Chapitre 31
NOAH
En temps normal, ça m'aurait démangé de rouler plus vite. Bombarder pour tuer ma sale humeur de la soirée. Mais pas avec Maya derrière moi. Aucun de nous n'est assez bien équipé, par ailleurs. Je n'ai qu'un pauvre tee-shirt et un jean. Elle, elle a beau avoir récupéré mon sweat, il ne la protègera en rien – pas plus que son short.
Plus j'avale les kilomètres, plus je sens ses bras se serrer contre mon torse. Ça change de la dernière fois, quand elle osait à peine effleurer mes fringues. Contre toute attente, elle n'a pas hésité à grimper derrière moi, preuve que je commence peu à peu à gagner sa confiance. À moins qu'elle ait senti que je ne lui laissais pas le choix. J'ai cru saisir dans ses yeux qu'elle attendait que quelqu'un prenne une décision à sa place, qu'elle se laisserait flotter au gré du courant pour ce soir.
Ma place de stationnement habituelle apparaît dans la lueur de mes phares. Je m'y gare et coupe le moteur. Non sans un coup de main, Maya descend de ma moto et j'en fais autant. Elle pivote pour analyser les lieux.
— Je comprends pas, avoue-t-elle.
Pour être franc, moi non plus.
Je récupère mon sac de sport qu'elle avait enfilé sur son dos et me mets en chemin. Elle me suit, enjambe les broussailles et s'efforce d'imiter mon allure. L'air étouffant et orageux rend déjà mon corps moite. Bien vite, le sentier nous mène aux abords de la plage qu'Elvira m'a fait connaître, une propriété privée appartenant à l'établissement désert qui domine les vallées autour de nous.
La pleine lune nous éclaire un peu, mais ça ne suffira pas. Je dégaine le petit projecteur de chantier du fond de mon sac. Il n'y a plus qu'à croiser les doigts pour qu'il soit suffisamment rechargé.
Si le père de Rayan s'aperçoit que je lui ai chopé, il va me démonter.
Je me débarrasse de mes baskets déjà pleines de sable et m'engage sur le ponton. Le claquement de pieds nus de Maya sur le bois m'informe qu'elle me suit. Arrivé au bout, je dépose le projecteur et mes affaires au sol. Le lac s'étend devant nous à perte de vue. Sans réfléchir, je me débarrasse de mon tee-shirt.
— Putain, Noah. Me dis pas que...
Je pivote vers elle et ouvre le bouton de ma braguette.
— Ça marche, je te le dis pas si tu veux.
— T'es ravagé. Et c'est sûrement interdit.
Pas mon problème, ça.
Je retire mon jean et me retrouve en boxer.
— Mais pourquoi ? insiste-t-elle.
— J'ai trop chaud et j'ai besoin de me rafraîchir les idées.
Sur ces mots, je saute. Le cri de stupeur de Maya me parvient avant que je n'atteigne la surface. L'eau glaciale me saisit tout entier, ça me fait autant de mal que ça me soulage.
— Une douche aurait pas eu le même effet ? raille Maya au moment où je reprends mon inspiration.
— T'avoueras que c'est pas le même charme.
Les paumes sur le ponton je m'élève, bras tendus, vers elle.
— Pour combien tu me rejoins ?
Son rictus me nargue.
— Regarde-moi bien.
Ça, oui.
— Y a pas moyen que je foute un orteil dans cette eau gelée, continue-t-elle.
— Elle est pas gelée.
— Tes frissons te contredisent, Kowalski.
D'une impulsion, je viens m'asseoir sur le rebord.
— T'es pas branchée bain de minuit, alors ?
Elle s'accroupit pour me faire face. À la regarder d'aussi près, je discerne l'air maussade qui n'a pas quitté son visage. Son regard paraît aussi mélancolique que le dernier jour de l'été. C'est peut-être même déjà l'hiver dans son cœur. Pourtant, elle ne se défait pas de son sourire défiant. Sa façade, son seul moyen de prouver – surtout à elle-même – qu'elle tient encore le coup. Avec elle, j'ai l'impression de naviguer sur un océan de contradictions.
