Chapitre 9


Reflet de l'âme, le miroir transformait la vérité pour en révéler d'autres.

Eglantine appréciait s'y observer mais ne s'y risquait plus depuis longtemps sans ses lunettes même si ces dernières la gênaient par moment. Après tout, elle possédait une bonne vue, plus que parfaite d'ailleurs. Sans pour autant être une traqueuse, elle possédait quelques atouts physiques.

Mais elle restait une humaine, ce qui la menait à la question suivante : comment avait-elle fait pour pénétrer dans un domaine protéger par la sorcellerie contre les humains ?

Une seule personne, à l'exception de son père, possédait potentiellement la réponse recherchée.

— Qui es-tu Lytanax ? s'interrogea-t-elle yeux dans les yeux, n'ayant que ces faux verres de contact pour faire barrage avec un contact direct entre elle et son reflet.

Elle posa ses doigts sur ses lunettes, désireuse de connaitre la réponse à sa question. Aurait-ce été une erreur de laisser son autre prendre possession de leur corps ? Par moment, Lytanax pouvait voir et entendre, être témoin de ce que faisait Eglantine. Parfois avec son autorisation, parfois sans. Alors en cet instant, la personnalité guerrière pourrait lui répondre en laissant un mot explicatif de la situation avant de lui laisser de nouveau le contrôle. Savait-elle seulement quelque chose ?

On frappa à sa porte. Son père entra dans sa chambre et Eglantine abaissa les mains, laissant en place ses lunettes. Quelle idiote. Elle avait voulu se défaire de la seule protection qui distançait Lytanax du monde. Si son autre savait se battre, Eglantine se faisait davantage confiance pour prendre les bonnes décisions et se protéger toutes les deux.

— Je n'ai rien dit lorsque tu m'as déclaré vouloir arrêter les études mais là je m'inquiète, Eglantine.

Le psychiatre ferma la porte derrière lui alors qu'Eglantine s'effondrait dans son lit. Sa chambre la réconfortait de ses tons clairs, vert. Elle avait l'impression de se trouver dans une forêt, ses meubles en bois foncé, nuancé de teintes plus claires et ses murs revêtant un papier peint imprimé d'arbres dessinés à la manière d'une véritable photo. Même son lustre, de par les décorations feuillues qui le constituaient, jouaient d'ombres dans la pièce pour donner cette sensation apaisante.

Depuis qu'elle était jeune, la forêt l'avait toujours plus ou moins apaisée. Tout du moins jusqu'à ce que son père lui parle de Lycans, de Gardiens et de nombreuses autres créatures sanguinaires et dangereuses peuplant les forêts. Mais ici, parmi ses livres et les odeurs de bois, dans sa forêt imaginée, elle était protégée par la sécurité de sa maison, par la force de son père impassible.

Pas de Lycans de plus de trois mètres aux crocs acérés, pas de Gardiens protégeant leur territoire au point de tuer sans différenciation adultes ou enfants. Juste elle et son père invincible.

Prenant son nounours dans ses bras, elle réfléchissait, se demandant si continuer à brider ainsi Lytanax était vraiment la bonne décision.

— Cela fait trois jours que tu ne sors plus de ta chambre, Eglantine. Et j'attends ton rapport pour la nuit dernière.

— Il n'y a rien à dire. J'ai échoué dans ma mission, c'est tout.

Le psychiatre tendit son bras vers Eglantine, la prenant soudainement dans ses bras. Ce genre d'affection paraissait si rare que la surprise pouvait se lire sur son visage.

— Papa ?

— Tout va bien Eglantine. Je suis ton père, je serai toujours là pour toi.

Eglantine cligna des yeux, abasourdie par ce qu'il se passait...

Mais lorsque Lytanax apparu devant elle, elle comprit.

— Je suis en train de rêver, n'est-ce pas ?

— Oh que oui, lui répondit-elle avec une voix identique à la sienne.

Et son père disparu, ne laissant plus que les deux femmes ensemble.

— Je ne me souviens pas m'être endormie.

— Alors ça, c'est parce que j'ai repris le contrôle. (Elle s'assit à son tour sur le lit) Maintenant, essaie de te souvenir.

C'était ce qu'il se passait en temps normal. Lorsque Lytanax prenait le contrôle et qu'elle voulait ou allait le redonner à Eglantine, elle adorait prendre un peu de temps pour parler.

Ces discussions entre et Lytanax étaient parfois appréciables, surtout lorsque cette dernière acceptait de lui lâcher un indice sur ce qu'elle avait fait durant le temps où Eglantine était demeurée inconsciente.

Mais en règle générale, elle se contentait de plaintes, parfois elle discutait simplement.

Eglantine avait pu déduire de ces quelques échanges un certain nombre de choses concernant Lytanax. Notamment qu'elle était envieuse d'Eglantine, très jalouse, pensant Eglantine comme une sorte de perfection aux yeux de leur père et du monde.

