Chapitre 14

« Ils sont si transparents, qu'ils laissent voir votre âme,

Comme une fleur céleste au calice idéal

Que l'on apercevrait à travers un cristal. »

— Théophile Gautier, À deux beaux yeux


Comme toujours, Arian s'était montré collant et autoritaire, voulant la plier à ses propres désirs. Il ne l'avait pas écouté et les restes de leur dispute, de leur bagarre, s'éparpillaient un peu partout. Tressons de vases, objets à terre, murs enfoncés.

Il l'avait poussé. Et elle... Jehanne avait craqué. Elle ne montrait plus de signe de colère, juste de la peur. Blême, les larmes aux yeux, elle prenait conscience de ses propres mots. Ils n'étaient pas anodins.

— Parce que je suis une kèr... sanglota-t-elle en se répétant plus calmement.

Arian ne cacha rien de sa surprise, évidemment. Lui, plus que quiconque, devait savoir ce que cela impliquait et comprendre les raisons poussant les Idoles à vouloir sa mort tout en évitant une confrontation directe.

Le Téras abritait de nombreuses espèces différentes les unes des autres. Les kères étaient de celles que l'on avait oublié. Mais la Rébellion devait sans doute les connaitre.

— Une kèr ? s'étonna enfin Arian. Mais l'espèce est éteinte.

— Nous nous cachons mieux, c'est tout.

Elle tremblait. Elle tremblait vraiment ! Il s'en rendit compte. Sinon, pourquoi ouvrit-il ses bras pour l'attirer dans son étreinte ?

— Jehanne, raconte-moi ton histoire. Raconte-moi tout.

Mais pouvait-elle se confier à ce point à Arian ?

— Dis-moi ce que tu sais des kères, exigea-t-elle en premier lieu.

Soulevant délicatement sa main, il en caressa les ongles avec une délicatesse rare, lui embrassant le bout des doigts.

— Dans la Rébellion, nous avons désespéré de trouver un moyen pour éliminer facilement les Idoles. À notre connaissance, seule une Idole peut tuer une autre Idole, et Salathiel. Mais de ses propres dires, la méthode est trop complexe, et il serait bien incapable de renouveler ce miracle.

Donc l'unique individu ayant tué une Idole n'était plus capable de le faire. Une information en or à détenir.

— Et en nous renseignant, nous sommes tombés sur un nom. La kèr.

Un frisson lui remonta l'échine. Jehanne éprouva le besoin de s'asseoir.

— Il est dit que les Idoles n'ont pas peur de grand-chose. Mais croiser les charognardes du Téras les terrifie au plus haut point.

Les kères étaient considérées comme des charognardes. Elles se nourrissaient principalement de sang, mais également de chair. Et les cadavres étaient un repas dont elles ne se privaient pas.

— Apparemment, les kères possèderaient un pouvoir, un don capable de tuer efficacement des Idoles.

Cette fois, elle s'obligea à s'installer dans le canapé tout proche. Ses jambes allaient flancher. Arian en savait suffisamment sur son espèce pour l'inquiéter.

— Pourquoi me le cacher Jehanne ?

— Je le cache depuis des siècles ! Pourquoi te l'aurai-je révélé ? Pour que tes petits copains rebelles et toi, vous puissiez me harceler et me demander de combattre à vos côtés ?

— Cela t'aurait épargné la torture.

— Non merci. Il n'est pas question que je les combatte.

Il s'accroupit, se plaçant devant elle, sous elle. Ses grandes mains se posèrent sur ses genoux, sans brusquerie. Elle eut un mouvement de recul, prête à déguerpir.

— Pourquoi les craindre ? N'as-tu pas ce pouvoir sur les Idoles toi aussi ?

— Je ne l'ai pas ! Parce que je ne suis pas comme les autres de mon espèce.

Parce que je prends du roich, et parce que je suis sous l'emprise d'un sort.

— Quitte-les, laisse-moi t'aider.

— Tu ne comprends pas, tu ne comprends rien. Ce n'est pas aussi simple, Arian.

— Alors explique-moi.

Son regard ne transmettait aucune mauvaise intention, mais une inquiétude sincère. Ce beau mâle qui prétendait être son partenaire destiné, cet homme l'avait protégé, l'avait sauvé et s'était détourné de la Rébellion. Pour elle. Et pour le remercier, Jehanne continuait de lui cacher tout ce qu'elle pouvait. Alors même qu'à présent, bien que conscient de sa nature, il se dévouait à vouloir l'aider et la protéger.

