Tome II - Chapitre 2 : Comme on se retrouve
La voix de sa mère fit l'effet d'une claque à Sirius. En fait, il n'arrivait même pas à croire qu'elle se tienne devant lui, dans la cuisine des Potter, comme si c'était la chose la plus naturelle au monde. Elle n'avait pas changé depuis son départ de la maison il y a plusieurs mois, toujours cette expression froide et illisible, la même robe noire austère...
Il aurait dû savoir qu'on ne pouvait pas rester éternellement hors du chemin de Walburga Black. La famille était ce qu'il y avait de plus sacrée pour elle, du moins à sa manière. Elle avait consacré sa vie à la noble famille Black, allant jusqu'à épouser son cousin pour garder son nom et la pureté du sang. Epouse modèle, elle avait donné deux héritiers à son mari et sa réputation avait toujours été impeccable...jusqu'à l'hiver dernier.
L'histoire du fils aîné des Black qui claquait la porte de chez lui s'était rependu aussi vite que si l'Angleterre avait gagné la coupe de Monde de Quidditch. Walburga avait fulminé pendant des jours, prête à aller récupérer Sirius chez les Potter, mais Orion lui avait conseillé de laisser le scandale s'apaiser.
- Mère...
- Je n'ai beaucoup de temps, coupa-t-elle. Il faut que je te parle.
- Je...
- En privée, ajouta-elle sèchement en direction des Potter, toujours présents.
Fleamont et James se levèrent de table lentement, crispés.
- Nous serons dans le salon s'il y a le moindre problème.
Walburga hocha la tête. Le message implicite était clair.
Dès qu'ils furent seuls dans la pièce, elle s'avança d'un pas raide vers son fils. Elle fut surprise de constater qu'il avait pris quelques centimètres et que ses cheveux noirs, typique des Black, étaient encore trop longs et en bataille, à son grand agacement.
- Qu'est-ce que vous faites là, mère ?
- Ne commence pas. Je veux juste te parler, Sirius.
- Je ne reviendrais pas à Square Grimmaurd, annonça-t-il d'emblée.
Walburga pinça les lèvres.
- Tu n'es qu'un ingrat... Mais on ne va pas revenir là-dessus. Tu es majeur, je ne peux plus rien faire d'un point de vue légal. Tu n'es plus à ma charge désormais.
- Comment ça ?
- Je fais juste remarquer que pour quelqu'un qui voulait son indépendance, s'échapper de la maison familiale, tu as de la chance que les Potter aient accepté de te prendre. Tu es décidément un fardeau où que tu sois...
- Ils n'ont rien à voir avec vous !
- Evidemment, dit-elle d'un ton fier.
Sirius serra les poings. Il ne supporterait pas ça encore longtemps.
- Dites-moi juste pourquoi vous êtes là mère et finissons s'en au plus vite.
- Comme tu le souhaite.
Elle posa son sac à main sur la table, et fouilla dedans une seconde avant d'en ressortir une enveloppe cachetée avec le sceau du Ministère. Sirius sentit son estomac se contracter. Malgré ce que sa mère venait de dire, avait-elle trouver un moyen judiciaire de l'obliger à rentrer ?
D'un geste brusque, elle lui tendit l'enveloppe.
- Qu'est-ce que c'est ? Demanda-t-il en la prenant prudemment.
- Un testament, répondit-elle.
- Je...je ne comprends pas...
- Le testament d'Alphard. Il est décédé il y a trois jours.
La voix de sa mère dérailla une brève seconde, comme si la mort de son frère pouvait l'attrister tel un être humain normal. Or, la harpie ne montrait jamais rien, il l'avait appris au cours des années.
