Chapitre 8.1

« Tigre, Tigre, lumière brûlante

Dans les forêts de la nuit,

Quelle main immortelle ou quel œil

Ont eu l'audace de saisir ta forme assassine ? »

— William Blake, Tyger


La menace se trouvait rustre, mais sans doute empreinte d'un soupçon de vérité.

Il n'émanait pas du loup la colère et la haine classiques à laquelle Jehanne s'était habituée. Une animosité ressentie à son encontre depuis qu'elle s'était rangée dans le camp des Idoles. Et avec de tels mots, Arian laissait présager de ses intentions combattives, certes, mais dans un domaine bien plus charnel.

Elle n'aurait pas à faire avec un guerrier voulant la décapiter, mais avec un mâle voulant gagnant un rôle dominant dans une relation qu'elle ne désirait pas.

Quoique. Il est vraiment... pas mal foutu.

Non, elle devait oublier ce genre de pensée. Ce guerrier avait beau être tout en muscle, posséder des mains capables de briser la pierre et une odeur singulière, elle ne devait pas aller dans son sens. Pas d'attirance physique. Pas même pour un petit coup comme ça, pour le plaisir.

— Tu es arrogant, lui lança-t-elle.

Il ne se vexa pas, se contentant de dresser une fiole de roich pour la narguer. Le liquide rougeâtre attirait le regard. Elle devait paraître bien misérable en cet instant, à laisser son regard aller entre une minuscule fiole et un Lycan plus que dangereux.

— Et tu es bien confiante pour une toxico.

— Je ne suis pas une toxico.

C'est la médicamentation !

Un sourire malsain sur les lèvres, l'homme agitait le flacon de roich avant de le laisser tomber. Elle se précipita à une vitesse éclair sur l'objet, certaine qu'elle le rattraperait avant sa chute. Excepté que Jehanne avait oublié une chose. Elle était comme ces toxicos, à oublier ce qui l'entourait lorsque l'objet de son obsession se présentait à elle. Or, ce qui l'entourait en cet instant était très, très dangereux.

Et lorsqu'elle prit conscience qu'elle venait d'être piégée, ce fut trop tard pour elle. Arian s'était saisi de la femme pour la plaquer contre un mur. La fiole se brisa.

— Non ! hurla Jehanne en tendant la main vers son précieux.

Elle trembla, observant le contenu se répandre sur le sol. Elle avait besoin de... elle en avait besoin...

Elle en avait eu besoin à son réveil, elle en avait besoin maintenant. Ses douleurs étaient réelles ! Ce Lycan n'avait aucun droit de le lui interdire !

La main d'Arian se posa sur son visage, lui arrachant un frisson bien mystérieux qui noya son envie de lui arracher la peau. Pour la première fois depuis longtemps, Jehanne détourna ses yeux de roich encore consommables, même s'il s'étalait par terre, au milieu de saleté en tout genre. La crasse ne l'aurait jamais empêché de s'y abreuver tant elle en avait besoin. Mais lui... Ces pieux d'argent pour regard s'imposaient pour devenir les seuls digne de son attention dans l'univers de Jehanne. Quelle raison se cachait derrière cette passion capable de faire briller ces yeux si particuliers ?

Ce désir était contagieux, enflammant stupidement ses sens. Elle se tortilla pour tenter de se sortir du piège tendu par ce corps plaqué contre le sien. Seulement, ce puissant mâle la dominait de sa hauteur et de sa masse musculaire trop imposante. Jehanne avait beau être forte et charmante, elle excellait davantage dans la ruse et la rapidité de ses attaques que dans sa force physique. Bien que ces derniers temps, la ruse semblait avoir déserté de ses qualités de tueuse. La vitesse, n'en parlons même pas. Je suis devenue moins que la moitié de ce que j'étais.

Sans crier gare, le Lycan la saisit par les hanches pour la soulever, issant à sa hauteur celle qu'il considérait comme son âme sœur. Il se plaça entre ses cuisses, s'y plaquant sans donner signe de vouloir s'en détacher. La rudesse du mouvement lui arracha une plainte à peine dissimulée. Ses doigts s'enfoncèrent dans ses épaules larges, cherchant un appui.

