Tome I - Chapitre 33 : Tensions entre amis
C'était Lily qui l'avait trouvé, une demi-heure plus tard, effondrée en larmes dans leur dortoir. Alexia avait d'abord été incapable d'expliquer ce qui s'était passé et la rousse était tellement en colère contre Sirius pour l'avoir mis dans cet état qu'elle avait failli se précipiter à sa recherche pour lui lancer des sorts.
Heureusement, les autres filles étaient arrivées. Les questions s'enchaînaient, trop rapides, trop inquiètes. Alexia n'avait pas eu d'autre choix que de tout révéler sur sa maladie, elle ne pouvait plus la cacher, ça ne servait à rien. Elle tenta de minimaliser et même de leur montrer ses analyses pour qu'elles comprennent, mais Marlène se mit à pleurer immédiatement, vite suivie par Lily qui s'en alla en claquant la porte, bouleversée.
Sa première réaction fut alors de lui emboîter le pas pour aller trouver Remus, lui hurler dessus. Il n'avait pas le droit de faire ça et de gâcher sa vie. Mais très vite elle se ravisa, tout simplement car elle n'en avait aucun droit. Elle aurait dû avouer la vérité depuis longtemps, c'était de sa faute à elle et à personne d'autre. Les filles restèrent à parler toute la nuit, les lumières jetant des ombres inquiétantes sur leur visage pâle.
**
*
Le lendemain matin, Alexia eu l'impression que tout le monde la suivait des yeux, comme s'ils étaient tous au courant pour sa maladie. Son pire cauchemar semblait se réaliser. Marlène dû remarquer son trouble car elle se pencha vers elle par-dessus la table.
- Ne t'inquiète pas, personne ne sait...
- Mais...
- Sirius est peut-être en colère mais je doute qu'il ait crié ton secret sur tous les toits tu sais, rassura-t-elle.
- Hum...
- Tiens, en parlant de lui...
Alexia sentit son corps se crisper alors que les Maraudeurs entraient dans la Grande Salle. Elle suivit Sirius du regard, le souffle coupé comme si elle venait de se prendre un coup en plein ventre, mais il l'ignora. Malgré tout, elle remarqua qu'il avait les traits tirés et elle supposa donc qu'il n'avait pas dû beaucoup dormir cette nuit.
Les garçons semblèrent hésiter une seconde à les rejoindre, puis finalement ils allèrent s'assoir à l'autre bout. Un lourd silence flotta au-dessus du groupe. Le sentiment de tension qui pesait entre eux semblait d'autant plus incongru que les élèves autour discutaient et riaient joyeusement, comme en décalage complet.
Même James avait l'air d'être dépassé par la situation. Malgré tout, James étant James, il tenta de lancer la conversation sur un ton léger.
- Quelqu'un veut du jus de citrouille ?
- Ouais, merci, répondit Peter en s'engouffrant dans la brèche.
Remus haussa un sourcil à leur tentative misérable mais continua à manger son muffin au chocolat sans rien dire.
- Il n'y a même plus de tarte au citron ! C'est un scandale !
- James...
- Quoi ? Je propose qu'on commence une révolution !
- McGonagall t'a déjà fait remarquer qu'elle te collerait si tu revenais la voir pour les tartes au citron.
- Et depuis quand on respecte les règles ? Répliqua-t-il. T'es pas d'accord Patmol ?
Pas de réponse.
- Patmol ?
- Je ne suis pas vraiment d'humeur, James.
Chose rare pour une fois, le jeune homme n'insista pas même si Remus ne doutait pas qu'il reviendrait à la charge pour sortir son meilleur ami de son mutisme plus tard.
- Qu'est-ce qu'on fait aujourd'hui ? Demanda Peter.
- On révise ?
- Hilarant, Lunard, vraiment !
- Mais...
- Je propose une balade dans le parc, on pourra aller voler un peu au terrain de Quidditch !
Evidemment, comme d'habitude, c'est l'idée de James qui fut adoptée et ils continuèrent à manger en parlant de tout et de rien.
