Chapitre 52
Pour retrouver la piste des Amazones, il ne suffisait pas de remonter le cri entendu de l'une d'entre elles. Bien moins redoutable que celui de la Banshee, leur cri demeurait dangereux et reconnaissable entre mille. Il pouvait se varier, se chanter aussi, se hachurer pour signaler des messages sans mot à leurs consœurs. Strident également, le verre se brisait à proximité. Mais dans une forêt, son véritable potentiel se révélait différent. Ce hurlement se mêlait à leur environnement végétal, son écho embrouillant l'imprudent s'étant cru devenir leur prédateur.
Voilà pourquoi Whil ne cherchait pas à remonter ce cri comme n'importe qui. En agent de la Ronde, en traqueuse de cet organisme redouté par le Téras, elle restait un chasseur, le prédateur des prédateurs. Sa chasse l'amenait à remontrer des traces visibles. Branches brisées, empreintes négligemment laissées, des sons en indication ou encore des senteurs se démarquant du reste de cet environnement.
Les Amazones étaient douées, et sa dernière expérience avec ces guerrières lui indiquaient qu'elles appréciaient également grimper aux arbres. Se mêler avec la forêt devenait une seconde nature.
Plusieurs détails avantageaient Whil dans l'immédiat. Pour commencer, les Amazones ne se pensaient pas être traquées. Elles en devenaient négligentes. La branche cassée de l'arbuste qu'elle venait de remarquer en était une preuve assez évidente. La Ronde n'aurait jamais commis une telle erreur en mission.
L'hybride suivit patiemment les traces qu'elle découvrait au fur et à mesure de son avancée. Celles des Amazones paraissaient plus discrètes, et assez rares, en comparaisons de celles laissées par plusieurs autres espèces. Notamment des Came-cruse. En grand nombre. Des monstres se présentant sous la forme d'une jambe pour tromper ses proies. Rien d'aussi intelligent qu'un tératos, mais ces créatures appartenaient tout de même au Téras. Il arrivait que certaines arrivent sur Terre par le biais de portails aléatoires, ou laissés ouverts par des tératos inconscients. De nouveau, c'était à la Ronde de passer faire le ménage lorsque cela arrivait. Après tout, les missions de l'organisation ne se limitait pas à tuer des Lycans voraces ou tous les tératos sur Terre. Le but premier était de protéger l'humanité du Téras et de ses dangers.
Peut-être que les Amazones étaient de sorties pour détruire quelques-unes de ces came-cruse ? Concentre-toi, Whil. Tu dois secourir Stanislav.
Elle reprit la route, demeurant assidue et discrète. La plupart de ses mouvements provenaient de réflexes offerts par les entrainements poussés de la Ronde. D'autant que Whil avait souvent travaillé en solitaire. La situation ne la déstabilisait pas, une pointe de nostalgie la ramenant un instant dans ces missions dangereuses à pourchasser et à traquer des tératos menaçant la paix des Hommes.
Seulement, aujourd'hui elle ne pouvait pas se permettre une chasse de plusieurs longues heures. Prendre son temps n'était pas une option. Stanislav était sans aucun doute entre leurs mains. Elle se devait de lui porter secours au plus vite.
Et bientôt, elle trouva ce groupe de femmes barbares qui ne connaissaient que leur haine envers l'autre genre. Leya accueillait le retour de la chasse, éviscérant les gibiers pour en récupérer la chair et tout ce qui était consommable dans la bête. Elle avait un clan à nourrir. Des femmes et des enfants. Les peaux seraient sans aucun doute utilisées pour de nouvelles tenues ou pour entretenir les tentes.
Les femmes souriaient, s'amusaient, semblant avoir oublié la désertion de Whil. Ce fut comme si cette dernière n'était jamais venue vivre en leur compagnie. La vie continuait. Et son passage parmi elles n'avaient duré qu'à peine quelques jours avant qu'elle ne s'enfuit en compagnie d'un mâle que, pourtant, elles avaient accepté de ne pas tuer. Par égard pour elle. Whil n'avait aucun droit de se sentir mal.
