Chapitre 11

« Bonjour mon cœur, bonjour ma douce vie.

Bonjour mon œil, bonjour ma chère amie,

Hé ! bonjour ma toute belle,

Ma mignardise, bonjour,

Mes délices, mon amour,

Mon doux printemps, ma douce fleur nouvelle,

Mon doux plaisir, ma douce colombelle,

Mon passereau, ma gente tourterelle,

Bonjour, ma douce rebelle. »

Pierre de Ronsard, Bonjour mon cœur



Sous ce toit, tout était plongé dans une ambiance chaleureuse. L'odeur du bois et les couleurs chaudes apaisaient les cœurs agacés. Le style rustique de la demeure possédait un charme certain. Mais pas le genre préféré de Jehanne. Cela faisait trop « homme des bois ». Bon, un homme des bois qui appréciait tout de même un peu de modernité. La présence de l'électricité avait de quoi surprendre en sachant que la maison pouvait passer de la terre des Hommes à celle du Téras. Et dans le Téras, les centrales électriques n'existaient pas.

— La maison est autonome, lui avait alors indiqué Daveth, le frère d'Arian.

Jehanne était habituée à vivre dans n'importe quoi. Des squats empestant l'urine, les ruines poussiéreuses et abandonnées, les appartements de partenaires d'une ou plusieurs nuits, un banc public. Ces derniers lieux étaient à éviter. Pour une femme en tout cas. C'était le risque de se retrouver avec des mâles prêts à copuler ou des guerriers voulant profiter de son sommeil pour la décapiter, reconnaissant en elle l'alliée des Idoles. Et en journée, il valait mieux des lieux délaissés et inconnus. Aucun risque d'être délogé ou vraiment attaqué.

Alors au final, cette maison était un très bel endroit dans lequel se reposer. Mais le château servant de QG à la Rébellion était bien plus attractif.

Cela lui faisait réfléchir au genre de maison qu'elle pourrait vouloir lorsqu'elle sera libre de tout. Chalet en montagne, vieille maison mitoyenne, modernité, traditionnel ? Grande ou petite lui importait bien peu. Mais si elle se permettait un caprice, elle aurait souhaité une demeure en hauteur. Elle aimait les hauteurs.

— La chambre te plait ?

Elle se tourna vers Arian. Daveth l'avait conduite dans une chambre d'ami. Un style simple, sans personnalité, ressemblant à une page de magazine sur les chambres de chalet.

— Je ne vais pas m'en plaindre.

— Ce serait bien une première.

— Je sais être reconnaissante, Arian. Je ne suis pas une garce sans cœur au quotidien.

D'un mouvement de la main, elle chassa ses dernières paroles inutiles. Elle devenait bien trop conciliante à son goût avec lui. Mais Arian n'était pas si agaçant. Enfin si, il l'était. Il n'arrêtait pas de chercher son contact, comme en cet instant alors que son bras l'enlaçait par-derrière et que sa tête reposait sur son épaule.

Néanmoins, l'attention du loup finissait systématiquement par se braquer sur elle, cherchant à deviner ses besoins pour les satisfaire, s'évertuant à la protéger et à réfléchir dans ce but dès qu'il le pouvait. Cela se constatait depuis leur fuite. Il n'attendait pas que le soleil se lève pour l'emmener dans un hôtel, veillant à ce qu'aucun rayon de lumière ne trouve de chemin jusqu'à elle durant son sommeil en plein jour. Et dès que l'astre douloureux disparaissait, il ouvrait et la réveillait, attendant avec patience qu'elle se prépare, qu'elle mange également. Le cou de Lycan l'attendait toujours avec impatience, et elle n'en prenait pas. Deux nuits de voyage, et la voici qui devenait plus docile. Qu'adviendrait-il d'elle après plusieurs jours en compagnie d'Arian ?

Son regard se baissant, le bras de l'homme lui apparaissait comme un geste de tendresse, non plus de possessivité.

— Écarte-toi, sac à puce. Je ne suis pas une peluche géante que tu peux enlacer comme tu veux.

— Est-ce que ça te dérange tant que ça, Jehanne ?

Oui, ça la dérangeait vraiment, parce qu'elle était censée trouver un moyen de lui fausser compagnie.

Elle se tourna vers lui, acceptant qu'elle se trouvait incapable d'obliger Arian à s'éloigner. Lui rétorquer une remarque cinglante lui était impossible. Sa gorge se nouait, repensant à son fichu sacrifice ! Il avait attaqué les siens, renié son combat. Pour elle. Le Papillon écarlate. Son ennemi.

Il avait mis cette identité de côté, simplement pour une histoire de destin.

S'il ne me pensait pas être son âme sœur, je serai morte depuis longtemps.

Ce fichu destin... Là où elle aurait dû en être satisfaite et se moquer du pauvre Lycan qui y croyait dur comme fer, elle ne ressentait qu'un pincement douloureux.

