Chapitre 1
« Il est la beauté, il est la vie.
Je le regarde jusqu'à ce qu'il disparaisse à l'horizon.
Quelqu'un à mon côté dit : « il est parti ! »
Parti vers où ?
Parti de mon regard, c'est tout ! »
— William Blake, Le voilier
Quelques siècles plus tard
- France, de nos jours -
Effrayant.
La description ne pouvait se faire plus précisément que par ce mot. Effrayant. Ou bien intimidant. À moins que le terme qui ait le mieux convenu n'ait été celui d'hypnotique puisque le regard argenté de l'homme ne parvenait pas à se détacher de la créature dépeinte par une simple image datant d'une époque incertaine. Sûrement une peinture de la Renaissance. Ou bien s'agissait-il d'une représentation moyenâgeuse en période de peste noire ?
— Vous avez là une magnifique fresque française du XIXᵉ siècle, renseigna la guide avec un grand sourire.
Cette dernière, une jeune femme très certainement étudiante en histoire de l'art, commençait à décrire une œuvre pourtant indescriptible. La beauté du tableau ne pouvait ressortir en de simples mots venant de la bouche d'une personne qui ne pouvait pas comprendre de quoi elle parlait. Pas avec une telle peinture. Ni la date ni l'analyse de la toile n'étaient correctes.
Et tandis qu'elle finissait la présentation de l'œuvre, la guide poursuivit sa visite, suivie par une petite foule attentive. Arian aurait pu ressembler au reste de ce groupe de touristes anglophones. Seulement, l'unique chose qu'il partageait avec eux était une langue. Lui, au contraire des autres dans ce lieu, n'était pas en France pour y faire du tourisme. D'ailleurs, il ne trouvait rien d'intéressant à voir ici. Paris à la rigueur. Nice, pourquoi pas. Mais Tréhorenteuc, ville paumée de Bretagne ?
L'homme haussa les épaules, profitant simplement de l'exposition temporaire. Sa présence dans ce bâtiment n'était qu'un détour. Et il ne regrettait pas ce choix. Son regard toujours posé sur l'œuvre ancienne, il ne parvenait pas à s'en détourner.
La scène présentée était sanglante, composée d'hommes, de femmes et d'enfants égorgés, tailladés, mis en pièce par un monstre sanguinaire. Même les animaux, dangereux ou non, n'avaient pas été épargnés par la brutalité du massacre. Et au centre de la fresque se tenait le coupable de cette horreur. Plus précisément, la coupable y était dépeinte comme sujet principal et central.
Une créature qui fit naître en Arian la contradiction d'une admiration certaine pour cette dernière et d'une haine envers lui-même pour être ainsi subjugué. Ce monstre n'avait rien de sublime dans ce carnage, et pourtant Arian ne pouvait s'empêcher de le voir ainsi. Une femme magnifique que l'art ne parvenait pas à décrire dans toute sa splendeur. Les mains tachées par le sang, un visage qui en était recouvert tout comme ses vêtements somptueux, la créature regardait dans le vide, deux ailes de papillon dans le dos. Pâle, les lèvres étirées par une esquisse secrète, la femme avait cette étincelle dans les yeux qui voulait traduire son plaisir morbide pour la sauvagerie de son carnage.
Cependant, Arian se sentait à la fois terrifié et fasciné.
Terrifié par ce que cette femme avait fait, fasciné par sa beauté irréelle.
Il connaissait cette créature. Pas personnellement, certes, mais les histoires qui se rapportaient à elle étaient connues parmi les gens tels que lui. Les créatures non humaines, les monstres. Les créatures du Téras, ou les tératos comme aimaient les appeler certains.
Le nom de cette femme, de cette abjecte créature, était le Papillon écarlate, un surnom français qu'Arian trouvait élégant à la prononciation, malgré son accent irlandais qui venait écorcher les mots discrètement. L'arme génocidaire des Idoles avait permis à ces créatures arrogantes et cruelles d'étendre leur règne de terreur en dehors du Téras, sur la Terre des Hommes.
Dans un grognement animal qu'il tentait de garder dans le fond de sa gorge, l'homme esquissa un sourire satisfait. C'était un chasseur. Un traqueur. Et il était doué dans ce qu'il faisait, appartenant à la race des Lycans, des loups-garous.