Pourquoi demeurait-elle aussi méfiante ? Ne pouvait-elle pas baisser sa garde ? Juste cette fois, essayer de faire confiance...

— C'est à cause du roich ?

— Non, c'est plus compliqué que ça.

Elle baissa les yeux, fuyant son contact visuel. Elle jouait avec son débardeur, hésitante, pesant le pour et le contre. Mais depuis leur rencontre, Arian ne cessait de se montrer bon et honnête. Il pouvait se comporter comme un connard et un despote, certes, mais tout ce qu'il faisait était en considérant Jehanne.

— C'est... ma sœur, souffla-t-elle.

Le silence du loup lui indiqua qu'il l'écouterait avec attention.

— Les kères sont une espèce en voie d'extinction parce que les Idoles nous ont livré la guerre depuis des siècles. Mais la raison n'était pas ce don que tu nous confères.

Autrefois, sa sœur lui racontait une tout autre histoire lorsque Jehanne se plaignait de ne pas comprendre pourquoi les Idoles voulaient leur mort à tous.

— La raison est... le Glas des Immortels. Les Idoles ont interrogé, torturé et massacré les nôtres pour trouver l'objet légendaire.

— Attends, Jehanne. Le Glas des Immortels ? Qu'est-ce que c'est ?

— Il s'agit d'une coupe magique. Elle confit à son porteur le droit de vie et de mort sur les êtres du Téras. Transformer un humain en tératos, rendre immortels les mortels, mais aussi rendre mortels des immortels, ou les tuer. Et donc tuer... une Idole. En théorie.

Arian retint son souffle, elle le voyait bien, la poitrine du loup se bloquant dans une inspiration profonde. Elle venait de lui apprendre l'existence d'un objet capable de tuer les Idoles après tout.

— Mais c'est un objet que nous n'utilisons pas, que personne ne peut utiliser. Voilà pourquoi son porteur doit être sélectionné avec soin. Une personne forte, qui n'usera pas du pouvoir de l'objet et qui pourrait se sacrifier pour que ce dernier ne tombe jamais entre de mauvaises mains. Et depuis toujours, cette lourde charge a été confiée à ma famille. La famille de Leau.

— Jehanne, je suis un peu perdu. Tu me dis qu'une arme capable de tuer des Idoles existent et que ta famille était suffisamment importante pour veiller sur cet objet ? Et où est ce Glas des Immortels ?

— J'y viens.

Mais pouvait-elle vraiment tout lui confier ? Les yeux fermés, lui promit un instinct méconnu.

— Mes parents sont morts en protégeant le calice. Ma sœur avait été désignée pour succéder à sa protection, pas moi. Elle était plus sage, plus forte, plus courageuse...

Jehanne avait été une trouillarde à cette époque, faible et insignifiante.

— Mais lorsque les Idoles nous ont retrouvés, elles l'ont massacré devant moi. Je n'ai survécu que parce qu'Elaine m'a fait prendre le sort d'une sorcière. Cela m'a donné toutes les faiblesses des vampires pour tromper les Idoles. En me prenant pour un vampire, elles m'ont utilisé en m'offrant comme cadeau politique aux Saeva, la couronne des hématophages.

Il buvait ses paroles, comprenant enfin qu'elle ne souhaitait pas être interrompue.

— Mais le Glas des Immortels... Les Idoles l'ont en leur possession.

— Comment ça ?

— Les porteurs du calice portent l'objet. En eux. Et les Idoles ont le cadavre de ma sœur. Elles ont accepté de me le rendre en échange de ma servitude.

— Elles doivent déjà avoir récupéré la coupe.

— Impossible, la coupe fusionne avec le porteur en attendant d'avoir l'héritier. Et après ma sœur, la personne la plus digne... c'est moi. Je suis la seule personne capable d'extraire le Glas des Immortels du corps d'Elaine. Et tout mon plan était parfait, tant que les Idoles me pensaient être un vampire. Mais je pense qu'elles ont deviné que j'étais une kèr, et que c'est la raison pour laquelle j'ai été abandonnée dans les mains de la Rébellion après mon séjour dans leurs prisons. Je suis encore en convalescence, je suis faible. Je suis facile à abattre.