— J'ai vu un film d'horreur qui commençait exactement comme ça, lance-t-elle. Une baignade dans un lac en pleine nuit et un truc qui surgit du fond de l'eau.
— Faut que tu t'assures du réalisme du scénario, du coup.
— J'y gagne quoi ?
Je lève une épaule.
— On devait pas discuter, toi et moi ?
Elle entrouvre la bouche, en pleine hésitation tout à coup. Cette fois, c'est moi qui lui adresse un sourire défiant.
— Très bien, cède-t-elle. Viens me chercher, alors.
Je la prends au mot et me mets debout. Craintive, elle en fait autant et s'éloigne d'un pas, le temps de se débarrasser de son top et de son short. La galanterie – que je ne soupçonnais pas pouvoir exister avec elle – m'oblige à détourner le regard. Quand elle se retrouve seulement vêtue de ses sous-vêtements, je tire sur son poignet.
— Attends, attends ! lâche-t-elle dans un cri couplé d'un rire. Laisse-moi y aller petit à petit.
— J'attends rien du tout.
Mon bras encercle sa taille et, sans crier gare, je jette son corps dans le lac, avant de sauter à mon tour. Je regagne la surface en même temps qu'elle, assaillie par ses insultes et aspergé par les vagues d'eau qu'elle m'envoie au visage.
— Jure-moi que ça t'a pas fait du bien.
Elle bat des jambes à toute vitesse et se pince le nez.
— Ouais, ça rafraîchit si tu veux... Mais ça me fait vraiment flipper, j'te jure, glousse-t-elle.
Contre toute attente, elle se rapproche de moi. Sans tergiverser. Son corps se colle au mien tandis qu'elle m'agrippe les épaules.
— Si t'as peur, pourquoi tu sors pas ? demandé-je sans avoir la moindre envie qu'elle s'éloigne.
— Et toi, t'as pas peur ?
Toujours cette même manie d'éluder les questions embarrassantes.
— Peur de quoi ?
Elle ne répond rien et se contente de s'accrocher un peu plus à moi. Alors, je la serre contre mon corps. Ses jambes finissent par cesser de s'agiter et s'enroulent autour de mon torse. Je constate que son sourire défiant a disparu. Il a dû rejoindre le fond du lac, comme mon sarcasme. Mes yeux plongent dans les siens, les fouillent à la recherche d'un début de réponse. J'ai la sensation qu'elle est de nouveau sur le point de pleurer.
— Tu avais pas des choses à me dire ? articule-t-elle dans un souffle.
Si, putain. Des tas.
— Je te retourne la question.
— Oui, je sais. Pour notre duo, je...
— J'en ai rien à foutre de ça, la coupé-je. Y a autre chose, un autre problème qui t'a amené à prendre cette décision.
Et je crois savoir ce qui pourrait clocher, au fond, mais Maya se cache derrière ce qu'elle peut. Comme moi.
À voix basse, elle parvient à prononcer que tout est tellement compliqué. Les évènements de la journée ne l'aident pas à y voir plus clair, j'imagine. Encore en moins en ce triste anniversaire. Je me plains beaucoup, mais bordel, je n'ose pas imaginer ce qui peut se tramer dans sa tête, toutes ses pensées sombres et ses longues insomnies. Si seulement elle m'autorisait un aperçu. Pas grand-chose. Juste pour m'aider à me sentir moins seul.
Sans détacher mon corps du sien, je nage jusqu'au ponton et agrippe le bord d'une main pour maintenir mon équilibre. Plus je m'attarde dans le miel de ses yeux, et plus je distingue les larmes qu'elle semble avoir un mal fou à contenir. Je resserre mon étreinte contre elle dans l'espoir que ça change quelque chose. Sa peau froide et frissonnante se plaque contre la mienne.