Peu importe. Le plus important à ses yeux en ce moment était qu'il allait bientôt pouvoir satisfaire ses instincts de prédateur. Puisque le loup était en chasse, combattant les Idoles et détruisant leurs alliés depuis longtemps. Très longtemps. Et sa proie du moment était cette femme. Cette créature sanguinaire. Ce Papillon écarlate.
Depuis plusieurs semaines qu'il était sur ses traces...
Soudain, une étrangeté tira Arian de ses ambitions. Une fragrance inconnue, agréable, apaisante.
Une odeur d'hiver, pensa-t-il alors. La senteur surgit de nulle part, le détournant de ses pensées. Intrigué, son regard évalua les alentours, ses instincts se mettant à gronder en lui. En plein été, cette sensation glaciale, ce sentiment pesant et cette effluve d'un baiser hiémal ne pouvaient pas être normaux.
Une femme. Voilà d'où émanait l'arôme.
Le groupe d'humains s'était éloigné, le laissant avec une créature de rêve. Chevelure claire, les yeux lilas brillaient de beauté dans l'observation de la toile. Il ne l'avait pas senti arriver dans son dos. Sa robe rouge épousait sa silhouette fluette à la poitrine généreuse. Les fines bretelles indiquaient qu'elle ne portait sans doute aucun soutien-gorge. Ses longues jambes n'étaient pas cachées, son vêtement ne couvrant pas les genoux. Si elle se penchait ainsi vêtue, chacun pourrait apercevoir sa culotte qu'il voulait imaginer être de la dentelle.
Elle entrouvrit ses lèvres, les humidifiant d'une langue tentatrice.
Regarde-moi.
Avait-elle lu ses pensées ou avait-il prononcé ces mots à haute voix ? La jolie créature tourna son visage pour plonger son regard dans le sien.
Tout explosa en lui. Elle.
Son téléphone se mit à vibrer, le détournant du charme imposé par le Destin. Mais le temps de se tourner, la belle avait disparu.
Rattrape-la.
Pestant contre lui-même, il courra dehors, cherchant frénétiquement celle qui venait de lui glisser entre les doigts. Ses yeux affûtés l'aperçurent qui grimpait dans un taxi. Une chance hasardeuse pour elle dans un lieu aussi perdu au milieu de nulle part. Un malheur inopiné pour lui. La créature de ses rêves s'en était allée.
Tout en lui bouillonnait de se lancer à sa poursuite. Il comprenait ce que, potentiellement, ce regard lilas pouvait représenter. Sa partenaire destinée, son âme sœur. Il lui faudra la rencontrer sous la Pleine Lune pour en être sûr, mais Arian se sentait déjà de la pourchasser. Or, bien que l'idée de retourner la voiture pour en dérober la demoiselle de manière cavalière fut plaisante, il ne pouvait se le permettre. Les humains se poseraient des questions si un grand gaillard comme lui se mettait à détruire le taxi comme qu'il ne s'agissait que carton aussi léger qu'une plume. Alors il laissa le véhicule éloigner sa belle aux yeux lilas.
Son téléphone vibra de nouveau, l'incitant à revenir dans l'instant présent.
— « Le Val sans retour », lu-t-il le message.
Arian avait une mission, il ne pouvait pas s'en détourner à cause d'une jolie blonde croisée dans le coin. Lorsqu'il en aura fini, peut-être se mettrait-il en chasse pour retrouver la belle créature qui l'avait éconduit ?
Une esquisse impatiente aux lèvres, il se détourna du village pour monter dans sa voiture. Direction la forêt des Fées.
***
Donnant sa monnaie au chauffeur, la dame vêtue en rouge poussa un long et profond soupir ennuyé. Quelques heures plus tôt, elle quittait Tréhorenteuc, un joli village assez typique de ce dont elle se souvenait d'une vieille France de campagne et plus particulièrement de Bretagne. Un charme discret, méprisé par les gens de la ville qui n'hésitaient pas à parler de « dépaysement » et « d'aventure ».
Ce qui la peinait, outre ce message sur son téléphone arriéré, c'était d'avoir été dérangée alors qu'elle s'accordait une visite de l'exposition temporaire réalisée par les humains. Là-bas s'était trouvé des œuvres réalisées par un vieil ami, décédé depuis bien longtemps. Les Hommes ne possédaient une très grande longévité.