Seulement, les Idoles devaient craindre leur arme génocidaire. Elles avaient préféré l'envoyer se faire tuer ailleurs plutôt que de s'en charger elles-mêmes. Pourquoi ne pas l'avoir tué tout de suite au lieu de continuer à la torturer ? Elle n'avait pas de réponse. Grâce à cette erreur stratégique de leur part, Jehanne était encore en vie, et elle voulait tout abandonner pour se cacher.

Adieu les devoirs familiaux, adieu au cadavre d'Elaine, adieu le travail pour les Idoles.


***


Des kères. Des créatures dangereuses s'abreuvant de sang, et de vraies charognardes, elles étaient censées posséder de grandes ailes. Et surtout, elles ne craignaient pas le soleil.

Mais le plus important pour Arian fut une rumeur. De ce qu'il avait entendu, les Idoles ne craignaient pas grand-chose. Même les décapiter, les réduire en cendres ou en bouilli étaient incapables de les anéantir. Seule une Idole pouvait en tuer une autre. Salathiel gardait secrète la manière dont il avait vaincu Orage, une Idole parmi les Anciens, le précédent chef de son espèce.

Seulement, il se disait que d'antiques espèces auraient pu avoir le don de venir aussi à bout des Idoles. Et parmi ces espèces, on comptait les kères.

C'est pour ça que les Idoles veulent l'éliminer.

Il avait sa réponse. Avec cette information, la Rébellion abandonnerait l'idée de tuer Jehanne. Elle possédait le pouvoir de tuer une Idole !

— Les kères ne brûlent pas au soleil.

— J'ai été ensorcelée, lui rappela-t-elle un élément de son histoire.

— Nous allons te sevrer du roich. Ensuite, nous trouverons une sorcière.

— Je connais des sorcières, Arian. Et le sort est impossible à lever, la sorcière l'ayant créé étant bien trop puissante et le sort apparemment trop complexe.

Il ne se découragea pas pour autant. Se redressant, Arian approcha de son visage.

— Je trouverai un moyen, et tu redeviendras aussi puissante que tu devrais l'être. Je ferai tout, je retrouverai même l'identité de la sorcière. Pour toi. Et pour ta sœur, nous réfléchirons à un moyen. Ensemble.

— Tu veux toi aussi trouver cette coupe ?

Cela ne lui était pas venu à l'esprit. Il ne pouvait pas dire que l'objet ne l'intéressait pas. La Rébellion voudrait sans aucun doute l'avoir en sa possession. Mais pour l'heure, ce n'était pas ce que souhaitait Arian.

— Je m'en fiche de la coupe, mais nous parlons du corps de ta sœur. Elle mérite de reposer en paix.

La lueur rouge qui colora ses yeux l'averti d'une émotion puissante. Le corps de Jehanne continuait de trembler, comme un jeune faon effrayé. Ce n'était pourtant pas de la peur qu'il reconnut dans son regard, mais de la surprise, du bonheur aussi. Peut-être même de l'espoir.

Elle le saisit à la nuque, l'attirant pour lui offrir ses lèvres.

— Merci, murmura-t-elle avant de perdre son souffle dans ce baiser.

Sa bouche s'ouvrit pour lui, une invitation à se mêler l'un à l'autre. Sa langue partit à la rencontre de sa jumelle. Jehanne l'embrassait. Il ne l'avait pas initié. Une grande première qui embauma son cœur. Venait-il de gagner le cœur de sa vampiresse ?

— Arian, j'ai vraiment besoin de partir. Je dois récupérer mon manteau.

Encore cette demande. Cette fois-ci, il accepta de croire qu'il ne s'agissait du roich.

— Un truc de kèr ?

— Oui, un truc de kèr.

— D'accord, mais à une condition.

Elle se figea, attendant simplement qu'il parle. Elle avait promis de revenir après tout.

— Je viens avec toi.

— Non, je ne veux pas. C'est mon manteau.

— Et tu es mon âme sœur. Une âme sœur toxico qui n'a pas encore réclamé sa dose, mais dont le besoin grandi. Lorsque le sevrage commencera, je serai présent. Je ne veux pas te savoir seule, sans moi, en une pareille épreuve.

De nouveau, elle l'embrassa à pleine bouche. Jehanne ne l'avait pas habitué à ce débordement d'affection. Loin de s'en plaindre, il avait le sentiment qu'une nouvelle étape venait d'être franchie entre eux.

