Tome II - Chapitre 18 : All you need is love


Chapitre XVIII : All you need is love

Perchée sur la dernière marche du perron du Manoir Potter, Lily était encadrée par Alexia et Dorcas, sa valise posée à ses pieds, et elle n'osait pas frapper par la barbe de Merlin !

- Vas-y toi, murmura Alexia comme si quelqu'un risquait de les entendre derrière la porte. Frappe !

- Pourquoi moi ?

- T'es la plus près...

- C'est Dorcas la plus près !

- Oui mais on est chez James, rétorqua Dorcas en lui donnant un coup de coude. Ça te désigne automatiquement ! Allez, toc !

Lily voulut protester mais le battant s'ouvrit devant leur visage avant qu'elle puisse le faire, révélant une femme brune d'un certain âge au sourire bienveillant et amusée.

Sans qu'elle n'ait besoin de se présenter, Lily sut immédiatement qu'il s'agissait de la mère de James. La ressemblance était trop forte pour être ignorée. Elle avait souvent entendu que James ressemblait à son père, et ça devait être vrai, mais elle constatait à l'instant qu'il partageait le même nez que sa mère, la forme des yeux, et des petites fossettes qui se creusaient lorsqu'ils souriaient tous les deux. Mrs Potter devait approcher de la soixantaine et ses boucles brunes, striées de quelques mèches grisonnantes ou blanches selon l'éclat du soleil hivernal, étaient coupés courts au niveau de la nuque.

- Je préférais vous ouvrir moi-même, dit-elle, sinon je crois que vous risquiez de rester sur les marches encore un moment. Ça fait dix minutes que je vous observe par la fenêtre.

Lily s'empourpra et se sentit soudain idiote tandis qu'à sa droite Alexia lâcha un rire nerveux. Elle n'osa pas se tourner vers Dorcas mais elle était à peu près sûre qu'elles devaient toutes avoir l'air paralysées comme si on venait de leur lancer un maléfice du Saucisson.

- Entrez, entrez, reprit Mrs Potter sans cesser de sourire. Vous devez avoir froid ! Remus et Peter sont arrivés ce matin. Vous avez fait bon voyage ? La maison n'a pas été trop dure à trouver ?

- Elle était plutôt dure à louper au contraire, répondit Alexia.

C'était vrai. Comme elle était arrivée la première, Lily avait eu tout le loisir de contempler le manoir en attendant les deux autres et sa majesté était véritablement grandiose dans tous les sens du terme.

Mrs Potter lui accorda le point d'un hochement de tête avant de se tourner vers la cage d'escalier et de crier, tête levée vers le premier étage :

- Les garçons ! Vos amies sont là !

Des bruits précipités se firent aussitôt entendre. Alors que Lily commençait à enlever son écharpe, elle vit Sirius apparaître en premier en haut des marches. Comme elle s'y attendait, il ne lui adressa qu'un rapide sourire avant de s'avancer vers Alexia, mais Lily ne s'en formalisa pas.

Elle passa dans le salon le temps que les garçons descendent et tourna sur elle-même pour englober la pièce du regard. Grande fut le premier mot qui lui vint à l'esprit, surtout si elle comparait à son propre salon dans son pavillon de Carbonne-Les-Mines. Les murs étaient recouverts de boiseries jusqu'à mi-hauteur et une énorme cheminée réchauffait la maison entre deux baies-vitrées qui donnaient sur le jardin. Plus haut aux murs, d'imposants tableaux représentants sûrement les ancêtres de la famille étaient accrochées, mais Lily repéra des photos, plus petites, posées sur le buffet de style victorien.

Curieuse, elle s'approcha. C'était visiblement la photo de mariage des parents de James, souriants et agitant la main devant l'objectif.

- J'étais beaucoup plus jeune, commenta Euphemia en se glissant dans son dos.

- Je ne trouve pas que vous ayez beaucoup changé, répondit Lily sincèrement.

