Chapitre 23 - 2/2
Dianke était vraiment mignonne. Un magnifique visage qui, avec son maquillage élaboré, lui procurait des airs de divinité. De plus, la sorcière savait parfaitement se maquiller, contrairement à Jehanne qui préférait rester naturelle. Principalement parce que le maquillage était un art qu'elle ne maîtrisait pas. Ses dagues lui suffisaient comme accessoires.
L'art du génocide lui paraissait bien plus simple dans sa maitrise. La preuve en était qu'elle avait massacré tellement d'immortels que la population de ceux-ci avait nettement chuté, au contraire de l'humanité qui ne cessait d'accroître. Sur ordre des Idoles, elle avait même combattu les Phénix et les Licornes jusqu'à leur extermination totale. Pour les Licornes, cela n'avait pas été compliqué, même si elles se cachaient plutôt bien et savaient se faire discrètes. Le plus difficile fut pour les Phénix, des créatures qui renaissaient de leurs cendres. Mais Jehanne y était parvenue.
Ces deux espèces avaient représenté les ennemis principaux des Idoles à une certaine époque, tout comme les Dragons. Jehanne n'avait d'ailleurs pas encore eu l'occasion d'affronter l'une de ses créatures très dangereuses. Ces lézards l'étaient presque autant que les Idoles, peut-être même davantage. De ce que Jehanne en savait, il y avait peu de chose qui pouvait venir à bout de ces monstres sanguinaires.
Dianke s'empara de la clé USB de Jehanne, mais son frère la lui arracha aussitôt des mains, déclenchant ainsi une dispute. Leur aura gorgée de magie envahit la pièce, mettant le loup bien moins à l'aise.
Ils finirent par s'installer leur PC aux multiples écrans. Baragouinant ensemble, les deux parvinrent à ouvrir les fichiers. Mais pas à les décrypter.
— C'est pas bin compliqué.
Dianke fouilla dans les tiroirs de leur bureau installé dans le salon, sortant une autre clé. Après plusieurs manipulations, d'autres pages apparurent. Jehanne ne comprit pas vraiment ce qu'elle voyait. Mais apparemment leurs trucs fonctionnaient.
— Encore quelques bonnes minutes et ça devrait être bon, laissèrent-ils leurs ordinateurs.
Aussitôt, la sorcière revint dans le salon, accordant un clin d'œil au lycan, qui grimaça avant d'offrir à Jehanne un air attristé. Il ne voulait pas qu'elle le croit capable d'aller voir ailleurs. Inutile, elle avait au moins confiance en la nature du loup. Les Lycans vénéraient la croyance des partenaires destinés.
— Depuis combien de temps bois-tu à ses veines ?
Jehanne sortit de ses pensées alors que Dianke lui posait une question en français. Elle pointa du menton Arian.
Ambrose, le jumeau de Dianke, s'installa à côté de l'homme qui tenta désespérément de comprendre ce dernier. Malheureusement, il paraissait évident qu'Arian ne comprenait pas le français et que l'anglais d'Ambrose était plus que limité.
Contrairement à ce que l'on pourrait penser, la tête entre Ambrose et Dianke n'était pas Ambrose. Même si celui-ci était l'un des rares « sorcières » hommes parmi cette espèce, il était bien moins puissant que sa sœur. Il était même très médiocre, ce qui était étonnant puisque les sorciers avaient tendance à être plus puissants que les sorcières.
— Je être un sorcier frère de Dianke. J'appartiens au Cercle des Ténèbres, prononça-t-il la fin en français.
Arian se retenait de rire face à l'effort d'Ambrose de communiquer en anglais. D'autant que les jumeaux, de leur origine berrichonne, avaient tendance à déjà mélanger le français « moderne » avec le patois local. Autant dire que parfois cela donnait des résultats... étranges. Un langage paysan qui avait tendance à disparaitre avec Dianke dès lors qu'elle ne communiquait pas avec son frère. En ce sens, la sorcière parvenait bien mieux qu'Ambrose à se faire comprendre. Elle parlait le français, l'anglais et le latin couramment, ainsi que le druidique lorsqu'elle y était obligée. Et les différents dialectes des sorcières, bien évidemment.