Sirius gardait les yeux obstinément fixés sur son bol de céréales, comme si ça pouvait l'empêcher de tourner la tête vers Alexia. Il tentait de se réciter toutes les formules qu'il connaissait, mais peine perdue : ses pensées revenaient sans cesse vers elle. Il se souvenait de la scène d'hier quand il était parti avec colère en la laissant en larmes dans sa chambre. Il s'était demandé toute la nuit s'il n'aurait pas dû rester pour qu'elle puisse s'expliquer, qu'ils parlent ensemble, surtout qu'il avait tellement de question au sujet de sa maladie.
Pourtant, le visage de Remus quand il lui avait tout avoué le bloquait. Remus qui était son meilleur ami et s'en voulait tellement. Le lycanthrope avait souvent trop tendance à considérer qu'il ne méritait ni l'amour ni l'amitié à cause de sa condition. Avec James et Peter, il se battait depuis des années pour le rassurer, alors ça le mettait hors de lui que quelqu'un puisse se servir de son secret comme chantage. Particulièrement quand ce quelqu'un se trouvait être Alexia. Sa meilleure amie, la fille qu'il aimait.
Cette situation était un cauchemar. Mais il ne mentait pas hier en disant à Alexia qu'il choisirait toujours ses amis plutôt qu'une fille, tout simplement parce que les Maraudeurs étaient sa famille. Ils lui avaient montré qu'il pouvait être autre chose qu'un Black. Bon sang, James l'avait carrément accueilli chez lui ! Malgré tout, ça ne rendait pas les mensonges et la trahison d'Alexia moins douloureux. Le sommeil l'avait fui toute la nuit et une fanfare semblait avoir élu domicile dans son crâne, tambour et trompettes compris !
- On y va ? Personne n'a l'air de vouloir terminer le petit déj... dit Peter.
- En même temps sans tarte au citron...
- James !
- D'accord j'arrête...
Cela eu le mérite d'arracher un sourire à Sirius.
Ils se levèrent tous dans un même mouvement, pile au moment où les filles faisaient pareil également. Il y eu un moment de flottement puis les deux groupes se dirigèrent vers les portes de la Grande Salle en silence. Alors qu'ils allaient se séparer au niveau des sabliers, Alexia prit son courage à deux mains et se retourna.
- Sirius...
Il se figea.
- Est-ce qu'on peut... ?
- Non, coupa-t-il.
- Mais...
- Non princesse.
Le surnom si familier avait franchi ses lèvres avant qu'il puisse l'arrêter et il se donna une claque mentale pour ça. Brusquement, il se tourna vers James.
- Tu sais quoi ? Allez-y sans moi. Je retourne au dortoir !
- Patmol !
Son meilleur ami ne parut même pas l'entendre et continua de monter les escaliers quatre à quatre sous les yeux de tout le monde. Alexia avait l'air prêt à fondre en larme.
- Je...je... bégaya-t-elle.
- Alex, commença Marlène.
- Je vais à la bibliothèque. A tout à l'heure.
Elle se sauva à son tour sans laisser le temps aux autres de réagir.
Leur petit groupe resta planté dans le hall, perplexe. Lily se rapprocha de James en secouant la tête comme si elle ne comprenait pas bien la scène qui venait de se jouer devant eux si vite.
- Il faut qu'on trouve une solution, dit-elle. Ils ne peuvent pas s'éviter indéfiniment !
- Ca ne fait qu'une journée, Evans. Laisse-leur le temps.
- Tu connais Black mieux que moi, on sait bien tous les deux qu'il n'ira pas lui parler si on ne l'y oblige pas.
- Je sais... je sais...
Ils soupirèrent. Apparemment, leur guerre avait été mise de côté le temps d'aider leur ami respectif.
Lucinda, qui s'était jointe à eux sans que personne ne la remarque, se plaça à côté de Dorcas. Elle avait l'air fascinée par la tragédie qui se jouait ici.
- C'est pour ça que je sors avec une fille, c'est moins compliqué.
- Oh attends de voir le caractère de Dorcas, plaisanta Peter. On verra si c'est « moins compliqué ».
Ils éclatèrent de rire.
- Il faut vraiment qu'on trouve une solution... reprit Lily sérieusement.