Sirius posa son regard sur l'enveloppe qui paraissait soudain peser une tonne entre ses mains. Une vague de chagrin l'ébranla et une image de l'oncle Alphard s'imposa à son esprit. Il ne l'avait pas vu depuis presque quatre ans, et même enfant la présence de son oncle était assez rare aux dîners de famille à cause de ses problèmes d'alcool que sa grand-mère Irma ne supportait pas. Malgré tout, il avait toujours été gentil avec ses neveux et nièces, leur offrant des cadeaux à chaque noël. Il racontait des histoires à Cissy et Regulus, prenait des nouvelles d'Andromeda même après son départ. Il avait toujours fait preuve de clémence envers les écarts de conduite de Sirius et avait pris la peine de lui envoyer des lettres pour lui demander si tout allait bien après sa fugue.
Depuis des mois, il vivait en reclus dans sa maison du Yorkshire, sans femme ni enfant, tandis que sa santé se dégradait.
- Pourquoi...pourquoi personne ne m'a prévenu ?
- Et pourquoi est-ce qu'on l'aurait fait ? Répliqua Walburga. Tu as été assez clair sur le fait que tu ne voulais rien à avoir à faire avec nous, n'est-ce pas ?
- C'était mon oncle !
- Tu as été renié, lui rappela-t-elle. En ce qui concerne les Black, tu ne fais plus parti de la famille.
Sirius ricana.
- Evidemment ! Combien de temps il vous a fallu pour effacer mon nom de la tapisserie ?
- Aussi longtemps que toi pour t'en aller... Tu ne peux pas savoir à quel point ton père a été déçu.
- Pas vous ? S'étonna-t-il.
Walburga le dévisagea longuement.
- Contrairement à lui, je n'attendais plus rien de toi depuis déjà longtemps.
Il encaissa le coup sans broncher et tenta ce qui avait toujours fonctionné contre elle : l'impertinence.
- Oh vraiment ? Quand avez-vous compris alors ? Ma répartition à Gryffondor, mes disputes avec Bella, ou peut-être le jour même de ma naissance ?
- Non...souffla-t-elle. Tu étais un nourrisson silencieux, trop silencieux. Tu m'effrayais presque. Je voyais en toi l'arrogance de ton père, la morgue des Black... Tu n'as jamais eu besoin de moi comme ton frère et tu te mettais à pleurer dès que je voulais te prendre dans mes bras. Tu veux savoir le jour où j'ai su que tu serais une déception ? Oh je m'en souviens parfaitement, tu avais dix ans, c'était juste un peu avant ton départ pour Poudlard. Tu m'as regardé droit dans les yeux et tu m'as demandé pourquoi est-ce qu'on devrait forcément être supérieurs aux moldus, que c'était injuste.
Elle s'interrompit une seconde, le visage impassible.
- Donc tu vois, reprit-elle, je savais déjà...
- Ouais...
Sirius détourna les yeux, mal à l'aise. Il n'avait qu'une envie, que cette conversation se termine au plus vite. Le testament toujours dans les mains, il la retourna nerveusement et inspira un grand coup pour tenter de se calmer.
- Alphard te lègue sa maison et toute sa fortune, dit-elle finalement. Il faudra que tu fasses les démarches administratives mais le reste a été réglé par notre comptable.
- Bien... Je suppose que vous n'avez plus rien à faire ici dans ce cas ?
Walburga eut un mouvement de recul puis attrapa son sac à main vivement.
- Non effectivement. Adieu, Sirius.
Ils restèrent face à face un instant, incertains de la marche à suivre. Au final, sa mère se contenta de lui jeter un dernier regard glacial et quitta la cuisine comme elle était arrivée, tête haute. Sirius resta sans bouger, juste entouré par le son de ses talons claquant sur le parquet avant que le bruit de la porte d'entrée qui se referme ne lui parvienne.
Epuisé, il se laissa tomber sur sa chaise. Il détestait décidément les réunions familiales.
**
*
Alexia changea de chaîne, à moitié allongée sur son canapé dans ce qu'elle avait dorénavant baptisé « la position des vacances ». De toute façon il faisait trop chaud pour qu'elle bouge. C'est comme ça que sa mère la retrouva une heure plus tard en entrant dans le salon.