— Lâche-moi, gronda-t-elle dans un soupir plus lascif que plaintif.

Non seulement il ne la relâcha pas, mais le Lycan se permit de poser ses lèvres sur son épaule. Son souffle brûlant glissait sur sa peau en même temps que sa bouche caressait son cou. Les narines du loup humaient son odeur, pour une raison qu'elle préféra ignorer. Un tout autre problème naissait en Jehanne. Les mains d'Arian lui caressaient les cuisses, l'une d'elle s'égarant pour lui envelopper une fesse. Ce qu'elle sentit contre son ventre n'eut rien pour lui faire reprendre son état normal. Une érection qu'elle visualisait à travers son pantalon. Pourquoi ne parvenait-elle pas à être indifférente ?

— J'en ai besoin, Jehanne.

— De quoi tu parles encore, sac à puces ?

— De toi. De ton cœur. De ton corps contre le mien. De ton âme dans la mienne. J'ai besoin de toi.

— Je ne suis pas ton âme sœur. Maintenant que je suis à la fois dans la cage et entre tes griffes, tu peux cesser la comédie, tu ne crois pas ?

Ses propres mots lui firent plus de mal qu'elle ne l'aurait cru.

Mais elle avait besoin qu'il la laisse tranquille. Ce désir qui montait en elle n'avait rien de normal. Pas pour un Lycan. Pas pour son ennemi.

— Si les tiens veulent des informations, ils n'ont qu'à prendre rendez-vous avec les Idoles, continua-t-elle sur sa lancée. Leur service administratif est un enfer, mais il est efficace.

Ce n'étaient pas des informations qu'était venu chercher Arian. Pas alors que son visage se rapprochait de celui de Jehanne. Pas alors qu'elle retenait son souffle dans l'anticipation d'un baiser. Mais pourquoi devait-elle le laisser faire une telle chose ?

— Qu'est-ce que tu fais ?

— Ne dis plus rien, Jehanne. Ressens-moi, tout simplement.

Se servant en partit du mur pour la maintenir contre lui, Arian s'empara de la main de la femme pour la poser sur sa poitrine ferme, un torse aussi dur que de l'acier. Ce qui fit le plus d'effet à Jehanne, ce qui mobilisa tous ses sens en un instant, fut ce moment où le loup se décida à poser ses lèvres sur les siennes. Des lèvres qu'il s'était humecté juste avant, comme affamé. Des lèvres qui, à présent, s'entrouvraient pour laisser sortir une langue que Jehanne accueillit pour tenir compagnie à la sienne.

Elles s'enroulèrent, se séparèrent, s'unifièrent de nouveau. Elles s'amusaient. Et Jehanne aimait ça.

Sous une pulsion qu'elle ne vit pas venir, elle poussa violemment Arian, qui percuta le mur opposé tandis qu'elle revenait immédiatement vers lui, saisissant le T-shirt de l'homme pour le lui arracher sans difficulté. De son côté, il ne parvint pas non plus à se contrôler, agrippant la robe qui la couvrait, abaissant la partie haute pour s'offrir, avec une certaine perversion, la poitrine de Jehanne.

— Tes seins sont vraiment magnifiques.

Elle geignit lorsqu'il les embrassa, sa main dans son dos pour la garder à sa portée.

— I-Ils sont encombrants, bégaya Jehanne de cette montée de fièvre.

— Mais magnifiques tout de même.

Arian sortit sa langue, léchant un mamelon pour l'enfermer d'une bouche désireuse de la dévorer. Que faisait donc Jehanne ? Pourquoi ne rejetait-elle pas cet animal ? Elle en était pourtant capable ! Elle en avait la force apparemment, mais pas la volonté.

Cela faisait une éternité... Des années, des siècles sans doute, que ce genre de sensation ne l'avait pas autant enflammé. Cependant, il suffisait de quelques caresses de la part de ce cabot pour emmener son corps aux portes du désir.

