Chapitre 9.2
Trahison ? Sachant qu'aucun d'entre ne lui avait fait de promesse et qu'elle ne s'était jamais attendue à être traitée comme une invitée, on ne pouvait pas affirmer qu'elle se sentait trahie.
Aller ma vieille, souviens-toi de ton objectif, ne le perd pas de vue. Abandonnée des Idoles, ces dernières souhaitaient seulement sa mort pour une raison qui n'avait pas la moindre importance. Alors dans l'immédiat, sa liste de choses à faire était très modeste. En premier, s'enfuir. Et personne ne souhaitait lui ouvrir la porte de ce château pour la laisser partir. Donc, une fois en cavale, elle devrait faire un saut à l'abbaye en ruine, et ainsi retrouver le village breton qu'elle avait quitté malgré elle pour se retrouver... quelque part. Elle ne savait même pas où elle se trouvait ! Ce QG pouvait bien être à côté des ruines que dans un autre pays. Ou bien dans le Téras lui-même ! Non, pas dans le Téras. Il leur faudrait un pass pour pouvoir aller de la terre des Hommes au Téras sans problème. Et ces pass sont trop rares pour que ces guignoles en aient un.
Pour l'instant, un obstacle de taille se dressait entre elle et son avenir : des chaines.
Vêtue seulement de ses sous-vêtements, enchainée sur une chaise, elle n'avait pourtant pas à se plaindre. Tant qu'on ne la laissait pas seule avec Ghofrane. Si cela arrivait, là oui, elle s'inquièterait. Les autres la torturaient, mais la goule la tuerait pour remplir sa mission au
Léonis s'épongea le front, visiblement épuisée. Le sang tachait tout ce qui était tachable. Les peaux, les vêtements, le sol, le mur... Tout.
— Bordel, elle ne craque vraiment pas cette saleté de sangsue.
Peter poussa un soupir ennuyé. Lui aussi avait été attaché, non pas pour être torturé comme Jehanne, mais parce qu'il avait voulu l'aider.
— Si vous m'aviez écouté, ça vous aurait épargné des heures inutiles de torture.
— Elle n'est pas insensible, se défendit Léonis, vexée de ne pas avoir encore tiré la moindre information de sa part. Elle crie.
— Jehanne, commença Peter sur un ton las. Je sais que tu crèves d'envie de te foutre de nous alors parles, ne te gêne pas.
Et après deux heures de silence à seulement crier et supplier, Jehanne éclata de rire, véritablement amusé.
— Mordiable, c'est pourtant évident que je simule. Ou alors, je suis devenue une bonne actrice ? Vous êtes vraiment trop mignons avec vos instruments, je n'osais pas vous vexer en vous pointant du doigt les défauts dans vos techniques d'interrogatoires. Oh, et merci pour le roich, j'en avais réellement besoin.
Ces idiots lui en avaient filé en pensant qu'elle deviendrait plus docile.
Peter fut détaché. Se massant les poignets, il s'approcha de Jehanne, arrêté par Salathiel à partir d'une certaine distance.
— Il y a quelques mois, Jehanne a échoué lors d'une mission.
Il n'y eut que Salathiel pour comprendre ce que cela signifiait apparemment.
— Les Idoles l'ont enfermé dans leur prison.
— Et donc ? questionna Léonis.
— Petite hybride naïve, cela signifie que les Idoles m'ont fait en quelques secondes ce que tu n'es pas parvenue à réaliser en deux heures.
— Les prisons des Idoles sont un lieu dans lequel la Mort ne peut pas entrer, reprit Peter sur un ton plus poétique. Leurs prisonniers y souffrent continuellement, et les Idoles sont très créatives.
Cette fois-ci, chacun comprit très clairement ce que cela impliquait.
— Pourquoi torturer leur meilleure arme ? s'étonna Léonis.
— Demandons son avis à Ghofrane, proposa Nethanel.
L'homme entra dans la pièce avec Ghofrane, confortablement attachée sur une chaise roulante. Son regard furieux se posa sur Jehanne qui éclata de nouveau de rire.
— Putain Ghofrane, t'es-tu faite prendre ? Toi qui avais l'air si sûre de toi.
Léonis paru aussi surprise que Peter.
— Ghofrane sert d'espionne et d'exécutrice aux Idoles.
— Ghofrane ? Mais tu nous as rejoints pour venger ton fiancé.
La pauvre Léonis paraissait totalement dépassée par la situation.
— Il n'est pas mort, répondit Jehanne. Je l'ai expédié aux Idoles par le passé.