- Tu es restée devant la télé toute la journée, Alex ?
- Non c'est elle qui est restée devant moi, répliqua-t-elle.
Sa mère leva les yeux au ciel.
- Tu as prévu quelque chose au moins aujourd'hui ?
- Ouais, je dois aller chez Lily vers 16h...
- Il est 15h30 !
- Je vais transplaner, expliqua Alexia. Il y a au moins trois changements de bus jusqu'à Carbones-les-Mines et c'est hors de question par ce temps.
Alexia tenta d'avoir l'air nonchalant pour ne pas inquiéter sa mère. Parfois, le transplanage déclenchait des petites crises qui l'empêchaient de respirer, mais ça restait assez rare. Elle savait que sa mère préférerait qu'elle évite quand même et Alexia ne pouvait pas lui reprocher, seulement elle ne pouvait pas s'arrêter de vivre ou d'utiliser la magie juste comme ça. Et puis franchement, Lily habitait vraiment dans une banlieue paumée.
Ses vacances d'été avaient été plutôt calme jusqu'ici, elle n'était pas beaucoup sortie et avait passé le plus clair de son temps à regarder la télé, des rediffusions des jeux olympiques de l'année dernière, à lire et à réviser un peu. Il y avait bien eu leur journée entre amis dans un parc d'attraction début juillet, mais après tout le monde était parti chacun de son côté, soit à l'étranger soit chez de la famille.
A vrai dire, celui qui lui manquait le plus était Sirius. Ils s'étaient échangés des lettres toutes les semaines, mais ça faisait encore étrange d'être séparé de lui depuis si longtemps.
Dès que son émission fut terminée, Alexia jeta un coup d'œil à l'horloge. Il était temps de partir. Alors qu'elle s'apprêtait à transplaner, une voix dans sa tête qui ressemblait à s'y méprendre à celle de Portman, son ancien instructeur, lui rappela « détermination, décision, destination les mioches ! ». Deux secondes plus tard, la sensation familière d'un crochet à l'estomac la fit décoller du sol, les couleurs disparurent sous ses yeux puis elle manqua de trébucher sur le perron des Evans.
La maison en face d'elle était semblable à celles qui bordaient toute la rue, c'est-à-dire blanche avec un toit tuiles rouge et un petit jardin avec une jolie clôture autour de la pelouse parfaitement entretenue. Elle n'eut même pas à toquer pour que la porte s'ouvre immédiatement, révélant une Lily plus souriante que jamais.
- Alexia ! Entre vite, Dorcas est déjà là !
La rousse se précipita à nouveau à l'intérieur dans un tourbillon de cheveux. Alexia ne se fit pas prier. Dès qu'elle pénétra dans le salon, elle repéra Dorcas assise sur le canapé, un verre d'eau fraîche à la main, vêtu seulement dans short et d'un débardeur bleu nuit. Comme chaque été, elle était incroyablement bronzée et son teint hâlé contrastait avec celui de Lily, pâle.
- Ah t'es là ! Pile à l'heure ! Viens t'assoir !
Alexia sourit. Dorcas agissait comme si c'était chez elle avec enthousiasme.
- Alors tes vacances ? Raconte !
- Je suis restée en tête à tête avec télé, répondit-elle honnêtement.
Dorcas haussa un sourcil, sceptique. Elle trouvait toujours bizarre cette invention moldu et ne comprenait pas très bien pourquoi Alexia adorait tellement ça mais pourquoi pas...
- Et toi ?
- Les Seychelles étaient super !
- Etonnant, marmonna Lily. C'est vraiment un endroit affreux pourtant...
- Rigole, mais en attendant je ne suis pas restée coincé pendant trois semaines dans une maison à la campagne avec ma sœur.
- Oh ne m'en parle même pas...