— Hum, intervint alors une nouvelle personne.

À l'arrivée de l'individu, Arian réagit excessivement, s'emparant de Jehanne pour cacher de tous les regards son corps à moitié dénudé.

Il s'agissait de la goule. Comment s'appelait-elle déjà ?

— Ghofrane, que viens-tu faire ici ? demanda Arian tout en la gardant cachée dans son étreinte.

Oui, son nom était Ghofrane ! Jehanne avait une bonne mémoire en général. Mais dès lors qu'il ne s'agissait pas d'un guerrier digne d'elle ou bien d'une personne ayant marqué un moment de son existence, Jehanne avait tendance à oublier très facilement.

Ghofrane n'était pourtant pas le genre d'individu qu'on devait omettre de sa mémoire. Elle était une espionne des Idoles, infiltrées chez les rebelles. Cela ne faisait pas pour autant d'elle une alliée, surtout si les Idoles prévoyaient de la tuer comme elle le lui avait suggéré.

— Salathiel voulait te voir. Mais je suppose que tu préfères prendre ton pied avec une sangsue plutôt que de t'occuper à combattre une noble cause.

L'ironie dans le ton de la goule énerva Arian, Jehanne le sentit. Pour un membre de la Rébellion, insulter ce contre quoi il se battait ne devait pas être agréable à entendre.

— N'insulte pas Jehanne.

La femme vampire cligna plusieurs fois des yeux avant de finalement opter pour un froncement de sourcil. Était-ce parce qu'on l'avait insulté de « sangsue » que le loup s'énervait ? Étrange. Étrange, mais intéressant. Ce concept de partenaire destinée forçait ce lycan à la prioriser sur ses missions. Pour une Kèr, le sujet ne présentait pas une priorité. La distraction des combats valait mieux que deux ou trois galipettes. Alors un partenaire destiné ? Une distraction inutile.

Néanmoins, cela pourrait lui être utile pour survivre en territoire ennemi. Les rebelles voudraient la torturer ou l'éliminer, et Ghofrane ne semblait pas vouloir agir en alliée. La dénoncer restait une possibilité, mais qui croirait-on entre le Papillon sanguinaire, agissant pour le compte des Idoles, et la goule rebelle qui se battait pour retrouver son promis ?

Arian commença à s'éloigner d'elle, réveillant un automatisme inconnu alors que Jehanne s'empara de sa main pour l'empêcher de partir. Il se tourna vers elle, tout aussi étonné par ce geste qu'elle n'avait pas contrôlé.

— Euh..., commença-t-elle à se justifier.

— Ne t'en fais pas, je reviens immédiatement.

Arian arbora une expression moqueuse. Du moins était-ce l'impression qu'en avait Jehanne en le voyant sortir de sa cellule ouverte par les soins de la goule. Lorsqu'il fut sorti de la prison souterraine, la goule en profita pour lui offrir un regard de pitié et surtout amusé.

— Avoir un Lycan comme destiné... C'est ce que les humains doivent appeler le karma, je suppose. Ce n'est pas possible d'avoir autant la poisse autrement. Il ne manquerait plus que Peter ait tort et que tu ne travailles pas pour les Idoles de ton plein gré.

— Je peux tout à fait te dénoncer auprès de Salathiel. Ou mieux ! Auprès d'Arian. Il me prend pour sa destinée, alors qui croira-t-il à ton avis ?

— Je te tuerais bien avant, gronda-t-elle. Et tu sais quoi ? Personne ici ne m'en voudra. Après tout, j'élimine la plupart des insectes dont souhaitent se débarrasser les Idoles depuis très longtemps. Et devine qui est la suivante sur ma liste ? J'ai reçu l'ordre dès que j'ai pu les prévenir de ta présence ici.

Sur ses mots, la goule moqueuse partit.

Jehanne se laissa tomber au sol, longeant un mur de sa cage. Les Idoles l'avaient envoyé se faire tuer. Et puisqu'elle avait été kidnappée, on ordonnait à Ghofrane de finir le travail. Ici, dans cette cage, l'avantage appartenait à la goule. Et si les rebelles décidaient de la torturer, Ghofrane inventerait un accident, ce qui lui permettrait de l'exécuter sans être soupçonnée.