Bien plus que de la paranoïa ou un délire de persécution, Lytanax était surtout seule. Eglantine pouvait le comprendre, parce que finalement, malgré les différences aux yeux de tous, les deux femmes étaient très semblables. Seules et ne vivant que pour survivre.

Néanmoins, aujourd'hui était différent. Lytanax l'incitait à rassembler leur souvenir. Autrement dit, à se visualiser ce qu'avait vécu Lytanax alors qu'elle lui avait laissé prendre le contrôle. Pourquoi lui avait-elle laissé le contrôle ? Cela ne lui ressemblait pas...

— Il y avait... Cet homme. Dyavol.

— Son prénom ? l'encouragea Lytanax.

— Stanislav.

— Il était avec une femme. Surement sa tante, la seule autre personne de sa famille ayant fui avec lui lorsqu'il était enfant.

L'histoire des Dyavol, tous les agents de la Ronde la connaissait.

— J'ai repris le contrôle sans vraiment le vouloir. Nous étions comme en... harmonie toutes les deux.

Jusque-là, rien de très inhabituel. Cela leur arrivait de temps à autre. Lorsqu'elles le souhaitaient. Mais cette nuit-là, rien n'avait été sous contrôle.

Elle et Lytanax n'avaient semblé faire qu'un l'espace d'un instant. Leurs émotions se mélangeant, leurs pensées se liant... Eglantine en fut terrifiée en y repensant.

— Attends Lytanax, pourquoi avons-nous pu entrer dans ce bar à monstre ? Je suis humaine...

Elle roula des yeux, se perdit dans ses pensées puis sourit de toutes ses dents.

— Tu n'auras qu'à demander à ton cher papounet d'amour.

— Il s'agit aussi de ton père.

— Peu importe. Ensuite ?

— Je ne sais pas, je me suis enfuie.

Lytanax allait lui expliquer. Mais à en juger par le regard noir qu'elle lançait dans le vide, Eglantine ne savait pas vraiment si elle voulait savoir.

— Arrivée à la maison, tu as senti un danger et tu m'as laissé prendre le relais.

Cela lui revenait. Après avoir eu une discussion quelque peu gênante avec Stanislav, elle avait voulu rentrer chez elle. Mais rentrer les mains vides, sans information sur la vouivre...

Habituellement, Lytanax se chargeait de se salir les mains. Eglantine se contentait d'être l'intellect capable de les mettre à l'abris et de les soigner. En somme, Lytanax était l'attaque, Eglantine la défense.

— Et tu avais raison, lui donna-t-elle raison pour ses méfiances instinctives. On nous attendait.

La guerrière parut hésiter un instant à lui révéler la suite. Voulait-elle vraiment lui cacher quelque chose qu'elle découvrirait lorsqu'elle serait face à son père ?

— Je me suis faite passer pour toi alors qu'avec notre père se trouvait Cosme.

Cosme... Que faisait-il chez elles ?

Cosme Trépas était à la tête de la Ronde, sa famille ayant toujours fait partie de cet univers. Son fils ainé, Daniel, était d'ailleurs un traqueur et un chasseur en devenir. Un garçon charmant qui adorait rappeler à Eglantine qu'elle n'était rien d'autre qu'une froussarde inutile.

Les Trépas comptaient également un autre membre, Marie. Une jeune femme un peu étrange qui ne semblait rien connaitre du Téras ni de la Ronde. De ce qu'elle en savait, l'humaine vivait seule, un peu isolée. Son père n'en disait que le plus grand bien, rappelant à chacun qu'elle était une écrivaine célèbre vendant ses livres dans le monde entier. Ce qui n'était pas totalement vrai. Les œuvres de Marie avaient une certaine notoriété, mais cela ne valait pas un Stephen King.

— Attends pourquoi tu as fait croire que tu étais moi ? Et papa ne serait jamais tombé dans le panneau !

— Parce que Cosme n'est pas connu pour ses visites de courtoisies. La dernière fois...

Elle s'arrêta, comme si elle en avait dit trop, puis fini par secouer de la tête afin de chasser ses pensées.

— Peu importe, nous sommes à Paris maintenant.

— Quoi ? Mais j'ai des cours ! Je ne peux pas me permettre de... La Vouivre ! Le papier donné par le pervers ! se souvint-elle alors.

— Oui, il y avait bien l'indication du lieu d'habitation de la vouivre. Mais ces enfoirés ont cru bon qu'il serait préférable pour toi de t'entrainer à nouveau avant de te battre contre la vouivre.

— Ils avaient promis...

— De te laisser passer tes examens ? De te redonner ta liberté ? Si tu tues la vouivre avant tes examens, se sera sans doute possible, mais pour ta liberté... Rappelles-toi qui nous sommes à leurs yeux.

— Mon... Nom de...

— Pas de blasphème, l'arrêta Lytanax.

— Peu importe. Tu es en train de me dire que là, tu es en train de t'entrainer ?

— Yep madame, et Daniel prend un grand plaisir à me mettre la misère. Alors j'aimerais que tu ramènes ton jolie petite cul.

— Mais pourquoi faire ? Je ne sais pas me battre !

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