiter des appartements l'ennuierait. Ce sont les parents de Ted qui la garde pendant qu'il est au travail. Elle se souvient encore un peu de toi, et aussi de James. Ce matin, elle m'a demandé si elle pouvait lui remettre des paillettes dans les cheveux.
Sirius éclata de rire.
- C'était un travail d'artiste !
- Je ne suis pas sûre que ton ami approuve.... Tu viens tout seul d'ailleurs ?
- Oui... Les Potter ont des invités, dit-il d'un ton neutre.
Ce n'était à proprement parler pas vraiment un mensonge. Les filles étaient encore au manoir pour deux jours avant de repartir fêter noël dans leur famille et surtout il n'avait toujours pas avoué à James qu'il voulait trouver un appartement. Il n'était même pas au courant de la raison pour laquelle il voyait sa cousine aujourd'hui, il avait juste prétexté passer la journée avec Andromeda, et son sentiment de culpabilité s'était renforcé quand James avait eu l'air ravi pour lui. Alexia et Remus lui avaient tous les deux jetés en regard appuyé, comme lui dire d'arrêter de raconter n'importe quoi, et même Euphemia et Fleamont s'étaient abstenus de commenter en constatant qu'il mentait ouvertement à leur fils.
D'un point de vue très cartésien, il savait qu'il devait dire la vérité à James. L'histoire du saule cogneur et de Rogue en cinquième lui laissait toujours un goût amer et les Maraudeurs, surtout lui, s'étaient promis de ne plus rien se cacher ni de garder des choses importantes pour soi. Pourtant, il n'arrivait pas à s'y résoudre. Il avait l'impression de renvoyer sa générosité et son hospitalité à James en pleine figure, alors même qu'il lui avait offert un toit et une famille sans même hésiter lorsqu'il avait quitté les Black.
Andromeda ne parut cependant rien remarquer car elle hocha la tête.
- Très bien, alors allons-y. On va prendre le Magicobus jusqu'au Chemin de Traverse. Ted a trouvé deux appartements à quelques mètres du centre-ville ; un à acheter et l'autre à louer. Prêt pour le début d'une nouvelle vie ?
- Je te suis....
**
*
James savait qu'il n'aurait pas dû se trouver dans le bureau de son père.... Depuis tout petit, c'était la seule pièce de la maison dans laquelle il n'avait pas le droit d'entrer si ses parents ne l'y avaient pas autorisé. Enfant, il trouvait cela injuste et d'autant plus intriguant. Aujourd'hui, il savait que c'était parce que son père y gardait des objets dangereux ou des dossiers confidentiels du Ministère.
Il était actuellement en train de fouiller dans un tiroir du dit bureau, mais purement dans un but pédagogique. Lily et Remus avaient chacun affirmé il y a dix minutes qu'ils étaient premiers de la classe en métamorphose au deuxième trimestre en première année. James avait alors glissé qu'en vérité, c'était lui qui était premier cette année-là, ce à quoi Lily avait répliqué en riant :
« - Impossible... Tu passais plus de temps à explorer le château qu'à apprendre tes leçons. Non, je suis sûre que c'était moi qui avais majoré.
- Je te dis que c'est moi, protesta Remus. Toi, c'était en sortilèges.
- Mais non, je...
- James, ça ne pouvait pas être toi.
- Ne me regardez-pas, lança Alexia, on n'était pas encore tant amis que ça et je ne m'en souviens pas.
- Pareil, y'a que vous pour vous souvenir de trucs pareils, renchérit Peter.
- Si ça peut aider, je suis certaine que ce n'était pas moi la meilleure, dit Dorcas, sarcastique.
- Je vais vous prouver que c'était moi ! Attendez là ! »
C'était à cause de ce débat idiot que James se retrouvait donc maintenant dans le bureau de son père –clandestinement– à la recherche de ses bulletins de première année. Il aurait pu tout simplement demander à ses parents, mais ils étaient occupés dans le jardin à remettre en état le cabanon à balais et il ne voulait pas les déranger pour si peu. Et puis, il avait dix-sept ans, il pouvait bien chercher dans un tiroir sans mettre le feu à la maison.
- Ah.... Murmura-t-il en voyant un papier marqué du sceau de l'école. Non, troisième année....