Pour une raison qu'elle ignorait, c'était pourtant un peu difficile à observer. Elle se sentait liée à ces femmes.
Lina, d'une apparence toujours plus délicate que le reste de ces femmes, approcha pour soigner celles qui s'étaient blessées. Whil ne devait pas être la seule à avoir entendu leur cri. Mais elle était la seule à avoir eu l'idée de les pister.
A présent, elle devait aller à leur rencontre. Comment approcher ?
Elle fit un pas en avant, sortant de sa cachette. Le silence s'imposa douloureusement alors que tous les regards se braquaient sur elle, menaçants. Leya s'avança à sa rencontre. Son visage sévère indiquait qu'il ne serait pas facile de discuter avec la matriarche. Whil devait se préparer à devoir parlementer, ou pire. A devoir batailler contre ces femmes bien mieux bâtit qu'elle, plus fortes et ayant une expérience de guerre plus grande. Quoique, sa moindre expérience ne l'avait pas empêché de vaincre la matriarche des Lilithus. Whil devait avoir ses chances. D'autant qu'elle était motivée. Elle devait sauver Stanislav.
— Leya, je...
— Tais-toi, imposa-t-elle sans lui donner l'occasion de s'exprimer.
La seconde d'après, ce ne fut pas un coup de poing que Whil reçu, mais une étreinte inattendue. La matriarche venait de la saisir pour l'embrasser dans ses bras. Elle serrait fort, très fort, comme pour l'empêcher de partir.
— Nous nous sommes inquiétées pour toi. Ce démon ne t'a rien fait ?
— Euh... Non ? Je ne suis pas sûre de comprendre.
Les autres s'approchèrent à leur tour, se mettant à la toucher pour chercher des signes de blessures ou autres. Elles semblaient sincèrement s'inquiéter.
— Tu as retrouvé la raison, n'est-ce pas ? Tu as bu cette potion et tu...
— Non. Je ne suis pas venue parce que je n'aime plus Stanislav.
Elle arqua un sourcil, visiblement peu étonnée mais ne saisissant pas la venue de Whil.
— Pourquoi es-tu là dans ce cas ?
— Parce que j'ai besoin de votre aide. Je dois retourner sur Terre.
— La Terre des Hommes ?
— Oui, et je pense que vous possédez un pass. Non, j'en suis certaine.
La matriarche parut réfléchir un instant. Mais l'une des Amazones claqua seule de la langue. Relevant le menton, celle que Whil se souvenait comme étant Antiope, fit un pas en avant pour les rejoindre.
— Nous avons un pass. Mais pourquoi nous te le céderions ? Tu as abandonné les tiens. Tu as abandonné celles qui te sont venues en aide et qui ont agis pour ton bien.
— Vous me demandiez un prix bien trop grand. Je ne peux pas abandonner Stanislav.
Whil ne voulait pas d'un conflit. Son but était que ces femmes lui viennent de nouveau en aide, et non de provoquer une bagarre infertile.
— Je ne vous demande pas de me le céder. Un simple emprunt. Vous me faites passer et vous récupérez votre pass.
— Et tu disparaitras de nouveau, n'est-ce pas ? reprit Leya, les bras croisés autour de sa poitrine.
— Oui.
Elle claqua de la langue, et toutes suivirent le mouvement.
— Il n'en est pas question. Grâce à la Déesse, tu nous es revenue. Il n'est pas question que tu sois livrée à toi-même encore une fois.
— Quoi ? Non, Leya, tu ne peux pas me faire ça ! J'ai vraiment besoin de votre aide à toutes !
Son haussement de ton sembla même imposer un mutisme au chant des oiseaux environnants. Whil n'avait pas le droit d'ainsi parler à la matriarche. D'autant qu'elle quémandait son aide sans même apporter de cadeau ou proposer des contreparties.
— Je dois secourir Stanislav.
Toutes ces femmes éclatèrent d'un rire franc et étrangement peu moqueur.
— Ce démon a besoin de l'aide de notre bébé amazone. Rien de plus normal, les mâles sont tellement inutiles sans nous autres à leur côté.