Elle esquissa un sourire sur ses lèvres. La Rébellion était vraiment idiote. Deux espionnes se trouvaient sous leurs yeux. Ou plutôt une. La Kèr ne comptait pas pour l'instant. Elle était une guerrière, une criminelle capable de renverser des gouvernements ainsi que de commettre des génocides sans l'aide de personne. Ce n'était pas une prison qui allait la retenir.

Ghofrane allait la tuer et sans nul doute que personne ne lui viendrait en aide. Pas même Arian. Si les Idoles voulaient se débarrasser d'elle, elle n'avait pas d'autre choix que celui de partir. Les Saeva l'accueilleraient sans doute. Ou alors devait-elle se rendre dans le Téras ? Ce territoire était dangereux, mais sûrement moins qu'ici. Pour commencer, les terres sauvages du Téras ne possédaient pas de caméra à chaque coin de rue. Et les Idoles y étaient moins présentes que sur la terre des humaines.

Sa décision fut prise. Elle allait se terrer comme un rat. Mais avant tout, elle devait sortir d'ici.

Elle s'approcha des grilles, observant les serrures. Tellement primitif.

Fermant son poing, elle inspira profondément. Elle éloigna sa main pour prendre de l'élan puis elle frappa. Le choc fut douloureux. Jehanne venait de se briser la main. Elle laissa échapper un juron, s'éloignant en pestant.

— Puterelle ! lâcha-t-elle finalement en français.

Elle regarda sa main ensanglantée, tremblante à cause de la douleur. Finalement, ces serrures étaient plus solides qu'elles n'en avaient l'air.

— Mordiable, comment sortir d'ici du coup ?

À ça, Jehanne avait une réponse. Ce serait douloureux, voire très douloureux, et complètement barge, mais ce fut la seule solution qui s'offrait à elle.

S'agenouillant, elle lécha le roich encore plutôt frais. Son corps se calme aussitôt, le monde retrouvant ses couleurs et sa logique.

Elle poussa un soupir bienheureux, toujours à genoux. Cela faisait un bien fou.

Et avec une pointe de réticence, la femme s'approcha de nouveau des grilles. Sa main commençait déjà à guérir, ce qui était bon signe pour la suite. Cela signifiait qu'elle guérirait rapidement.

— Allez, les Idoles t'ont fait endurer bien pire supplice, s'encouragea-t-elle en effectuant des exercices de respiration pour se motiver.

Elle prit son visage de ses deux mains, commençant à hyperventiler tandis qu'elle se donnait du courage. Toute force dans ses bras, elle compressa. Les premières brisures de son crâne se firent entendre. Et déjà Jehanne se força à ne pas hurler. Un vampire serait au bord de l'agonie, mais pas une Kèr.

Rectification : pas une Kèr totalement barge.

Briser un crâne sans menacer de mourir... Exercice difficile. Mais les Idoles avaient de l'imagination et Jehanne apprenait vite.

Ça promettait pour la suite.


***


Arian avait quitté Jehanne il n'y avait pas quelques minutes et il se sentait déjà nerveux loin d'elle. Il avait besoin de ce parfum enivrant, de ce regard rubis posé sur lui. Il avait besoin de sentir la peau de la vampiresse contre la sienne. Une peau glaciale qu'il aurait réchauffée naturellement.

Jehanne était une vampire, une femme ayant commis plus d'atrocités qu'Arian n'en avait commis dans toute sa vie. Et elle était l'une des armes les plus meurtrières des Idoles. Ajouté à cela l'insensibilité dont pouvait faire preuve son espèce, Arian possédait le pire des ennemis pour âme sœur. Pourtant, il ne parvenait pas à s'en sentir incommodé.