Euphemia rit.

- C'est gentil, même si ce n'est pas tout à fait vrai. Tu sais que j'ai encore la robe ? Elle doit être rangée au grenier.

- Vraiment ? Je trouve ça génial ; ma mère n'a pas gardé la sienne... Elle a dû la découdre pour en faire d'autres vêtements. Vous avez d'autres photos ?

- Oh plein ! Je les gardes dans un album. Tu veux voir des photos de James enfant ?

Amusée, Lily n'eut pas le temps de répondre que James entra dans le salon, visiblement horrifié.

- Non elle ne veut pas ! Lança-t-il.

- Oui, j'adorerais, dit-elle immédiatement.

- Je reviens, je vais les chercher.

- Maman ! Non... Merlin !

Lily éclata de rire et, sans réfléchir, embrassa James sur les deux joues pour lui dire bonjour. Il parut pris de court et ils rougirent tous les deux. Depuis l'embrasure de la porte, Lily vit Remus donner un coup de coude à Sirius, mais avant qu'aucun d'entre eux n'ait pu faire une remarque sur ce geste spontané Euphemia revint dans la pièce, trois énormes albums dans les bras.

- Vous voulez commencer par quoi ? Son cinquième anniversaire où il s'était déguisé en citrouille ou le noël où il s'était renversé la buche sur la tête à trois ans ?

- Si quelqu'un demande, j'ai quitté le pays ! S'exclama James en faisant semblant de ressortir.

**

*

Lily devait reconnaître que ce n'était pas difficile de s'habituer à la maison des Potter. Ils n'étaient arrivés que depuis quelques heures, mais elle avait l'impression de vivre avec eux depuis des mois.

Après être arrivées, les filles avaient déposé leurs sacs dans la grande chambre d'ami au premier étage. Alexia et Lily pourraient dormir toutes les deux dans le grand lit double tandis que Dorcas dormiraient sur un lit d'à point à leurs pieds. Il était maintenant presque quatre heures et ils s'étaient tous installé dans le salon, assis par terre ou dans les canapés moelleux pour ceux qui avaient réussi à s'imposer. Euphemia leur avait apporté une assiette rempli d'une pile de crêpes encore tièdes en souriant et Lily avait pris soin de la remercier chaleureusement tandis que Peter se jetait sur le plat, des étoiles dans les yeux !

Ils n'avaient pas encore pu rencontrer Fleamont Potter, le père de James, qui avait dû se rendre à St-Mangouste pour aller passer des examens de routine. Il ne reviendrait que pour le dîner. Mais s'il était aussi gentil et drôle qu'Euphemia, Lily était sûre de bien s'entendre avec lui aussi. James avait grommelé pendant tout le temps où elles avaient feuilleté ensemble les photos de lui enfant. Dorcas s'était moqué de lui aussi, surtout en voyant ses photos de bébés : « mais si, regarde, tu louchais ! ».

Après avoir engloutie toutes les crêpes, ils essayèrent de trouver quelque chose à faire.

- T'en pense quoi, Remus ? On pourrait faire ça non ? Demanda Sirius.

Assis à côté d'elle, Remus releva la tête. Visiblement, il n'avait pas prêté attention à l'idée que Sirius venait de proposer.

- Je n'écoutais pas mais je désapprouve fortement, dit-il malgré tout.

- Mais....

- Si ton idée impliquait soit un feu d'artifice soit de tester ta moto, alors la réponse est non.

- Comment t'as deviné ?

- Je commence à avoir l'habitude, commenta Remus, amusé. Quand je disais qu'il fallait qu'on trouve quelque chose à faire, je pensais plus à un jeu tranquille qui ne nécessite pas de bouger.

- Je suis d'accord avec Remus, marmonna Alexia.

Elle était à moitié allongée sur Sirius sur un des canapés, enveloppée dans un gros pull gris trop grand pour elle qu'elle avait dû piquer à son frère. Sirius jouait distraitement avec ses longs cheveux bruns, son corps pressé contre le sien, et il lâcha un rire.