Un tableau en particulier l'avait animée. Celui nommé « Guerre ». L'image dépeinte voulait la représenter dans toute son horreur et sa beauté, dans son élément de violence et de guerre. Une kèr dont les ailes de vautour sanguinolant devenaient de jolies ailes de papillon pour faire honneur à son surnom. Jamais elle n'avait possédé de tels attributs délicats. Mais un artiste restait un artiste réalisant des choix d'artiste. Qui était-elle pour en juger alors que ces mêmes choix la faisaient encore sourire niaisement de bonheur ? Cette image lui plaisait beaucoup, et que le village ait ressorti le tableau comblait de joie celle qui ne l'avait pas revu depuis longtemps.
Son regard se porta sur l'immeuble se tenant devant elle. Elle avait dû changer de taxi entre-temps. Simplement pour se rendre à Paris, dans ce quartier fort peu modeste. Et dire qu'il fut un temps où la capitale française ne fut qu'un trou paumé et poisseux...
L'appréhension se lisait sur son visage, et se comprenait dans sa paralysie. La femme ne voulait pas entrer.
Si fueris Romae, Romano vivito more.
« À Rome, fais comme les Romains. »
Mais comment avoir l'air d'une femme riche et méprisante au milieu d'individus ne comptant pas le terme « modestie » dans leur panel de vocabulaire ?
— Être une garce arrogante, tu sais faire, se convint-elle en repoussant ses cheveux.
Elle entra dans le bâtiment, un employé lui ouvrant la porte en retenant un sourire amusé. Il devait l'avoir observé dans son hésitation. Elle-même se serait moquée à sa place, mais cela ne la dissuada pas de le fusiller d'un regard menaçant. Il déglutit et garda la tête basse. Cela lui suffit à être satisfaite tandis qu'elle traversait le hall luxueux.
Les Idoles appréciaient le luxe et fuyaient la saleté de tout leur être. Alors trouver ces personnages arrogants et auto-proclamés maîtres du Téras et bientôt de la Terre des Hommes n'avait rien de compliqué. C'était de les vaincre que venait le problème.
Elle monta dans l'ascenseur, désignant son étage à la personne chargée de cette besogne. Chacun ici voyait défiler divers profils, mais essentiellement des personnages riches, voire des têtes médiatiques. À quoi devait-elle ressembler à leurs yeux dans son imperméable rouge et ses louboutins ? Surement à une sorte de prostituée ou une gosse de riche qui voulait se cacher de son papa.
Elle arriva à destination. Le penthouse.
L'immeuble abritait l'un des nombreux QG des Idoles. Bien qu'il fût facile de mettre la main sur ces lieux de réunions, trouver le Foyer était bien plus difficile. La maison principale était un refuge, un « foyer » pour ces créatures invincibles. Ce n'était pas le genre d'endroit que l'on indiquait sur une carte ou depuis grâce à une manipulation satellite. Elle s'y était déjà tentée, en vint.
— Jehanne de Leau, tu es en retard, grimaça un homme venu visiblement l'accueillir.
Environ 5h de route à cause des embouteillages sale con. Si elle avait été prévenue plus tôt, elle aurait pu faire le nécessaire. Mais non, les Idoles lui avaient donné pour ordre de se pointer ici alors qu'elle profitait de l'un de ses rares moments de repos.
Elle pesta, ce qui ne parut pas plaire à l'Idole lui faisant face. Elle se ratatina sur elle, préférant ne pas se disputer avec ces monstres. L'idée de retourner dans leurs prisons ne lui plaisait pas.
— Je vais prévenir Alysse de ton arrivée.
Et il disparut.
Un simple regard pour le nouveau lieu dans lequel on venait de la convoquer fit se sentir Jehanne comme une merde. Tout ici puait le luxe, et cela avait de quoi contrarier la femme sans le sou qu'elle était. Le contraste se révélait flagrant pour celle qui n'avait connu que de la moisissure et un arrière-goût de désespoir ces derniers temps.
Ses yeux se posèrent sur chaque Idole. Elle aurait voulu pouvoir leur lancer son regard le plus noir, mais elle en fut incapable.
Jehanne de Leau, créature sanguinaire qui avait cessé de faire attention à son âge, avait été dérangée dès le matin avec un message n'indiquant qu'une adresse. La raison de sa venue ? De toute évidence, une mission. Tuer des gens, rayer de la carte une espèce entière, et pourquoi pas aller me faire foutre en espérant que je crève ! – Pensa-t-elle sans trop exagérer. Les Idoles avaient bien peu de respect la concernant. Qu'importe. Elles trouveraient toujours une occupation pour l'exploiter jusqu'à ce qu'elle n'ait plus rien à offrir.