— Espèce de salope ! Je vais te tuer ! hurla Ghofrane en cherchant à lui sauter dessus. Et vous !
Elle se tourna vers le reste des rebelles.
— Tout est votre faute ! C'est parce qu'il travaillait pour vous que Afritnar est enfermé dans les prisons des Idoles !
— Ghofane, ce qui arrive à Afritnar est entièrement ta faute.
Elle se pétrifia de stupeur devant l'accusation de Salathiel. Même Jehanne était surprise.
— Nous avons libéré les nôtres lorsqu'ils étaient emprisonnés, les Idoles les gardant seulement en otage. Si tu ne nous avais pas menti en affirmant qu'il était mort, nous l'aurions fait libéré depuis longtemps.
Vraiment, Jehanne passait la meilleure journée de sa vie. Il ne manquait que du pop-corn devant ce feuilleton télé auquel elle assistait en direct dans la vraie vie.
— Vous... Vous pouvez le libérer ?
— Bien sûr. Mais je ne peux plus te faire confiance, Ghofrane.
En une fraction de seconde, la tête de la goule roula au sol, son corps continuant tout de même de bouger durant quelques instants alors que Salathiel nettoyait son épée.
On ne devenait pas chef de la Rébellion avec de la clémence.
— Tu devais t'attendre à ce que je compatisse, se tourna-t-il vers elle. Je vais donc te raconter une histoire.
Il laissa tomber le tissu ayant nettoyé son arme.
— Afritnar nous a rejoints pour des raisons qu'il ne m'appartient pas de révéler. Il a rencontré Ghofrane bien plus tard. Cette goule n'a jamais aimé la Rébellion, nous voyant comme des clowns. Elle est celle ayant prévenu les Idoles pour son fiancé. Sans doute qu'elle pensa alors que les Idoles nous détruiraient et qu'elles épargneraient Afritnar.
Stupide. Cette goule avait de quoi faire pitié tant tous ses choix avaient été merdiques.
— Nethanel, prépare l'équipe Ghost. Nous devons faire sortir Afritnar de son enfer.
Nethanel partit aussitôt.
Salathiel se posa devant Jehanne, le visage pensif soutenu par sa main.
— La torture ne fonctionne pas sur toi et tu ne sembles pas vouloir obtempérer. Que devrions-nous faire de toi ?
— Salathiel, nous ne pouvons pas la tuer, tenta de la sauver Peter.
— Arian se remettra. Le Destin lui en offrira une autre.
Voilà, l'avenir de Jehanne était enfin scellée. La Rébellion allait faire ce qu'on attendait d'elle. Exécuter Jehanne, au grand plaisir des Idoles. Quelle ironie du sort...
***
Arian ne faisait que grogner, son corps ayant entamé la transformation. Salathiel se désola d'un tel spectacle. Le Lycan, enchainé et à terre, résistait à l'envie de lui arracher la tête parce qu'il avait encore l'espoir que son chef change d'avis.
— Depuis quand es-tu réveillé ?
— Qu'as-tu fait, Salathiel ? Je l'ai entendu hurler !
— Elle est vivante, et elle a ri de nos tortures.
— Évidemment ! Elle a été torturée par les Idoles il y a peu.
Salathiel grimaça, visiblement agacé par cette révélation.
— Existe-t-il quelqu'un qui n'était pas au courant pour cette putain d'information !
Ce haussement de ton figea chacun dans la pièce.
— Salathiel, tu ne peux pas la tuer, intervint Peter. Ce n'est pas pour rien que Jehanne se trouve ici. Les Idoles comptaient sur Ghofrane pour la tuer.
Ghofrane ? Avait-il loupé un épisode ?
Léonis approcha, le détachant tout en lui expliquant en détail ce qu'il s'était passé dans les cachots.
— Leur arme génocidaire, Salathiel. Les Idoles savent être respectueuses. Elles l'auraient tué elles-mêmes.
Chacun se mettait enfin à repenser à Jehanne, à envisager de ne pas la tuer. Il avait simplement suffi que Peter s'exprime... Arian devait l'admettre. Contrairement au dhampire, lui était bien inutile.
— Elles craignent Jehanne, devina Salathiel. Mais c'est insensé. Les Idoles ne craindraient pas un vampire.
Arian ne s'était pas attendu à ça. Les Idoles, créatures immortelles et invincibles, ne pouvaient mourir que d'une seule manière. Tuées une autre Idole. Salathiel n'avait rien d'une Idole, et il était la seule exception, le seul autre tératos à en avoir vaincu une. Il avait tué Orage, un Ancien, défunt chef des Idoles.