Curieux, il jeta un coup d'œil aux appréciations des professeurs : « Monsieur Potter pourrait être un bon élève s'il ne passait pas l'heure à rire avec monsieur Black », « trimestre excellent autant en botanique qu'en bataille d'engrais pour champifleur », « très bon semestre en divination », « élève doué d'un esprit vif et d'un sens de l'humour certain ». Le dernier venait évidemment de cette chère McGonagall.
Brusquement, alors qu'il allait reposer le bulletin pour continuer à chercher, il entendit des voix étouffées qui se rapprochaient... et qui ressemblaient suspicieusement à ses parents. Sans réfléchir, il entrouvrit la porte de l'imposante armoire à sa droite et se glissa à l'intérieur au moment où sa mère entrait dans la pièce d'un pas vif, suivie de son père.
- On sera plus au calme ici, dit-elle.
- Tu es sûre qu'ils sont à l'étage ?
- Oui, oui... Ils sont dans la chambre de James depuis que Sirius est parti.
Son père soupira, fatigué, et tira le fauteuil devant son bureau pour s'assoir.
- Combien d'appartements Andromeda voulait lui faire visiter ?
- Deux je crois... J'espère que tout se passera bien, j'aurai peut-être dû aller avec lui...
- Mia, calme-toi. C'est un grand garçon, il peut se débrouiller, et sa cousine est avec lui. Tout ira bien, il rentre ce soir.
James fronça les sourcils. Quels appartements ? Sirius devait passer la journée avec Andromeda, quel était le rapport avec des appartements ?
- Tu as raison, désolée... Je m'inquiète trop, je sais.
- Justement, peut-être que je ne devrais pas...
- Oh non n'essaye même pas, coupa sa mère d'une voix ferme. Ça fait deux jours que tu évites la question et je ne suis pas ton fils à qui tu peux dire que tout va bien indéfiniment. Je suis ta femme.
- Je le sais bien...
- Donc tu vas enfin me dire ce que les médicomages ont diagnostiqué ? Tu es allé faire des examens trois fois depuis l'attaque, je sais que les sortilèges étaient lourds mais quand bien même...
Le cœur de James loupa un battement et il se figea dans l'armoire. Cette conversation était privée, il en avait conscience. Il n'aurait jamais dû être là, à écouter, mais il se refusa de bouger si ça signifiait obtenir enfin des réponses.
- Mia...souffla son père.
- Je peux encaisser. On se l'est promis, non ? Ensemble. On surmontera ce qui viendra ensemble.
- Le problème, c'est que je ne sais pas si c'est surmontable...
Euphemia dévisagea son mari d'un air grave, le visage fermé. Elle garda le silence pendant plusieurs secondes, à tel point que James se demanda si elle n'était pas partie, avant qu'elle ne contourne le bureau pour venir prendre la main de son père.
A cet endroit, James les avait ainsi tous les deux dans son champ de vision. La dernière phrase de son père lui donna envie de vomir et il attendit, la gorge serrée.
- Comment ça ? Fleamont ?
- Les médicomages ont voulu vérifier plusieurs fois, ils n'étaient pas sûrs d'eux... Il semblerait que l'hémorragie interne que j'ai eue après l'attaque ait sensiblement fragilisée mon système immunitaire. Ma magie était tellement occupée à tenter de guérir mon corps des différents sortilèges que j'ai été exposé à d'autres virus.
- Lesquels ? Demanda sa mère d'une voix chevrotante.
- Certains étaient mineurs et ne sont déjà plus présents dans mon organisme.... Mais ils pensent que j'ai contracté une maladie plus sévère...
- Fleamont, je t'en prie !
- La dragoncelle, Mia... avoua-t-il, défait. Pour eux, ce serait un début de dragoncelle.
- Quoi ? Mais... Ce sont les enfants, je...
- Le plus souvent, oui, c'est vrai. Mais il arrive que des adultes soient également contaminés. C'est plus rare, beaucoup plus rare, mais pas impossible. Le problème c'est que si la dragoncelle est assez facile à soigner chez les enfants... elle peut être mortelle quand elle est contractée à un âge avancé. Et voyons la réalité en face, je ne suis plus tout jeune.