Lily renversa la tête en arrière en grimaçant. Ces vacances avaient été une catastrophe pure et simple tellement la situation était devenue ingérable avec Pétunia. Au début, ça allait pourtant plutôt bien, elles jouaient aux jeux de société en famille et avaient même fait une après-midi pâtisserie ensemble. Les choses avaient commencé à se dégrader quand Lily avait utilisé la magie pour réviser un peu ses cours. Pétunia avait piqué une crise, hurlant qu'elle ne pouvait pas passer une semaine sans que son « univers de monstre » intervienne. Après cela, elle ne lui avait plus adressé la parole pendant les trois prochains jours. C'était leur mère qui avait dû aller parler à sa sœur aînée, lui demandant d'être plus compréhensive et Lily avait dû promettre de ne pas faire de magie pendant le reste de leur séjour.
Depuis leur retour à Carbone-les-mines, Pétunia ignorait Lily du mieux qu'elle pouvait, ce qui semblait être la meilleure solution au final même si la rousse en restait contrariée. Elle devait avouer qu'elle ne savait plus quoi faire avec sa sœur. Elle avait beau la défendre depuis années, tenter de toujours apaiser les choses, Pétunia ne voulait rien entendre et la situation commençait à la fatiguer.
Alexia lui adressa un sourire sympathique. Après tout, si quelqu'un comprenait les problèmes de famille, c'était bien elle. En fait, avec Sirius, ils pourraient peut-être tous former un club tiens !
- Arrête de faire ta tête déprimée, râla Dorcas en lui donnant une tape sur la jambe. C'est la dernière semaine des vacances, on vient de se retrouver ! Il faut sortir fêter ça !
- Honnêtement, je n'ai pas...
- Chut ! C'est non négociable. Ça ne va pas avec ta sœur ? Très bien, va t'amuser et ça te changera les idées ! Pas vrai Alex ?
Alexia parut s'enfoncer encore plus dans le canapé.
- Tu sais, avec mon beau-père ça pas été marrant non plus cet été... et puis je suis crevée...
- Regardez-vous ! On dirait deux petites vieilles, c'est affligeant. Il ne vous manque plus que de aiguilles et une pelote de laine pour faire du tricot !
- S'il te plaît, ne parle pas de laine par ce temps...
Dorcas soupira, exaspérée.
- Oh allez ! Il y a une fête sur la place de la ville ce soir, on pourrait y aller !
- Sans moi, répondirent Lily et Alexia en concert.
- J'ai déjà dit aux garçons qu'on irait...
- Quoi ?
- James et Sirius, précisa-t-elle. T'as pas envie de les voir, Alex ?
La mention de son petit ami sembla la faire hésiter et Dorcas s'engouffra aussitôt dans la brèche.
- Allez, dites-oui ! J'ai envie de sortir avec mes amies !
- Appelle Marlène...
- Elle est avec ses frères ce soir.
- Ta petite soeur ?
- Elle a douze ans par Merlin.
- Lucinda ? Proposa Lily en désespoir de cause.
- Elle est encore au Portugal avec ses parents.
- T'as vraiment réponse à tout hein ?
- Comme toujours. Bon, on y va à cette fête ?
Alexia et Lily échangèrent un regard. Elles connaissaient leur amie, elle ne lâcherait pas l'affaire sans se battre encore une heure au moins.
- C'est d'accord, marmonna Lily. Mais on ne reste pas tard !
- Ouais ! Promis !
**
*
Jamais elle n'aurait dû accepter d'aller à cette fête. Il faisait bien trop chaud et la musique, si forte qu'elle semblait pulser jusque dans ses os, lui donnait mal de tête. La foule se pressait autour d'elle, toujours plus compacte et bruyante.
Lily repoussa avec impatience une mèche de cheveux auburn qui lui barrait le front, impatiente qu'on lui serve ses boissons pour qu'elle puisse retourner s'assoir avec Alexia. Dès qu'elles étaient arrivées, Dorcas les avait abandonnés pour aller danser, leur ordonnant d'aller chercher à boire.
- Excuse-moi, je peux t'aider ? Lança une voix sur sa droite.