- C'est sûr que tu n'as pas l'air prêt de bouger !

- C'est de ta faute, rétorqua-t-elle. Tu es trop confortable. On pourrait faire un espèce d'action ou vérité sans action ?

- Donc... un vérité tout court ? Résuma Peter.

- Exactement, ravie que tu aies compris !

Ils éclatèrent de rire. Lily secoua la tête. L'idée lui paraissait à la fois enfantine et ridicule, et pourtant ça pouvait être amusant avec eux. Elles y jouaient parfois avec les filles, tard le soir dans leur dortoir, et elles s'étaient posées toutes les questions possibles et imaginables. Jouer avec les garçons pouvait être différent pour une fois.

- Qui commence alors ?

- Moi, dit James à la surprise de personne. Remus, c'était qui ton premier béguin ?

- Sérieusement ? Tu veux te lancer dans ce genre de question ?

- Réponds, ordonna Peter en lui donnant un coup de coude.

Remus rougit et Lily se sentit presque mal pour lui, mais pas assez pour intervenir. Elle savait que si la réponse était vraiment embarrassante pour lui, James ne l'aurait pas posé. Parce qu'elle n'était pas dupe, James devait forcément déjà connaître la réponse et aux vues des sourires moqueurs des Maraudeurs elle avait raison.

- C'était Dorcas...marmonna Remus du bout des lèvres. Mais j'avais douze ans !

- Attends quoi ? J'étais ton premier béguin ? Moi ?

- On n'a jamais compris non plus, lança Sirius. Je veux dire, regarde-toi. Tu nous faisais tous peur !

- Eh !

Dorcas attrapa le coussin près de sa jambe et le jeta en direction de Sirius. Elle loupa son coup et l'oreiller vint s'écraser dans la tête d'Alexia. Lily n'arriva pas à réprimer son éclat de rire.

- Oh ! S'exclama-t-elle. Je croyais qu'on avait dit « un jeu calme et tranquille ». Alors on laisse les coussins-munitions où ils sont ! Remus, à toi de poser une question.

- Hum.... Je ne sais pas.... Peter ?

- Je suis tout ouïe !

- Si tu étais... un plat, qu'est-ce que ça serait ?

Lily haussa un sourcil devant la question qui témoignait d'un soudain manque d'inspiration, mais Peter paraissait y réfléchir sérieusement même si aucun d'eux n'étaient pendu à ses lèvres à attendre fébrilement la réponse.

- Je dirais une tarte au citron !

Pour avoir vu Peter dévorer avec passions des plats de pommes de terre lors des repas depuis presque sept ans, Lily savait que la tarte au citron était loin d'être son préféré. Pourtant, elle tourna la tête vers James par réflexe et vit son visage s'illuminer à la mention de son dessert favori. Son air béat provoqua une vague de rire, mais Lily ne détourna pas les yeux. Il ne la remarqua même pas, trop occupé à rire alors que Sirius secouait la tête, mais Lily resta figée à l'observer. Elle aurait aimé dire qu'elle ne savait pas pourquoi, d'un coup, elle ne pouvait pas lâcher James du regard, mais en vérité elle commençait à le comprendre depuis déjà plusieurs semaines.

Si elle devait être honnête avec elle-même, James avait changé. Il n'était certes pas devenu le garçon qui rangeait son placard par couleur et saison du jour au lendemain, mais il était plus responsable et surtout mois arrogant.

- Lily ? Eh ? Appela Alexia. Il faut qu'on lui envoie une chouette ?

Lily détourna immédiatement la tête et sentit ses joues s'enflammer jusqu'au bout de ses oreilles.

- Quoi ? Pardon ?

- C'est à ton tour de répondre.

- Désolée.... C'était quoi la question ?

