Chapitre 22

« N'oppose plus un vain scrupule

À l'ordre pressant de l'Amour ;

Quand le feu du désir nous brûle,

Hélas ! on vieillit dans un jour. »

— Évariste de Parny, L'impatience


Assise sur le siège passager, la femme bougonnait dans son coin. Un comportement qu'il trouvait plutôt mignon.

Il ne lui avait pas laissé le choix. C'était soit avec lui, soit il broyait la clé USB. Elle avait bien tenté de négocier, mais on ne négociait pas avec Arian. Alors, au plus grand bonheur du lycan, Jehanne avait cédé. Sans doute parce qu'il avait vraiment réussi à lui prendre l'objet, ce qui l'avait rendu capable d'un tel acte.

À présent qu'elle avait accepté l'existence de leur lien, Arian se devait d'être toujours à ses côtés. Une logique ayant du sens pour les Lycans, peut-être moins pour les Kères.

Elle plia ses jambes, les ramenant à sa poitrine, son regard de nouveau perdu dans la contemplation des paysages qui défilaient par la fenêtre. Ça, et la bague à son doigt qu'elle admirait régulièrement avec un sourire en coin. Le cadeau lui plaisait, et il réfléchissait déjà aux futurs achats pour qu'elle puisse décorer ses ailes.

— Tu devrais attacher ta ceinture, lui conseilla-t-il surtout pour engager la conversation.

— Je suis immortelle. Un accident de voiture ne me fera rien. Par contre, le soleil se lève dans quelques heures, sac à puces. Et je n'aime pas bronzer.

Bon, il semblait que sa tentative soit un échec. Il n'abandonna pas pour autant.

— Tu aimes quoi comme musique ? alluma-t-il la radio au volume plutôt bas.

— Classique, Beethoven.

Cette réponse l'étonna. Non parce que Jehanne se montrait honnête, mais parce que malgré son âge, elle aimait un compositeur aussi connu. Pourtant, elle devait avoir une connaissance plus large des artistes ayant foulé la terre de ce monde.

D'ailleurs, quel âge avait exactement Jehanne.

— Tu...as quel âge ?

— On ne demande pas son âge à une demoiselle, Arian, se moqua-t-elle avec des ronds.

Elle n'était pas réellement vexée, s'amusant seulement avec lui.

— Je suis plus vieille que toi. Disons que je suis née...dans l'Antiquité ? Oui, quelque part par là. Du coup, ne me demande pas de convertir mon âge, je ne suis même pas sûre de la date exacte de ma naissance.

Jehanne était vraisemblablement bien plus vieille que lui. Pour les tératos, l'écart en termes d'âge n'avait pas beaucoup d'importance, quoiqu'en dessous de la cinquante, ça pouvait être assez mal perçu.

— Si les Idoles n'étaient pas un problème, ni même l'argent, où voudrais-tu vivre ?

Arian était curieux de savoir s'il pourrait la combler, vivre avec elle dans un lieu qui leur conviendrait à tous les deux. Lui, comme tout lycan qui se respectait, aimerait un milieu forestier.

— Chez ton frère. J'adore sa maison. Et j'adore ton frère.

Ce fut à son tour de bouder. Qu'elle apprécie Daveth, il l'avait bien remarqué. Mais qu'elle n'ait pas pensé que sa question était plus intime, réflexive de leur avenir commun...

— Je plaisante, sac à puces. Mais une maison simple, au milieu de nulle part, entouré de forêt ou de montagnes, ou des deux. Je crois que ça, j'aimerais. Un endroit calme qui serait mon refuge.

Ce genre de réponse lui fit retrouver le sourire. Ça, c'était un décor qu'il pourrait trouver et lui offrir. Il s'imaginait déjà vivre ensemble, sans aucune obligation. Un seul lit, une seule chambre serait suffisante. Les hivers près d'un feu de cheminée à se tenir chaud...

— J'aime les roses, et ma couleur préférée est le rouge. Je déteste les ordres, j'adore me moquer de toi parce que tu es trop facile à faire tourner en bourrique. Lire, c'est pas trop mon truc. Et je rêverai devenir Miss Téras, mais les humains n'acceptent pas les tératos dans leur concours de Miss. Pourtant j'avais préparé mon typique discours à base de paix dans le monde et de sauvetage de chiots malheureux.

Jehanne avait visiblement compris qu'il cherchait à en apprendre plus sur elle.

— Toi, je sais que tu as trois frères, tu es un guerrier lycan sexy, tu voudrais vivre dans une forêt avec moi dans les parages. Tu adores quand je me nourris de toi. Et...tu aimes le vert ? tenta-t-elle au hasard.