— Pourquoi... Pourquoi on est ici ? demande-t-elle. Qu'est-ce que tu cherches ?
— Embrasse-moi.
Elle cesse tout mouvement et me dévisage. Je ne sais pas ce qu'il me prend. Le monde ne tourne plus si rond tout à coup.
— Embrasse-moi autant que tu souffres, continué-je. Si t'es pas capable de m'en parler, montre-le-moi.
Ça ne rime à rien, bon sang.
Elle ne rétorque pas, comme si ma proposition venait de lui couper le souffle. J'ignore où mon regain d'audace me mènera. Pas de demi-sourire. Pas de regard lubrique. Ni d'un côté ni de l'autre. Maya ferme les paupières et colle son front contre le mien, ses mains encadrant mon visage. Sa respiration hachée s'échoue sous mon nez. Je suis à la disposition de son chagrin qui ne demande qu'à m'en dire plus.
Et enfin, sa bouche retrouve la mienne.
Je renforce aussitôt mon emprise autour de sa taille. Le soulagement de la voir exécuter ma demande me rend plus léger. D'abord empreints de douceur, ses baisers deviennent plus francs. Elle perd son souffle entre mes lèvres, alors je lui accorde celui qui me reste. Il lui servira plus qu'à moi.
Elle cherche ma langue que je lui offre sans attendre. Ma main relâche le bord du ponton pour cueillir son visage. De la pulpe du pouce, j'efface les gouttelettes d'eau qui ruissellent sur ses joues. À moins que ce ne soit des larmes...
Son émotion me noue l'estomac, mais je poursuis son baiser. Pour lui parler, moi aussi.
Tu vois, t'es pas seule dans cette putain de barque du deuil. Pitié, qu'elle se retourne pas sur nous. Tant que les vagues l'inondent pas, rien n'est perdu. Les tempêtes sont comme tous ceux qu'on aime, au fond. Elles sont pas éternelles.
Maya se détache de mes lèvres, les yeux toujours fermés. Et finalement, je me sens presque privilégié d'avoir pu assister à ça. Depuis quand elle n'a pas craqué devant quelqu'un ?
Ses tremblements m'obligent à attraper ses hanches et l'élever auprès du ponton pour qu'elle s'y asseye. Elle essuie son visage trempé de chagrin d'un revers de paume.
— Désolée pour ça, rit-elle doucement dans un sanglot étouffé. Je déteste me montrer aussi...
— Vulnérable ?
— Fragile, corrige-t-elle.
Je secoue la tête pour la contredire et m'élance pour m'asseoir à côté d'elle.
— Arrête. Ça dure depuis combien de temps, tout ça ?
Son air perdu m'oblige à poursuivre :
— Cette façade que t'entretiens. Elle tient bon depuis trop longtemps, je crois. Ça fait des semaines que je me demande comment tu fais. Là, je suis presque rassuré de voir que t'es humaine, finalement.
— Non, c'est pas ça.
Ses yeux se détachent des miens pour se figer sur ses pieds qui clapotent sur la surface de l'eau.
— Je t'écoute, relancé-je. Si tu veux, ce baiser peut signifier la fin de notre collaboration. Notre au revoir. Si tu me dis que tu veux plus bosser avec moi, je comprends. Je danserai avec Agathe pour les prochains spectacles si ça te permet de prendre du recul. Mais me mens pas et surtout ; te mens pas à toi-même.
Un profond soupir me répond. Maya relève ses genoux contre elle, les bras noués autour de ses jambes. Elle relâche sa tête en arrière, vers ce ciel étoilé qui nous veille.
— Je veux juste prendre mes distances, déclare-t-elle.
— Avec moi ?