— Je n'ai pas le temps pour la misandrie ou un débat égalitaire. Il est retenue par la Ronde et...
— La Ronde ?
— Je... J'en ai fait partie. J'en fais encore partie, je pense.
Sa réponse laisser poindre le doute, Whil ne sachant trop comment définir sa relation avec la Ronde à l'heure actuelle. Sans doute conflictuelle étant donné qu'elle détenait son partenaire destiné dans ses laboratoires.
— Il n'est pas question que tu partes, Whil.
Leya était catégorique, se fichant éperdument de celui qui prenait toute la place dans son cœur. Allait-elle devoir se battre pour obtenir ce qu'elle désirait ?
— Stop, on arrête tout ! s'écria une voix familière.
Deux femmes arrivèrent en se démenant tant bien que mal parmi la végétation. Deux sorcières. Bibésia et Kayla.
Bibésia ouvrit en grand ses bras pour prendre Whil dans une étreinte charitable.
— Double V ! Cela faisait une éternité.
Que faisait-elle ici ?
— Pourquoi tu n'es pas venue me voir ? Je suis bien plus utile qu'une tribu de femmes des cavernes.
Leya claqua sa langue pour signifier son mécontentement mais l'animosité s'arrêta là. Les Amazones semblaient craindre les sorcières, sans doute à raison.
— Tu peux me renvoyer sur Terre ? s'étonna Whil en discutant avec Bibésia, qu'elle voulut considérer comme son amie.
Après tout, cette sorcière lui avait confié que toutes les deux seraient meilleures amies à l'avenir, et Whil voulait le croire.
— Pourquoi faire ? Si c'est pour ton amoureux, laisse tomber. Si tu ne vas pas pouvoir le rejoindre maintenant. Mais si ça peut te rassurer, il va bien. Pas de torture ou d'expérience trop tordue. Et puis de toute manière, il ne va pas mourir.
Le soulagement de Whil fut sincèrent. Elle se détendit, acceptant d'écouter celle qu'elle surnomma Double B lors de leur première rencontre.
— Mais je dois quand même aller le sauver.
— Impossible.
— Pourquoi ?
— Parce que tu vas être kidnappée avant.
Kayla poussa un soupir ennuyé. Apparemment, ceci n'était pas au programme, Bibésia ne devait pas l'avoir prévenu.
— Bon, du coup je me suis préparée. Quand elles vont débarquer pour t'enlever, je vais aussi me faire embarquer avec toi. Tu vas avoir besoin de mon aide pour t'en sortir après tout.
— Il n'en est pas question ! vociféra Kayla.
Mais avant que quiconque n'ait pu agir, le tonnerre retentit dans le ciel. Des éclairs foudroyèrent le sol pour isoler Whil et Bibésia, qui s'était placée de tel sorte de se trouver là où elle le souhaitait.
L'opération fut rapide. Bien trop pour que Whil puisse vraiment comprendre ce qui lui tombait dessus.
Des femmes ailées tombèrent du ciel. Bâillon grossier, lianes pour la maitriser, elle se retrouva maitrisée à la vitesse de la lumière avant d'atterrir sur l'épaule de l'une de ces créatures. Des Walkyries.
Les Amazones se tentèrent au combat mais déjà Whil se trouvait loin dans le ciel, ces femmes-oiseaux ayant décampé. L'hybride était parvenue à leur échapper une fois. La chance ne lui sourirait pas une deuxième. Quoique... Son regard croisa celui de Bibésia, transportée sur l'épaule d'une autre Walkyrie. Pour elle, pas de bouche scotchée ou de lien pour l'empêcher de bouger. Elle lui offrit un grand sourire, levant son pouce pour confirmer que la situation se passait exactement comme prévue. Ce n'était pourtant pas le cas ! En cet instant, Whil aurait dû avoir utilisé un pass pour retourner sur Terre. Elle serait en direction d'un point de rendez-vous de la Ronde pour connaitre la position de Stanislav.
Visiblement,ses plans venaient de voler en éclat.
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