Chapitre 15
Le lendemain, maman m'appela assez tôt et je descendis les escaliers à peine réveillé. Je vis aussitôt mamie qui m'attendait avec un tablier très tâché. Un grand sourire sur les lèvres, elle tenait une cuillère en bois à la main.
« Allez enfile ça, mon petit, déclara mamie en secouant un tablier plus petit devant elle, on va les faire ces confitures ! »
Je bondis sur place de joie et remontai dans ma chambre à grande vitesse pour enfiler mes habits de travail. Je redescendis tout aussi vite et sautai presque dans le tablier que ma grand-mère me tendait. Elle attacha rapidement le nœud à l'arrière et je m'approchai gaiement du plan de travail où une multitude de cerises étaient déjà posées.
Maman s'approcha également et se posta à côté de moi avec un tablier pareil au mien.
« Par quoi on commence mamie ?la questionnais-je avec énergie en tournant les yeux vers elle.
-Il faut d'abord dénoyauter les cerises, déclara ma grand-mère en prenant une cerise au hasard, tiens je vais te montrer comment faire. »
Elle prit donc la cerise entre ses mains et avec un ongle, elle entailla la chaire du fruit pour l'ouvrir sans l'écraser totalement. Elle retira ensuite le noyau et le jeta à la poubelle. Elle me montra ensuite les deux moitiés de fruit avec un petit sourire qui voulait dire "A toi maintenant !". Je pris donc un fruit et entrepris de retirer le noyau comme mamie. Les dix premières cerises furent un peu écrasées et je jetai plus de chaire que de noyaux au départ...Mais une fois que j'avais pris le coup, j'étais inarrêtable !
Une fois que nous eûmes dénoyauté toutes les cerises à notre portée, mamie sortit une sorte de gigantesque marmite en cuivre de sous l'évier. Elle la posa sur le plan de travail et nous chargea de la remplir de cerises tandis qu'elle allait chercher quelque chose dans le placard. Lorsqu'elle revint, toutes les cerises auxquelles nous avions retirées les noyaux se trouvaient dans le grand récipient. Mamie tenait le bocal de sucre dans sa main droite. Elle le vida entièrement dans la marmite sans que maman ne sourcille d'un millimètre.
Grand-mère mit ensuite la marmite sur le feu qui semblait parfaitement adapté et ressortit la cuillère en bois que je l'avais vu tenir en début de matinée. Cette dernière était d'ailleurs déjà bien avancée lorsque je regardai l'horloge du salon. Il était onze heures, il me semble.
« Maintenant, expliqua mamie d'un ton enjoué, il faut mélanger doucement. Comme ça. »
Elle me montra dans un premier temps, puis me donna la cuillère pour que je le fasses. Incertain, je commençai à touiller la mixture qui sentait bigrement bon d'ailleurs. L'odeur de cerises resta dans la maison pendant une semaine entière...Mais nous avions assez de confitures pour une année entière ! Et j'avais passé toute la journée avec ma grand-mère et ma mère. Et ça, ça n'avait pas de prix.
Quelques jours plus tard, alors que j'aidais ma mère à ranger le linge dans sa chambre, elle fit tomber un album photo du haut de son armoire.Caché derrière des chemises, je ne l'aurais jamais remarqué s'il ne s'était pas écrasé sur le sol. Je me baissai pour le récupérer et l'ouvris. Ma mère n'avait pas fait attention. Lorsque je l'ouvris, je vis une photo de ma mère et d'un bébé qu'elle tenait dans ses bras. Debout, le sourire aux lèvres, elle regardait ce bébé avec tant d'amour que même enfant, je pouvais comprendre que cette photo avait beaucoup d'importance pour elle. Mes petits doigts de gamin se posèrent sur le visage du bambin et je réalisai lentement qu'il s'agissait de moi.
« Maman ? C'est qui le monsieur ?demandais-je après avoir tourné la page pour découvrir d'autres clichés. »
Ma mère s'était alors retournée dans un tourbillon de jupe et avait aussitôt regardé ce que je tenais. Mes yeux fixés sur elle, un air innocent brillant dans ceux-ci, j'attendais. Elle avait doucement souri et s'était agenouillée à côté de moi. Son doigt fin s'était ensuite posé à côté du visage de l'inconnu sur la photo.
« Lui, me répondit-elle, c'est ton papa.
-C'est papa ?
-Tu te souviens de papa, mon chéri ?m'interrogea-t-elle d'une voix duveteuse.
-Il nous emmenait souvent à l'étang pour pique-niquer!m'écriais-je joyeusement en souriant de toutes mes dents. »
Ma mère avait largement souri en plissant un peu les yeux. Mon regard était ensuite revenu sur l'image et j'avais posé ma main encore potelée sur la photo.
« Maman, il est où papa ?insistais-je une fois de plus. »
Ma mère avait baissé les yeux en me caressant gentiment le bras avant de se relever de moi prestement et recommencer à ranger le linge. Mon père me manquait. Maintenant je le ressentais vraiment. Callum était parti en voyage depuis une semaine maintenant. Il m'avait dit qu'il reviendrait bientôt, mais n'avait pas précisé quand...Je me rendais compte maintenant de tout ce qu'il représentait pour moi. Une figure paternel. Voilà ce qu'il représentait.
Maman avait semblé triste d'apprendre qu'il partait. Mais elle n'en avait presque rien laissé paraître. Je l'avais néanmoins ressenti lorsqu'elle avait refermé la porte derrière le jeune anglais. Sa main et ses lèvres avaient tremblées. Je n'avais pas vraiment compris pourquoi Callum devait partir en voyage. Il m'avait semblé que c'était simplement pour son travail...Mais vu que je ne savais pas exactement en quoi consistait son travail. . .
Si je l'avais su, ma réaction n'aurait pas été la même. J'avais tenté par tous les moyens de remonter le moral de ma mère. Mais celle-ci ne souriait plus. Les jours qui suivirent le départ de mon ami anglais furent très durs pour tout le monde. Tout d'abord maman qui semblait plus sourire du tout pour une raison qui m'échappait totalement. Elle avait parfois les yeux rouges lorsque j'arrivais le matin pour prendre mon petit déjeuner avant d'aller à l'école. Mamie m'avait dit de ne pas la questionner et de faire tout ce que je pouvais pour la distraire.
Papi semblait plus soucieux encore qu'avant. Les plis de son front ne s'étaient pas réduits et ses yeux étaient souvent dans le vague. Quant à mamie, elle faisait tout ce qu'elle pouvait pour maintenir son sourire gaillard comme d'habitude. Mais l'illusion ne prenait pas vraiment. Pour une raison que j'ignorais, le départ de Callum avait secoué toute la maison. En même temps, il apparaissait maintenant clairement que l'anglais faisait partie de la famille, d'une manière ou d'une autre...
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top