— Manqué. Je préfère le bleu.

— Vert... Bleu... C'est pareil, à une nuance près.

Pourquoi trouvait-il ça amusant de l'entendre ainsi débattre ?

— Et tes fleurs préférées ?

— Je n'en ai pas.

— Ça, c'est une réponse nulle.

Il n'avait pas mieux puisqu'il n'avait pas de fleurs favorites.

— J'aime les fleurs des champs, lorsqu'elles sont sauvages.

— Tu vois quand tu veux.

C'était aussi simple que ça ? Il fallait croire que oui. Après quelques échanges un peu banaux, Arian commença enfin à se poser des questions en ne voyant que des paysages de campagne défiler.

— Tes amis sont encore loin ?

Jehanne lui avait expliqué qu'elle devait aller voir deux de ses « connaissances » qui pourraient décrypter la clé USB. Des amis vivant en France. Mais elle ne lui avait toujours pas donné d'indications supplémentaires. Alors, il se contentait de suivre les directions qu'elle lui indiquait au fur et à mesure.

— Quelques heures.

— Jehanne, il va falloir que tu m'en dises un peu plus.

Elle lâcha un soupir, ce qui l'agaça profondément. C'était à lui de soupirer de devoir conduire sans savoir où ils allaient !

— Mes « amis » sont des sorciers. Alors, je te laisse deviner.

— Des sorciers ?

Arian ne faisait pas tellement confiance à ces créatures. Les sorcières savaient utiliser la magie. Voilà ce qui l'énervait le plus, sans oublier aussi que les rumeurs du Téras laissaient supposer que cette espèce était des humains. Des humains un peu plus bizarres que la moyenne. D'ailleurs, cela se consolidait lorsque l'on savait que les sorcières ne possédaient pas la même force et capacité de régénération que la plupart des immortels.

Et des humains avec des caractéristiques du Téras... Il n'osait l'imaginer. Les vampires transformés en étaient une preuve suffisante. Ces humains changés disparaissaient pour la plupart, exécutés par les Saeva parce qu'ils avaient tendance à devenir trop bavards ou encore à créer plus de buveurs de sang en contaminant leurs proches.

Alors des humains capables d'utiliser la magie en devenant des sorciers ? Catastrophe assurée.

Il ne savait pas comment gérer les sorcières, mais depuis les chasses menées à leur encontre, elles demeuraient très secrètes. Autant auprès des humains que des tératos.

Il tolérait cette nature concernant Braon, mais surtout parce qu'il connaissait son frère, et qu'il lui faisait confiance.

— En France, je ne connais qu'un endroit qui réunirait de nombreuses sorcières. Le Berry. Nous allons devoir nous arrêter avant.

— C'est ce que je te disais, rappela Jehanne.

Elle soupira de nouveau, drapée dans son manteau écarlate. Il aimait ce vêtement qui semblait aller à la perfection à la femme. Un manteau qui devenait une sorte de seconde peau ou d'ami fusionnel. Un vêtement plus proche de sa femme que lui l'était en cet instant.

— Tu pourrais peut-être retirer ce manteau, émit pour idée Arian.

— Serais-tu fou ?

Elle s'était tournée vers lui, une expression horrifiée sur son visage.

— Je l'ai retrouvé, je le garde.

— Je ne vais pas te le voler. Et puis lorsqu'on s'est rencontré, tu ne le portais pas que je sache.

— C'était différent. Je devais te combattre sans te tuer parce qu'on m'avait donné pour mission d'être kidnappée. Et je pensais que la Rébellion l'emmènerait avec le reste de mes affaires.

Son regard vagabonda de nouveau sur ce corps divin. Des jambes fines et galbées, les jambes d'une femme très rapide. Des bras à l'apparence délicate, mais à la force surhumaine. Et une poitrine ferme, généreuse, à damner le plus saint des saints. Mon Dieu, cette femme le rendait fou.

Son apparence enchanteresse révélait tout de même des indices sur ses capacités de tueuses redoutables.

Arian inspira doucement, fixant la route alors que sa main se glissait jusqu'à son entrejambe douloureux pour replacer son pantalon. Il avait bien envie d'un petit combat avec sa femelle. Il la prendrait jusqu'à l'aube et tout le reste de la journée, se délecterait de son parfum, du goût de sa peau sur sa langue curieuse et ses crocs désireux de posséder encore la créature de rêve. Ses mains partiraient à la recherche de zones encore inexplorées de l'anatomie de Jehanne. Un sourire de satisfaction se dessinerait alors sur son visage tandis qu'il la sentirait trembler sous son corps, frémir à son toucher, gémir à ses offensives...