- Le remède de Gorsemoor...tenta de protester Euphemia.
- ... ne fonctionne que sur les jeunes patients. Je suis désolé, Mia...
- Non... non...
La respiration saccadé, Euphemia se détourna, agitée. Elle semblait réfléchir à mille à l'heure, comme si elle essayait de trouver une solution à une énigme impossible, alors que James se contentait de l'observer, l'esprit vide. Son père allait mourir. C'est ce qu'il venait d'avouer à demi-mot. Il n'avait que la soixantaine, ce n'était pas possible. Personne n'attrapait la dragoncelle à cause d'une stupide attaque de mangemort ! Il eut soudain envie de jeter quelque chose, d'envoyer son poing dans le mur, n'importe quoi... Une seconde, en sentant des fourmillements courir tout le long de son corps, il eut peur que sa magie explose, comme elle le faisait lorsqu'il était enfant et qu'il n'arrivait pas à se contrôler. Pourtant, sa colère chauffée à blanc retomba aussi vite qu'elle était arrivée pour laisser place à une douleur sourde qui pulsait au fond de son ventre.
Brusquement, pour la première depuis la mort de ses grands-parents, James vit sa mère fondre en larmes. Elle se couvrit le visage des mains, les épaules tremblantes, alors qu'un sanglot déchirait sa gorge. En un instant, son père était sur ses pieds et l'enlaçait, les yeux humides. Il la serra contre lui tandis qu'elle enfouissait sa tête au creux de son cou en pleurant.
- Mia, ça va aller... chut...
- Tu ne peux pas... non...
- Je suis désolé, tellement désolé ma chérie.
Avec une tendresse infinie, James vit son père caresser les joues de sa mère et il eut brusquement l'impression d'étouffer, caché dans cette armoire, tandis qu'un goût de cendre se répandait dans sa bouche.
- Combien de temps... articula-t-elle avec difficulté. Combien de temps avant que la dragoncelle... ?
- Ce n'est pas facile à déterminer... Un ou deux ans, tout au plus.
- Mon dieu... James... Qu'est-ce qu'on va dire à James, Fleamont ? Oh mon dieu...
Fleamont parut perdre le peu de couleur qu'il avait encore. Il déglutit, serrant un peu plus sa femme dans ses bras.
- Je ne sais pas, souffla-t-il. Je ne sais pas.
- Il... il l'a eu bébé, n'est-ce pas ? James ne peut pas... ?
- Non, il ne peut pas l'attraper. J'ai demandé à une dizaine de médicomages. Tu te souviens, on avait été obligé de le mettre en quarantaine car aucun de nous deux ne l'avait eu et que le risque de contagion était important ?
- Je me souviens, oui. J'étais restée pendant trois nuits à veiller sur lui derrière la vitre...
Des larmes silencieuses coulant toujours le long de ses pommettes, Euphemia s'écarta avec lenteur pour venir se poster devant la fenêtre. Elle contempla les flocons de neige qui tombaient du ciel et frissonna.
James sentit ses jambes faiblir, mais il resta debout, aussi immobile que sa mère. S'il y a quelques minutes son estomac était noué à lui en faire mal, il ne ressentait à présent plus qu'un vide immense. Il ne se souvenait pas d'avoir eu la dragoncelle, il devait être trop petit... mais il se souvenait des infirmières lui montrant sa mère derrière la vitre qui lui souriait avec amour. Brusquement, il s'inquiéta pour elle. Une inquiétude si violente qu'il aurait voulu jaillir de l'armoire pour la prendre dans ses bras, la protéger de la douleur et de la maladie. Car il avait compris avant même que son père ne reprenne, la voix basse, l'air de marcher sur des œufs de dragons.
- Mia, tu sais ce que ça signifie, n'est-ce pas ?
- Arrête, dit-elle d'un ton tranchant qu'il ne lui avait jamais entendu. N'ose même pas me le demander, Fleamont John Potter.
- Tu n'as pas le choix !
- « Je t'aimerai dans la santé ou dans la maladie », récita-t-elle en faisant volte-face. Ce sont les mots que j'ai prononcé il y a presque trente-cinq ans et je m'y tiendrai encore demain.
