Chapitre 13


« Miroir, miroir »

Son reflet lui paraissait normal. Ses yeux avaient toujours leur gris argenté, proche d'un gris ardoise. Sa peau n'était pas devenue verte ou bleu et ses cheveux avaient conservé leur couleur châtain clair. Elle n'était devenue ni Hulk ni un schtroumpf. Et elle n'avait pas non plus disparu pour laisser Lytanax reprendre définitivement les commandes.

Elle prit ses lunettes, hésitante à les retirer. Juste pour voir...

Non, elle ne devait pas. Lytanax était combattive. Elle était une Amazone. Mais ce dont Eglantine avait besoin en cette instant, ce n'était pas d'une Amazone. Ce dont elle avait besoin c'était d'elle, la jeune Eglantine qui était attentive à tout, qui réfléchissait à la vitesse de la lumière pour trouver le meilleur moyen de fuir. Quoique, il lui arrivait parfois de se paralyser face au danger. Ce qui était stupide, sauf quand cela lui sauvait la vie.

Elle sortit son portable de son sac, guettant un message. Victor était absent aujourd'hui et cela l'inquiétait un peu.

Habituellement, lorsque son ami ne venait pas à l'Université, il lui envoyait un message pour la prévenir. Ou plutôt pour lui demander de prendre les cours parce qu'il avait la « flemme » de venir. Chose impossible à faire alors que la semaine d'examens venaient de commencer. Mais là, rien. Aucun message. Il n'avait même pas répondu à ceux qu'elle lui avait envoyé. Pourtant, en cet instant elle aurait eu besoin de son meilleur ami à ses côtés. Elle avait besoin de parler à quelqu'un qui n'était ni son père, ni de la Ronde, ni un Tératos, autrement dit une créature du Téras.

Suite à sa visite auprès de sa mère, elle avait affirmé son désir de faire partie de la Ronde. Et on l'avait cru. Rien de très difficile. Persuader l'organisation qu'elle souhaitait anéantir le Téras pour venger sa mère sonnait comme une évidence. Même si avec Eglantine rien ne l'était jamais.

On l'avait autorisé à rentrer chez elle pour affronter ses examens. Sa vie d'étudiante prendrait fin et elle devrait officiellement entrer dans la Ronde. Et pour prouver sa bonne fois, tandis que le jour elle travaillerait pour sa licence, le soir elle devrait terminer sa mission concernant la Vouivre.

Son père était fier pour la toute première fois. Qu'en serait-il lorsqu'elle fuirait ce monde après l'obtention de son diplôme ?

Poussant un soupir, son portable retourna dans son sac. Deux examens en une matinée. Il était bientôt quatorze heures et elle n'avait toujours pas mangé. Son père souhaitait qu'elle rentre à chaque fin d'examen, raison pour laquelle elle lui faisait croire avoir des journées remplies de plusieurs examens.

En sachant que ses épreuves de la journée finies elle devait partir en traque, il valait mieux mentir. Réviser était important. Avec cette chasse au monstre, elle n'aurait jamais de temps. Alors à présent il était temps d'aller manger un peu et de réviser ! On ne travaillait pas l'estomac vide.

Mais soudain, elle se dressa droit comme un pic. Elle venait d'entendre un bruit. Cela n'avait rien d'étrange étant donné qu'elle se trouvait dans les toilettes de la fac. Il y avait donc de l'animation dans les couloirs. A cette heure-ci et en période d'examens, peu d'étudiant venait à l'université. Tout du moins très peu. Seulement, elle sentait que quelque chose n'allait pas.

Soit elle était prise par un genre de crise de délire – ce qui ne serait pas la première fois – soit Lytanax et elle continuaient leur fusion en délicatesse inconsciemment, permettant en cette instant à Eglantine de percevoir ce que des humains normaux ne percevaient pas.

Elle attendit à l'entrée des WC que quelqu'un entre. Lorsqu'un groupe de trois filles ouvrit la porte, elle en profita pour sortir, tête basse, imitant les étudiants qui avançaient dans le même sens qu'elle afin de passer inaperçu tandis qu'elle observait autour d'elle. Tant pis pour les révisions, elle se sentait devoir fuir.

« Retourne-toi ! », lui hurla soudain Lytanax.