- Ma stratégie de les droguer, de les kidnapper pour les mettre dans une pièce et les forcer à discuter pourrait...
- James, coupa Remus. Non.
Lily eut un petit sourire en coin en voyant Potter obtempérer sans protester.
- De toute façon c'est ma faute...
- Quoi ?
- Ne dis pas ça, Lunard ! Protesta Peter avec ferveur.
- Mais c'est vrai. C'est moi qui ait révélé la maladie d'Alex à Sirius...Je n'aurais pas dû...
- Il fallait bien qu'il l'apprenne un jour.
- D'elle, pas de moi. Ça ne me regardait pas.
Peter posa une main réconfortante sur son épaule et sourit. Une fois de plus, Lily fut fascinée de le voir si ouvert, presque débrouillard (chose qu'elle ne pensait pas pouvoir dire un jour à propos de Pettigrow) et complètement intégré dans le groupe.
- Tu connais Alex et Sirius, ils auraient bien fini par s'engueuler à un moment sans que t'es besoin d'intervenir, plaisanta-t-il.
- Pas faux...
- Franchement ce n'est pas de ta faute, je t'assure. Et même si ça l'était, tu as l'air tellement pathétique en ce moment à te morfondre en culpabilité qu'on te pardonner tous !
- Peter ?
- Hum ?
- Arrête d'essayer de me remonter le moral.
Peter haussa les épaules mais il ne manqua pas le léger sourire sur le visage de Remus ainsi que la tension qui quittait son corps comme par magie. Discrètement, James lui adressa un clin d'œil et souffla « bien joué », ce qui le fit rayonner.
**
*
Une semaine après cet incident, Alexia et Sirius ne s'étaient toujours pas parlé, au grand damne de leurs amis. Ils s'évitaient mutuellement, même s'il y avait eu plusieurs tentatives de la part de la jeune fille. Il faut dire que Sirius semblait posséder un certain talent pour se cacher dans les recoins du château ou feindre d'aller bien en société. Il avait des années de pratique. Mais James voyait clair dans son petit jeu, pourtant pour une fois il avait décidé de lui laisser un peu de temps et de faire preuve de tact, comme lui avait si sagement conseillé Remus. D'ailleurs ce dernier culpabilisait toujours un peu malgré les mille affirmations de Sirius lui disant que ce n'était pas de sa faute.
Cependant, une journée fut différente des autres. Le 27 mars, soit l'anniversaire de James Potter en personne. Autant dire que Poudlard pouvait trembler. Dès qu'il posa un pied dans la Grande Salle le matin, son équipe de Quidditch au complet lui tomba dessus littéralement. Les élèves sursautèrent en voyant une dizaine de personne affalé par terre tandis que Tiberius Ackerley se tenait à côté d'eux et hurlait à s'en briser la voix :
- Joyeux anniversaire ! Joyeux anniversaire !
A la table des professeurs, Dumbledore souriait, amusé, sans faire un geste pour rétablir l'ordre. De toute façon il aurait bien eu du mal s'il avait tenté car deux secondes plus tard Sirius attrapa James avec l'aide des autres et ils le hissèrent sur leur épaule.
- Dans le lac ! Hurla Alexia depuis sa place.
- Merlin, murmura Dorcas.
Le groupe suivit la suggestion d'Alexia avec bonheur et sortit de la salle sous les cris d'encouragements des élèves.
- Ils ne vont pas...
- Oh si Lily, je pense qu'ils vont le faire.
- Il va se faire dévorer par le calmar géant !
- Arrête de raconter n'importe quoi, dit Dorcas.
- Mais... Remus ! Fais quelque chose !
Remus tourna la tête vers la préfète. Il riait lui aussi, les mains dans les poches en secouant la tête.
- C'est son anniversaire, répliqua-t-il, penaud.
- Et on ne va pas rester ici, je veux voir son plongeon dans le lac ! S'exclama Marlène. Allez !
Les filles suivirent l'équipe, vite imitées par Remus et plusieurs élèves. Le trajet prit plus de temps que prévu, simplement parce qu'ils manquèrent de faire tomber James une bonne dizaine de fois à cause du sol glissant.