Elle était reconnaissante et elle se sentait redevable à l'encontre du Lycan, et culpabilisait à la seule idée de partir. Pourtant, rien de son but ne changeait : récupérer son manteau, et sans lui ! Même après tout ceci, la confiance de Jehanne demeurait hésitante. Méfiante. Son instinct lui murmurait à l'oreille que quelque chose clochait, sans lui donner le moindre indice.

— Je...

Arian la coupa avant qu'elle n'ait eu le temps de dire quoique ce soit, se plaçant devant elle. Il venait de tirer les rideaux. Le soleil se levait.

— Va dans l'ombre, le temps que je ferme les volets et les rideaux, Jehanne.

Ba-boum. De nouveau ce trouble dans son cœur. Elle s'abrita, attendant qu'il l'aide. Ce n'était pas dans son habitude de laisser quelqu'un prendre soin d'elle, mais Jehanne se trouvait prise au dépourvu avec lui.

Tu dois te ressaisir ! Souviens-toi du plan. T'éloigner du lycan, retourner à l'abbaye pour récupérer ton manteau, trouver un lieu perdu dans la cambrousse pour te cacher et rester en sécurité.

Peut-être que se rendre dans le Téras n'était pas à exclure ? Ces terres, dangereuses pour les solitaires, s'apparentaient à la cachette parfaite. Les Idoles qui y vivaient se fichaient sans aucun doute de Jehanne. Et la plupart des créatures et des tribus qui s'y trouvaient, ignoraient son existence. Ou s'en fichait.

— C'est bon, Jehanne.

Sortant de l'ombre, elle s'avança vers Arian. Il lui tendit la main, convaincu qu'elle y glisserait ses doigts. Et il eut raison, le bougre !

— C'est parce que j'ai faim, se trouva-t-elle comme justification.

Son bras l'emprisonna à la taille, la soulevant pour la poser dans un lit. Une telle délicatesse...

Ah non ! Ce n'est pas moi !

Elle mit fin à ce petit nuage, repoussant le Lycan et se relevant dans la seconde. La main du loup s'écrasa sur son poignet, l'obligeant à rester dans cette chambre.

— Arrête de me fuir, gronda-t-il. J'en ai marre de ce genre de jeu. Tu es mon âme sœur, Jehanne ! Pourquoi me repousses-tu autant ?

— Et pourquoi ne le ferai-je pas ? Parce qu'on est lié ? Qui l'a décidé ? Le Destin ? La Lune ? En tout cas, on ne m'a pas demandé mon avis à moi !

Un silence s'installa. Jehanne tira sur son bras, désirant s'extirper de la prise. C'était stupide. On ne se défaisait pas d'une poigne comme ça ! Jehanne le savait parfaitement pourtant.

Arian ne lutta pas, suivant le mouvement pour coincer Jehanne contre un mur, son poignet relevé et plaqué au-dessus de sa tête.

— De quoi as-tu vraiment peur, Jehanne ?

— Je n'ai pas peur.

— Mais tu trembles.

Bonne observation. Et ce simple constat lui éclaircie l'esprit. Tout était lié ! Elle était simplement en manque. Cela expliquait sa docilité, sa passivité et la présence de la culpabilité dans son cœur !

Ce que tu dis n'a aucun sens, Jehanne, se moquait son cœur uni à sa raison.

— Je... J'en ai besoin.

— Je sais. Mais Jehanne, je n'ai pas de roich.

— Tu n'en as pas amené ?

Elle faillit s'étrangler. Elle pouvait encore s'en passer un peu. Quelque temps. Mais pas pour l'éternité !

— Arian, tu dois m'en trouver.

— Non, tu dois décrocher.

— Mordiable, je ne suis pas toxico ! C'est de la médicamentation !

Faux, et elle le savait. Elle en prenait conscience par moment, quand son esprit ne s'embrouillait pas, que ses émotions ne faisaient pas la girouette.

Le Lycan posa la main libre de Jehanne sur son épaule, contre son pouls battant. Elle avait ouvert ses serres, une soif soudaine se déclarant alors que le flux du sang chauffait sous ses doigts posés à même la peau. Une peau brûlante... Sa langue humecta ses lèvres, impatiente, gourmande.

— Tu en meurs d'envie.

La pointe de ses serres coupa la chair, délicatement, laissant perler quelques gouttes de sang. Arian lui agrippa la nuque, amenant sa bouche contre la plaie qui, déjà, se refermait. Elle la lécha, recueillant la douceur de cette boisson si précieuse. Son regard s'illumina, transperçant douloureusement le corps du loup, plaquant sa bouche sur l'épaule déchirée. Le sang affluait, coulait dans sa gorge. Sa salive ralentissait la guérison de l'immortel.

Obsédée par son goût, Jehanne ne prêtait pas attention aux mains qui venaient de la soulever pour lui faire nouer ses jambes autour de la taille d'Arian. Elle buvait goulûment, gémissant de bonheur. C'était vraiment... délicieux.

