Chapitre 37
— Je suis d'accord, ça donne pas très envie. Mais c'est la tradition.
Et chacun honore la tradition. Seulement, plus elle observait les préparatifs, plus le doute s'immisçait en son cœur. Cette expression de souffrance sur le visage de Stanislav, elle ne l'avait encore jamais observé. Ce n'était pas seulement de la souffrance.
— Du désespoir, prononça-t-elle dans un murmure.
Le terme la gratifia d'une culpabilité méritée. Elle était une scientifique de la Ronde, bien qu'on lui attribuait davantage ses prouesses de tueuse dans l'organisation. Elle, mieux que personne, était censée comprendre cette souffrance, parce que d'autres l'avaient vécu dans son passif. Une femelle perdant son mâle destiné, parce que les mâles de nombreuses espèces se dotaient d'un instinct protecteur, n'hésitant pas à mourir pour que survive leur femelle.
Les plus cruels traqueurs de l'organisation tuaient l'un des deux puis capturaient le survivant. Le laisser en vie pour continuer des supplices interminables...
Chassant seule, elle pouvait s'estimer heureuse de ne jamais avoir eu à faire ce genre de choix, ou de traque. Mais les regards de ces cobayes...
Le désespoir. La soumission à une situation dont ils ne contrôleraient plus rien. L'impuissance apprise sans qu'il n'y ait eu de lutte ou d'apprentissage préalable. Ces créatures ne se relevaient pas.
Mais il oubliera, ce lien ne l'entravera plus.
Elle s'en persuadait. Alors que les Amazones attachaient de nouveau son mâle, de chaines et de matériaux tous plus solides et gravés de symboles étranges, il ne lui accorda pas un regard.
Les Amazones étaient toutes réunies.
Cette cérémonie pouvait être bien plus cruelle. Habituellement, l'Amazone devait tuer son amant. Qu'il ait s'agit d'un amour, d'un partenaire destiné ou simplement de l'amant de passage, on ne gardait pas les pères ni l'attachement.
Pour Whil, Leya avait accepté de ne pas le tuer. Si elle tranchait ce lien, alors il pourrait s'en aller, « pour le remercier d'avoir aidé notre bébé Amazone » avait soupiré la matriarche à contrecœur.
Les tambours retentirent, ainsi que d'autres instruments du genre. C'était à son tour.
Chacune poussait son cri à l'unisson. Lorsqu'elle arriva auprès de Stanislav, le silence s'imposa.
— Elle ne te tuera pas, elle me l'a promis.
Elle cherchait à capter l'attention de Stanislav, mais ce dernier ne le lui accorda pas.
La main tremblante, elle commença à peindre le torse de son mâle. Son symbole, celui qu'elle utilisait pour se connecter à ses proies... Ses doigts se stoppèrent.
— Stanislav, dis-moi que tu comprends. Dis-moi que tu es d'accord, supplia-t-elle en un petit gémissement inquiet. Tu ne souffriras pas, tu... tu m'oublieras et tu seras heureux.
— Tu t'apprêtes à me détruire et tu souhaites en plus que je t'en remercie ? Ne compte pas sur moi.
Le détruire...
C'était elle la méchante dans l'histoire, égoïste... Mais que pouvait-elle faire d'autre ?
Le regard de l'homme passa de la fureur à l'étonnement. Était-ce parce qu'il avait changé d'avis ou bien parce qu'elle se mettait soudainement à pleurer ?
— Je n'en ai pas non plus envie, je ne veux pas me séparer de toi. Mais que suis-je censée faire lorsque tu me fais autant d'effet, que je te désire si ardemment que toutes mes pensées ne sont remplies que de toi ? Je suis de la Ronde, je suis la Carmagnole, tu vas finir par me détester et je finirai seule.
Seule, elle ne voulait pas l'être. Leya avait raison, il valait mieux en finir tant qu'elle pourrait encore s'en remettre. La peur de devenir accro à ses caresses et à ses mots, à sa présence... C'était terrifiant. S'il disparaissait d'un coup alors que ce lien les unissait, elle ne se relèverait pas.
Un bruit de craquement, fort bruyant, attira son attention pour la faire hoqueter de surprise.
Les chaines venaient de voler en éclats. Les symboles censées les rendre indestructibles n'avaient pas su résister à ce mâle dont la hauteur prenait des proportions vertigineuses. Un mâle de presque deux têtes de plus, à la musculature abusivement épaisse et présente, ce même mâle ne la quittait pas de ses yeux de démon. Sa peau s'était grisée et dans son dos ses grandes ailes se déployèrent.