- On ne pourra jamais lui donner nos cadeaux s'il meurt au fond du lac... marmonna Lily.
Dorcas manqua de trébucher à cette phrase et seule la main de Lucinda sur son bras lui permit de rester debout. Elles échangèrent un bref regard en souriant mais se séparèrent vite pour éviter que quelqu'un ne les remarque.
- Tu veux dire que tu as un cadeau pour James ?
- Quoi ? Non... pas vraiment...
- Comment ça « pas vraiment » ?
- Juste un petit truc, rien de...
- Merlin, je ne pensais pas voir ce jour-là arriver !
Lily se contenta de rougir et continua à avancer, tête haute.
Devant, l'équipe était enfin arrivée devant le lac. La foule se mit à hurler autour d'eux pour les encourager et Sirius leva la main pour faire le décompte avec ses doigts.
- Attention... Trois...deux...un...
- A l'eau ! Hurlèrent les élèves.
Et comme les ordres du peuple font loi, ils jetèrent James dans le lac. Il n'eut même pas le temps de crier avant de tomber dans l'eau, assez froide pour cette fin mars. Il resta un instant immergé puis donna un coup de pied et creva la surface avec joie. Sur la berge, il distinguait vaguement les autres qui hurlaient et riaient à la fois. Heureusement quelqu'un avait pensé à lui retirer ses lunettes.
Tandis que James revenait doucement à la nage, Peter se pencha vers Sirius.
- Il me fait penser à quelqu'un
- Qui ?
- Flipper le dauphin, dit-il.
- Qui ça ?
Lily éclata de rire. Encore une référence moldu perdu pour Sirius Black...
Au moment où James sortait du lac, complètement trempé et les cheveux lui retombant sur le front, le professeur McGonagall arriva d'un pas vif vers le cercle d'élèves rassemblé. Sous leur regard ébahit, elle lui jeta une serviette. Grâce à ses réflexes de sportif, James s'en saisit et haussa un sourcil.
- Vous feriez mieux de ne pas tomber malade, il y a une interrogation demain et je vous veux à l'heure devant la salle, c'est clair ?
- Parfaitement !
Elle parut vouloir ajouter quelque chose, les lèvres pincées, mais renonça finalement et se contenta de tourner les talons.
- Je crois que c'était sa façon de te souhaiter ton anniversaire, dit Remus.
- De ne pas me coller pour avoir été balancé dans le lac ?
- Ouais !
James s'estimait heureux dans ce cas. Alors qu'il commençait à se sécher en frissonnant, la petite foule se dispersa. Ses coéquipiers lui tapèrent dans le dos et lui adressèrent un sourire puis les filles se rapprochèrent.
- Je n'arrive pas à croire que tu aies osé faire ça, dit Marlène.
- Je n'ai pas eu le choix !
- Et avec tout ça, tu veux toujours tes cadeaux ou pas ? Lança Alexia.
- Oui !
Ses amis rirent tandis que James se mettait à sautiller comme un gamin de cinq ans. Il avait déjà eu son cadeau des Maraudeurs ce matin, à savoir du matériel de Quidditch, et maintenant c'était au tour d'Alexia de lui offrir le sien.
- Joyeux anniversaire !
Elle lui tendit... une feuille de papier pliée. Surpris, James s'en saisit puis éclata de rire en le dépliant. Il s'agissait d'un planning magique pour la garde de Sirius qu'elle avait fait avant leur dispute mais elle avait malgré tout décidé de lui donner, faute de mieux.
James la prit dans ses bras, la faisant décoller du sol.
- Merci Alex !
- C'est un plaisir, capitaine !
Il la reposa avec douceur, sa serviette toujours autour de ses épaules. Les épis de ses cheveux commençaient à revenir à mesure qu'il séchait.
- Lily aussi a quelque chose, lança Dorcas.
- Non ! Enfin... mais...
- Tu m'as acheté un cadeau Evans ? Dit-il, incrédule.