Surprise, Lily se tourna vers le jeune homme qui venait de l'aborder. Il devait avoir le même âge qu'elle et était assez beau avec ses cheveux blonds parfaitement coiffés. Il tenait deux verres dans chaque main, sûrement du punch.
- Euh... On se connaît ?
- Non mais je te regarde attendre devant ce bar depuis un moment alors je me suis dit que je pouvais venir te donner ça moi-même, dit-il.
Il lui tendit le verre.
- Merci...
- Je m'appelle Carter.
- Lily.
Carter sourit d'un air charmeur.
- Tu passes une bonne soirée ?
- Honnêtement ? Mon amie m'a forcé à venir, avoua-t-elle, ce qui le fit rire.
- Toi aussi ? Si ça n'avait tenu qu'à moi, je ne serais pas venu mais ma sœur a menacé de m'enterrer vivant si je ne venais avec elle.
Lily sourit poliment. Personnellement, le jour où Pétunia la supplierait de passer une soirée ensemble serait le jour où elle briserait volontairement sa baguette, c'est-à-dire jamais.
- Tu veux danser ? Proposa soudain Carter, désignant la piste de danse d'un geste de la main.
Et voilà la question qu'elle redoutait. Gênée, elle essaya de réfléchir à une façon de refuser avec tact. Il avait l'air très sympathique mais elle détestait danser, elle s'était toujours trouvée ridicule et c'était encore pire avec un inconnu. Discrètement, elle tenta de repérer Alexia ou Dorcas pour qu'elles lui viennent en aide. Evidemment, aucune n'était dans les parages...
- Je suis désolé Carter mais...
- Elle a déjà un copain, lança une voix derrière elle.
Lily ferma les yeux brièvement. Elle aurait reconnu ce ton arrogant et joyeux n'importe où. Une seconde plus tard, James Potter en personne venait se planter à ses côtés, un verre à la main, avec un grand sourire aux lèvres. Il passa un bras autour de ses épaules avant d'hausser un sourcil en direction de Carter qui se mit à balbutier.
- Oh désolé...je...je ne savais pas...
- Maintenant tu le sais. Allez !
Carter s'excusa une fois de plus, puis s'empressa de tourner les talons. Dès qu'il fut hors de vue, Lily se dégagea d'un geste brusque.
- C'est bon, tu peux arrêter de faire semblant.
- Ah Evans, je ne fais jamais semblant avec toi...
Elle secoua la tête.
- Tu étais obligé de faire ça ?
- Quoi ? Il t'ennuyait, c'était marqué sur ton visage.
- Et alors ? Répliqua-t-elle. Il y avait d'autres moyens pour qu'il s'en aille, et en plus je n'ai pas besoin de toi, Potter.
James ne broncha pas, habitué à ce genre de commentaire.
- Qu'est-ce que tu fais là en plus ?
- Dorcas m'a dit ce matin que vous veniez...
- Ah oui c'est vrai, marmonna-t-elle. Et donc tu t'es senti obligé de venir me harceler ?
- Crois-le ou non, Evans, mais c'était plus pour distraire Sirius que pour subir ton mauvais caractère.
- Evidemment, soupira-t-elle, c'est un peu une règle mathématique pas vrai ? Si Potter est quelque part alors Black aussi...
La perplexité s'afficha sur le visage de James.
- Qu'est-ce que c'est les mathématiques ?
- Euh...Un peu comme de l'arithmancie...
Elle secoua la tête, certainement pas d'humeur à expliquer les subtilités des mathématiques auxquelles elle ne connaissait rien en vérité à un sorcier qui n'avait jamais vu de calculatrice de sa vie.
- Bref, pourquoi tu voulais distraire Black ?
James se passa une main dans cheveux. Au début, Lily pensa que c'était encore son geste coutumier de drague avant de réaliser qu'il avait juste l'air inquiet et préoccupé. Or, il n'y avait qu'une chose qui pouvait rendre James Potter sérieux : ses amis.
- Black va bien ?
