Chapitre 11



La mère d'Eglantine était morte lorsqu'elle n'était encore qu'un bébé. Elle avait été tuée par une créature du Téras, à l'origine de la décision de son père à rejoindre la Ronde.

L'organisation s'était présentée à lui lorsqu'elle avait eu vent de l'évènement tragique. Et il avait immédiatement accepté de les aider dans leur quête de détruire le Téras. Aujourd'hui, il était un membre indispensable de l'organisation. Il avait abandonné son nom et sa vie pour devenir Solomon Seward. Elle en avait fait autant bien malgré elle.

— Tu as dit que nous allions voir maman, ne pouvait s'empêcher de rappeler Eglantine à son père.

Elle s'était attendue à ce qu'ils retournent en Franche-Comté, près de la frontière franco-allemande. Cela leur aurait fait plusieurs heures de route depuis Paris, sans compter les bouchons juste pour sortir de la capitale.

C'était là-bas qu'ils avaient initialement habité. Là-bas que la mère d'Eglantine était morte. Ses parents s'étaient rencontrés alors que chacun se trouvait en randonnée dans la Forêt-Noire.

Sa mère reposait dans le cimetière d'un petit village. Eglantine et son père venaient lui porter des fleurs lors de son anniversaire ainsi que le 1er Novembre, le jour des Morts.

Alors pourquoi se trouvaient-ils toujours dans le Sacré-Cœur ?

Eglantine, loin de détester les religions, n'était pas catholique. Son père était d'ailleurs encore plus fermé qu'elle vis-à-vis de la foi et des croyances, les qualifiants de substituts pour rassurer les Hommes dans la médiocrité de leur existence.

Ils étaient remontés des souterrains cachés du public, trouvables par des passages secrets dignes d'un James Bond. A présent à la surface, elle pouvait admirer avec horreur le monde fou qui se trouvait à l'intérieur, ce qui ne la rassura pas.

Un prêtre vint à leur rencontre.

— Docteur Seward, par ici je vous prie.

Et ils suivirent le prêtre, Eglantine agrippant la manche de son père pour ne pas être séparée de lui alors que la foule la terrifiait. Elle commençait à voir trouble.

— Eglantine, ferme les yeux.

Ils s'étaient arrêtés. Et sous les conseils de son père, elle ferma les yeux. Alors elle le sentit lui poser un casque sur la tête. Le bruit de la foule cessa, laissant place au Requiem de Mozart. Elle aimait cette musique, en particulier Lacrimosa.

Son père l'entraina avec lui, elle gardait les yeux fermés, montant et descendant sans cesse des escaliers, traversant des couloirs aussi. Et lorsqu'ils parvinrent dans un lieu tranquille, il lui retira son casque et elle rouvrit les yeux. Mais ce qu'elle vit ne la rassura pas. Où se trouvaient-ils ?

La pièce était immense. Les murs en pierres anciennes contrastaient avec la modernité qu'apportait les ordinateurs et les escaliers de fers.

Il y avait beaucoup de monde, la plupart en blouse blanche ou en costard. Ainsi que deux ou trois prêtres.

— Bienvenue dans une partie secrète de la Ronde, Eglantine. Suis-moi, lui murmura son père.

Toujours le bout de la manche dans ses mains, elle se laissa guider par son père qui traversait diverses pièces. Elle se devina être en-dessous du Sacré-Cœur. Quoique, les cours d'histoires de l'art de ses amis relatant de l'architecture voulaient l'induire en erreur, la plongeant dans la confusion. Il était possible qu'elle soit dans un étage...

Elle ne savait pas. La Ronde occupait-elle également l'étage du Sacré-Cœur ? L'organisation se trouvait un peu partout dans le monde, mais elle avait toujours cru que le Sacré-Cœur était un genre de QG dont les sous-sols secrets avaient été envahi pour se transformer en lieu d'entrainement et de recherche. Alors que faisait un étage ici ?

Bientôt ils arrivèrent dans une pièce bien étrange.

Plusieurs tubes remplis d'eau contenaient en eux des individus vêtus de combinaisons, traversés par des tuyaux. Et parmi eux, Eglantine reconnue une personne. Elle l'avait vu tant de fois en photo...

Elle se précipita sur la femme dont la chevelure flottait autour de son visage. Elle était endormie, comme tous ceux qui se trouvaient dans les tubes. Eglantine posa sa main contre la paroi de verre, ne pouvant croire ce qu'elle voyait. La femme lui ressemblait presque trait pour trait.

— Maman...