Rouge pivoine, Lily fouilla dans ses poches et en sortit un petit paquet soigneusement emballé. Elle ne savait pas trop quand ni ce qu'il lui avait pris, sûrement après sa blessure à la jambe quand elle s'inquiétait pour lui. Ses possibilités avaient été limitées étant donné qu'elle ne pouvait pas aller à Pré-au-Lard et finalement elle avait réussi à trouver sans sortir du château, chose dont elle était plutôt fière.
La main tremblante, elle lui tendit et fixa obstinément ses pieds comme s'ils étaient devenus un monument historique fascinant.
- Allez, ouvre-le, encouragea Peter.
James regarda longuement le visage de la rousse, un sourire en coin jouant sur ses lèvres. Quand il révéla le cadeau, il resta bouche-bée.
- Tu... tu m'as offert... une tarte au citron ?
- Ouais... Je t'ai entendu de plaindre dix fois au moins qu'il n'y en avait plus alors... je suis allée voir les elfes et....
Elle ne put terminer sa phrase car James la prit dans ses bras, comme il l'avait fait avec Alexia il y a quelques minutes. Par réflexe, elle s'accrocha à lui aussi pour éviter de perdre l'équilibre. Elle oubliait à quel point il pouvait être tactile parfois.
- Merci, murmura-t-il contre son cou.
- Ce n'est qu'une tarte...
- Juste merci.
- De rien, Potter, de rien... et joyeux anniversaire.
**
*
Marlène marchait dans les couloirs, le cœur lourd. La Gazette était arrivée ce matin et la mort de plusieurs nés-moldus faisaient encore les gros titres. Les gens commençaient à prendre conscience de l'ampleur de la situation avec les décès et les disparitions qui s'enchaînaient au fil des mois. La journée d'hier, l'anniversaire de James, lui avait fait presque oublié les horreurs qui se déroulaient en dehors des murs du château. Même si le Ministère assurait que tout allait s'arranger, que tout était sous contrôle, Voldemort continuait à gagner du pouvoir de jour en jour. Il n'était plus seulement une ombre mais un nom craint dans toute la Grande-Bretagne et une véritable menace. Les Aurors eux-mêmes semblaient ne pas savoir quoi faire et elle savait que James envoyait régulièrement des lettres à son père pour s'assurer qu'il allait bien. Marlène revenait d'ailleurs de la volière. Les dernières informations l'avaient un peu secouées et elle avait eu besoin de prendre des nouvelles de sa famille.
- Tu vas bien McKinnon ? T'as une tête à faire peur...
La voix sur sa gauche la sortit de ses pensées et elle se retourna pour voir Regulus qui arrivait à sa hauteur. Surprise, elle jeta un coup d'œil au couloir vide. Apparemment, il avait décidé qu'il pouvait lui parler si personne ne se trouvait dans les parages.
- Je ne suis pas d'humeur, Reg'....
Il ne la corrigea même pas sur son surnom.
- Marlène ? Qu'est-ce qui se passe ?
- Rien...
- Marlène McKinnon ! Dit-il d'un ton ferme. Regarde-moi.
Elle hésita une seconde mais obtempéra finalement. Quand elle se tourna vers lui, Regulus se rendit compte qu'elle avait les yeux rouges et le teint pâle, et même ses mèches de cheveux blonds n'arrivaient pas à le cacher. Il se rapprocha d'elle immédiatement.
- Qu'est-ce que...
- Ne me demande pas ce qui se passe je t'en prie ! Ne me dis pas que tu es insensible à ce point !
-Marlène...
Honnêtement il ne comprenait plus rien, chose assez rare car il pensait être assez intelligent d'ordinaire. Il venait de débarquer il y a deux minutes et elle était déjà à moitié en pleur, tremblante de colère.
- J'avoue que je ne te suis plus là...
- Et ça ? Tu ne l'as pas vu ce matin ? Cria-t-elle brusquement en sortant un exemplaire de la Gazette et en lui balançant presque au visage.
Il n'eut pas besoin de baisser les yeux pour savoir ce qui s'y trouvait. Voldemort avait encore ajouté de nombreuses victimes à sa liste.
- Ok, c'est affreux mais...
- Mais quoi ? J'ai l'impression que les gens s'y sont presque habitués ! Que c'est devenu presque normal que des pauvres personnes meurent ou disparaissent ! Le gouvernement ne fait rien, ma famille est dehors et il pourrait leur arriver n'importe quoi !