— D'accord, je vais t'emmener avec moi. Mais nous devons partir maintenant.

— Va préparer tes affaires. Je vais passer un coup de fil à Daveth pour le prévenir que nous partons. Il n'y a pas de réseau, donc je vais m'éloigner dans la forêt, je reviens.

Elle opina du chef et Arian s'éloigna au moment où Jehanne remontait.

Une fois dehors, il trouva du réseau plus loin, courant pour ne pas perdre de temps. Il tenta d'appeler son frère, mais ce dernier ne décrocha pas. Alors, il se contenta d'un message.

J'ai aussi une mission, se souvint-il à contrecœur.

Cliquant sur le nom codé de Salathiel, il envoya un message à la Rébellion pour expliquer la situation. Tout, il révéla tout. Sur la nature de Jehanne, mais pas sur la famille de cette dernière. Ce secret pouvait être gardé, parce que ça ne regardait pas la Rébellion. Jehanne lui avait accordé sa confiance. Il voulait croire que révéler son espèce à Salathiel était pardonnable. Mais le reste serait plus difficile.

La Pleine Lune serait dans un peu plus d'une semaine. À ce moment-là, elle comprendrait, elle saurait qu'ils étaient liés. Mais aurait-il la patience d'attendre ? Ne pouvait-il pas la convaincre entre temps ? Elle commençait tout juste à s'ouvrir et à se confier à lui. La crainte le rendit nerveux. Il allait devoir prévenir Salathiel de ce qu'il venait d'apprendre sur sa partenaire. Et Salathiel était aussi patient qu'il n'appréciait pas perdre inutilement son temps. Ce ne serait pas inutile d'attendre que Jehanne s'attache réellement à lui, n'est-ce pas ?

Il précisa bien qu'il voulait plus de temps, histoire que ces derniers ne débarquent pas n'importe quand. Et surtout, il souhaitait pouvoir prendre le temps de tout lui expliquer, ou au moins de la convaincre de les rejoindre. De ne plus craindre les Idoles. Leur rapprochement naissant, il le devait par la chute des protections de Jehanne. Sa méfiance s'effritait, et il se sentit fier d'être devenu digne de confiance. Puis, il posa ses yeux sur le message envoyé à Salathiel. Quel mérite avait-il ?

Une fois de retour à la maison, il oublia tout. Le spectacle fut trop saisissant pour que la culpabilité l'en détourne. Jehanne, courbée en avant pour fouiller dans son sac, lui montrait son postérieur dont l'arrondi était présenté comme une offrande par son short.

Elle tourna la tête et se redressa, le souffle court, ses lèvres étirées par un sourire accueillant.

Mon âme sœur sort tout droit de mes fantasmes.

— Tu es de retour ? Je termine, attends encore une petite seconde.

Il attendrait une éternité s'il le fallait.

L'horloge se mit à sonner, ce qui les détourna l'un de l'autre un instant tandis que le son résonna un instant.

— Oh, se souvint soudain Arian.

— Comment ça « Oh » ?

— Nous sommes officiellement dans le Téras. Daveth m'a prévenu que lorsque la maison y serait entrée, l'horloge sonnerait.

— C'est une plaisanterie ?

Le ton employé par Jehanne demeurait calme. Visiblement, elle se retenait de céder à la panique.

— Une clé. Il a dû te laisser un passe.

— Daveth ? Non, il a emporté sa clé avec lui.

— Où est ton frère ?

— Je ne sais pas. Dans la forêt. Nous serons bientôt dans le Téras, il devait avoir des choses à faire sur la terre des humains.

Et là, sa vampiresse paniqua.

— Non, ça ne va pas du tout ! J'ai abandonné mon manteau depuis trop longtemps.

Sa vampiresse était sur les nerfs. Savoir qu'il ne la retiendrait pas, qu'il l'accompagnerait pour aller retrouver ses affaires, ne l'avait pas rassuré.

— Tout va bien, Jehanne. Ce n'est que pour deux ou trois jours.


***


Deux ou trois jours. Ça ne la rassurait pas. À quelques minutes près ! Tout ça parce qu'elle avait trainé à préparer ses affaires ! Et Arian avait dû sortir. Il n'y avait apparemment pas de réseau dans la maison.

Et les voilà à présent coincés ensemble dans une maison, au milieu de nulle part, sur un territoire dangereux. Trois jours ensembles. Sans doute le temps que Daveth revienne.