— Arian !

Le cri de Jehanne fit sortir le Lycan de ses pensées. Il faillit tourner le volant pour éviter un obstacle possible. Seulement, il roulait plutôt bien. Et il n'y avait pas trace d'ombres vivant dans les parages.

Fronçant les sourcils, il posa alors ses yeux sur Jehanne. Elle semblait furieuse.

— Tu ne m'écoutes pas.

— Si si, je t'écoute... Tu disais quoi ?

Le regard furieux de Jehanne s'illumina d'une couleur rougeoyante de rage.

— Tu ne m'écoutais vraiment pas ? Espèce de... sac à puces !

Devant le manque d'inventivité de Jehanne, Arian ne put retenir l'esquisse d'un sourire.

— Non, j'étais trop occupée à penser à ton corps magnifique sous le mien, à la beauté inégalable qu'il possède.

Ah, elle rougissait. Peut-être devait-il continuer ?

— Qu'est-ce que tu me disais ? demanda-t-il tout de même.

— J'ai faim.

Le pied d'Arian s'écrasa sur la pédale de frein. Un geste instinctif qu'il ne comprit que lorsqu'il sentit son cœur battre à tout rompre. Elle avait faim et lui réagissait à cette demande. Elle avait faim et il voulait la nourrir.

Elle ne réclame pas de roich.

La main de Jehanne passait sur le bras du Lycan, remontant lentement jusqu'à son cou, tel un serpent qui s'enroulerait autour de sa proie. Et lorsqu'il découvrit Jehanne sur lui, autour de lui, il se demanda si elle n'était pas l'un de ces reptiles.

À contrecœur, il repoussa sa femelle pour se remettre en route, dépassant les limites de vitesse pour trouver ce fameux hôtel paumé qui avait été indiqué un peu avant sur la route. Et lorsqu'il le trouva enfin, ce fut la meilleure nouvelle de la soirée.


***


Arian avait garé la voiture sur le parking d'un hôtel classique. Les autres véhicules qui y stationnaient, étaient des automobiles de vacanciers et très certainement de familles. Rien de morbide en somme. Jehanne ne pensait pas que le lycan l'aurait emmenée dans un lieu aussi simple. Non pas qu'elle aurait préféré un hôtel de luxe ou autre chose, mais elle ne s'attendait pas à un lieu si propre dans les environs.

Elle sursauta alors que sa portière s'ouvrait de façon soudaine sur Arian. Depuis quand était-il sorti de la voiture ?

Il se saisit du bras de Jehanne, la tirant vers lui sans oublier de verrouiller son auto.

— Doucement le chiot en chaleur, je ne suis pas une poupée en chiffon.

Il ne l'écouta pas, allant jusqu'à la réception pour prendre une chambre. Les deux personnes en charge de l'accueil ne le firent pas attendre très longtemps, apparemment impressionné par la carrure et le visage froid d'Arian. Le lycan, excité et impatient, oubliait de se comporter discrètement. On lui donna des feuilles qu'il signa sans lire. Après quelques consignes telles que laisser les draps en bord de lit au départ, ou bien de la mise à disposition de serviettes de douche, à placer dans des corbeilles une fois terminer, on lui confia les clés qu'il s'empressa de prendre avant d'entrainer Jehanne jusqu'à l'ascenseur.

Il appuya si frénétiquement sur le bouton que Jehanne se demanda s'il n'allait pas le briser.

— C'est trop long, grogna-t-il.

— Arian, les humains nous observe, lui murmura-t-elle.

Pour l'instant, ce n'était que quelques froncements de sourcils ici-et-là, et des interrogations de la part de certains qui se demandaient surement si Jehanne était en danger.

Le Lycan se contenait, cela crevait les yeux. Mais s'il continuait, il allait les faire repérer. Et il n'était pas forcément bon pour le monde humain de faire la rencontre du Téras. La preuve en était l'existence de la Ronde. Mais même cette organisation ne révélait pas à n'importe qui l'existence du Téras et de ses monstres. C'était pour dire !

Le lysan ne se calmant toujours pas, elle lui donna une tape derrière la tête, ce qui le fit lâcher.

— Pourquoi t'as fait ça ?

— Parce que tu grognes devant des humains, lui répéta-t-elle tout bas.

Il constata à son tour les regards et se calma, en apparence.

Les portes de l'ascenseur s'ouvrirent, et Arian s'y engouffra, attirant Jehanne à lui. Aussi près du loup, elle plissa les yeux. Son odeur était si puissante. Si enivrante. Une fois sans présence d'humains, cette retenue disparue pour Jehanne.