Il lui tendit seulement la main. Un geste aussi simple auquel elle ne trouva pas la force de résister.
Malgré les mises en gardes de la matriarche, les cris de ses sœurs, elle s'élança, se lovant sans résistance dans cette étreinte ouverte pour elle. Pour elle seule.
— Tiens-toi à moi, Whil.
Il décolla avec une puissance pétrifiante pour celle qui n'avait rien d'une créature aérienne. Lorsqu'elle se retrouva à une altitude bien éloignée des forêts, Whil blêmit d'effroi. Le souvenir de cette Walkyrie... De sa chute...
— Même ton cri serait incapable de me faire lâcher prise, lui assura-t-il à l'oreille alors qu'il ralentissait l'allure comme pour lui permettre de profiter ou de davantage trembler devant cette vue à couper le souffle.
Le Téras était comme infini vu d'ici. Seulement, la direction qu'ils prenaient ne se destinait pas à la découverte de ces lieux inconnues, de ces terres sauvages demandant à être découvertes, mais celle du palais Lilin.
Lorsqu'ils arrivèrent après quelques longues minutes de vols, atterrissant sur le balcon sans protection, elle eut un regard pour le ciel sans nuage dehors. Le Soleil se coucherait dans quelques heures. Mais les Walkyries...
Une force brute la tira jusqu'à l'intérieur, la jetant sans réelle délicatesse parmi les coussins d'un lit. Cette chambre, elle ne la connaissait pas. Pas plus que cette version de Stanislav, entièrement de fureur et de rage. Pieds nus, vêtu seulement d'un pantalon en toile – ses autres vêtements lui avaient été dérobés pour la cérémonie – il s'avança muni d'un pas et d'une aura de menace. Elle recula, ce qui l'obligea à se stopper et à grogner pour la mettre en garde.
— Peu importe, déclara-t-il en plongeant sur elle.
Bien au lieu de lui faire quoi que ce soit, il lui arracha sa fiole.
— Ne la détruit pas !
Oh, oh, ce regard-là ne présageait rien de bon. Quel terme pouvait exprimer l'étape suivant la rage ?
— Tu comptes garder ce sort ?
— Oui, je voudrai faire une magopsie dessus.
— Une magopsie ?
— Une autopsie mais pour les sorts.
— Tu es vraiment... cruelle.
Il y avait méprise. Et cette souffrance, cette détresse sur le visage de son démon l'obligea à se précipiter sur lui, prenant la fiole pour l'en séparer. Elle posa l'objet sur un meuble non loin. Le temps de se retourner, le plus déchirant des spectacles se présenta devant elle.
Des larmes.
Ses mains se saisirent du visage de son amant, essuyant ces larmes du bout des doigts.
— Je suis désolée, Stanislav. Je ne ferai plus jamais rien de semblable. Je t'en prie, ne pleure pas. Je ne suis pas douée pour réconforter les gens et je vais me mettre à faire des grimaces censées être drôles ou danser comme une idiote pour t'amuser, sans succès.
— Ne parle plus jamais de briser ce qui nous unis, Whil. Plus jamais.
— Je te le promets.
— Embrasse-moi.
Elle se souleva sur la pointe des pieds, ses bras l'enlaçant aux épaules pour l'attirer à elle. Les baisers ne faisant pas partie de sa spécialisation, elle fut sans aucun doute maladroite. Ses lèvres sur les siennes furent l'arrêt de tout.
La confusion, la douleur, la tristesse, toutes disparurent pour ne laisser qu'une certitude. Celle qu'elle se trouvait à sa place ici, dans les bras de Stanislav.
— Je suis désolée, je n'embrasse pas bien.
— Tant mieux, je te serai utile dans ce domaine.
Il enveloppa ses fesses de ses deux mains, la soulevant du sol pour l'allonger dans ce lit. Ses vêtements disparurent bien vite, la tenue d'une Amazone ne se composant pas nécessairement de nombreuses couches.
Sa main se posa sur le torse de son amant. Son symbole s'y trouvait toujours.
— Je veux l'effacer.
Elle ne l'avait pas entièrement dessiné, mais cela suffisait à faire remonter le souvenir récent de sa trahison.
— Non, refusa-t-il sèchement. C'est le même que celui sur ton front.
— Stanislav ! C'est le symbole de mes meurtres.
N'écoutant pas ses contestations, il fondit sur elle dont les jambes s'étaient trop naturellement écartées pour le laisser se coller contre son corps.