Toutes les deux discutèrent donc dans une langue qu'elles pouvaient parler sans craindre d'être comprises par Arian :
— Depuis quelques jours, quelques semaines, je ne sais plus vraiment. Pourquoi ? C'est important ?
— Je ne sais pas encore.
Son langage berrichon disparu, mais son accent laissa quelques traces dans sa locution.
Dianke observait Arian, mais pas avec des intentions dragueuses. Elle le jaugeait, cherchait des réponses à des questions muettes.
— Vous êtes liés, tous les deux. Des partenaires destinés ?
— Il semblerait.
— Dis-moi tout !
En fan d'histoire d'amour, Dianke fut tout ouïe, les yeux brillants d'impatience. Elle voulait connaitre son histoire, sa rencontre avec Arian, et sans doute comment elle en était arrivée à l'accepter.
— Il a essayé de me tuer.
Jehanne lui raconta plus ou moins le détail de leur rencontre. La mission des Idoles de se laisser attraper, puis finalement leur trahison l'ayant obligé à démissionner. Mais également son rapprochement avec le loup dans un petit chalet.
Cette partie plaisait particulièrement à Dianke. Tout du moins jusqu'à ce qu'elle mentionne le pot-au-rose. Le lycan l'avait manipulé pour la Rébellion, sous l'excuse de vouloir la protéger. Sous l'émotion de la colère, son regard devint légèrement miroitant et noir, caractéristique des sorcières.
— Et tu ne l'as pas tué ?
— Je sortais de prison.
— Ah... À cause de nous ?
Alors que Jehanne voulu répondre à la question, deux bras l'enlacèrent par derrière. La femme n'avait pas senti Arian arriver, ce qui paraissait inhabituel. Dianke sembla, elle aussi, se rendre compte du fait que Jehanne baissait sa garde face au loup.
Son souffle se retint alors qu'Arian posa sa tête sur son épaule. Le Lycan huma l'odeur de ses cheveux avant de les écarter pour poser ses narines près de son cou.
Pourquoi devait-il se montrer démonstratif alors qu'elle médisait sur lui dans son dos ?
— Est-ce que vous pourriez arrêter de parler en français ? Ce n'est pas que je n'aime pas cette langue, mais je ne comprends rien de ce qui se dit.
— Tu n'as qu'à apprendre, sac à puces.
— J'apprendrais, mais dans l'immédiat, je veux comprendre.
— Très bien, accepta-t-elle. Dianke et moi parlions du fait que tu as tenté de me tuer à notre première rencontre.
Imperturbable, le loup devint joueur.
— Tu étais tellement faible que n'importe qui dans le Téras aurait été capable de te tuer. Tout ça à cause du roich, insista-t-il lourdement, comme pour lui rappeler leur discussion à l'hôtel plutôt.
— Le roich ? s'étonna Dianke. Alors c'est vraiment notre faute...
Le visage de la sorcière se tourna vers le sol, les épaules basses. La culpabilité redessinait ses traits délicats. Aussitôt, Ambrose arriva jusqu'à elle pour tenter de comprendre le problème.
— Qu'avez-vous fait ? gronda Arian.
Il se mit à grogner, menaçant. Et Jehanne lui donna un coup de coude pour qu'il cesse de se montrer intimidant.
Les jumeaux se regardèrent un instant, Dianke faisant la traductrice. Puis, d'un commun accord, elle annonça :
— Avec Ambrose, on s'est entraîné à l'art des prophètes.
— Attends un peu, c'est pas du tout ce qui s'est passé ! s'offusqua Jehanne, qui décida alors de reprendre l'histoire selon sa version. Je t'ai expliqué que j'avais échoué à une mission confiée par les Idoles. Il s'agissait d'une hybride que les jumeaux m'ont empêché de tuer, ce qui a donné à ma proie l'occasion de fuir. Et ensuite, je suis passée par la case prison.
Dianke grimaça, démontrant que c'était Jehanne qui ne savait rien réellement de ce qu'il s'était passé ce jour-là.
— On voulait juste savoir comment t'aider à trouver le bonheur. Tu avais l'air assez triste ces derniers temps. Même tuer ne t'amusait plus. On était inquiet.
Elle roula des yeux face à cette démonstration d'affection. À force de toujours s'isoler, le Papillon écarlate oubliait par moment qu'il avait des amis. Jehanne avait des gens capables de s'inquiéter pour elle.