- Ouais...je crois, dit-il avec hésitation. Il vient d'apprendre la mort de son oncle, sa mère a débarqué à la maison ce midi...
- Oh...
Lily se sentit soudain mal d'avoir été aussi sèche. Elle se souvenait encore des rares fois où elle avait vu Walburga Black sur le quai de la gare. Cette femme avait l'air aussi maternelle et chaleureuse qu'un dragon. D'ailleurs, ce n'était pas rare que Sirius parle d'elle en tant que « la harpie ».
- Est-ce que je peux faire quelque chose ?
- Non pas vraiment... J'ai envoyé Alexia, peut-être qu'elle réussira à le faire parler. Il est muet comme un saumon depuis des heures.
Ce fut plus fort qu'elle, Lily se mit à rire.
- Quoi ? C'est pas drôle je te ferais dire !
- Désolé, articula-t-elle entre deux éclats de rire. Mais c'est muet une carpe, James.
- Hein ?
- C'est une expression moldu !
- Je ne comprends pas...Un saumon est aussi muet qu'une carpe non ?
Lily rit encore plus.
- Laisse tomber. Allez viens, on va retrouver Dorcas et je te laisserai même m'offrir un verre si tu as de la chance, dit-elle d'une voix chantante en le traînant derrière elle au cœur de la foule.
**
*
Accoudé au bar, Sirius fit signe au serveur de lui remplir à nouveau son verre. Ce dernier lui lança un regard hésitant mais consentit à le servir pour la troisième fois. Il n'avait aucune idée de ce qu'il buvait, sûrement de l'alcool moldu, mais en tout cas ça ne valait pas du whisky pur feu. Qu'importe, ça ferait l'affaire pour le moment.
James avait disparu dès qu'ils étaient arrivés pour chercher les filles et il n'était pas revenu depuis, sûrement en train de draguer Evans. Sirius secoua la tête. Il s'était longtemps moqué de James et de ses tentatives pour sortir avec Lily Evans. Au début, il ne voyait pas ce qu'il pouvait bien lui trouver. Certes, elle était plutôt jolie mais il y avait une tonne de filles bien plus belles à Poudlard. La plupart du temps, ils se contentaient de l'embêter, elle et Servilus, mais à partir de la cinquième année quelque chose avait changé. En fait, James avait juste décrété que Lily était la femme de sa vie. Peter avait éclaté de rire à l'annonce tandis que Remus avait levé les yeux au ciel. Quant à Sirius, il s'était dit que ça passerait, que ce n'était qu'une nouvelle idée farfelue de son meilleur ami. Il avait finalement dû se rendre à l'évidence en voyant que James n'abandonnait pas, même après la dispute près du lac et les gifles magistrales de la jeune fille à chaque qu'il l'embarrassait en public avec ses demandes. Cependant, il n'avait pas compris son entêtement à l'époque. Or, la réponse était simple : James aimait Lily. Il l'aimait vraiment. La seule chose qu'il lui restait à faire était de faire prendre conscience à la rousse que la réciproque était vraie aussi.
- Sirius ?
Il soupira en entendant la voix. La voix qu'il reconnaîtrait n'importe où, même si pour l'instant il aurait préféré rester en tête à tête avec son verre.
- Salut princesse...
- Je ne savais que tu étais là, j'ai perdu Dorcas sur la piste et impossible de retrouver James. Et... ça va ? Demanda-t-elle en se rendant brusquement compte de son expression.
- Ca ne pourrait pas être pire ! Répondit-il sarcastiquement.
- Sirius...
- Mon oncle Alphard est mort.
Alexia se figea à côté de lui.
- Oh par Merlin...Je suis désolé.
- Ce n'était pas la mauvaise nouvelle.
- Quoi ?
- Ma mère a débarqué pour me l'annoncer. Il me lègue sa fortune et ses biens. D'un côté ça va me permettre de ne plus être une charge pour les Potter mais de l'autre je trouve que c'est assez ironique. Je ne voulais rien qui vienne des Black et voilà que je reçois l'héritage. Bellatrix va en faire un infarctus.