- Pas si ça veut dire que tu attrapes aussi la dragoncelle, Mia. Je refuse.
- C'est mon choix...
- Hors de question. Penses à James !
- Ne l'implique pas là-dedans, je t'interdis !
- Tu risques de mourir si tu contractes la maladie, bon sang ! En restant avec moi quand je deviendrai contagieux, tu...
- Je ne t'abandonnerai pas ! S'écria-t-elle si fort que James sursauta, heurtant le fond de l'armoire. Par tous les mages, Fleamont, je ne peux pas faire ça. Tu es mon meilleur ami, mon mari, le père de mon enfant... Je resterai avec toi jusqu'au bout, peu importe les conséquences.
Elle se tenait désormais droite en face de son père, le regard droit et solennel planté dans le sien, et les épaules de ce dernier retombèrent, vaincu. Ils pleuraient tous les deux lorsqu'ils s'étreignirent à nouveau.
**
*
La neige avait cessé de tomber quand Sirius revint chez les Potter en fin d'après-midi. Andromeda l'avait déposé à la grille et était repartie en transplanant, non sans lui avoir rappelé une dernière fois que s'il avait besoin de quoique ce soit, il n'avait qu'à la contacter. Même en sachant que c'était peu probable qu'il le fasse, Sirius avait acquiescé.
La visite des appartements avait été longue mais amusante à ses côtés. Elle s'était transformée en véritable agent immobilier pendant près de trois heures, et Sirius, bien qu'ayant toujours l'impression d'être un peu perdu, lui en était reconnaissant. L'appartement à acheter près du centre-ville, côté sorcier de Londres, était ce qu'il avait imaginé : deux chambres, un petit salon et un balcon au dernier étage de l'immeuble qui donnait sur les toits de la ville. Il avait fait une offre pour celui-ci, en espérant recevoir une réponse positive pour pouvoir y emménager à la fin de l'année scolaire.
Plongé dans ses pensées sur l'appartement et repensant à sa conversation avec Andromeda au café juste après, il faillit ne pas voir James, assis dehors sur le bord des marches qui menaient au perron. Au début, il crut qu'il venait juste pour l'accueillir, avant de se rendre compte que quelque chose clochait. La neige tenait encore au sol et la température extérieure devait être négative en cette fin décembre, pourtant James ne portait qu'un pull, sans écharpe, gants ni manteau. Il tremblait et était livide.
- Cornedrue ? Appela Sirius. Ça va ?
James ne tourna même pas la tête vers lui, les yeux fixés sur l'horizon.
- Oh James ? James ?
Inquiet, il rompit la distance entre eux et le secoua par l'épaule. James recula comme s'il venait de recevoir un choc électrique. Lentement, il leva le regard vers lui.
- Sirius... croassa-t-il d'une voix rauque. Merlin, Sirius...
- Tout va bien ? Qu'est-ce qui se passe ? James !
Pendant une fraction de seconde, il s'imagina le pire. Une attaque de mangemort au manoir, quelque chose impliquant Voldemort... Son poing se crispa et il se retint de se précipiter à l'intérieur pour voir si tout le monde allait bien, si Alexia allait bien... Mais quelque chose dans l'expression de son meilleur ami le poussa à rester.
- James, viens... On devrait rentrer, il gèle.
Les membres engourdis, James commença à se lever et Sirius l'attrapa par le bras pour le tirer sur ses pieds. Maintenant qu'ils étaient face à face, il remarqua ses yeux rougis et son teint blême.
- Quels appartements ? Demanda-t-il brusquement.
Sirius le dévisagea, surpris. Il resta sans voix, sans savoir quoi répondre alors que James le regardait toujours de son air hagard qui l'inquiétait de plus en plus.
- Quoi ?
- Tu veux partir ? C'est ça, pas vrai ? J'ai entendu mes parents dire que tu allais visiter des appartements avec Andromeda.
Pendant une fraction de seconde, il pensa à nier, avant de se rendre compte que cela ne servait à rien et que James lui donnait enfin l'occasion d'engager la conversation.
- C'est vrai, on en a visité... J'y pense depuis quelques temps. L'argent d'Alphard pourrait me permettre d'en acheter un, je ne pourrais pas rester éternellement chez tes parents.