Elle porta son attention sur Arian. Il n'était pas le seul fou pouvant se soucier de son bien-être. Le loup écoutait avec attention, prenant toutes les informations possibles avant de croiser son regard, obligeant Jehanne à le détourner. Mordiable ! Je réagis comme une ado !
— Alors, on a utilisé de la magie de divination. Et ça nous a expliqué que pour que ton bonheur soit réel, l'hybride kornekaned devait être épargnée. Blessée, mais pas morte. Enfin, un truc du genre.
Ambrose se leva, fouilla dans leur bibliothèque et rapporta un carnet pour sa sœur. Ils cherchèrent et trouvèrent le bon passage.
— La créature mêlant féérie et tempête sera attaquée par le plus sanguinaire des papillons. Laissez-le faire et à tout jamais son âme sera damnée. Prenez-lui ses ailes et le bonheur se diffusera dans la souffrance.
La sorcière répéta en anglais pour Arian.
— Habile, commenta-t-il d'un hochement de la tête. Tu as souffert en prison et je t'ai trouvé sans tes ailes. Si tu avais réussi ta mission, nos chemins ne se seraient sans doute jamais croisés.
— Je n'avais pas mes ailes parce que je ne devais pas gagner le combat, grinça-t-elle des dents. Et ensuite, parce que toi et tes copains, vous n'avez pas eu l'excellente idée de fouiller vraiment ma crypte pour ramener mon manteau !
Oh, la souffrance de cette prédiction avait été bien réelle. Tout comme le fait qu'on lui avait pris ses ailes !
Souffrir pour rencontrer l'amour. Son bonheur s'était traduit par la rencontre de son partenaire destiné. Sans les jumeaux, Jehanne n'aurait-elle réellement jamais pu connaitre Arian ?
C'était difficile d'y croire. Il appartenait à Rébellion, leurs chemins se seraient croisés un jour ou l'autre.
— Par contre, la prophétie ne mentionnait pas de malédiction, reprit la sorcière. Alors, ici y'a ta malédiction qui t'empêche de redevenir pleinement une kèr. Sans doute la potion qui te rend aussi vulnérable qu'un vampire.
— Le Destin détruira la mort, le soleil animera les cœurs, lu Ambrose avant de hausser des épaules pour signifier qu'il n'y avait rien de plus.
Jehanne fronça les sourcils. Quelle malédiction ? Parlaient-ils du sort qu'elle avait bu pour se faire passer pour un vampire ? C'était vrai que ce dernier lui donnait toutes les faiblesses d'un de ces suceurs de sang. Mais aller jusqu'à parler de malédiction ? D'autant qu'elle resta toujours une kèr, avec des défauts.
Et de toute façon, un sort et une malédiction, c'est différent, non ?
Les jumeaux étaient au courant parce que Jehanne le leur avait confié pour espérer se débarrasser de ces effets. Ils lui avaient affirmé que le temps s'en chargerait, mais il fallait croire que le roich ralentissait vraiment le processus...
Dianke replongea dans ses notes pour trouver une réponse.
— Attends Dianke. Si tu ne parles pas du sort, de quelle malédiction parles-tu ?
— J'te parle d'une malédiction que tu as chopée, lia-t-elle son anglais avec son accent si typique. On peut la voir avec Ambrose depuis ton arrivée. Et franchement, c'est du solide, une vraie saleté. Pas facile à défaire. Ce qui explique le sort rétrograde.
— Je ne suis pas une sorcière, alors fait la traduction.
— La malédiction que tu as attrapée, elle a un seul but. Te tuer. Et pour ça, elle te lance des sorts. Sort de malchance, sort rétrograde et sort de confusion. Autrement dit, la chance te fui, tes dons d'immortels disparaissent et tu deviens débile. Heureusement que le Destin est de ton côté, sinon tu serais déjà morte.
Elle ne put s'empêcher de repenser à cette tueuse de la Ronde qui l'avait pourfendue de son arme. Jehanne ne se serait jamais fait avoir aussi facilement auparavant. Et elle aurait pu guérir bien plus vite.
— Donc le roich n'est pas responsable.
— Bien sûr que si, il l'est.