- Marlène...
-... Portman continu à nous hurler « les mioches » à chaque séance et je n'arrive toujours pas à transplaner, Alexia est une épave et je ne peux rien faire pour l'aider parce que ton frère est le mec le plus buté que j'ai rencontré ! Il n'y a même plus de tarte au citron le matin, mon chat n'arrête pas de sortir du dortoir, j'ai eu un D en histoire de la magie, et...
- Et tu as passé une mauvaise semaine, coupa-t-il, très bien. Respire juste s'il te plait.
Marlène resta planté là, la respiration haletante et se mit à rougir sous son regard d'un gris profond. Elle devait avoir l'air d'une pauvre folle.
- Je...Merci de m'avoir laissé passer mes nerfs sur toi.
- Toujours un plaisir, McKinnon.
Un petit sourire franchit ses lèvres et elle rigola doucement. Il sentit un pincement de culpabilité en voyant qu'elle s'inquiétait autant pour le problème de Voldemort alors que lui-même réfléchissait toujours à la proposition que Rosier lui avait faite il y a plusieurs semaines.
- Je suis sûr que ta famille va bien, vous êtes sangs-purs...
- Peut-être bien mais ce n'est pas le cas de tout le monde. La famille de Lily, d'Alex...
- Hum...marmonna-t-il dédaigneusement.
- Tu n'as pas intérêt à dire quoique ce soit de désobligeant sur le statut du sang, Black !
C'était rare qu'elle l'appelle par nom de famille, aussi il comprit qu'elle était parfaitement sérieuse. De toute façon, ils avaient toujours pris soin d'éviter cette question entre eux et ils n'allaient pas changer ça aujourd'hui. Inutile de parler de quelque chose dont ils savaient pertinemment qu'ils n'étaient pas d'accord.
- Allez, viens, dit Regulus en lui tendant la main. On y va.
Mécaniquement, elle glissa sa main dans la sienne et se laissa entrainer dans son sillage. Ils avaient besoin de traverser tout le château pour rejoindre « leur repère secret » et ni l'un ni l'autre n'en avait l'énergie, du coup ils se contentèrent de marcher au hasard des couloirs.
Au bout d'un moment, ils s'arrêtèrent, fatigués.
- Ça va mieux ? Demanda-t-il.
- Ouais...merci.
Le fait de marcher en silence, juste comme ça, semblait l'avoir apaisé plus qu'elle ne l'aurait cru.
Il se tenait devant elle, son sac sur l'épaule. Elle prit conscience qu'il avait dû avoir de choses à faire cette après-midi, des gens à retrouver, peut-être Livia ou Dolohov, et qu'il avait tout laissé tomber pour elle en voyant qu'elle n'était pas bien. Ce constat provoqua une boule de chaleur dans sa poitrine. Ça faisait longtemps qu'elle s'était rendu compte que Regulus était bien plus que l'arrogant personnage froid qu'il prétendait être mais en avoir une preuve de plus était toujours agréable.
- Pourquoi est-ce que tu me regardes comme ça ?
- Je te regarde normalement, répliqua-t-elle.
- C'est faux...t'es sûre que tu vas bien ? On peut continuer à marcher si tu veux...
- Non...non je ne veux pas marcher, murmura Marlène la gorge sèche.
Regulus fronça les sourcils et se rapprocha d'elle, levant distraitement la main pour écarter une mèche blonde de son visage et pouvoir observer son expression. Il déglutit difficilement.
- Alors qu'est-ce que tu veux ?
- Tu veux vraiment le savoir ?
- Evidemment...
Elle inspira un grand coup.
- Toi.
Rien qu'en prononçant ce mot, Marlène savait qu'elle devait avoir l'air ridicule mais il était sorti naturellement, sans qu'elle réfléchisse. Et elle ne dû pas réfléchir davantage quand elle se hissa sur la pointe des pieds, sa détermination craquant comme une brindille. Elle en avait marre de se retenir et attira ses lèvres contre les siennes, les yeux fermés.