Elle fit volteface, se retrouvant alors nez-à-nez avec le torse d'un homme. Son cœur s'emballa immédiatement au contact de l'autre genre. Elle n'aimait pas la proximité.

Trop près.... Il était beaucoup trop près...

La main de l'homme se posa sur son épaule, lui arrachant un frisson bien énigmatique. Quelle était cette sensation ? Bien sûr, elle n'aimait pas les hommes – ou plutôt Lytanax ne les aimait pas – mais là... C'était différent.

Ses yeux se levèrent pour regarder le visage de l'individu qui la touchait comme s'ils se connaissaient. La peur la tétanisa sur place.

Il était là. Stanislav Dyavol.

— Vous... mais qu'est-ce que...le Soleil...

Elle bégayait, ne parvenant pas à faire le tri dans ses pensées. Il était un vampire et pourtant il se tenait là, devant elle, en plein jour. Dehors, le Soleil était à son zénith, la chaleur vagabondait de-ci de-là, ne permettant pas aux quelques brises d'apaiser la venue de l'été. Et un vampire, ça craignait le jour. Sauf lorsqu'ils utilisaient du Parasolem, une création de la Ronde lorsque celle-ci était encore une alliée du peuple vampirique, et plus précisément des vampires. Cette crème solaire permettait au vampire de se protéger partiellement du Soleil, même s'il leur était conseillé de rester à l'ombre autant que possible.

— Je te déconseille de faire une scène, Eglantine. À moins que tu ne veuilles avoir la mort de la centaine d'étudiants qui se trouvent encore dans ton Université.

Il ne prendrait jamais le risque, n'est-ce pas ? Les Tératos ne s'exposaient jamais, conscients que les humains face aux surnaturels ne réagissaient pas toujours comme ils le voudraient. La preuve en était la création de la Ronde. Devant ces créatures, la Ronde n'avait pas fléchie et avait immédiatement compris le danger de ces nouveaux prédateurs, répliquant à la violence par la violence.

Seulement, elle ne parierait pas sur la discrétion du vampire. Elle le croyait lorsqu'il affirmait pouvoir tuer tous les humains ici simplement pour supprimer les potentiels témoins si elle hurlait. Et de toute manière, elle hurlait rarement. On lui avait appris à ne pas le faire. Elle, elle ne criait pas. Elle tuait.

— Que faites-vous ici ? Et comment m'avez-vous trouvé ?

— Je sais beaucoup de chose sur toi, Eglantine Seward.

Il connaissait son nom de famille. Consciente de ne pas avoir de notoriété auprès du Téras en tant qu'Eglantine Seward, elle savait que Stanislav pouvait faire le lien avec son père. Avec le fameux Docteur Seward...

Et lorsqu'il lui rendit son portefeuille, elle blêmit de terreur. Elle ne commettait jamais l'erreur d'abandonner ses affaires. Même les pickpockets ne pouvaient la voler. Alors quand et comment avait-elle pu perdre cet objet pourtant essentiel à sa vie de tous les jours ?

— Tu l'as fait tomber le soir où tu t'es enfuie en me traitant de monstre.

Mais c'était parce qu'il en était un de monstre !

Elle reprit son portefeuille, le rangeant dans son sac. Et alors qu'elle pensait que c'était tout, qu'il était simplement venu pour lui rendre ce qui lui appartenait, il l'entraina avec lui.

— Mais... Mais, qu'est-ce que vous faites ?

Lorsqu'ils arrivèrent dans un couloir totalement désert, il ouvrit une porte pour l'obliger à entrer dans une salle de cours totalement vide en période d'examen. Il se tourna vers elle, la plaquant contre un mur avec une violence qui lui coupa le souffle.

— Je sais que tu fais partie de la Ronde, tout comme ton père. Alors si tu tiens à la vie et à celle de ton entourage, je te déconseille de me résister, Eglantine.

S'il voulait lui faire peur, c'était réussi. Elle tremblait et sa vue se brouillait de larmes incapables de tomber.

— Non, ne pleure pas. Je suis désolé, se mit-il à paniquer en retirant aussitôt ses mains de sa prise. Je ne voulais pas dire... Je veux dire...

Essuyant les larmes de l'étudiante avant qu'elle n'ait eu le temps de les faire tomber, il lui offrit un sourire nerveux.