L'une de ces créatures, un homme fort élégant et à la démarche prétentieuse, laissa sa peau se changer en or lorsqu'il la remarqua. Le Soleil s'y refléta, arrachant à Jehanne un sifflement mécontent. Il avait dû le faire exprès. Soit pour vérifier qu'elle était bien un vampire, soit pour tout simplement l'emmerder parce qu'il était persuadé qu'elle en était un.
Jehanne ne pouvait pas se permettre d'être connue comme étant une kèr auprès des Idoles. Un sort l'avait maudite à craindre le Soleil pour cette raison, la laissant vulnérable aux rayons de l'astre comme tous les vampires du monde. Elle se protégeait avec de la crème solaire particulière, développée pour que ces sangsues faiblardes puissent sortir en plein jour sans craindre de s'enflammer. Ça n'en demeurait pas moins désagréable. D'autant qu'en ce moment, la femme aux cheveux argentés n'était pas en grande forme.
Les quelques Idoles présentes ici, des hommes et des femmes, se penchaient au-dessus de divers plans étalés sur la grande table servant pour, visiblement, une réunion stratégique dressée à l'improviste. Jehanne cacha au mieux le sentiment de peur qui l'envahit de manière brusque et flagrante. Pour une tueuse censée être antipathique et à tendance psychopathe, elle ne faisait pas honneur à sa réputation face à ces monstres.
— Alysse, murmura l'homme qui l'avait accueilli à la femme au centre de toute cette entreprise intrigante. Le Papillon écarlate est arrivé.
La femme à la chevelure cendrée releva les yeux de ses cartes pour la fixer. Jehanne n'avait pas peur de grand-chose. Pas même que le ciel lui tombe sur la tête ! Mais face aux Idoles, elle manquait cruellement de courage. Avant elle, sa sœur les avait craintes. Et leurs parents également, tout comme le reste de ce qu'avait été l'espèce des kérès, expliquant pourquoi elle avait été obligée de s'infliger le fardeau d'une telle malédiction à devoir craindre le Soleil.
— Jehanne, nous t'envoyons en mission, se désintéressa Alysse en balayant de la main. Attends ton tour.
On l'emmena dans un salon. Une autre personne attendait, les Idoles le faisant également patienter. Il y avait aussi la présence d'esclaves hybrides dans cette pièce. Les Idoles avaient en horreur ces derniers, qu'elles estimaient impures. Mais dans leur « grande générosité », elles décidaient parfois d'en épargner et de les réduire à l'état de servitude éternelle.
Jehanne s'installa face à l'autre invité vêtu tout de noir.
— Bonjour Peter, je comprends mieux l'humeur de chien des Idoles aujourd'hui, avec toi dans les parages.
Peter, un dhampire qu'elle connaissait plus qu'elle ne le devrait, lui accorda un sourire amusé. Et comme tous les dhampires n'ayant pas été exécutés par les Idoles, cet hybride à la fois humain et vampire était un soldat de la Royauté vampirique.
— Pourquoi t'es là ? La Royauté veut lécher les bottes des Idoles ? continua Jehanne.
— En quelque sorte. Le roich se propage un peu trop à leur goût et... Putain Jehanne ! Tu devais arrêter avec cette merde ! s'énerva alors Peter en la voyant sortir une fiole accompagnée de sa pipette.
Elle se figea à la manière d'une enfant prise sur le fait avant de cesser la comédie de la jeune fille coupable de son crime. Quoiqu'il fût provocateur de consommer du produit devant celui qui était en train d'en dépeindre un portrait néfaste.
— Le roich est vraiment dangereux, c'est sûr, se moqua-t-elle en prenant de ce même produit devant celui qu'elle acceptait parfois de considérer comme un ami.
Le roich était une drogue réservée au peuple vampirique, et plus particulièrement aux vampires. Pas de jaloux, toutes les sangsues du Téras auraient le droit à sa dose si elles trouvaient un fournisseur. Rien de très compliqué puisque le but des Idoles étaient entre-autre de le répandre pour bien emmerder la couronne des espèces hématophages.
— Tu as déjà fait deux overdoses. Ça ne t'a pas suffi ?
— Je suis plutôt joueuse. Je te parie que la prochaine ne me tuera pas. J'ai une chance de cocu.