Alors que ces créatures arrogantes puissent craindre Jehanne au point de confier sa mort à la Rébellion...
Ghofrane nous a vraiment pris pour des cons lorsqu'elle nous a renseignés sur la position de Jehanne dans ces ruines françaises.
S'ils l'avaient tué, si Arian n'avait pas vu en elle son âme sœur, la Rébellion aurait laissé passer une chance inestimable d'obtenir un atout contre leurs ennemis.
— Mais ça ne change pas qu'elle ne parle pas, reprit Léonis.
— J'ai peut-être une idée pour ça. Mon ami, tu vas pouvoir remplir ce rôle que tu souhaites tant avoir depuis ta rencontre avec elle.
Le chef s'adressait enfin à Arian avec des mots qui lui plaisaient.
— Tu vas devenir son sauveur et protecteur.
***
Cela faisait bien une heure ou deux que Jehanne poireautait dans ces lieux moisis. Pas de torture, pas de bourreau venu avec sa hache pour l'achever. Il n'y avait qu'elle et la tête de Ghofrane. Son corps gisait plus loin.
— Ghofrane, faut garder la tête froide.
Elle ricana de sa plaisanterie débile.
— Franchement, elle a fini par perdre la tête, continua Jehanne sur sa lancée.
Plusieurs autres jeux de mots lui vinrent à l'esprit, mais elle s'abstint. Se débarrasser de ses chaines s'avéraient plus difficile que prévu. Cette fois, les idiots l'avaient estimé à sa juste valeur et elle était vraiment incapable de bouger. La chaise, fixée au sol, refusait de se déplacer lorsqu'elle remuait le derrière en se dandinant.
Soudain, un hurlement bestial fit vibrer les murs de la demeure. Jehanne se pétrifia, reconnaissant en ça le cri d'Arian. Elle n'aurait su l'expliquer, mais elle le ressentait.
Les minutes passèrent, et un inconnu fit son apparition. Son visage pivota, observant Arian qui entrait dans la pièce. Encore vacillant à cause des tranquillisants, le corps blessé en de multiples endroits, il avança pour venir tomber à genoux devant elle, commençant à la détacher. Il était salement amoché, et elle ne douta pas qu'il s'était battu contre les membres de son groupe pour venir à elle.
Pour me sauver.
Une fois déliée, Jehanne se posa au côté du loup, plaça son bras autour de ses épaules afin de l'aider à se relever et à s'asseoir. Il l'attrapa, l'emmenant jusqu'à ses genoux pour perdre son visage dans le creux de son épaule.
Son étreinte, tremblante, semblait vouloir la garder pour toujours à ses côtés.
— Jehanne, tu es blessée... Je suis tellement désolé...
— J'ai faim.
Il s'empressa de la soulever pour la placer torse contre torse sans lui donner l'occasion de se décrocher de lui.
— Ne me demande pas de te lâcher Jehanne, j'en suis totalement incapable pour l'instant. C'est au-delà de mes forces. Bois mon sang, guéri. Je te le supplie.
Ses serres se révélèrent, répondant à la demande du loup bien mal en point. Elle n'était pas un vampire. Elle était une Kér. Et ce fait allait lui valoir d'être traquée pour toujours pas les Idoles, comme sa famille auparavant. Ne nous voilons plus la face, c'est sans doute pour ça qu'elles veulent me voir morte.
— Tu es trop faible, Arian. Je ne veux pas te blesser.
— Depuis quand t'en soucies-tu ?
Excellente question. Sûrement était-elle touchée de savoir le loup avoir combattu aussi durement pour elle ?
— J'ai menti. J'aime vraiment ton sang, alors je ne veux pas que ma boisson favorite s'effondre lorsque j'aurai vraiment besoin d'elle.
Un rictus se forma au coin des lèvres d'Arian, qui finit par se lever.
— Partons. Je...Je ne me suis pas senti la force de les tuer, malgré ce qu'ils t'ont fait.
Et elle pouvait comprendre.
Arian la reposa à terre, la tirant par la main.
— Et où va-t-on ?
S'ils devaient fuir les Idoles et la Rébellion, leur cavale risquait de devenir très compliquée.
— Fais-moi confiance.
Jehanne hésita, mais elle n'avait pas le choix. Finalement, ce Lycan était son seul espoir. L'insensible Kér décida qu'Arian méritait qu'elle reste un peu plus longtemps avant de lui fausser compagnie. Au moins pour ce qu'il avait fait pour elle, à savoir se détourner de tous ses compagnons d'armes.
J'aurai tout le temps de m'en débarrasser en chemin.
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Dernière mise à jour : 30/06/2024
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