- Si tu devais nous repartir dans d'autres maisons, ça serait lesquelles ? Répéta Peter. Et pourquoi ?

Lily cligna des yeux.

- Je ne pouvais pas avoir : quelle est ta couleur préférée ?

- Non, parce que je suis plus inspiré que Remus. En plus, les questions comme ça sont ennuyantes. On les a déjà toutes faites en première année. Et non, Sirius, « noir comme mon âme » n'est toujours pas une couleur !

N'ayant pas envie de s'attarder sur la dernière remarque, Lily se concentra plutôt sur sa question. Elle y avait déjà pensé parfois, pour elle-même. Où le Choixpeau aurait-il pu l'envoyer à part Gryffondor ? Serdaigle probablement... Mais être intelligent ne suffisait pas pour être dans cette maison, il fallait aussi être créatif, et elle savait qu'elle avait souvent un esprit trop cartésien.

Néanmoins, s'analyser soi-même était dans certains cas plus simple qu'analyser les autres. Certaines personnes dans cette pièce avaient une personnalité tellement....gryffondoresque qu'elle ne s'imaginait pas les voir porter un autre blason.

- Remus serait sûrement à Serdaigle, finit-elle par répondre prudemment. Ça me semble le plus évident... Alexia pareil. Ensuite, je mettrais Peter à Poufsouffle pour sa gentillesse et sa fidélité. Sirius... aussi à Poufsouffle je pense.

- Moi ?

- Black, tu dois être la personne la plus fidèle que je connaisse... Ta dévotion pathologique pour James m'a inquiété pendant plusieurs années !

- T'as entendu Patmol ? Se moqua James. « Ta dévotion ».

- Tu vas te prendre ma dévotion en pleine tête oui...

Lily roula des yeux. Elle aurait pu développer et expliquer que les actions de Sirius, ou du moins celles qu'elle avait pu observer depuis leurs onze ans, étaient souvent liées à sa loyauté indéfectible. Il avait rejoint Gryffondor pour rester avec ses amis plutôt que de suivre le chemin pavé devant lui par des générations, il avait soutenu Remus en découvrant sa lycanthropie, il avait rejoint l'équipe de Quidditch à la demande de James qui n'arrivait pas à trouver de batteur, il aidait Alexia à traverser sa maladie.... Et il avait su trouver les mots envers elle quand elle avait reçu la lettre de sa sœur. Loyauté définissait donc parfaitement Sirius Black à son sens.

- Dorcas et James, vous seriez à Serpentard, termina-t-elle.

Elle espérait, un peu sans y croire, qu'on ne lui demanderait pas pourquoi mais James la dévisagea aussitôt comme si elle venait d'insulter toute sa famille, l'air outré.

- Serpentard ? S'insurgea-t-il. Jamais ! Tu m'as pris pour Mulciber ?

- Tous les Serpentard ne sont pas comme Mulciber, James. Il y a des personnes très gentilles, si tu prenais le temps de leur parler.

- Elles sont enfermées dans les cachots à double tour alors ? Lança Sirius, goguenard. Vous croyez qu'Avery joue les chiens de garde ?

- Donc tu ne trouves pas que tu es rusé, charismatique, sang-pur et fier ? Demanda Lily d'un ton neutre. Ce sont les caractéristiques des Serpentard... S'il y a bien quelqu'un qui arrive à manipuler et amadouer la Grosse Dame ou McGonagall d'un trait d'humour couplé d'un sourire charmeur dans le château, c'est toi non ?

- Le pire, marmonna James après un court silence, c'est que je ne sais pas si elle vient de me faire des compliments ou si c'est une nouvelle manière de m'insulter sans se faire mettre à la porte de chez moi....

Les autres éclatèrent de rire, et Lily les imita en voyant le sourire que lui envoyait James par-dessus la table basse.

Rassurée de n'avoir vexé personne en répondant à sa question, elle se tourna vers Sirius pour continuer le jeu.