Regulus se figea sans faire un geste et elle brisa le baiser instantanément, engourdie. Par Merlin, qu'est-ce qu'elle venait de faire ?
- Je...je suis désolé...je me suis trompée...
Les larmes aux yeux et aussi pâle qu'un fantôme, elle ne lui laissa pas le temps de dire quoique ce soit et s'enfuit à toutes jambes.
**
*
Regulus avait passé une bonne heure à la chercher maintenant, sans succès. Il avait presque pensé à aller voir ses amies au cas où elle était retournée dans son dortoir, ce qui était fort probable, mais abandonna vite l'idée. Il voyait déjà la tête d'Evans ou Cassidy s'il débarquait pour voir Marlène.
Finalement, il se décida à se rendre à leur salle de classe vide en dernier recours. Il évitait l'endroit depuis tout à l'heure, peut-être parce qu'il savait qu'il avait de grandes chances de la trouver là-bas et évidemment ça ne manqua pas. Dès qu'il ouvrit la porte, son regard tomba sur elle.
Elle était recroquevillée dans le vieux canapé vert déglingué, les genoux repliés contre la poitrine et il devina qu'elle pleurait. Son cœur se serra dans sa poitrine. C'était de sa faute après tout... Il traversa la pièce en quelques enjambées et vint s'agenouiller en face d'elle.
- McKinnon ?
Marlène releva la tête, des traces de larmes sur les joues. Elle renifla piteusement puis remit ses cheveux blonds derrière son oreille, gênée.
- Je suis désolé, souffla-t-elle. Tu vas me laisser ?
- Quoi ?
Il haussa un sourcil.
- Te laisser ?
- Ouais... J'avais pensé...
- Pourquoi voudrais-tu que je te laisse ?
- Parce que j'ai tout gâché ! Dit-elle.
Elle enfouit son visage entre ses mains et se laissa basculer contre les coussins du canapé, mortifiée.
- Tu n'as pas...enfin je veux dire...
Regulus soupira, levant les yeux au plafond.
- Merlin, je suis nul pour ça !
Elle rouvrit les yeux lentement, toujours aussi pâle. Regulus semblait chercher ses mots pour la rassurer mais ne trouvait rien à dire qui traduise son état d'esprit. Il voulait la revoir sourire. Sans réfléchir, il se leva et lui tendit la main.
- Viens avec moi.
- Où ça ?
- Je veux te montrer quelque chose. S'il te plait.
Ses yeux la supplièrent de lui faire confiance. Il détestait la voir hésiter ainsi. Finalement, Marlène hocha la tête lentement.
- Ok...
Elle se leva et le suivit sans un mot. Elle avait cru qu'ils allaient sortir de la pièce mais Regulus se contenta de la traverser pour venir se planter devant le vieux tableau noir. Avec précaution, il ouvrit les deux battants, ce qui révéla les dessins qu'elle avait tracé à la craie il y a un mois. Ils n'avaient pas bougé, ne s'étaient même pas effacés, et on pouvait encore voir la tablette de chocolat, un chat blanc et le canapé aux ressort apparents qui retraçaient leur histoire ensemble.
Marlène ne se contenta de rester devant le tableau, les bras ballants. Il se plaça juste derrière elle.
- Reg'...
- Regarde, dit-il. C'est notre amitié.
- Je ne comprends pas...
- Qui aurait parié sur nous deux ? Hein ?
- Personne, répondit-elle honnêtement.
- Exact, personne. On était différent, Serpentard et Gryffondor. Je ne t'aurais jamais parlé si tu ne m'avais pas forcé.
- Tu me fais passer pour une psychopathe harceleuse...
Regulus sourit.
- Ce que tu es, plaisanta-t-il.
- Espèce de sang-pur sans cœur.
- Quel beau compliment...
- Reg' !
- Très bien, très bien, dit-il. Tu vois ces dessins donc ? Notre amitié. Je ne pensais pas qu'elle soit possible, je n'y aurais pas cru une seconde et pourtant tu m'as fait y croire, Marlène. Et je sais que d'après ce qui s'est passé tu voudrais plus...
- Je...
- Laisse-moi finir. Je sais que tu voudrais plus mais c'est impossible.