Son père la rejoignit.

— Tu m'as dit qu'elle était morte.

— Elle ne l'est pas. Du moins pas vraiment. Le soir où les Idoles ont pénétré notre maison, elle s'est vaillamment battue et elle a perdu. Les Idoles ont cru l'avoir tué. Ce n'était pas le cas. Je l'ai conduite à l'hôpital et la Ronde l'a faite passer pour morte, l'emmenant ici pour en prendre soin. Contre sa vie, je devais leur offrir mes services.

Il regarda autour de lui. De nombreux autres tubes s'y trouvaient, eux aussi avec un être inconscient contenu à l'intérieur.

— Ils sont tous des spécimens, des créatures du Téras.

Puis son regard se posa sur Eglantine. Elle commençait à comprendre la situation. Sa propre situation.

— Maman n'est pas humaine, n'est-ce pas ?

— Non, elle ne l'est pas. Et toi non plus. Elle est une Amazone, ce qui fait de toi une hybride. A moitié Amazone, à moitié humaine.

— Tu dois plaisanter...

— C'est la raison pour laquelle Lytanax existe, Eglantine, commençait enfin à lui livrer son père. La partie combattive de toi est celle qui regroupe tous tes instincts d'Amazone. C'est pour cela qu'elle s'active lorsque tu bois, que tu te regardes dans un miroir ou bien lorsque tu te trouves dans une situation de danger imminent. Tu ne tiens pas l'alcool comme une créature du Téras le pourrait et le danger active tes instincts primitifs. Et enfin, lorsque tu te vois dans un miroir, ton inconscient n'arrive pas à comprendre qui de l'humain ou de l'immortelle tu es. Alors il choisit le plus puissant. Le problème étant que tu es à moitié humaine. Les autres spécimens hybrides n'ont pas ces problèmes de personnalités. Mais toi oui, parce que les expériences menées sur toi lorsque tu étais enfant ont créé un double. Une protection.

— Non, je ne te crois pas... Je ne me souviens pas d'expériences...

— Lytanax est celle qui les a subis. Elle, elle s'en souvient.

Eglantine commençait à comprendre où voulait en venir son père, en conséquence de quoi elle secoua la tête de droite à gauche, sa main se leva pour se placer devant sa bouche. Elle ne voulait pas y croire...

— Tu dis que Lytanax... Elle est l'Amazone en moi ? Elle est une personnalité créée pour me protéger ? voulut-elle se rassurer en espérant avoir simplement mal interprété les dires de son père.

Mais ce dernier ne lui fit pas le plaisir d'un mensonge.

— Non, Eglantine. Aucune de vous deux n'est la personnalité première. Tu es celle qui a été créée pour la protéger. L'humaine qui empêche l'humanité de te tuer, qui protège Lytanax de la Ronde. Lytanax est l'Amazone protégeant l'humaine du Téras.

Eglantine se pétrifia. Elle avait toujours cru que Lytanax était une deuxième personnalité. Elle avait toujours pensé être la première, la « vraie » personnalité...

— Je ne serai pas réelle... Tu dois mentir...

— Eglantine, ne te projette pas dans le déni. Nous n'avons pas ce luxe.

Ce luxe ? Se moquait-il d'elle ?

Elle apprenait que son existence ne reposait que sur la peur de Lytanax et on attendait d'elle qu'elle accepte simplement son sort de bouclier ? Mais comment passer sur ça ? Eglantine n'était pas réelle... Elle n'était qu'une création... Allait-elle disparaitre ?

— Hier, tu as réussi à franchir un sortilège « repousse-humain ». Ce qui n'est pas bon signe.

— Comment ça ?

— Cela signifie que tu approches de l'Eclosion. Lytanax m'avait prévenu et je l'ai ignoré.

Eglantine savait ce qu'était l'Eclosion. Et si elle était vraiment à moitié Amazone, si son père disait vrai, alors elle était mal. Vraiment très mal.

L'Eclosion signifiait le passage dans l'immortalité. Elle garderait son apparence présente pour toujours. Plus forte, plus rapide, plus... Amazone. Elle deviendrait une Amazone à part entière. Lytanax, la personnalité Amazone de son corps, prendrait le contrôle et s'emparerait de tout le potentiel et de toutes les aptitudes des Amazones. Ses yeux vireraient au vert lors de fortes émotions, sa force serait plus grande, son habileté au combat presque inégalable, comme une seconde nature, et sa haine pour les hommes plus meurtrière encore. Quoique, des études montraient que la haine que vouait les Amazones pour les mâles n'était peut-être pas inné mais plutôt un acquis. Quelque chose de leur culture.