— Avec le deuil. Et je sais pas comment te dire ça, mais... D'une certaine manière, comme je sais que tu le vis aussi intensément que moi, tu m'y confrontes. C'est pas de ta faute, bien sûr.
Je le reçois comme un coup de poing dans les tripes, mais elle n'a pas tort.
— Le prends pas mal, s'il te plaît.
— Je le prends pas mal, assuré-je. Je peux être honnête, moi aussi ?
— Hm.
— T'as une vie à cent à l'heure. Tes réseaux, la danse, les spectacles. Tout ça, ça t'aide sans doute à avancer. Mais regarde ce qu'il se passe quand tu t'autorises à penser. Ou à respirer un peu.
Son reniflement me fait fermer les yeux un court instant. Si j'ai pu me montrer souvent dur avec elle, je n'ai pas envie de la faire pleurer pour autant.
— Mais ça me sauve, poursuit-elle d'une voix brisée. Me focaliser sur le travail, ça m'empêche de cogiter.
— Et si ça s'arrête, tout ça ?
Elle finit par pivoter la tête vers moi, les cils agités et humides de larmes. Je retiens le moindre geste tendre, de toute évidence, ça la perturbe plus qu'autre chose.
— Je suis clairement pas le mieux placé pour te conseiller. J'ai enfoui tout ça en picolant comme un abruti, j'en parle pas et moi aussi, je me focalise sur la danse pour pas péter un plomb. La différence, c'est que j'ai conscience de tout. Je me connais assez pour pas me mentir à moi-même.
— Donc d'après toi, je devrais changer de mode de vie ?
— T'as bien dit que ça te sauvait, non ? Garde ce qui t'aide, mais laisse-toi le droit de flancher, ton monde s'effondrera pas pour autant. Tu paniques dès que tu te sens un peu plus vulnérable parce que tu te l'autorises pas. Et ça te fait prendre des décisions précipitées.
Son faible sourire entendu déclenche le mien.
— Ouais, pour les duos...
— Je t'ai dit que ça m'était égal, insisté-je en appuyant mon regard dans le sien. Ce qui me dérange, c'est de se cacher derrière des excuses. Mais je respecte ta décision, t'inquiète pas. Je comprends.
Une grimace désolée mord sa joue. Je sors mes pieds de l'eau pour me mettre en tailleur.
— Vraiment, je t'en voudrais pas. Je sais que j'ai pas été facile. En ce qui te concerne, j'ai été idiot de me fier à mes premières impressions d'ados. T'as changé. J'ai changé. Y a des choses où ta logique m'échappe, des biais de ta personnalité que je comprends pas et j'imagine que ça doit être un foutu bourbier pour me cerner aussi, mais dans tout ça... on s'est bien complétés jusqu'à maintenant.
Pour la première fois depuis que je la côtoie, je sens Maya plus apaisée. Étrangement en phase avec moi, malgré la franchise de mes mots. Elle attrape mon poignet pour le secouer un peu.
— Merci de me dire tout ça. Ça me bouscule, mais j'en ai besoin. J'ai l'impression que t'es le seul qui me comprend vraiment, malgré tout. On traverse le même deuil, mais on le vit différemment. C'est enrichissant aussi.
— Ouais, hein. C'est fou de voir qu'on réagit pas tous de la même façon à l'absence.
— Et pourtant le vide est le même.
Je me mets sur mes pieds et lui tends la main.
— Je te ramène ?
Elle saisit mes doigts et se met debout. Devoir enfiler mes fringues par-dessus mon boxer et ma peau encore humides me tend. À voir son expression dégoûtée en ajustant son top, Maya a l'air de ressentir le même embarras.
— Concernant ce qu'il s'est passé dans cette eau et sur mon tapis, hésite-t-elle une fois vêtue. Comme tu l'as dit, ça fait partie de ces moments où j'ai arrêté de réfléchir. Mais...
Je souffle du nez.
— Te sens pas obligée de me rendre des comptes.