La sorcière reçue le soutient d'Arian, qui opinait du chef, les bras croisés.
— Mais il n'est pas le seul.
Dianke finit par secouer de la tête.
— Je ne trouve rien sur une possible malédiction dans la prophétie.
Elle partit chercher une vieille sacoche, l'ouvrant pour dévoiler un arsenal d'objets divers. Elle en sortit notamment un monocle, ainsi que des pierres précieuses. Elle choisit une pierre rouge, pas plus grande que quelques millimètres, pour la fusionner à un renfoncement dans le monocle.
— Je vais tenter d'en comprendre davantage sur cette malédiction, en espérant qu'on puisse t'aider à t'en débarrasser avec Ambrose, expliqua Dianke tout en levant le monocle pour observer sa patiente à travers ce dernier.
Arian ne pipait mot, ce qui ne paraissait pas normal. Surtout dans cette situation où l'on annonçait que son âme sœur allait possiblement mourir !
La sorcière reposa l'objet, sortant une baguette magique dont elle se servit du derrière en pierre pour tracer un symbole imaginaire dans la paume de Jehanne. Elle observa à nouveau à travers le monocle.
— Ok, c'est bien ce que je craignais. Infection magique.
Jehanne blêmit de cette nouvelle.
— Dianke, dis-moi que c'est une plaisanterie.
— Attendez, je ne comprends pas de quoi vous parlez, s'intéressa enfin Arian.
Le loup s'écarta de Jehanne, prenant une chaise pour s'asseoir. Dianke partit chercher un livre. Et tout en tournant les pages, elle expliqua.
— Un sort n'est pas qu'une potion concoctée avec des plantes ou des mots psalmodiés à l'improviste. Un sort est vivant. Il suit ses règles et sa logique, le rendant stable, puissant et parfaitement impossible à délier. Seulement, il peut arriver qu'il faiblisse, se supprime. Et cela n'est pas forcément bon signe. Dans le cas de Jehanne, c'est même carrément l'inverse.
— Dianke, tu vas faire paniquer le lycan.
— Il aurait raison. Jehanne, le lien du partenaire destiné n'est pas n'importe quoi. C'est une magie suffisamment puissante pour repousser un sort, tel que celui t'ayant fait passer pour vampire, mais cette deuxième malédiction est comme un cancer magique. Elle est apparue, elle se diffuse et deviendra de plus en plus violente pour parvenir à ses fins. À savoir, te tuer. Quant à savoir comme tu as chopé ça, aucune idée.
Arian blêmit de manière inquiétante, et Jehanne posa sa main sur la sienne pour le rassurer. Elle ne mourrait pas facilement. D'autant que Dianke et Ambrose étaient forts. Ils sauraient l'aider.
— Qu'est-ce qu'on peut faire ?
Il s'investissait, apaisant enfin Jehanne. Un instant, elle avait cru être la seule à s'inquiéter, qu'Arian ne fichait bien de voir qu'elle portait sur elle une malédiction.
Dianke poussa un soupir ennuyé.
— Pour l'instant, continue de te nourrir de lui. Et ne résiste pas à ta faim. Tu vas devenir insatiable très vite, parce que ton corps va tenter de guérir de lui-même.
— Et pour le roich ?
— Il faut que tu décroches, parce que ça va accélérer ton précipice vers la mort.
Dianke continua de chercher, et Ambrose reprit les outils pour ausculter Jehanne. Apparemment, il fut bien plus efficace qu'elle dans sa recherche.
— Trouvé.
Sa sœur s'approcha pour regarder à sa place dans le monocle. Et elle grimaça.
— Ah ouais, mais c'est pas de notre niveau ça. La malédiction est beaucoup trop complexe pour nous.
Une remarque qui n'annonçait que la perte de tous les espoirs. Les jumeaux ne pouvaient pas la guérir.
— Il va falloir te trouver une sorcière vraiment balèze pour le coup.
— Et dans ton cercle ?
— Pas de suffisamment puissante pour ta malédiction.
Géniale, Jehanne était donc condamnée.
— Mais je sais que tu sauras trouver, Jehanne, lui assura Dianke. Après tout, tu es le Papillon écarlate. Tu es douée pour trouver n'importe qui.
Dernière mise à jour : 02/12/2024
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