C'est faisable. Ton manteau peut bien attendre quelques jours de plus.

Elle secoua la tête, ne sachant trop que penser de cette situation.

Son regard se posa sur Arian. Le loup nettoyait leur bazar, jetant ce qui était irrécupérable après la dispute les ayant opposés. De son côté, elle reprenait tout juste son calme. Assise sur une chaise, son sac sur la table du salon, son attention s'attardait sur le corps du lycan. La musculature sans graisse roulait à chaque coup de balais. La position courbée, l'expression concentrée, elle se mordit la lèvre en imaginant ses doigts dessiner les détails du beau mâle à ses côtés. Des âmes sœurs.

Pouvait-elle se permettre d'y croire ? Le Téras parlait de partenaires destinés. La plupart des espèces avaient leur propre terme pour les désigner.

Les dragons nommaient le phénomène Elska vinursál, et parlaient du partenaire comme d'un Systsál. Pour les lycans, c'étaient des âmes sœurs. Mais pour les kères, ces partenaires s'apparentaient à une dose d'emmerdement. Elaine énonçait une expression. « Mon Souffle, vent et feu ».

Dans leur ancienne croyance, l'âme était un souffle. Le partenaire destiné devenait ainsi un souffle complémentaire, celui qui s'unissait au leur pour n'être qu'un seul souffle originel. Il était son vent de liberté, son feu embrasant son corps et ses yeux.

Arian se passa une main dans les cheveux. Un son discret lui échappait de temps en temps, comme une mélodie. Se retenait-il de chanter ?

— Quelle est ta couleur préférée ?

Il arqua un sourcil, la question de Jehanne l'étonnant.

— Le bleu, je suppose. Même si je te préfère dans du rouge. Alors, peut-être le rouge. Pourquoi cette question ?

— Je suis curieuse, c'est tout.

Elle observa les lieux, à la recherche d'inspiration. Ses yeux se posèrent sur une bibliothèque. Bondissant de sa chaise avec souplesse, elle s'approcha. Ses doigts parcoururent les titres. Peu diversifié tout ça. De la romance, dans tous les genres et sous-genres possibles.

— Est-ce que tu aimes lire, comme ton frère ?

— Notre mère nous a transmis à mes frères et moi ce passe-temps.

— Tu as un genre favori ?

— Tu n'as pas dû observer ma chambre au château.

Non, elle avait été trop occupée à jouer les garces et à repousser les avances d'un lycan en chaleur, tout en se préoccupant de son évasion et de sa survie.

— J'aime la poésie et les textes classiques.

— Français ?

— Britannique.

— Tu me déçois.

Un rire discret lui échappa.

Elle en apprenait plus sur l'homme sans trop de difficulté. Pas de dispute, ni de bagarre. Aucune résistance. C'en était presque frustrant. D'autant que le loup reprenait son ménage. À croire qu'il était terrifié par son frère.

Il ne lui posait pas de question en retour. Habituellement, il ne cessait de la coller à la moindre occasion. Et à présent qu'elle était totalement disponible, dans une maison, seule avec lui, sa priorité était de passer le balai.

— J'ai soif.

Il se redressa un instant.

— Tu as bu ce matin, Jehanne. Est-ce le sevrage qui commence ?

Le sevrage, toujours le sevrage... Redoutait-il le moment plus qu'elle ?

Elle grommela légèrement agacée. Pourquoi ne lui proposait-il pas de venir se servir ? Elle haussa des épaules. Cela n'avait pas la moindre importance. Une idée germa dans son esprit pour retrouver son attention et se sortir ainsi de l'ennui naissant.

Arian arrêta de balayer lorsqu'elle l'approcha.

— Continue de balayer, je vais me servir moi-même.

Il voulut s'exécuter, le front plissé. Mais ce qui intéressa la créature assoiffée ne fut pas le cou du lycan.

— Attends, qu'est-ce que tu fais ?

Elle venait de se placer à genoux devant lui pour déboutonner son pantalon. Son membre au repos dans sa main, elle déposa un baiser dessus.

— Moi ? Je te l'ai dit, Arian. J'ai soif. Alors ce serait bien si tu pouvais... Oh, elle s'est dressée.

À peine eut-elle l'occasion de lui demander d'être excité pour elle qu'Arian bandait.

— Ta queue se met facilement au garde-à-vous.

— Jehanne, tu es en train de me promettre une pipe. Comment voudrais-tu que je réagisse autrement ?