J'ai bien saisi que ce n'était pas sa priorité. À raison, je dois dire. Compte tenu de notre santé mentale en dents de scie, je ne suis pas certain que ça rimerait à quelque chose de poser des mots là-dessus.
— T'as des choses à récupérer au Velvet où tu veux que je te dépose directement chez toi ? demandé-je.
Elle perd ses yeux dans le vide, le temps de la réflexion.
— Tu sais quoi ? Je crois que j'ai juste besoin de fuir. Roule autant que tu veux, pourvu que ça me laisse le temps de pleurer encore un peu et de vider mon stock de larmes.
— Ça marche, mais pas sûr que la housse de ton casque soit imperméable.
Elle pousse un léger rire et claque des doigts dans ma direction.
— Je te payerai ton prochain plein d'essence.
Je glousse.
— T'occupes. Ça me fera du bien autant qu'à toi.
Son sourire me réchauffe le cœur, parce qu'il a une valeur inestimable dans cette sinistre soirée. Je m'apprête à me pencher pour récupérer mes affaires avant d'être frappé par l'évidence. D'un pas je m'approche d'elle.
— Au fait...
Elle dégage ses cheveux de son visage pour m'affronter.
— Hm ?
— Joyeux anniversaire à ton papa.
La douleur se lit sur ses lèvres qui maintiennent tant bien que mal son sourire. Je déglutis. Lui dire remue sans doute le couteau dans la plaie. M'abstenir m'aurait laissé un goût d'inachevé. Ses yeux brillants me fixent, pétillent sous l'éclat des étoiles qui se reflètent dans ses pupilles.
Et à cet instant très précis, captive de son chagrin et de cette vulnérabilité qu'elle déteste tant, je ne l'ai jamais trouvé aussi belle.
— Merci, souffle-t-elle. Merci pour lui.
Elle se pince le nez – pour repousser ses larmes, j'imagine – et prend une profonde inspiration.
— Est-ce que tu veux bien me prendre dans tes bras ? s'enquiert-elle, les larmes inondant sa voix. Sans arrière-pensées, hein. Juste comme...
— Comme quelqu'un qui comprend très exactement ce que tu ressens ?
Elle hoche la tête. C'est dingue comme on est plus à l'aise à l'idée de se provoquer plutôt que de s'ouvrir l'un à l'autre. J'écarte les bras et, sans attendre, elle se presse contre moi. Ses épaules s'agitent, son corps tremble. Je lui murmure que ça va aller, que tout ira bien, sans savoir si ce sera le cas. Le dire, c'est créer la possibilité que ça puisse exister. L'entendre, c'est s'autoriser d'y croire.
— Comment il s'appelait ?
— François.
Je peux enfin poser un prénom sur l'image fantôme que je m'en fais. François, l'homme qui l'a éduquée et celui qui a ponctué la vie de Nico.
— Qu'est-ce que tu lui dirais s'il était là ?
Elle me serre davantage contre elle, la respiration saccadée par ses sanglots.
— Qu'il me manque terriblement. J'espère qu'il est fier de moi, de tout ce que j'ai accompli. Est-ce qu'il est en paix ? Est-ce qu'il a retrouvé Nico ? Je lui dirais que je pense à lui tous les jours, à chaque clin d'œil de l'univers. Et, par-dessus tout, j'espère qu'il me regarde encore danser.
Je pose mon menton sur le sommet de son crâne. Une larme finit par m'échapper, preuve silencieuse du chagrin qui me guette. Ou du soulagement immense de l'entendre poser des mots sur ce que j'ai moi-même dans le cœur.
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Hello toi ✨ Il fait du bien ce chapitre, pas vrai ? Je crois que les Noaya avaient grandement besoin de cette petite pause dans le temps pour parler à coeur ouvert 🥺 J'espère que tu as passé un doux moment avec eux, n'hésite pas à me le faire savoir 💛
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