Un petit cri lui échappa au moment où cognait contre elle quelque chose de plus dur. Son corps était entièrement nue, et l'érection sous ce pantalon rencontrait trop aisément sa moiteur.
— Je ne suis pas en chaleur.
— Ne me demande pas d'attendre tes chaleurs pour t'aimer ainsi, Whil. Tu n'auras simplement pas d'enfant, et je pense que ça t'arrange.
— Non, enfin oui, mais... Humm, ce n'est pas ce que je voulais dire. Mais lorsque je suis en chaleur, ne suis-je pas plus...attirante ? Lubrique ?
Il fronça les sourcils, crédule de cette question.
— De quoi parles-tu, Whil ? Je te dis que je te désire. En vampire, il en était déjà de même. Tu n'avais pourtant pas tes chaleurs.
La chaleur lui monta l'échine pour embrumer quelques secondes sa tête d'embarras.
— Et toi, Whil, me désires-tu toujours même avec cette apparence ?
Elle ne répondit rien, ses mains s'élevant vers lui. Sans prévenir, elle empoigna ses deux cornes, recevant en contrepartie un coup de bassin contre le sien de la part de se mâle se contenant tant bien que mal à présent.
Il l'embrassa, sa main glissant sur son entrejambe.
— Si trempée...
Le cœur battant, son corps se soumettait aisément aux caresses de son partenaire. Ce dernier vint dévorer ses seins, léchant ses tétons dressées.
— Tu ne gémis pas facilement, mais tes yeux gorgés de larmes me suffiront je pense.
Pas facilement... Jusqu'à ce qu'une sensation toute nouvelle la secoue. Elle se mit à onduler des hanches, cherchant à accélérer le rythme entretenu par Stanislav.
Un cri lui échappa dans un spasme violent qui aspira toute son énergie.
Que venait-il de se passer ?
— Tu as déjà joui ?
Elle avait joui. Si simplement.
Son regard fut attiré par un nouvel élément. Le pénis de Stanislav, sortit de son pantalon et prêt à entrer en elle. Excepté qu'il y avait au moins un problème dans cette situation :
— Stanislav, il n'était pas aussi... gros la dernière fois.
— Effectivement.
— Je suis vierge.
— Je suis au courant.
— Attendons mes chaleurs.
— Je ne comptais pas te pénétrer aujourd'hui, Whil. Alors ne te crispe pas comme ça.
En un instant, elle se retrouva à quatre pattes, la croupe levée et un mâle au-dessus d'elle dont le gland se cognait contre sa jambe.
— Sers les cuisses. Tu vas aimer.
Timidement, elle suivit les instructions.
Un puissant coup de bassin lui arracha un premier gémissement lascif. Son membre se frottait contre elle, contre son sexe et son clitoris gorgé. La sensation fut puissante et elle l'empêcha de faire plus.
— Attends, pause, je ne...
Deuxième coup de rein et il fallut que Stanislav la maintienne lui-même d'un bras pour qu'elle ne s'écroule pas, les bras tremblant et fébriles. Il l'aida à se courber, la poitrine contre les draps, un coussin entre ses mains.
Ses va-et-vient devinrent bien plus rapides, sans plus de pause. C'était à en devenir fou, à en perdre la tête. Ses pensées embrumées, son corps se portait dans ce rythme frénétique, insensible à la fatigue tandis que la lubricité ne connaissait pas sa limite.
Elle avait entendu qu'un rapport normal ne durait pas plus de dix minutes. Elle jouissait pour la troisième fois.
Mais tandis qu'il éjaculait de nouveau, sa semence dans les draps, l'idée de devoir de nouveau supporter un tel supplice ne l'enchanta pas.
— Stop ! l'arrêta-t-elle avec autorité.
Il se crispa, instinctivement. Proche de la transe et de la frénésie due à sa nature de Lilithu, le démon se retint difficilement de continuer. Bien sûr qu'il ne serait pas satisfait de si peu !
Elle se tourna sur le dos, écartant les jambes. Il fixa son entrejambe, s'agenouillant pour venir l'affamer encore davantage par des coups de langues. Ses doigts entraient en elle, espérant sans doute l'élargir encore.
— Stanislav, j'ai besoin de toi. En moi.
Il se rembruni, levant la tête vers elle.
— Tu souffriras. Je n'aurai plus de contrôle de moi-même.
— Et je vais perdre le mien si tu ne le fais pas.
Elle n'était pas en chaleur. Alors pourquoi sa peau se mettait à scintiller, donnant preuve de sa sécrétion en phéromones aphrodisiaques, n'ayant pour but que d'attirer le mâle à la combler ?