- Et tu n'as pas pensé à m'en parler ? Cria James.
- Je n'étais même pas sûr d'en trouver un avant aujourd'hui... et je ne voulais pas que tu t'imagines que je n'aimais pas vivre avec toi et tes parents, ce n'est pas ça...
- Me le dire et me l'expliquer auraient déjà été un bon début alors, non ? Tu as réussi à en parler à ma mère sans la vexer apparemment donc pourquoi pas moi ? Qui d'autre le sait ? Remus ? Pete ? Alex ?
- Ce n'est pas la même chose...
- Non ! Non, non ce n'est pas la même chose, je suis ton meilleur ami ! Combien de fois on doit avoir cette conversation ? Tu ne peux pas garder les choses importantes pour toi !
- Ce n'était pas important comme la cinquième année, protesta Sirius, sur la défensive. Je ne voulais pas que tu le prennes mal ou te faire... je veux dire...
- De la peine ? Compléta-t-il, un air indéchiffrable sur le visage. Tu penses que je ne pourrais encaisser, c'est ça ? C'est ce que vous pensez tous ?
Sirius resta interdit et fronça les sourcils. Cette fois-ci, il sut que quelque chose n'allait vraiment pas. L'appartement n'était pas le seul problème de James, c'était évident.
- Tous ? Qu'est-ce que tu veux dire, tous ? James, pas avec moi, qu'est-ce que...
- Ne détourne pas le sujet, on parle de toi là ! S'écria-t-il. De toi et de ton incapacité à communiquer quand quelque chose ne va pas !
- Tu t'entends ? Je crois que tu devrais appliquer tes propres conseils pour une fois, parce que visiblement ce n'est pas moi ici le problème, Cornedrue.
Agité, James détourna les yeux. Il tremblait toujours, mais Sirius se demanda si le froid en était vraiment la cause. Ses doigts tressautaient nerveusement contre son genou et tout son corps paraissait tendu à l'extrême.
- Allez, James, parle-moi je...
Il n'eut pas le temps de finir sa phrase. Il ne vit même pas le coup arriver tellement il ne s'y attendait pas. Une seconde, il se tenait face à James, tentant de croiser son regard, et la suivante il sentit une vive douleur exploser dans sa mâchoire là où le poing de James s'était abattu. Déséquilibré, il trébucha mais parvint à rester sur ses pieds.
Un long silence passa, comme si aucun d'eux ne savait comment réagir, jusqu'à ce que James ne sorte de sa torpeur et se précipite vers lui.
- Oh Merlin... murmura James. Je suis désolé, je ne voulais pas... ça va ?
Sirius porta la main à sa bouche. Au moins il ne saignait pas, mais il sentait déjà qu'un bleu se formait sur le côté de son visage. Il s'était déjà pris des coups de poings en pleine face durant une ou deux bagarres, voire pendant un match de Quidditch durant lequel l'adversaire était particulièrement tactile, mais jamais de la part de son meilleur ami.
- Beau coup droit, commenta-t-il. Ça t'a fait du bien, c'est bon ?
- Même pas... marmonna-t-il, l'air contrit. Désolé, vraiment.
- J'ai connu pire. Mais maintenant, tu vas me dire ce qui t'as mis dans cet état ? L'appartement, sérieux ?
- Non, non évidemment... Je comprends que tu veuilles t'installer autre part après Poudlard, je m'en doutais un peu, j'attendais juste que tu m'en parles toi-même.
- Alors quoi ? C'est Evans ? Vous vous êtes disputés ? Ça fait à peine 48h, bon sang !
- Non plus, rien à voir avec Lily... Je... C'est...c'est mon père.
Il aurait honnêtement préféré recevoir un autre coup de poing. Un sentiment glacial se répandit dans ses veines et il fixa James avec appréhension, présentant ce qui allait suivre.
- Je n'aurais pas dû les écouter, mais je... j'ai tout entendu... Il a la dragoncelle, annonça-t-il la voix tremblante. Les médicomages pensent qu'il a contracté à cause de son âge et des sortilèges qui ont affaibli son système immunitaire et sa magie....
- James...
- Il va mourir, Sirius. Un an ou deux, pas plus. Et maman... je ne sais pas, elle ne veut pas le laisser seul, elle risque aussi...