- Avoue-nous une chose embarrassante sur une personne présente, dit-elle.

Sirius parut réfléchir une seconde et promena son regard sur tout le groupe avant de s'arrêter sur James dont c'était vraisemblablement la soirée. Il sourit, réprimant un rire.

- Oh si, j'en ai une ! C'était l'année dernière, James avait trop bu et il racontait n'importe quoi. A un moment, il s'est redressé comme s'il venait de comprendre le sens de la vie, les yeux écarquillés et....et...

Incapable de retrouver son souffle et d'articuler correctement, Sirius se mit à rire tout seul tandis que James fermait les yeux, l'air mortifié. Alexia lui donna un coup dans les côtes.

- Allez ! Qu'est-ce qu'il a dit ?

- Il a dit.... Il a dit « Oh merlin ! Les cuillères sont juste des petits bols sur un bâton ! ». Il était totalement perché !

Lily rejeta la tête en arrière et éclata de rire. Les larmes lui montèrent aux yeux alors que la scène se déroulait dans son esprit et que Dorcas s'écroulait de rire sur son épaule. Gêné, James s'ébouriffa les cheveux.

- Pour ma défense, commença-t-il avant de s'interrompre, non en fait j'en ai aucune....

**

*

Le problème des vieilles maisons, ce sont les grincements incessants du bois, surtout en pleine hiver. Pour ce qui lui sembla la dixième fois, Lily se retourna dans son lit en essayant de ne pas toucher Alexia qui dormait profondément à côté d'elle. A l'extérieur, le vent soufflait si fort qu'il faisait claquer les branches d'arbres contre les carreaux et Lily, allongée sur le dos, les yeux grands ouverts, observait le plafond qui paraissait craquer au-dessus de sa tête.

La soirée s'était pourtant bien terminée dans l'ensemble. Ils avaient continué à discuter entre eux jusqu'à ce que la mère de James revienne dans le salon, un plateau avec des sandwiches à la main. Surpris, ils avaient proposé leur aide, mais Euphemia s'était contentée de secouer la tête, un sourire crispée aux lèvres. Elle avait dit que son mari ne rentrerait pas de Saint-Mangouste avant plusieurs heures car les médicomages voulaient approfondir leurs examens. Apparemment, Fleamont n'était pas aussi rétablit que tout le monde l'espérait. Le visage de James s'était décomposé et sa mère avait tenté de le rassurer en disant que ça n'était sûrement pas sérieux.

- James, tu connais les médicomages... Ils préfèrent s'assurer que tout va bien, mais ce n'est probablement pas grand-chose. Un ou deux sortilèges doivent encore avoir quelques effets secondaires et ils ne peuvent le traiter qu'à l'hôpital.

- Elle a raison, était intervenue Alexia, rassurante. Crois-moi, je passe souvent des heures à faire des examens de routine. Il faut attendre les résultats du premier avant d'en faire un deuxième, et entre temps des patients sont arrivés... On attend dans un couloir pendant une heure. Ton père va certainement passer plus de temps à attendre qu'avec les médicomages.

- Voilà, tu vois, avait dit Euphemia. Ça ne sert à rien de dramatiser, il rentrera juste tard et je me suis dit que vous préféreriez manger ici entre vous plutôt que de vous mettre à table. Notre elfe se chargera de tout ranger. Ne vous couchez pas à 3h du matin non plus...

Elle avait ensuite embrassé son fils sur le front, puis caresser la joue de Sirius d'un geste maternelle avant de se retirer dans sa chambre. Après ça, la soirée avait repris normalement, mais tout le monde était fatigué par le voyage et ils étaient montés se coucher aux alentours de minuit.

Il devait maintenant être près d'une heure et demie du matin et Lily n'arrivait pas à trouver le sommeil malgré sa fatigue. Les nerfs à vifs, elle balança ses jambes sur le côté et sans plus réfléchir se leva. Elle passa en douceur à côté du matelas de Dorcas, posé sur le sol, et tourna la poignée de la chambre d'ami en priant pour que les portes du manoir grincent moins que le toit.

