23 | Maudit Anniversaire
Samedi 19 Septembre
Tout avait mal commencé. La voiture refusait de démarrer et j'ai dû attendre Eduardo pour qu'il me raccompagne à Paris. Comme si ça ne suffisait pas, les CRS ont bouclé le périmètre, nous obligeant à faire un détour. Finalement, Edua béquille son scoot près de chez moi et me lance un regard contrarié en reprenant son casque.
Il faut dire que ça n'a pas été simple de le convaincre de me laisser y retourner.
- Juste la soirée, exige-t-il le doigt levé.
- Juste la soirée, répété-je.
- Et tu ne rentres pas seule !
- Et je ne rentre pas seule ! ai-je répondu en traçant une croix sur mon cœur pour jurer.
Sur ces mots, il sourit, à peu près satisfait, et claque un baiser bruyant sur ma joue avant de repartir.
Mon ventre se noue en le regardant disparaître, refermant ainsi la parenthèse de cette semaine passée chez lui. J'avais besoin d'un peu de temps pour reprendre mon souffle et recharger mes batteries, afin de pouvoir continuer à affronter ma vie. Néanmoins, je sentais déjà que nos fous rires allaient me manquer.
Trop en retard pour m'apitoyer, je fonce et grimpe les marches deux par deux. Sur mon palier gît une boîte de pizza que Jack a dévorée en mon absence. Intriguée, je détache le ticket agrafé au carton. La date remonte au soir où j'ai raccompagné Cardini.
Des instructions pour le livreur figurent en rouge :
" Ne la dérangez pas, elle risque de vous frapper.
Et si elle ne le fait pas, c'est moi qui le ferai."
La mise en garde me provoque un sourire. Il pensait que je rentrerais avec le taxi et voulait me remercier. Aussi agréable soit son attention, elle ne réussit pas complètement à me réjouir.
La désillusion de n'avoir reçu ni un appel ni un message de sa part n'a fait que renforcer ce dont je me doutais. Il est parti, et ça s'arrête là, comme ça, avec un étrange goût d'inachevé.
Une partie de moi a apprécié ces moments passés ensemble, et ça me dérange. Je me déteste d'avoir pensé à lui, alors que lui, pas du tout.
D'ailleurs, c'est surtout la nuit que son souvenir me rendait visite, comme si la lune me jouait des tours. Mon sommeil était entrecoupé de rêves où son visage apparaissait. Parfois, je sentais même la douceur de ses gestes et l'intensité de son regard.
Rêver de lui est une chose agréable, mais la réalité est dure : le carrosse redevient citrouille et le prince grenouille. Je ne sais pas si je suis triste ou déçue, les deux sentiments se mélangent.
César non plus n'a pas cherché à me joindre. Mon absence est passée complètement inaperçue et n'a fait qu'entretenir mon désir de vengeance.
Après avoir mis la robe en boule dans mon sac, j'éteins tout et quitte l'appartement pour attraper le premier métro en direction d'Istok.
Dans les entrailles de la chenille métallique, les gens se bousculent et les arrêts semblent interminables. Après de longues minutes d'immobilité, les passagers commencent à descendre sur les rails.
« Fais chier » bougonné-je en apprenant que des manifestants ont saboté les lignes. Il faut finir à pied. La loi de l'emmerdement maximum quand ça commence.
Dehors, les violentes rafales mêlées au froid font frissonner le quartier, comme si tout conspirait pour transformer cette journée en véritable cauchemar. N'écoutant que ma détermination, je fonce.
Les psy diraient que je suis maso, moi j'appelle ça l'obstination. En y allant je suis condamnée à réussir car, si je commence à regretter certains choix, ce qui est déjà insupportable le sera encore davantage.
Le soleil se couche lorsque j'atteins enfin Istok. Il n'y a pas de panneau pour délimiter la zone, pourtant, tout le monde connaît cette frontière invisible. Ceux qui n'y vivent pas la contournent, les véhicules ralentissent, et les quatre types postés de chaque côté du boulevard scrutent le moindre intrus.
Ils me laissent passer sans un regard. J'arpente rapidement les ruelles de l'enclave et arrive, tout essoufflée, au pied de l'hôtel particulier où deux voitures avec chauffeurs attendent. Étrange. La fête aurait dû commencer depuis longtemps.
Des éclats de voix filtrent à travers la porte. Quand je la déverrouille, je découvre Sacha entouré d'amis pas plus sobres que lui. Le silence se fait dès que je franchis le seuil. Tous me dévisagent comme des idiots, tous sauf le spécimen qui me sert de mari.