Puisqu'il hésitait, elle leva la main. L'instant d'après, l'ombre du démon la surplombait de toute sa largeur. La douleur fut aussi vive que le soupir de soulagement. Le gland entrait, le reste la pénétra d'un coup bien trop sec pour qu'elle ne plonge pas ses ongles dans les bras épais et solides de son partenaire. L'odeur du sang, elle la connaissait par cœur. Etait-ce le sien ou celui du démon que ses griffes venaient de lacérer ?
« C'est vraiment trop gros », comprit-elle trop tard. Aurait-elle dû demander d'arrêter là ? Stanislav aurait sans doute été capable d'une telle chose... n'est-ce pas ?
Et pourtant, sa raison fut balayer par une autre sensation. Un genre de sentiment venu prendre possession de son esprit. Elle avait besoin de plus. Quant à la douleur, elle ne semblait pas s'imprégner que de désagrément. Whil se surprise à en sourire de liesse. C'était bien différent d'une douleur due à un coup durant un combat.
Lorsqu'il parvint, après plusieurs assauts, à entrer entièrement en elle, le cri qu'elle poussa ne fut pas sans rappeler sa nature d'Amazone.
Plusieurs sensations, toutes différentes, se mêlaient entre elles.
Stanislav se trouvait devant elle. Pourtant la faim qu'elle observait dans son regard l'avertit que ce n'était pas à l'homme capable de raison qui lui faisait face, qui la comblait, mais bien un mâle doué d'instinct et de besoins archaïques.
Elle se retrouva de nouveau dos contre lui, sa large main la plaquant pour l'obliger à s'arcbouter davantage. En éjaculant une première fois en elle, le grognement l'anima seulement d'une nouvelle passion. Sa main la relâcha. Whil pensa qu'il s'agissait là de la fin. Presque triste de ne pas pouvoir continuer, elle commença à se redresser au moment où elle le sentit se retirer.
Une douleur soudaine lui arracha un gémissement de liesse. Il l'avait saisi à la gorge pour la mordre à l'épaule, se nourrissant à ses veines. Son membre la pénétra de nouveau, le frisson qu'elle ressentit lui fit atteindre un nouvel orgasme alors que reprenait Stanislav dans sa frénésie. Une esquisse sur les lèvres, il lui sembla n'avoir attendu que ça depuis bien trop longtemps.
***
Reprenant peu à peu le contrôle, Stanislav visualisa enfin l'état de sa femelle. Des morsures, des bleus au niveau de son cou et de ses poignets, et du sang. Il l'avait mordu, mais également pénétrée alors que son corps frêle, fragile, n'avait pas été habitué à lui.
Si la culpabilité enserra son cœur, que la peur d'être de nouveau détesté lui fit regretter d'avoir aimé ces heures, le sourire sincère et rayonnant de Whil lui offrit un espoir.
— Stanislav, est-ce que je peux te demander de t'occuper de moi ? Je crois que je vais m'évanouir.
Elle ne s'évanouit pas, mais ferma doucement les yeux, prenant soin de lui attraper la main pour ne pas se séparer de lui.
Il la souleva, délicatement, l'emmena jusqu'à la baignoire non loin, remplis durant leurs ébats. Sans doute des curieux étaient venus jeter un œil, alertés par les cris d'une Amazone. Mais à présent qu'il était de nouveau dans sa forme plus humaine, que sa petite hybride était silencieuse, on ne viendrait pas les importuner.
Il entra avec Whil dans la baignoire, s'occupant de la nettoyer soigneusement. Elle lui avait confié cette tâche, lui accordant enfin sa confiance. Il ne la décevrait pas.
Peut-être que cet évènement avait brisé la distance entre eux ? Au final, remercier cette sorcière à l'origine du sortilège ne serait pas de trop.
Il se figea à l'entente d'un gémissement. Whil se plaqua contre lui, frottant sa joue sur son torse. Le mélange de sa semence et du sang se mêlait dans l'eau, mais surtout...
— Qu'est-ce que c'est ? s'étonna-t-il en appuyant contre ce qui lui semblait avoir été une plaie due à sa morsure.
La peau s'assombrissait là, durcissant.
— On dirait de l'écorce.
Et la plaie disparue. Curieux, il glissa sa main contre la cuisse de sa partenaire, chassant l'idée que si elle se réveillait elle se méprendrait sur ses intentions. Ses doigts touchèrent l'intimité de Whil, la faisant réagir. Mais surtout...
— Également dur...
Son autre part était sylvestre. Une Hamadryade ?
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top