- Ne dis pas ça... Tu n'es une charge pour personne et ton oncle t'aimait sinon il n'aurait pas...
- Il est mort seul, coupa-t-il. Je devais aller le voir le week-end prochain, Andromeda m'avait dit qu'il était malade.
Alexia attrapa sa main dans la sienne puis repoussa le verre d'alcool devant lui. Avec résignation, il se tourna vers elle pour lui faire face. Elle n'avait pas changé pendant l'été, toujours les mêmes cheveux bruns, les mêmes yeux bleus et le corps maigre... trop pour donner l'illusion qu'elle était en bonne santé.
- Tu ne pouvais pas savoir... commença-t-elle.
- Je ne l'avais pas vu depuis mes treize ans, Alex. Ma famille ne voulait pas le voir. Il leur en faut peu pour renier quelqu'un en même temps...
- Sirius, écoute-moi...
Mais il ne la laissa pas continuer, encore une fois.
- Tu veux savoir le pire ? Je suis triste, c'est vrai, mais pas tant que ça. Je ne le connaissais pas beaucoup, c'était juste un oncle un peu étrange qu'on voyait une fois par an et qui faisait enrager ma grand-mère. Il a toujours été plus proche de mes cousines, surtout Andromeda. Pourtant il m'a envoyé une lettre après ma fugue pour me dire que si j'avais besoin de quoique ce soit, je pouvais venir le voir. Quand...quand j'ai appris sa mort tout à l'heure, j'ai réalisé que... qu'il était mort de maladie sans que je le sache. Personne ne savait à quel point il était malade, les médecins n'avaient rien prévu...
- Je...
- Quand ma mère m'a tendu le testament, je me suis juste dit que ça aurait pu être toi, murmura-t-il dans un souffle rauque. Un jour ça sera toi...
La musique en fond sonore était plus forte que jamais, se mêlant aux éclats de rire des habitants. C'était une belle journée d'été, un beau couché de soleil, où tout le monde avait l'air heureux. D'un coup, Alexia se sentit déconnecter de tout ça. Les paroles de Sirius lui avaient le même effet que si elle avait plongé dans un lac gelé et que les bruits autour avaient été étouffés. Elle était sûre que son visage avait dû se vider de ses couleurs ou qu'elle s'était mise à trembler parce qu'il parut réaliser ce qu'il venait de dire.
Brusquement, Sirius se redressa.
- Alex... Je ne voulais pas...
- Arrête. S'il te plaît.
Elle prit une profonde inspiration, histoire de se calmer.
- Ecoute Sirius, je ne prétends pas que...que je vais bien. Mais tu n'as pas à t'inquiéter...
- Comment est-ce que tu peux me demander ça ? J'y ai pensé des dizaines de fois cet été !
- Non ! Je t'en prie, non. Ne... ne change pas la façon dont tu me vois. Je ne vais pas mourir demain, ni la semaine prochaine, ni même cette année. Tu n'as pas à t'inquiéter.
- Mais...
- J'ai été faire des examens pendant l'été, la maladie est stable, elle a même reculé !
- Vraiment ?
Alexia sourit.
- Ouais, assura-t-elle. Alors voilà ce qu'on va faire : tu vas m'accorder une danse, on va se moquer des disputes de James et Lily, traîner Dorcas loin d'ici et puis tout sera parfaitement bien. Si tu veux de l'aide pour gérer la mort de ton oncle, je suis là, James est là. Ensuite il y aura notre dernière année à Poudlard où on doit traumatiser Rusard à vie avec nos blagues...et tout ira parfaitement bien, répéta-t-elle une fois de plus. D'accord ?
Sirius garda le silence plusieurs secondes, ses yeux gris la regardant intensément. Il porta une main à sa joue avant de l'embrasser sur le front avec douceur.
- Alexia Cassidy, chuchota-t-il, je t'aime.
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