Jehanne laissa tomber sur sa langue une goutte de roich. Ce qu'il contenait ? Elle n'était pas chimiste. Le seul ingrédient qu'elle connaissait était la provenance du sang contenu là-dedans : un sang humain contaminé par l'alcool ou la drogue. Parfois les deux. Des variantes selon les préférences des clients. Jehanne n'étant pas difficile, elle prenait tout ce qu'on lui proposait.
L'effet fut immédiat. Toute son angoisse disparu pour laisser place à un instant furtif de plénitude et au sentiment permanent de satisfaction. Consommer du roich, c'était comme de vivre dans un monde en noir et blanc tout ce temps et de retrouver les couleurs du monde en une fraction de seconde. Une explosion de saveur et d'éclat ranimait absolument tout devant ses yeux.
— Détends-toi, je sais gérer. Deux doses par jour, mentit-elle comme un arracheur de dents. Je ne suis plus addict.
— Une toxico reste une toxico, Jehanne.
— La santé humaine, c'est pour les humains. Moi, j'ai guéri.
— Tu as conscience que ça inhibe tes instincts et que sa bousille ton corps ? Cette drogue bousille ton système immunitaire. La crème solaire n'aidera bientôt plus ta peau contre les rayons du Soleil, et je vais de nouveau devoir te ramasser à la pelle dans un bled paumé en compagnie d'autres vampires junkies.
Ces histoire appartenaient au passé, elle voulait les oublier.
Peter se leva, la rejoignant de son côté. Leurs épaules se frôlèrent alors qu'il la bousculait amicalement.
— Je m'inquiète vraiment, Jehanne. Tu avais décroché...
Effectivement, elle avait arrêté durant quelque temps.
— Entre-temps, j'ai été envoyée pour tuer une hybride mi-fée mi-kornekaned et j'ai échoué dans ma mission.
Et les Idoles ne pardonnaient pas facilement l'échec, ce qui expliquait son petit séjour dans ce qu'elle aimait appeler les salles « BDSM hardcore non consentie ». Il s'agissait d'une superbe prison cinq étoiles située non loin du Foyer.
Le programme dans cette prison de luxe ? Pour commencer, une hygiène déplorable. En ces lieux, la moisissure devenait un signe de propreté et le sang séché sur les murs une occasion pour Jehanne de profiter d'un merveilleux repas. Quant aux activités proposées... La femme n'était pas particulièrement masochiste. Pourtant, entre ces murs, on arrivait par moment à vous faire croire le contraire. Dans le cas inverse, tout devenait très rapidement insoutenable. Les Idoles avaient une très grande imagination. C'étaient de véritables tordues.
Elle n'était libérée que depuis peu. On avait apparemment accepté de la laisser tranquille, de lui donner du temps pour se remettre de ce bordel avant de la renvoyer sur le terrain. Mais pour se relever de l'Enfer, il fallait bien plus d'une semaine ! D'autant que suite à cet épisode, les Idoles lui avaient redonné du roich. Des années entières d'abstinences jetées par la fenêtre.
— Merde, blêmit Peter en se passant la main sur le visage.
Lui aussi devait avoir conscience de ce que ces prisons offraient à ses locataires. Il n'y avait jamais été enfermé, certes, mais cela ne signifiait pas que le dhampire soit insensible ou ignorant.
— Quitte-les, Jehanne. Notre Reine te protégera.
— Ouais, pouffa-t-elle en tapant du pied. Comme si les Saeva pouvaient faire quelque chose pour moi. La famille Royale regrette peut-être mon départ, Peter, mais elle ne voudra pas se mettre à dos les Idoles. Personne ne veut avoir une espèce surpuissante et invincible comme ennemie. On ne peut pas les tuer. Et crois-moi, j'ai essayé.
Évidemment qu'elle avait essayé... Si stupide. Même passée dans un hachoir, une Idole trouverait toujours le moyen de ne pas perdre la vie. Si tenté que les lames puissent traverser leur peau, celle-ci capable de devenir plus solide que le diamant ou les chaînes des nains.
Finalement, Jehanne craqua et s'offrit une deuxième larme de roich avec la pipette. Une de plus, une de moins...
— Si tu essaies de me réconforter, garde tes mains, menaça-t-elle en sentant Peter prêt à lui donner une petite tape amicale dans le dos. J'obéis volontairement aux Idoles et prendre du roich est mon choix.