James s'étrangla et les mots moururent sur ses lèvres. Derrière ses lunettes, ses yeux exprimaient une détresse profonde et Sirius s'avança pour le prendre dans ses bras tandis qu'il s'effondrait. Il lui posa une main réconfortante sur l'épaule, sans savoir lequel des deux réconfortaient véritablement l'autre alors que lui-même avait l'impression que son monde s'effondrait une fois plus. Fleamont Potter l'avait accueilli, traiter comme son fils... C'était un homme bien, il ne méritait pas ça, pas quand des gens comme son propre père ou les mangemorts s'en sortaient en toute impunité.
Il ne chercha pas à parler, tout simplement car il s'en sentait incapable et qu'il savait qu'aucun mot ne pourrait apaiser la souffrance de James à cet instant. Il se contenta d'être là, de laisser James s'agripper à lui pour garder la tête hors de l'eau, comme ils le feraient toujours l'un pour l'autre.
**
*
Ils restèrent ainsi dehors, dans la neige, pendant encore près d'une heure avant que la porte du manoir ne s'ouvre. Euphemia se trouvait en haut des marches, perplexe, et écarquilla les yeux en voyant dans quel état ils étaient tous les deux.
- Merlin les garçons, qu'est-ce que vous fabriquez ? J'étais morte d'inquiétude et... Oh Sirius, ta joue...qu'est-ce qui t'es arrivé ?
Elle se précipita vers lui, attrapant son menton d'un geste doux pour observer le bleu sur son visage.
- Ce n'est rien, je suis tombé...
- Tomber ? Répéta-t-elle, sceptique. Tu penses vraiment que je vais te croire ? Je croyais qu'Andromeda n'était pas comme eux ?!
Il mit une seconde à comprendre ce qu'elle insinuait, avant de réaliser que le « eux » renvoyait au Black.
- Andromeda ne ferait jamais ça ! S'exclama-t-il immédiatement, horrifié. Elle n'a rien...
- C'était moi, intervint James, atone. Je l'ai frappé.
- James !
- Ce n'est pas sa faute non plus, il...
- Mais enfin qu'est-ce qui t'as pris ? Gronda Euphemia. James, regarde-moi !
Elle se détourna de lui pour venir se planter devant son fils, visiblement hors d'elle. Malgré le fait qu'il la dépasse désormais de plusieurs centimètres, elle paraissait intimidante et inflexible. Pourtant, lorsqu'elle prit conscience de l'expression de James, elle se radoucit quelque peu.
- Mon cœur, souffla-t-elle.
Si Sirius avait cru que James s'était effondré tout à l'heure, il avait tort. En attendant son surnom ainsi que la voix de sa mère, un sanglot lui échappa et il se mit à pleurer en lui tombant dans les bras. Avec un naturel tout maternel, elle l'enlaça sans hésitation, le berçant contre elle comme s'il était un petit garçon.
Tous les deux paraissaient avoir complément oublié sa présence et Sirius, mal à l'aise, les contourna sans bruit pour rejoindre la maison. La légèreté qu'il avait ressentie tout au long de la journée s'était envolée, remplacée par une chape de plomb qui pesait au creux de son ventre. Abattu, il monta lentement les escaliers et regagna sa chambre. Dès que la porte se referma dans son dos, il repéra Alexia, assise en tailleur sur son lit. Elle lui adressa un sourire triste.
- Je t'attendais ici et j'ai vu James et sa mère par la fenêtre.... Je suppose que ça ne va pas...
- Non...murmura-t-il. Pas vraiment, princesse.
- On n'est pas obligé d'en parler. Viens là.
- Je dois...James...
- Il est avec ses parents et Lily est là. Pour l'instant, je crois que tu ne vas pas mieux que lui...
Sirius resta immobile, prenant soudain conscience qu'il était épuisé. Il se traîna jusqu'à son lit et se laissa tomber à côté d'Alexia qui glissa sa main dans la sienne, roulant sur le côté pour lui faire face.
- Tu t'es pris la porte de ton futur appart' ? Dit-elle en désignant sa mâchoire.
- Quelque chose comme ça... Princesse ?
- Hum ?
- Tu restes avec moi ?
- Evidemment...
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