Arian aimait le caractère de la femme. Il aimait la façon dont elle avait de le mener en bateau, titiller ses instincts les plus primitifs. Et surtout, il aimait l'éveil du plaisir. Ce parfum d'excitation qui transparaissait de Jehanne. Juste pour lui, à cause de lui. Ce n'était qu'une question de temps avant qu'elle ne cède à ses avances et qu'elle accepte de devenir sa compagne. Son âme sœur.

Ghofrane les avait arrêtés tantôt, dans cette cellule. Il serait sans doute en elle en cet instant si la goule ne les avait pas interrompus. Et ça le frustrait.

— Nous devrions la tuer.

Chacun se tourna vers Léonis, une jeune femme vêtue d'une robe rouge à petits pois. La suggestion de la Furie laissait Arian supposer que sa haine envers les vampires ne s'était pas ternie. Il ne pouvait pas lui en vouloir. Les vampires ne faisaient pas partie des créatures les plus appréciées du Téras. Ils étaient froids, morts et presque sans âme tant leurs émotions s'étaient réduites à leur transformation en buveur de sang. Mais aujourd'hui, Arian pensait différemment. Jehanne lui permettait d'avoir une vision moins réduite.

Sa vampiresse possédait un large panel d'émotions.

— Il n'est pas question que l'on tue qui que ce soit, s'interposa Arian.

Le Lycan était adossé à un mur du somptueux salon. La Rébellion se trouvait dans un château immense et ancien d'Irlande, protégé et rendu invisible par des sortilèges. Certaines sorcières se comptaient parmi leurs alliés.

— Je suis d'accord avec Arian, appuya Ghofrane.

Que la goule, qui avait perdu son compagnon à cause de Jehanne, approuve de la garder en vie impressionnait Arian. D'eux tous réunis dans la pièce, elle était sans doute celle qui avait le plus souffert.

— Ghofrane, elle a tué ton fiancé ! appuya la furie.

— Vivante, elle peut nous être utile, trancha alors le chef des rebelles.

Salathiel, qui était resté silencieux jusque-là, continuait de regarder le feu de cheminée, tranquillement assis dans un fauteuil.

— Elle possède des informations sur les Idoles susceptibles de nous aider.

— Mais il va y avoir un problème, intervint alors Peter.

L'hybride venait de faire son entrée. L'odeur de Jehanne l'enveloppait, énervant le loup qui se mit à gronder. Mais lorsque Peter montra de sa main... de la peau, le cœur d'Arian semblait s'être arrêté. Était-elle... ?

Il ne lui en fallut pas plus pour se précipiter vers les cachots.

Une fois arrivé, deux sentiments se bousculèrent en lui. D'un côté, il était rassuré. Le cadavre de Jehanne ne s'y trouvait pas. Seulement, une nouvelle rage monta dans son corps, le faisant bouillonner de fureur. Il y avait du sang partout, des morceaux de chairs éparpillés. Jehanne s'était mutilée pour s'enfuir.

Le Lycan retira son haut, remontant les escaliers pour se diriger vers l'entrée du manoir où il enleva ses chaussures.

— Qu'est-ce que tu comptes faire ? lui demanda Peter.

L'hybride voulait l'empêcher de retrouver Jehanne ? Il comptait sérieusement se mettre sur le chemin qui le mènerait à sa promise ?

Salathiel tendit un bras devant Peter, le dissuadant de faire quoique ce soit. Une sage décision.

Arian sortit, se laissant envahir par toutes les sensations qu'il pouvait percevoir. Le château, entouré de la forêt, n'était pas un lieu duquel on s'enfuyait facilement. En particulier si la forêt était le moyen d'échappatoire convoité. Puisque face à un loup, il était stupide de fuir.

Les Lycans aimaient la traque, et la forêt était leur élément naturel. Jamais Jehanne ne pourrait lui échapper.


***


Jehanne était fatiguée, affaiblit par ce qu'elle avait dû faire pour sortir.

