Chapitre 1
Tout commença par un bel après-midi de Juillet. Je fêtais alors mes sept ans. Encore petit, les cheveux bruns en bataille, mon sourire n'avait pas d'égal. Tout ce monde rassemblé rien que pour moi ? C'était tout simplement magique. A un détail près. Mon père. Où était-il ? Où était mon père ? Nulle part. Mon papa était une fois de plus absent lors de mon anniversaire. J'avais quatre ans lorsqu'il était parti en voyage. Cela faisait trois ans que ma mère me soutenait qu'il reviendrait bientôt. Alors j'attendais, encore et toujours, que la cloche du portail sonne et que je puisses revoir le doux visage de mon paternel. J'avais presque oublié son visage. Il ne me restait qu'un vague souvenir de ce dernier.
Célestine, ma mère, m'offrit un camion de pompier en bois. Il était très ouvragé. Très simple, mais très bien ciselé. Mon oncle et mes deux tantes avaient économisé pour pouvoir m'acheter un vélo neuf. Celui-ci avait même une selle rembourrée en cuir ! Le mécanicien du village avait accepté de réparer une sonnette en forme de coccinelle. Gratuitement en plus. Il l'avait même repeinte ! C'était vraiment le meilleur anniversaire que j'ai eu depuis longtemps.
Je me souviens encore du gâteau aux poires et au chocolat qu'avait fait ma mère. Le goût rafraîchissant des fruits par ce chaleureux après-midi avait fait du bien à tous. Et la touche de gourmandise avec le chocolat avait fait émerger de larges sourires sur le visage de tous les invités. Aussi, lorsqu'il avait fallu tout ranger le soir venu, j'avais été assez triste. Heureux de ma journée, certes, mais triste qu'elle soit déjà finie. Mon oncle Ernest m'avait assuré qu'il viendrait me voir plus souvent. Et mes deux tantes, Martine et Gilberte, m'avaient fait promettre de leur envoyer des lettres le plus souvent possible.
Je savais relativement bien écrire. Aussi m'imposais-je un rythme d'envoi de lettres assez régulier. Le lendemain de la fête, sur la table en bois rustique de la cuisine, je m'attelais déjà à la tâche. Ma mère venant ranger un plat en porcelaine dans l'armoire me vit aussitôt et sourit en restant silencieuse pour ne pas me déranger. Mon air concentré l'amusait visiblement beaucoup. Le plat de la table étant irrégulier, mes lettres n'étaient pas toujours extrêmement lisibles...Mais mes tantes me répondaient la plupart du temps. J'en concluais que leur vue n'était pas si mauvaise qu'elles ne le prétendaient !
Pour vous décrire mes deux tantes, elles étaient assez différentes bien qu'étant les sœurs de ma mère. Martine était grande, blonde comme les blés, fumeuse et parfois un peu pessimiste. C'était une femme très libérée et qui avait son propre opinion sur chaque chose qu'on lui demandait. Ses yeux verts brillaient d'une intelligence dont personne n'aurait osé douter. Elle avait son franc parler et n'hésitait pas un seul instant avant de remettre les gens à leur place. Plus jeune que ma mère et Gilberte, elle m'avait raconté qu'elle sortait souvent en ville pour acheter des petits cadeaux et s'offrir, par la même occasion, quelques gourmandises à la boulangerie. Malgré son audace, elle n'en était pas moins très amical avec toutes les personnes qu'elle croisait. Elle avait cette capacité à juger les gens d'un regard qui me stupéfiait très souvent.
Gilberte était plus petite que Martine et ses cheveux étaient un peu plus foncés que sa sœur bien que toujours blonds. Ses yeux noisettes étaient toujours joyeux et incitaient souvent les gens à parler avec elle. Elle était très serviable et gentille avec tout le monde. Un peu ronde et la mine toujours légèrement rougeoyante, elle avait pourtant une énergie débordante et n'hésitait pas à mettre la main à la pâte. D'une mentalité plus réservée que Martine, elle n'avait pourtant pas sa langue dans sa poche dès lors qu'il s'agissait de ragots. Très conciliante et cherchant toujours à faire plaisir, les gens n'hésitaient pas à lui raconter toutes les nouvelles qu'ils avaient apprises. Aussi ne pouvait-elle pas s'empêcher de le répéter à ma mère lorsqu'elle venait nous voir. Très compréhensive, elle ne jugeait pas ce qu'elle entendait et répétait simplement mot pour mot ce qu'on lui avait dit. Elle avait pour habitude de faire taire Martine lorsque celle-ci partait dans des envolées lyriques contre le gouvernement.