Contrairement à ce qu'elle aurait cru, il n'en profita pas pour la peloter. Au contraire. Il s'assit sur le lit, lui permettant de jouer la sangsue confortablement. Son bras l'enlaçait, ce qui n'avait rien de dérangeant. Elle pouvait pourtant sentir la bosse dans son pantalon. Il était excité, mais il ne réclamait rien.

— Nourris-toi, Jehanne, c'est tout, comprit-il qu'elle avait remarqué la présence de son érection.


***


Elle aspirait, se nourrissait sans donner signe de vouloir s'arrêter.

La stratégie d'Arian était assez simple. Il était persuadé que son sang pouvait remplacer le roich. Il voulait remplacer cette drogue par le sang de son âme sœur. Autrement dit, le sien. Alors hors de question de la toucher ! Pas maintenant. Il voulait la rendre plus docile, pas lui donner l'occasion de s'éloigner.

Pourtant, Jehanne cessa de boire, par elle-même. Sa main guida celle d'Arian jusqu'au joli postérieur.

— Tu es trop sage, ça ne te ressemble pas, sac à puce.

— Je suis patient, c'est différent.

— Je n'y crois pas.

La lueur écarlate dans ses yeux lilas indiquait une émotion en Jehanne qu'il ne put traduire. Elle le jaugeait, cherchant une faille, sans doute. Mais une histoire d'âme sœur était censée durer pour toujours. Et une addiction pouvait détruire des vies d'un claquement de doigt. Cela suffisait à retenir ses ardeurs. Même lorsque Jehanne se mordilla la lèvre.

Il retint un grognement dans sa gorge. Le faisait-elle consciemment ?

— Donc si je fais ça...

Jehanne lui prit une main libre, l'accompagnant pour soupeser l'un de ses seins.

— Si je fais ça, tu ne cèderas vraiment pas ?

Bordel, la garce ! Il voulut pétrir cette rondeur, mordiller les tétons qui apparaissaient malgré la présence des épaisseurs des tissus. Le plus terrible et dangereux arriva lorsqu'elle ondula des hanches, se frottant volontairement contre son érection.

Arian agrippa Jehanne à la taille, la stoppant.

— Arrête ça, Jehanne.

— Pourquoi ? Je pensais que les Lycans désiraient si ardemment leur âme sœur qu'ils ne pouvaient s'empêcher de la baiser à chaque fois que cela leur était possible. Ou alors, je ne suis finalement pas ton âme sœur ?

Alors c'était donc à ce jeu-là qu'elle voulait s'amuser ?

— Te baiser serait facile. Tu es faible. À cause du roich, tes sens aiguisés de prédatrices sont aliénés. Tu es plus lente, moins forte et ton corps est amaigri.

— Ose encore dire que je suis laide !

— Tu n'es pas laide, tu es faible. Dans ton état, il me serait aisé de te prendre.

D'un geste habile, il la retourna pour la placer contre le matelas, sur le dos. La petite vampiresse tenta de le repousser, visiblement agacée de voir qu'il avait raison.

— Je pourrai même te mettre à quatre pattes pour m'enfoncer dans ton corps à la peau d'une pâleur cadavérique. Rien de plus simple.

Sans doute intimidée dans un premier temps, Jehanne détourna le regard avant de s'ancrer dans ses yeux, se souvenant qu'elle n'était pas une proie mais le Papillon écarlate. Elle ne pouvait craindre un Lycan.

— Mais ce n'est pas ce que je veux, lui assura-t-il.

— Et qu'est-ce que tu veux ?

Non que ça m'intéresse, sembla-t-elle vouloir lui rétorquer.

— Je veux mon âme sœur, Jehanne. Et qu'elle me reconnaisse comme son partenaire. Qu'une confiance mutuelle nous unisse. Je veux que tu sois capable de te reposer sur moi, je veux avoir l'occasion de te connaitre. Ton corps est intéressant et à damner les Saints. Mais sans ton cœur, sans ton âme... ça ne vaut pas le coup.

— Tu ne tenais pas ce discours dans les cachots, sac à puces.

Là encore, ses paroles étaient vérités. Il avait même utilisé du roich pour tenter de l'amadouer. Mais plus maintenant ! Il était décidé à lui venir en aide, à la guérir, et à rencontrer la vraie Jehanne. Celle qui n'était pas accro à une drogue. Celle dont l'habileté au combat faisait trembler des armées. Celle dont la beauté ensorcelait des foules entières. Celle qu'une peinture de Bretagne décrivait en majesté. Et surtout, il voulait rencontrer Jehanne de Leau, celle que personne ne connaissait. Arrogante et sarcastique, mais qui cachait sa passion et ses craintes derrière des masques de brutalités.

Je veux rencontrer mon âme sœur.

— D'accord, sac à puces, j'abandonne pour aujourd'hui. Laisse-moi boire encore un coup et ensuite je vais dormir bien sagement comme un gentil petit vampire.

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Dernière mise à jour : 11/07/2024

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