Mais si l'espace entre les barreaux avait été plus grand, sans doute aurait-elle moins souffert ? Elle avait été jusqu'à se mutiler à certains endroits. C'était vraiment du grand n'importe quoi. Enfermer des gens dans des cellules desquelles il était impossible de sortir... Vraiment n'importe quoi. Sans ça, elle ne serait pas en train de lutter contre le sommeil et pourrait tranquillement courir pour retourner à son abbaye où elle avait laissé ses affaires.

Excepté si elles se trouvent dans ce maudit château.

L'idée lui avait traversé l'esprit. Il était possible que le Lycan ait pris ses affaires pour les emporter là-bas, dans ce château. Seulement, elle se disait qu'il valait mieux ne pas y remettre de nouveau les pieds dans l'immédiat. Si ses affaires ne se trouvaient pas à l'abbaye, alors oui, elle irait de nouveau visiter ce QG des Rebelles.

Puisque même si retourner dans l'abbaye n'était sans doute pas l'idée la plus géniale qu'elle ait eue, il y avait une chose qu'elle ne pouvait pas abandonner. Son manteau.

Arrête-toi ! hurla alors une petite voix dans sa tête.

Jehanne se stoppa, tendant l'oreille. Elle tenait un petit animal dans ses mains. Mort. Sa bouche avalait le sang qu'elle pressait de ses mains. Elle se nourrissait pour guérir. Seulement, son instinct lui indiquait une sorte de menace imminente. Il y avait quelque chose dans les bois.

Elle ne percevait rien, malgré une vue nyctalope. Ce n'était pas une chose étonnante puisque quelque chose lui bloquait la vue. Et lorsqu'elle leva la tête, la femme déglutit péniblement, lâchant son repas. Un Lycan de trois mètres, sans doute plus, se tenait devant elle. Poilu, réellement semblable à un loup bipède, il montrait les crocs. Et Jehanne se mit à redouter le pire. Cette espèce était vraiment sauvage et imprévisible. Elle n'aurait l'avantage que sur la ruse. Surtout dans son état déplorable.

Les petits rongeurs du coin étaient loin de la satisfaire pour une guérison miracle.

— Je suppose que pour mon évasion, c'est mort ?

Arian répondit d'un grognement terrifiant, rappelant à Jehanne qu'il ne s'agissait pas totalement du guerrier, mais davantage du loup en lui.

— Un simple oui aurait suffi, pas besoin de me grogner dessus.

Le bras du monstre se déploya, prêt à se saisir de la femme. Celle-ci passa en dessous pour reprendre sa course.

Et dire qu'on m'a toujours conseillé de ne jamais fuir face à un Lycan, se souvint Jehanne des conseils de sa sœur. Aujourd'hui était vraisemblablement une mauvaise nuit. Ça le devint encore plus lorsque des griffes se plantèrent dans sa jambe gauche, lui arrachant un cri de surprise alors qu'elle tombait en avant, face contre terre.

Des blessures, alors qu'elle se remettait encore de son évasion... Un avantage : la trousse de secours se trouvait juste à côté d'elle.

Le Lycan la retourna avec une délicatesse surprenante venant d'une créature aussi sauvage et primitive. Cela ne dissuada pas la prédatrice de réaliser un acte très dangereux.

Elle se jeta sur le monstre, enroulant ses jambes autour de son torse avec fermeté tandis que ses mains plantèrent leurs doigts aux serres solides dans le dos du Lycan. Bouche grande ouverte, elle ne laissa pas le temps à son adversaire de comprendre. Elle déchira de nouveau la chair de ses serres, laissant gicler le sang directement dans sa bouche.

C'était si bon... Du sang frais, épais et au goût le plus précieux qu'elle ait eu l'occasion de déguster. Pourtant, quelque chose d'étrange se produisit. Jehanne se mit à verser des larmes. Des émotions explosives montaient en elle, sans raison. Pourquoi se mettait-elle à pleurer bordel ? Ce n'était pas normal.

Son cœur se serrait dans sa poitrine. Culpabilité, souffrance, tristesse... De la fatigue également. Elle s'accrochait à Arian, ne parvenant pas à reconnaitre ces sentiments. Elle devait les effacer, comme elle le faisait toujours. Éloigner tous ces ressentis qui ne faisaient que la ralentir, l'éloigner de ses ambitions. Mais en cet instant, soudainement et sans aucun déclencheur apparent, tout prenait le dessus.