Le couloir était à moitié plongé dans la pénombre, même si une faible lumière émanait de l'escalier. Sur le mur d'en face, une jeune femme en robe d'époque, un lourd collier serti d'un rubis, la toisa et Lily se demanda si elle était une ancêtre des Potter. Sur la pointe des pieds, elle se pencha par-dessus la balustrade en bois, et constata que le filet de lumière provenait du salon. Après avoir hésité sur le palier pendant quelques secondes, elle se décida à descendre les marches, incapable de retourner dormir. A quelques pas de la porte, elle se demanda en paniquant ce qu'elle ferait si Euphemia était juste toute seule ici à attendre son mari, mais à peine cette idée lui traversa-t-elle l'esprit qu'elle reconnut la tignasse brune adossé au canapé. Elle s'approcha doucement et tendit la main vers son épaule.

- Eh James...souffla-t-elle.

- Oh Merlin, Evans ! S'écria-t-il d'une voix étouffée en sursautant. Fais pas ça !

- Désolée, désolée ! Je croyais que tu m'avais entendu arriver...

- Comment j'aurais pu ? Tu fais moins de bruit qu'un chat !

- Désolée, répéta-t-elle, penaude.

James soupira et se passa une main dans les cheveux, puis rejeta à nouveau la tête en arrière, l'air épuisé.

- C'est rien, murmura-t-il. Je suis juste un peu tendu, je suppose. Viens t'assoir.

Il tapota la place à côté de lui. Lily contourna le canapé, laissant son regard traîner sur la table basse. Plusieurs feuilles, un encrier, et une plume s'étalaient devant James. Elle remarqua alors que le bout de ses doigts était tâché d'encre et, qu'au lieu d'un pyjama, il portait un jogging décoloré, le même qu'elle l'avait vu porter à plusieurs reprises pour les entraînements de Quidditch, ainsi qu'un pull gris dont les manches lui retombaient sur les poignets.

- Qu'est-ce que tu...commença-t-elle avant de s'interrompre. Mais c'est le planning des rondes des préfets pour le deuxième semestre ? S'exclama-t-elle en saisissant un des papiers sur la table.

- Oh oui... Je me disais que je pouvais commencer à les organiser...

- Les deux préfets-en-chef doivent s'en charger, James. Tu n'as pas à le faire tout seul...

- Je sais, je sais... J'arrivais juste pas à dormir alors je me suis dit que...enfin que...

- Ça te tiendrait éveiller jusqu'au retour de ton père ?

James lui décocha un regard en coin mais ne chercha pas à nier.

- Il devrait être rentré depuis des heures, Lily... dit-il, son genou tressautant nerveusement. Qu'est-ce qu'ils lui veulent ?

- Alex disait qu'il pouvait y avoir pas mal d'attente, il...

- Alex est traitée pour une maladie magique rare et mortelle, coupa-t-il d'une voix blanche. Ce n'est pas ce que j'appelle une hypothèse rassurante.

Lily sentit son ventre se serrer, le cœur au bord des lèvres. Elle ne connaissait pas grand-chose au système hospitalier sorcier et son esprit semblait tourner dans le vide alors qu'elle cherchait en vain quelque chose de rassurant ou d'apaisant à dire. Elle baissa les yeux sur les feuilles éparpillées sur ses cuisses et se redressa, déterminée.

- Tu sais quoi ? T'as raison... On n'arrive pas à dormir alors autant s'y mettre... Donne-moi une plume.

- Tu n'es pas obligée de...

- Ne sois pas égocentré, Potter, interrompit-elle avec bienveillance. Tu n'es pas le seul à ne pas arriver à dormir et ce planning de rondes a besoin d'être rempli avant la rentrée.

Elle enfouit ses mains dans ses cheveux auburn pour les rassembler distraitement et les releva en queue de cheval.