— Je suis navré, je voulais te parler mais en prononçant ton nom, la colère m'a de nouveau envahi. Ton père n'est pas un homme très... Enfin, il s'agit peut-être de rumeur. Pardonne-moi...

Il tentait d'épargner ses sentiments, se retenant de prononcer la moindre cruauté à l'encontre de son père.

— Mon père n'est pas un homme bien, lui autorisa Eglantine. Pas envers les gens de ton monde.

Apaisé par les propos d'Eglantine, il lui prit la main, l'emmenant avec lui.

Etrangement, cette main dans la sienne paraissait tendre. Sa prise n'avait rien de forte ou de dominante. Elle était simplement là, enlaçant celle d'Eglantine

Dehors, l'astre solaire sur sa peau semblait glisser sur lui, ne l'atteignant jamais totalement. Conscient de sa propre faiblesse face au Soleil, il retrouva l'abris de l'ombre, continuant de marcher avec elle tout en évitant au maximum les zones de lumières.

— Attendez ! Où m'emmenez-vous ? réalisa-t-elle soudain.

Le lieu où il l'emmena, ce fut au bord de la Loire. S'installant sur un banc en sa compagnie, là où peu semblait venir, il attendit un instant. Elle finit par s'asseoir à ses côtés.

— Eglantine, ce que je t'ai dit hier...

— Je... Je pense que vous étiez confus, le coupa-t-elle aussitôt. L'être destiné est un partenaire très important pour les Tératos, quelque chose de bien plus fort que ce que n'importe quel humain pourrait ressentir. Nous sommes limités à l'amour mais les créatures du Téras ressentent bien au-delà. Même si vous n'avez pas de mot pour réellement définir ces sentiments.

Un peu paniquée par ses théories, elle se perdit dans sa science, ne contrôlant plus le flux de ses pensées.

— Autrefois, les créatures du Téras ne pouvaient se reproduire qu'avec ce partenaire prédestiné. Un être compatible à cent pourcents, le seul capable de permettre l'engeance de nourrisson. Aujourd'hui, la fertilité des Tératos a augmenté et la vision du partenaire destiné s'est élargie comme l'image d'un être capable d'offrir un bonheur éternel. Et même si les termes de mâles et femelles restent encore dans votre vocabulaire, vous...

— Eglantine, l'arrêta alors Stanislav.

Elle balbutia avant de cligner des yeux à une vitesse étourdissante. Le rouge aux joues, prise d'un vertige, elle ne sut quoi rajouter. Sauf peut-être une preuve que le vampire se trompait.

— Les humains n'ont pas de partenaire prédestiné.

Ne lui donnant pas la possibilité de fuir la réalité, il lui prit la main, posant sa paume contre sa poitrine. Des battements se faisaient par moment entendre. Le cœur d'un vampire ne battait pas.

— Seule toi possède le pouvoir sur ce cœur, Eglantine. Je te sais appartenir à la Ronde, sans doute détestes-tu le Téras, mais pourrais-tu envisager de faire tomber cette haine ?

— La Ronde est en partie responsable de votre chute, lui rappela-t-elle alors.

— Je sais, j'y étais. Mais je ne me souviens pas de t'avoir vu. Pourquoi te haïrais-je pour les désastres commis par tes prédécesseurs ?

— Parce que je suis comme eux.

Qu'allait-il lui arriver ? Stanislav voudrait sans aucun doute la détruire, surtout s'il apprenait qu'elle n'était pas seulement un agent lambda de l'organisation mais bien une arme ayant participé à de nombreuses missions d'exécution.

— Et je suis en ce moment même sur une mission.

Eglantine sentait que Lytanax s'insinuait partiellement dans la conversation, désireuse elle aussi de parler au vampire. Même si cela signifiait voir s'effacer le tendre sourire de son visage.

Petit à petit, Lytanax remplaça Eglantine. Elle posa sa main sur l'épaule du beau mâle, se penchant près de son oreille.

— J'ai une Vouivre à tuer. Peut-être que demain on me confiera ta tête à apporter sur un plateau d'argent.

Relâchant sa main, il la laissa se lever. Aussi, elle se dressa devant lui. Aucune esquisse, pas même l'ébauche d'un sourire. Stanislav cachait sa colère, les poings serrés.

— Ne croise plus mon chemin, Stanislav Dyavol, ou bien je me chargerai de faire taire ce cœur tout neuf battant dans ta poitrine.

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