En bref, mes deux tantes étaient très différentes mais très complémentaires et s'entendaient parfaitement avec ma mère. Et ces deux charmantes femmes m'adoraient. Elles prenaient grand soin de moi et me chouchoutaient toujours plus que de nécessaire. Aucune des deux n'avaient d'enfants et elles ne paraissaient pas pressées d'en avoir. "Tu nous suffis amplement mon petit" me disait souvent Gilberte. C'est sûr qu'avoir des enfants à plein temps n'était pas une mince affaire. Ma mère n'avait que moi, mais je voyais bien que ça n'était pas toujours facile pour elle. Même avec un seul enfant.
Ernest, quant à lui, était très bourru et toujours prompt à faire des blagues pour faire rire toute la tablée. Il était très charismatique et avait toujours réussi à apaiser les conflits qui secouaient notre famille avant que mon père ne parte en voyage. J'avais cru comprendre qu'il avait été d'un grand secours lorsque ma mère s'était retrouvée toute seule à la ferme. Bien que mes grand-parents soient encore avec nous, ils n'étaient plus tout jeunes et leur aide ne pouvait pas être aussi efficace qu'un homme dans la fleur d'âge. Ernest était le frère de mon père. Plus jeune que lui, il avait une jambe boiteuse, mais un regard vif et fier. Toujours très énergique, il avait cependant un petit problème de boisson qui faisait qu'il se retrouvait parfois chez nous à des heures...peu raisonnables. Sa fiancé l'avait d'ailleurs abandonné à cause de cela. Mon oncle disait parfois qu'il ne regrettait pas qu'elle soit partie. Mais je voyais bien, moi, qu'il n'allait pas toujours aussi bien qu'il voulait le faire croire.
Ma mère, elle, avait certains traits de caractères de ses deux sœurs. A peine plus âgée que Martine, mais moins que Gilberte, elle était cependant plus grande que son aînée. Ses boucles rousses pétillaient d'une énergie qui semblait inépuisable. Ses yeux bleus étincelaient d'une joie de vivre rare à cette époque. Très compatissante et empathique, elle s'entendait bien avec tout le village malgré que certaines personnes la regardaient parfois de travers à cause de sa couleur de cheveux peu commune. Je n'avais toujours pas compris pourquoi d'ailleurs...Un bandeau blanc à pois bleus entourait ses boucles à longueur de journée et les tâches de rousseur sur ses joues lui donnait une allure de pain d'épice. D'un positivisme à toutes épreuves, elle avait affronté le départ de mon père en voyage avec bravoure et cette force de caractère lui était restée. Elle n'avait jamais baissé les bras et s'était toujours battue pour que sa ferme reste à flots. Elle n'avait cependant jamais refusé une main tendue. Toute aide était bonne à prendre. Malgré tout, elle était très débrouillarde et réussissait, le plus souvent, à s'en sortir avec les moyens mis à sa disposition. Elle avait même réussi à mettre en place un commerce florissant entre la ferme et les gens du village.
Cette journée d'anniversaire resterait gravée à jamais dans ma mémoire. Ma mère était venu me border une fois le soir venu. Elle avait pris cette habitude quand j'étais tout petit et que l'orage tonnait dehors. Cette chanson qu'elle me chantait pour m'endormir, je m'en souviendrais toujours.
Un petit oiseau m'a demandé
Si je voulais bien l'accompagner
Le long du chemin qui mène dans le pré
Le long du chemin bordé de noisetiers.
Et j'ai répondu à mon oiseau
Que je voulais bien l'accompagner
Le long du chemin qui mène dans le pré,
Même plus loin, jusqu'aux étoiles bleues.
Je n'avais pas encore bien compris
Que si je voulais faire comme lui,
Il me fallait être beaucoup plus léger
Et avoir des ailes pour pouvoir voler.
Maintenant lorsque je me promène
Le long du chemin des noisetiers,
J'entends mon oiseau chanter dans le soleil
et je rêve qu'un jour je pourrai m'envoler.
Moi aussi je veux m'envoler maman. Moi aussi j'aimerais aller dans les nuages. Mais je ne suis qu'un petit garçon. Chante encore pour moi, maman. Chante encore.
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