Elle avait horreur d'être prise en pitié. D'autant qu'elle ne comptait pas rester une toxico durant toute son éternelle de vie. Mais au moins le temps pour son corps de guérir des sévices de la prison... Et après, elle décrocherait. Il s'agissait de médicamentation. Elle s'en persuadait.
— Hybride, cracha la voix d'une Idole envers Peter. Nous n'avons pas de temps à accorder au peuple vampirique.
— Le contraire m'aurait étonné, murmura Peter pour lui-même. Tu vois Jehanne, si tu revenais auprès des tiens, les Idoles ne mépriseraient plus autant les nôtres.
— Je doute d'être une créature très effrayante pour elles.
— Tu serais surprise, déclara-t-il dans son oreille avant de partir, escorté de près.
De quoi est-il au courant, tilta Jehanne sur la mystérieuse remarque. Elle blêmit à la seule pensée qu'il puisse savoir quoique ce soit.
Ne pas être paranoïaque. Personne ne connaissait sa nature de kèr. C'était impossible. Premièrement parce que les kérès étaient assez peu connues dans le Téras, tout au plus comme une espèce disparue, massacrée par les Idoles. Ensuite, parce que Jehanne veillait à éradiquer les témoins et à protéger son anonymat dans ce monde. Ces bonnes pensées à l'esprit, elle reprit très vite son calme.
Une autre Idole arriva pour l'emmener auprès d'Alysse. Une chose que l'on apprenait de manière rapide auprès des Idoles : ne jamais se tenir à la portée de leurs mains. Celles d'Alysse avaient la capacité de réduire en poussière tout ce qu'elle touchait.
— Jehanne de Leau, la Rébellion t'a prise en chasse.
Ce qui l'étonnait n'était pas d'être devenue la cible d'un groupe de rebelle ayant pour ambition de détruire les Idoles, mais plutôt qu'on la prévienne du danger. En quoi cela importait-il qu'elle, une simple arme jetable, soit devenue une cible ?
— Tu vas nous servir d'informateur.
Jehanne n'était pas particulièrement ravie d'une telle nouvelle. Et elle ne s'en cacha pas, sa moue ennuyée laissant transparaitre sa pensée.
Devant son manque d'entrain, Alysse s'avança en dépassant cette distance de sécurité nécessaire face à une Idole. Jehanne devait se rappeler qu'elle n'était pas en position de contredire un ordre.
Alysse se contenta de s'asseoir au bord de la table.
— D'après nos renseignements, un chasseur va venir pour te capturer. Ce sera l'occasion pour toi d'infiltrer la Rébellion. Déniche leurs plans, leurs cachettes et une liste de leurs membres, tiens-nous informée. Ensuite, détruis-les tous.
Les tenir informées... Sans doute pour récupérer quelques miettes si jamais elle venait à mourir dans sa mission.
Jehanne n'avait jamais été une espionne. L'échec n'était pas à exclure. Elle ne pouvait pourtant pas se le permettre, sinon on ne se contenterait pas de l'envoyer en « prison » cette fois-ci. Ou bien, on l'enverrait pour une durée indéterminée.
Alysse sembla en avoir fini avec elle, mais Jehanne ne travaillait pas « gratuitement ». Les Idoles ne la payaient pas en argent, mais en espoir.
— Pour... Pour ma sœur...
— Tu deviens avide et impatiente, la mit en garde l'Idole. Fais ton travail.
Mais avant qu'elle ne puisse partir, l'Idole lui donna une dernière consigne.
— Ce chasseur connaît l'emplacement de ta résidence actuelle. Alors restes-y, ne lui complique pas la tâche.
— Comment la connaîtrait-il ?
Jehanne avait bien pris soin de se cacher pour ne pas être embêtée de quiconque.
— Parce que nous avons donné cette information.
Cela signifiait que non seulement les Idoles avaient déjà une taupe dans la Rébellion, rendant la présence de Jehanne là-bas totalement fortuite, mais qu'en plus, on venait de la mettre en danger sans raison particulière.
Elles essaient de trouver un moyen de se débarrasser de moi sans le faire elles-mêmes, en déduisit la femme avant de se souvenir qu'elle n'avait pas le luxe de réfléchir. Elle devait se contenter d'obéir.
— Voici ta récompense, lui lança-t-on un sac en plastique.
Du roich et de la crème solaire pour vampire. Le kit parfait pour lui rappeler à quel point elle était misérable.
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Dernière mise à jour : 24/03/2024
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