- Déjà, ici. Tu ne peux pas mettre Livia Fawley et Sarah Douglas ensemble. Elles vont s'entretuer. Et puis, Cornelia Flint a entraînement de Quidditch le mardi en fin de journée, elle ne sera pas libre... Gryffondor n'a rien ce jour-là par contre non ?

- Euh...non, j'ai réservé le terrain les lundi matin et les jeudi après-midi.

- C'est pratique que tu sois capitaine... On va pouvoir organiser le planning sans que les rondes ne chevauchent trop les entraînements. Chaque année on doit le refaire à cause de ça ou des clubs des uns et des autres.

- Chaque année ? Releva James. Je croyais que c'était aux préfets-en-chef de s'en occuper ?

- Oui, mais l'année dernière Amos Diggory avait Quidditch justement. Alors j'aidais souvent Pandora Van Houten pour qu'elle n'ait pas tout à faire toute seule. En échange, Amos me prenait mes séances de tutorat le samedi matin pour me laisser dormir.

- Tu faisais des séances de tutorat toi ? Comment... Je ne t'ai jamais vu dans la salle d'étude... ?

Lily sourit, jouant distraitement avec la plume.

- C'est parce que je les emmenais au fond de la bibliothèque. On était plus au calme et je pouvais les faire pratiquer, pas juste faire de la théorie. Mrs Pince me tolérait. J'ai réussi à apprendre un sortilège de sommeil à Antonin Dolohov par exemple...

- Lily Evans... murmura-t-il, admiratif. Est-ce qu'il y a quelque chose que tu ne sais pas faire ?

- Voler sur un balai, répondit-elle immédiatement. Je pense pouvoir affirmer que je suis une cause perdue.

James grimaça.

- Certes... Et pourtant j'ai essayé l'autre fois...

- Non, l'autre fois c'était différent. Il y avait du vent et tu m'as fait monter trop haut et...

- A peine une brise et seulement cinq mètres, corrigea-t-il devant sa mauvaise foi.

- Sept mètres... maugréa-t-elle.

- Si ça t'aide à mieux dormir de croire ça...

Lily ne se donna pas la peine de lui faire remarquer que non, elle ne dormait certainement pas à l'heure actuelle. Malgré tout, elle laissa James avoir pour une fois le dernier mot et se remit à travailler sur le planning.

Ils passèrent ainsi tous les deux encore une vingtaine de minutes à griffonner des tableaux et des informations sur des parchemins jusqu'à ce que James se lève soudain, le dos douloureux, et étire ses bras au-dessus de sa tête. Lily fit semblant de ne pas voir la bande de peau qui se dévoila alors que son pull remontait légèrement.

- J'ai faim, déclara-t-il. Tu veux de la glace ?

- Pourquoi pas...

Il hocha la tête et enjamba le dossier du canapé souplement avec bien trop d'énergie pour quelqu'un encore réveillé à une heure du matin. Il revint une minute plus tard, deux bols dans les mains, puis en déposa un devant Lily. Dès la première cuillère, elle sourit sans pouvoir s'en empêcher.

- Citron, reconnu-t-elle. Evidemment, quoi d'autre ?

- Il n'y a rien de mieux que de la glace au citron en pleine nuit en décembre, affirma James avec conviction.

Lily ne le contredit pas. Elle était bien, là, assise sur ce canapé en compagnie de Potter. En tout cas, c'était bien mieux que de se retourner dans son lit parce que son cerveau n'arrivait pas à se mettre en pause.

Sa cuillère à mi-chemin entre son bol de glace et sa bouche, elle sentit soudain une drôle de sensation au creux de la nuque et coula un regard en direction de James pour constater qu'il l'observait fixement. Une étrange chaleur se diffusa dans son ventre et elle haussa un sourcil, nerveuse.

- James ? Tout va bien ?