Le monstre perdit petit à petit sa fourrure, laissant Arian redevenir un homme. Les jambes de Jehanne glissèrent au niveau des flancs du Lycan. Il avait repris une taille à peu près convenable. Les bras de l'homme se saisirent des hanches de Jehanne, la gardant au plus proche de lui tandis qu'il s'asseyait en tailleur au sol.

— Tout va bien Jehanne, tout va bien, lui susurra-t-il à l'oreille alors que ses pleurs la faisaient hoqueter à chaque gorgée.

Jehanne comprit qu'un arrière-goût venait se glisser dans le sang merveilleux d'Arian. L'homme avait bu.

— Guinness, devina Jehanne.

Arian l'incita à continuer de boire, mais Jehanne s'y refusa. Quelque chose en elle... n'allait pas.

Son parfum, si étourdissant... Elle se léchait les lèvres, sentant son propre corps se réchauffer dangereusement. Léchant les nouvelles plaies de lycan, elle se blottit contre lui. Une petite voix lui murmurait à l'oreille qu'ici, dans ces bras, elle était en sécurité. Ici, elle pouvait lâcher prise.

Mais Jehanne savait que c'était impossible. Impensable. Lâcher prise était risqué. Cela signifierait oublier sa sœur et son sacrifice, la souffrance que cette dernière avait subie pour elle. Ne plus combattre, pas même ceux qui souhaiteraient sa mort par vengeance. Tout révéler à la Rébellion pour libérer son cœur...

Les grandes mains d'Arian la berçaient, la caressait avec une tendresse qui lui était étrangère depuis des siècles. Cela lui avait-il manqué tout ce temps ?

Ses mains se détachèrent du dos d'Arian, préférant se saisir du visage de l'homme qu'elle attira à lui. Un visage magnifique. Le plus beau qu'elle ait vu. À son goût. Une mâchoire ferme, aux os que ses doigts fins pouvaient dessiner. Un regard la décrivant dans ses détails, incapable de se détacher d'elle ou de montrer du dégoût lorsqu'il la regardait.

Encore un coup de langue sur ses propres lèvres. Sa gorge s'asséchait.

Arian ne la rejetait pas. Comprenant que ce désir n'était pas normal, Jehanne s'arrêta sur sa lancée.

— Non, je ne dois pas.

Mais le Lycan ne fut pas du même avis. Plongeant sur Jehanne, il la bascula au sol, s'emparant de sa bouche malgré le sang qui la barbouillait. Ce contact la pétrifia. Elle ne connaissait pas et ne voulait pas comprendre ce qui s'éveillait en elle. Pourtant, en véritable sangsue qu'elle devenait, elle se refusa à le repousser, gardant ses jambes autour de sa taille.

— Ne pars jamais loin de moi, Jehanne. Je t'en supplie.

— Tu as bu.

— Je ne pensais pas devoir te nourrir ce soir.

Jehanne ne savait pas quoi dire. D'ailleurs, avait-elle besoin de dire quoi que ce soit ? Tout ce qu'elle voulait en cet instant, c'était... Elle ne savait même ce qu'elle voulait vraiment.

Le visage d'Arian se plongea dans l'épaule de la femme qui frissonna alors que son souffle chatouillait la peau sensible de son cou.

— J'aime ton odeur, lui avoua-t-il en la serra davantage contre lui.

— Je ne te renverrai pas le compliment. Tu pus le chien.

— Ce n'est pas très gentil ça. Je suis plus noble qu'un chien tout de même.

— Ah bon ? Je ne vois de différence pourtant, sac à puces.

— Jehanne.

Elle fit l'erreur de répondre à son appel, plongeant son regard dans celui d'Arian.

La main du guerrier se posa sur sa mâchoire, la forçant à lever le visage vers le sien.

— Sois mienne.

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Dernière mise à jour : 20/05/2024

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