En l'empoignant, ce membre déjà épais ne gonfla que davantage encore. Sa main ne parvenait pas à se refermer entièrement autour.

— Tu es vraiment... gros.

Peu étonnant pour un lycan. Enfin, elle le supposait.

Léchant le membre dressé sur toute sa longueur, son regard scrutait les réactions du loup. Sa main le masturbait en se servant des perles échappées depuis la fente.

Arian ne serait pas très doué au poker, elle pouvait lire ses expressions avec simplicité. Ses paupières battaient lourdement, sa mâchoire serrée lui présentait le tableau d'un mâle impatient et ne souhaitant manquer le spectacle pour rien au monde.

Soupesant ses bourses, elle en aspira une, la suçant, la léchant, lui montrant de l'attention. Les grondements sourds, presque retenu, l'incitèrent à offrir le même traitement à la deuxième, tandis que sa main effectuait ses mouvements de va-et-vient.

Jehanne n'était peut-être pas une habituée de la fellation, mais ça ne signifiait pas pour autant qu'il s'agissait de sa première fois. Des techniques particulières, elle n'en avait pas. Néanmoins, lorsqu'elle embrassa le gland mouillé, lubrifié, il fut évident que la situation lui échappait. Elle serrait les cuisses. C'était bien la première fois qu'elle se sentait excitée à la seule idée d'accueillir la queue d'un mâle dans sa bouche.

Poussant entre ses lèvres, son regard n'était plus en capacité d'observer son lycan. Elle ferma les yeux, s'aidant de ses mains pour envelopper ce que sa bouche n'avait pas la possibilité de prendre.

— Putain, Jehanne...

Ses grognements l'encourageaient. Il ne lâchait pas son balai, s'y tenant fermement. Le manche se brisa dans sa poigne, se retenant alors au mur non loin. Et soudain, sans prévenir, il donna un coup de boutoir.

— Excuse-moi... Involontaire.

Les doigts du lycan la saisirent par les cheveux, accompagnant son mouvement. Elle caressa les bourses d'une main, accélérant la cadence. Cela sembla plaire à Arian, qu'elle sentait sur le point de rugir.

— Oh oui, continue ma belle !

Le jet réchauffa sa gorge, Arian lui interdisant de retirer sa bouche tant qu'il n'aurait pas fini, ses hanches donnant quelques petits coups, ayant oublié qu'il ne se trouvait pas dans un vagin.

Il la libéra enfin et Jehanne put reprendre son souffle.

— Attends, t'as avalé ?

— Tu ne m'as pas vraiment laissé le choix.

Il ne sembla pas le moins du monde désolé pour ce geste. Bien au contraire !

Lâchant le balai, son corps se pencha pour la saisir aux hanches. Arian la releva très vite, la défiant de quitter l'attraction de son regard. Elle venait d'allumer une braise en lui. Le loup grogna un son animal, et sa bouche captura la sienne.

— Pourquoi, soudain, comme ça ?

La question d'Arian n'avait aucun sens. Pourtant, elle ne trouva aucune difficulté à en saisir le message.

— Parce que je crois que je t'aime bien, Arian.


***


La journée et la nuit avaient été merveilleuses. Arian avait laissé tomber le ménage pour passer son temps à embrasser Jehanne, à la garder entre ses bras, entre ses mains. Et jamais elle ne s'en plaignit.

Parce qu'elle m'aime bien.

Là encore, la femelle aux yeux de lilas se trouvait dans son étreinte. Endormie. Ce séjour chez son frère les rapprochait, et il s'en réjouissait. Arian découvrait du Papillon écarlate une image bien plus charmante. Une femme hargneuse et têtue, mais une femme sensible aussi, et fragile en certains points. Terrifiée par les Idoles, et suffisamment courageuse pour travailler pour elles durant des décennies. Dans l'unique but de récupérer un objet d'une grande puissance. Une coupe capable d'offrir de grands pouvoirs aux Idoles.

Elle n'était pas un monstre. Elle était son âme sœur, la femme parfaite qu'on lui destinait. Celle qui dépasserait toujours ses attentes et dont les défauts deviendraient des qualités inestimables.