Penché sur la table basse, il fait disparaître une ligne de poudre blanche dans un reniflement nerveux. Lorsqu'il redresse la tête, il siffle en me détaillant de bas en haut.
- Oh, tu m'as manqué, chérie !
- Moi pas, râlé-je tout en me déchaussant.
Qu'est-ce que tu fais là, la fête est annulée ?
- On est rentré se détendre, mais si tu veux que je l'annule, on peut fêter ça autrement, répond-il avec sa voix de sale pervers.
Les hyènes qui lui servent d'animaux de compagnie se bidonnent. D'un air de profond dégoût, je le détaille puis secoue la tête, désespérée.
- Si seulement ta mère avait eu la présence d'esprit de t'avaler, elle nous aurait épargné ta présence et dispensé de fêter ta naissance.
Sur ces paroles pleines d'amour, je file dans la chambre me préparer, mais je n'ai pas le temps de l'atteindre qu'il me rattrape par le bras.
- Pas si vite, chuchote-t-il en s'approchant. J'ai quelque chose pour toi.
Devant mes yeux, il agite un petit sachet de velours rouge, fermé par des lacets de cuir. Je me dégage de son emprise, le dénoue et six balles glissent dans ma paume. Leur poids pèse lourd sur mon moral : ça signifie que César n'a toujours pas mis la main sur le photographe.
- T'étais où depuis une semaine ? demande-t-il.
- Ça ne te regarde pas. De toute façon je ne compte pas rester longtemps.
- C'est dommage, j'adore quand ça dure longtemps, susurre-t-il tandis que ses yeux coulent sur moi.
- Si je ne suis jamais ici c'est pour éviter de t'étrangler dans ton sommeil, rétorqué-je en le fusillant du regard.
- T'as pas ta langue dans ta poche, mais faudrait apprendre à t'en servir autrement.
Ses yeux luisent et ce n'est pas difficile de deviner ce qu'il s'imagine. Jouant le jeu, je le nargue en me rapprochant. Mes doigts sur son torse remontent vers sa bouche entrouverte, jusqu'à atteindre sa narine droite où j'essuie des restes de coke.
- Tu préfères que je m'en serve pour dresser à César la liste de tout ce que tu te fourres dans le nez ? le défié-je, un sourire insolent sur les lèvres.
S'il y a bien une interdiction que personne n'oserait transgresser à Istok, c'est la drogue. Sur ce sujet, César a le degré de tolérance d'un taliban pachtoune.
Certain de son impunité, Sacha s'imagine pouvoir déroger à cette règle. Il fera moins le malin quand son père l'entortillera de fils barbelés avant de le suspendre à un arbre dans un jardin public.
Sans plus attendre, je m'enferme dans la chambre. Le dos appuyé contre la porte, j'ai le souffle court. Ah le réel, ça fait toujours un choc de se le prendre en pleine figure. J'inspire profondément et me rappelle que j'ai un combat plus important à affronter ce soir.
Le vacarme s'éteint dans un claquement de porte et un moteur démarre sous les fenêtres, laissant derrière lui un agréable silence.
Je me maquille en vitesse avant de rassembler mes cheveux en une queue de cheval très haute avec quelques mèches bouclées. Puis, je déploie la luxueuse robe noire, et observe d'un œil sceptique ses ridicules mensurations, avant de me tortiller pour l'enfiler sans faire craquer les coutures.
C'est forcément un complot ! Ils ont choisi la plus petite taille qui existe. Je suis sûre que c'est un coup de Tanya.
Compressée comme dans une boite de conserve, je lutte pour tirer la glissière. Elle résiste. Je m'acharne du mieux que je peux, mais ça coince. Impossible de fermer ce putain de zip de m... Craaaaaaac.
Et merde !
La fermeture éclair n'a pas survécu, elle s'est désolidarisée du reste de la robe. Le constat me tire un rire nerveux. Ça commence à faire beaucoup pour une soirée qui n'a pas encore débutée.
J'ai chaud et envie de pleurer de rage, mais je retiens mes larmes pour ne pas flinguer mon maquillage. De désespoir, j'abandonne cette fichue robe de malheur et me réfugie sous la douche.
Je reste de longues minutes à me demander ce que j'essaye de me prouver, à quoi je joue, pourquoi je suis venue. J'ignore comment gagner cette bataille, je sais juste qu'il ne faut pas que je perde.