— Je vais disparaitre.

— Non ! Tu ne disparaitras pas, Eglantine. Toi et Lytanax...

— Nous allons fusionner.

Elle le comprit en repensant aux évènements d'hier et ce moment où l'impression d'être Lytanax l'avait envahi. Était-ce cela qui l'attendait ? Elle serait Lytanax. Lytanax serait elle.

Et pour oublier sa peur montante, Eglantine regarda sa mère. Elle était si belle.

— Pourquoi est-elle dans cet état ?

— La Ronde la garde dans le coma. C'était soit ça, soit elle était tuée. Elle est la seule créature du Téras qui en vaille la peine...

Alors ce n'était pas vraiment par choix que son père avait rejoint la Ronde mais par obligation. Pour sa mère.

— Si je suis une hybride, cela signifie que c'est de ma faute si maman a été attaquée, n'est-ce pas ?

— Que dis-tu ?

— Les Idoles tuent les hybrides et leurs géniteurs. C'est parce qu'elle m'a fait naître qu'elle a été...

— Non, ce n'est pas de ta faute Eglantine. Tu étais ce que nous voulions. Nous connaissions tous les deux les risques mais nous avons décidé d'écouter nos cœurs.

Il regardait sa mère avec une telle tendresse qu'un instant Eglantine se remit à penser à Stanislav. Il avait parlé de destin. Est-ce que ses parents étaient des êtres destinés eux aussi ? Un humain et une créature du Téras...

Cette pensée la fit sourire.

— Merci papa.

Elle comprit que son père n'était pas un homme froid. Il était simplement maladroit, ne sachant pas comment se comporter en père. Mais il s'inquiétait réellement pour elle, et pour sa sécurité.

« Idiote ! Tu ne vois pas qu'il te manipule ? », continuait de s'égosiller Lytanax dans sa tête.

— Pourquoi moi je ne suis pas dans l'un de ces tubes ?

— Parce que j'ai convaincu la Ronde que je pouvais dissocier la partie tératos pour laisser la partie humaine prendre le contrôle. Ainsi, l'hypothèse principale était que nous pouvions contrôler la créature du Téras. Aujourd'hui, l'organisation pense que Lytanax est sous ton contrôle et que tu peux la laisser apparaitre et disparaitre selon tes désirs.

— Ils t'ont cru ?

— Tant que tu travailleras pour eux, tant qu'ils penseront que tu es une arme utile, oui.

Voilà pourquoi on s'acharnait tant à l'obliger à devenir une traqueuse alors même qu'elle rêvait de paix et de tranquillité...

Il lui caressa les cheveux, la berçant doucement. Et avec sa mère à côté, Eglantine eut l'impression de vivre un véritable moment en famille. Tous les trois, obligés de vivre pour la Ronde.

Elle quitta son père, posant de nouveau sa main contre la paroi de verre.

— Maman...

Le seul moyen pour délivrer sa famille des griffes de l'organisation était d'en devenir l'arme jusqu'à ce que sa mère revienne par un miracle merveilleux. Mais même avec ça, Eglantine savait pertinemment que sortir de la Ronde serait à tout jamais impossible.

Si sa mère se réveillait un jour, elle serait prise en otage pour obliger son père et pour l'obliger elle à travailler contre le Téras, un monde auquel Eglantine appartenait également à présent...

Elle crut voir les paupières de la femme bouger, comme pour lui faire comprendre qu'elle l'écoutait. Son père semblait plus aimer ce moment à observer la femme inconsciente plutôt que d'être aux côtés de sa fille à l'esprit scindé en deux. Tout deux appartenaient à un monde auquel elle n'aurait sans doute jamais accès malgré leur lien de sang.

Ce moment la conforta dans une décision déchirante. Lytanax avait raison. Elles devaient fuir la Ronde et tout laisser derrière elles. Et cela commençait par baisser la garde de l'organisation en lui faisant croire une allégeance fidèle et sincère.

Utiliser sa mère comme preuve de son désir d'anéantir le Téras, une vengeance. Voilà ce qui saurait les convaincre.


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Bonjour/Bonsoir ^^

Comment allez-vous ??

J'ai comme qui dirait quelques jours de retard. Mais pas d'inquiétudes, j'avais juste oublié de publier ce chapitre... 

J'espère que l'histoire vous plait toujours ^^ Je vous donne rendez-vous la semaine prochaine avec la suite de notre aventure x)

Tschuss

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