- Hum.... Oui... Je me disais juste...enfin que... On t'a déjà dit que tes cheveux avaient deux teintes de roux ?

- Quoi ? Dit-elle, étonnée et amusée.

- J'avais jamais remarqué quand tes cheveux sont lâchés, mais là... Ceux de devant sont plus clairs.

Il tendit la main et attrapa une mèche qui s'était échappée de sa queue de cheval pendant qu'elle mangeait. Distraitement, il joua avec une seconde, enroulant la boucle autour de son doigt. Elle pouvait presque sentir son toucher frôler sa joue et la chaleur de son ventre se propagea brusquement vers sa poitrine, comme si l'étincelle qui palpitait venait de s'embraser.

C'était comme si la dernière barrière qui se dressait encore entre eux venait de tomber après toutes ces années. Pour la première fois, et sans concession, Lily entrevit James Potter dans toute sa vulnérabilité, sans sa façade bravade. Il n'était plus l'élève populaire, l'amuseur en chef de Poudlard, le capitaine de Quidditch, ni le préfet-en-chef... Il était juste un jeune homme de seize ans, fatigué et inquiet, qui attendait son père avec espoir. L'espoir semblait irradier de lui par vague. Elle espérait qu'il se rendrait compte un jour, tout comme elle, qu'il était quelqu'un de généreux et optimiste, qu'il était plus qu'il ne le laissait paraître...

- Lily...souffla-t-il d'une voix rauque, sa main suspendue entre eux.

Ses grands yeux noisette la dévisageaient comme si elle était la chose la plus incroyable qui s'était jamais tenue devant lui. Personne ne l'avait jamais regardé comme ça.

Lily aurait pu l'embrasser, là, à cet instant. Elle savait qu'elle aurait pu le faire... Pourtant, comme toutes les étapes de leur étrange relation, ce fut James qui fit le premier pas et qui se jeta dans le vide.

- Je t'ai promis que je t'attendrai... murmura-t-il en se penchant.

- Et je crois que tu as assez attendu, répondit-elle aussi bas.

Lentement, presque douloureusement, il amorça un geste en avant et Lily ferma instinctivement les yeux. Toutes ses sensations parurent exploser à la seconde où elle sentit ses lèvres effleurer les siennes, d'abord avec hésitation, puis avec plus de fermeté. Alors que sa bouche se mouvait contre la sienne, il remonta sa main et glissa ses doigts dans ses cheveux. Puis, incapable de s'arrêter, il caressa ses épaules, effleura sa nuque ; et Lily serra ses poings dans son pull pour le maintenir près d'elle.

Il brisa le baiser avec douceur, inspirant fortement, et Lily posa son front contre le sien, étourdie. Le contact de leur peau lui paraissait comme vital à ce moment précis, aussi passa-t-elle délicatement le bout de son pouce sur ses lèvres gonflées qui semblaient picoter.

Un large sourire fendit le visage de James qui laissa échapper un rire nerveux et extatique.

- Je t'en prie, ne me dis pas que tu regrettes.... commença-t-il, le regard trouble. Parce ce je crois que je ne pourrai plus jamais m'arrêter...

- Non, assura Lily, incapable de réprimer un sourire à son tour. Aucun regret, ni aucune envie que tu arrêtes.

James parut rayonner encore un peu plus si possible avant d'écraser ses lèvres sur les siennes à nouveau. Cette fois, Lily se laissa aller et un gémissement s'échappa du fond de sa gorge. Elle s'en voulut presque de ne pas avoir céder à ses sentiments plus tôt alors qu'il continuait à l'embrasser avec passion et douceur à la fois. Ça n'aurait pas dû la surprendre, mais James était aussi talentueux pour embrasser que pour la métamorphose ou le vol sur balai.

Malgré tout, elle était heureuse car ce moment était parfait....et surtout elle était enfin prête. Ils étaient tous les deux prêts à être simplement... eux. Lily Evans et James Potter. Ensemble.



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