Marlène sentit tous ses derniers espoirs voler en éclat et elle ne put retenir un soupir de déception qui ne lui échappa pas.
- Non McKinnon, ce n'est pas...C'est impossible parce que ça ne marcherait pas. Je le voudrais...je le veux aussi, vraiment... Mais je ne peux pas. Il y a ma famille, Livia, Rosier, une guerre dehors qui se prépare. Je sais que tu fais semblant de ne pas le savoir sauf que j'ai un rôle à jouer dans tout ça, et je refuse de t'y impliquer.
- Je m'en fiche ! Ça m'est égal...
- Pas moi, dit-il.
- Je...je suis sang-pur et...
Marlène n'aurait jamais cru abattre cette carte comme argument. Elle se détestait même pour l'utiliser mais après tout c'était la vérité. Malgré tout, elle resta face au tableau sans oser se retourner, incapable de soutenir son regard qu'elle sentait posé sur sa nuque.
- On sait tous les deux que ça ne change rien... Ne crois pas un instant que tu n'es pas assez bien, Marlène c'est clair ? Ça n'a strictement rien à voir avec toi.
- Hum...
- Je te le jure. Et je ne veux pas que tout ça remette en question notre amitié. Je veux pouvoir te retrouver ici après les cours, réviser avec toi, manger du chocolat et te dire que tu m'as manqué pendant les vacances... Je ne veux pas que ça s'arrête.
Marlène retint à grande peine ses larmes. Jamais elle n'aurait pensé qu'il puisse lui avouer ça un jour, elle savait que ça lui coutait et qu'il était reconnaissant envers elle pour rester dos à lui, sinon il n'aurait jamais pu parler si librement. Ça allait à l'encontre de toute sa personnalité et ça montrait à quel point il avait aussi peur qu'elle de la perde. Cette prise de conscience dénoua un peu la boule qui le nouait la gorge.
- Alors on ne va pas arrêter, promit-elle avec un léger sourire.
Elle le sentit se détendre imperceptiblement.
- Je veux que tu me promettes une chose en échange aussi...
- Je t'écoute.
Rassemblant son courage de Gryffondor, elle se retourna. Ses joues s'enflammèrent aussitôt mais elle ne baissa pas les yeux. Evidemment, son visage à lui resta inexpressif. Il avait toujours su parfaitement le faire.
- Promets-moi que tu ne rejoindras pas les mangemorts.
- McKinnon...
- Je t'en prie !
- Livia m'a déjà...
Marlène essaya de refouler la vague de jalousie qui la traversa à la mention de l'autre fille. Elle avait souvent pensé à la relation qu'elle avait avec Regulus, le total contraire de la leur à vrai dire. Livia était blonde aussi, mais elle était à Serpentard, une sang-pur riche et respectée, intelligente, sa meilleure amie qui avait le droit de lui parler en public sans qu'il y ait de conséquence. Elle était parfaite pour lui et Marlène savait qu'il le savait également.
Il dû voir l'expression sur son visage car il se coupa lui-même.
- Il n'y a rien entre Livia et moi, dit-il d'un ton ferme.
- Mais ça pourrait...
Regulus refusa de lui mentir.
- Oui, peut-être. J'avoue que ce n'est pas ma priorité en ce moment, je suis plutôt focalisé sur une autre blonde, mais elle est dure à convaincre.
Cela arriva au moins à arracher un sourire à Marlène.
- Pour en revenir à ma promesse...
- Oui, oui ! Je sais...mais je ne peux pas te le jurer...
- Reg' !
Il soupira. Merlin ce que c'était dur de lui refuser quelque chose quand elle lui jetait ce regard. Avec douceur, il lui prit la main et la serra dans la sienne. Elle rougit, ce qui l'amusa avant qu'il se rappelle qu'il n'avait pas le droit de lui faire ça alors qu'il venait de lui dire que c'était impossible entre eux. Malgré tout, il ne lâcha pas pour autant.
- Très bien...je te le promet, Marlène McKinnon.
- Merci...
Sans réfléchir, elle le prit dans ses bras et il enroula ses bras autour de sa taille. Oh oui cette fille était fantastique.
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