Elle avait vraiment faim.

Se léchant les lèvres, la femme inspira profondément pour se contenir. Seulement, le sang du lycan laissait échapper son parfum sucré et appétissant. Chacun des battements de cœur était animé par un rythme endiablé qui n'apaisait en rien la soif de Jehanne. Et dans un élan poussé par son instinct, elle s'éleva légèrement, plongeant ses griffes dans la chair de son lycan...

— Jehanne, pas maintenant.

Arian l'arrêta, allant jusqu'à placer les mains de cette dernière dans son dos.

Les portes de l'ascenseur s'ouvrirent. Arian souleva Jehanne dans ses bras, avançant d'un pas rapide jusque devant l'entrée d'une chambre.

— Pose-moi au sol, sac à...

Jehanne se pétrifia alors qu'Arian avait tourné son visage vers elle. Son regard était brûlant, posé sur la femme avec un désir ardant qui avait allumé une lueur dans ses yeux de loup. Un regard ambré, doré, lumineux. Elle déglutit péniblement, ne parvenant pas à se détacher de ces prunelles surnaturelles.

Arian y parvint, pénétrant dans la chambre. Elle n'eut pas le temps de détailler les lieux qu'elle était déjà projetée dans un lit plutôt confortable. Il ne dit rien de plus, se contentant de se dresser au-dessus de Jehanne.

— Tu as faim, n'est-ce pas ? lui rappela-t-il.

Oui, elle avait faim. Mais elle avait l'impression que des deux, Arian était sans doute le plus affamé. Il retira sa chemise, dévoilant sa musculature puissante et saillante. Sa poitrine se levait et s'affaissait de façon trop parfaite pour être naturelle. Surement pour vérifier, elle posa sa main dessus, aimant sentir la chaleur de ce corps imposant.

Les jambes de Jehanne se levèrent pour s'enrouler autour de la taille du loup, se soulevant afin de s'accrocher à ses épaules. Ses lèvres butinèrent à sa nuque au moment où son bassin rencontrait une imposante érection. Tandis que l'une de ses mains écorcha le cou d'Arian, l'autre descendit plus bas, caressant l'entrejambe du mâle. Elle lécha la plaie, ses griffes se plantèrent, et il rugit. Jehanne était parcouru par un violent frisson qui fit naître une pulsion bien trop intense pour qu'elle y résiste. Et, s'agrippant davantage à son lycan, elle avala goulûment le sang exquis et épais, chaque gorgée lui arrachait un gémissement de plaisir.

C'était délicieux. Et elle avait soif.

— Jehanne...

Elle ne s'arrêta pas, cela aurait été un effort trop douloureux pour elle. Pourtant, Arian ne sembla pas l'entendre de cette oreille. Sa main s'écrasa sur sa chevelure, la tirant violemment en arrière.

— Encore, supplia-t-elle.

Le regard du lycan était intense, brûlant de désir. Le cœur de Jehanne loupa un battement face à cette image tentatrice. Elle avait un mâle avec elle, dans son lit. Un mâle immortel qui pouvait la nourrir bien plus souvent qu'un humain. Un mâle torse nu qui se trouvait dressé au-dessus d'elle, prêt à satisfaire un autre besoin montant.

Elle avait besoin de ce mâle.

Ses ongles, aussi acérés que des griffes, s'enfoncèrent dans sa peau, lacérant le dos d'Arian. En représailles, il retira les vêtements de la femme avant de la mordre. Ces morsures vinrent goûter chaque parcelle de son corps. Il s'attarda à un endroit en particulier. Où ses crocs la transpercèrent, Jehanne ressentit un plaisir si intense qu'elle se sentait se contracter. C'était l'endroit où il l'avait marqué la nuit de Pleine Lune. Un endroit particulièrement sensible.

Et tout en mordant, Arian lança un coup de bassin qui exigea un cri de Jehanne.

— Tu as tant aimé ? lui susurra-t-il à l'oreille.

Elle adorait ça. Mais elle n'aimait pas cette position. Alors la tueuse en elle chercha une faille. Et lorsqu'elle la trouva, elle parvint à plaquer le puissant lycan contre le matelas. Elle était celle qui menait, il était celui qui subirait.

Assise sur lui, sur son entrejambe dur comme le fer, Jehanne esquissa un sourire malicieux, Arian grimaça.

— Tu ne comptes pas...

— Oh si. Aujourd'hui, je mène la danse, sac à puces.

Dernière mise à jour : 25/11/2024

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