Aujourd'hui, le soleil n'était pas encore couché, et il espéra la voir redevenir une Kèr à part entière. Elle ne craindrait plus la lueur du jour. Peut-être même que cette pâleur partirait ? La peau de Jehanne se teinterait-elle d'un éclat doré ? Sa chevelure blanche s'éclaircirait-elle de la couleur des blés ? Et ses yeux... Le rouge les guettant en réaction à ses plus fortes émotions, disparaitrait-il ?

Les kères devaient avoir un regard différent. Pas du rouge. Il attendait de voir.

En attendant, sa main s'égara, caressant le visage de sa belle, ses doigts s'emmêlèrent à ses cheveux. Si doux au toucher...

Ses paupières battirent, Jehanne réagissant à son affection.

— Rendors-toi, la nuit n'est pas tombée.

Pour autant, la créature ouvrit les yeux, lui offrant un magnifique sourire.

— Ah non ? Tant mieux, ça me donnera le temps pour un petit repas.

— Tu as encore faim ?

Le corps souple de sa femelle se déplaça hors de son étreinte. Jehanne se dressait sur lui, l'enjambant pour s'installa à califourchon. Son nez dans sa nuque, elle parut humer l'odeur de son sang avant de planter ses griffes. Un grognement lui échappa, étrangement satisfait.

— Il semblerait que ton petit ami, là, soit aussi réveillé tôt, posa-t-elle sa main contre son érection naissante. Ce sont mes serres qui te mettent dans cet état ? Serais-tu maso, Arian ?

— Pas le moins du monde.

Elle se mit à onduler des hanches, l'effleurant suffisamment pour intensifier la tension entre eux.

— Embrasse-moi, petite kèr.

Ce nom-là fit réagir Jehanne, dont le frisson était des plus plaisants. Elle aimait visiblement qu'il sache pour sa nature.

Soudain, le bruit d'une porte que l'on ouvrirait attira leur attention. Son frère était-il déjà de retour ? Arian n'avait pas fini le ménage, Daveth allait exploser de rage. Mais n'entendant pas de fureur éclater, le couple s'inquiéta.

Ils se trouvaient dans le Téras en cet instant. Les tératos étaient dangereux, mais le reste de la faune et la flore locale pouvait l'être bien plus encore.

Jehanne se jeta sur ses affaires, sortant sa dague. L'image était sexy. Vêtue d'une culotte, elle semblait pourtant prête à se battre, les seins à l'air libre se balançaient sans retenu, l'hypnotisant totalement. Elle se rendit compte de sa nudité puisque sa femelle se rhabilla. Short et débardeur de la veille.

— Qu'est-ce que tu fais encore dans le lit ?

Elle avait raison, et Arian se leva.

Sortant de la chambre à pas de loup, ils descendirent les escaliers...

— Va-t-en Arian ! hurla Jehanne en bondissant sur l'ennemi.

Arian devint blême, cachant sa colère lorsqu'il prit connaissance de l'identité des visiteurs. Salathiel et Nethanel.

Salathiel attrapa au vol Jehanne par le cou, la soulevant de terre pour l'y plaquer avec une grande violence. Le plancher ne résista pas, craquant de cette force. Jehanne venait d'abandonner son arme.

— Va-t-en Arian ! continua-t-elle de se préoccuper de lui.

Elle pensait qu'il était en danger, que la Rébellion l'avait retrouvé pour se venger. Ce n'était pas le cas.

— Arian ? s'étonna-t-elle finalement ne pas le voir partir.

— Comment êtes-vous arrivés ?

— La Rébellion a son propre passe, tu le sais très bien, expliqua Nethanel en levant la main pour montrer une vieille clé.

Ils ne lui avaient pas donné de temps avec Jehanne. Arian aurait voulu pouvoir la sevrer, faire en sorte que tous les deux soient suffisamment proche pour qu'il puisse tout lui avouer sur la véritable raison de leur séjour chez son frère.

Mais non, Salathiel s'était sans doute mis en route dès qu'il avait appris que Jehanne était...

— Une des dernières kères de ce monde, sembla-t-il terminer la phrase d'Arian. Nous avons espéré trouver une créature comme toi durant des siècles, Jehanne de Leau.

Son âme sœur lui lança le plus terrible des regards. Pas de la fureur, mais de la souffrance.

— Tu leur as dit ? Tu étais en contact avec eux tout ce temps ?

Des larmes. Jehanne pleurait. Même Salathiel en parut choqué.

— J'avais confiance en toi !

Et il l'avait trahi.

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Dernière mise à jour : 10/08/2024

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