Un tambourinement à la porte interrompt mes pensées. J'éteins l'eau et passe une serviette avant d'entre-ouvrir. Axsel détourne aussitôt les yeux vers le plafond.
- Madame, il est 21h, nous devons partir, César va me décapiter si on tarde encore, prononce-t-il, la voix nerveuse.
Malgré sa tête de gérant de cartel, il n'a pas d'autres choix que de se comporter en esclave. En fait tous ces pseudo-criminels ne sont que des soumis qui vivent dans la crainte du châtiment. Ça pourrait presque me faire rire, si je n'étais pas complètement au bout de ma vie.
- Attends-moi en bas, j'arrive dans une minute, soupiré-je.
Il disparaît et je n'ai que soixante secondes pour trouver une solution. Soudain, en croisant ma silhouette dans le miroir, une idée me vient pour improviser une petite vengeance de dernière minute.
J'enfile une paire d'escarpins aux talons vertigineux, décroche au hasard quelques vêtements de leurs cintres et les fourre dans mon grand sac avant de quitter la maison.
En me voyant sortir, Axsel se paralyse sous le choc. Seul un tic nerveux fait jouer sa mâchoire pendant qu'il m'ouvre la portière arrière. Immobile, je tends la main et exige les clefs, mais il hésite.
- Je ne mets ma vie entre les mains de personne, c'est ça ou je retourne me coucher !
Finalement il obtempère et je sifflote en montant derrière le volant, impatiente de jouer mon tour.
Cramponné à la poignée au-dessus de sa tête, mon passager est nerveux. Ce n'est plus notre retard qui l'angoisse, ni ma conduite excessive dans les ruelles d'Istok, mais la réaction de César quand il me verra.
En apercevant le portail grand ouvert, j'appuie un peu plus sur l'accélérateur. Le gravier crisse sous les pneus en soulevant un épais nuage de poussière. Aussitôt c'est l'agitation. Les gardes se mettent en mouvement, prêts à réduire la bagnole en tas de cendre au moindre signe suspect.
- Je suis mort,soupire Axsel.
- Avoue que c'était marrant, réponds-je en rigolant.
Il s'extirpe illico du véhicule les mains en l'air à la manière d'un braqueur pris en flag. Moi, je patiente un peu, puis sors comme si de rien n'était, perchée sur mes talons et vêtue de ma serviette rose-bonbon.
César est blême. J'ai bien cru qu'il allait avoir une attaque en me voyant ainsi.
Le pirate est à ses côtés. Je l'ai immédiatement vu, là où je ne m'attendais absolument pas à le voir.
Un sourcil arqué, les bras croisés, il observe la scène avec un mélange de surprise et de retenue.
Fière de ma provocation, je m'avance la tête haute dans l'allée centrale où règne un silence de morgue. Seule la musique de la fête filtre en fond sonore. Je gravis les quelques marches jusqu'à son Altesse dont le regard est si froid qu'il semble givré de l'intérieur.
César ne supporte pas l'humiliation, mieux vaut l'abattre que de l'humilier. Quant à moi, il est préférable de m'affamer que de me contraindre. Peut-être que la prochaine fois, il tachera de s'en souvenir avant de m'assigner à résidence.
- Désolée, mais il était si terrifié à l'idée que tu puisses le tuer à cause de notre retard, que je n'ai pas eu le temps de me préparer, lancé-je en souriant pour l'amadouer.
César jette un œil mauvais à Axsel qui se décompose, avant de revenir sur moi. Défiante, je soutiens son regard sans ciller. Le visage dur, il a une mimique menaçante, mais la présence d'invités, alerté par le tumulte, comprime la fureur qui obstrue sa gorge.
- Bon, bon, va te changer ! Plus vite on en aura fini et plus tôt on pourra tous rentrer, ordonne-t-il le ton tranchant.
En me montrant l'accès arrière, il agite la main vers moi comme s'il tentait de faire fuir un moustique.
Je me retiens de rire et file par l'allée qui longe la pelouse. En traversant la véranda d'un pas rapide, je balaye d'un œil le hall et le salon, avant de gravir l'escalier qui mènent à mon ancienne chambre.
J'entre, laisse tomber la serviette au pied du lit et extirpe du sac un tee-shirt blanc, que je noue sous ma poitrine, et une longue jupe blanche. Puisque ça manque de fantaisie, j'ajoute des boucles d'oreilles et glisse une fleur rouge dans mes cheveux.
Ainsi prête, je redescends en me motivant pour que mes nerfs tiennent une petite heure. Hélas, dans le hall, je tombe sur Tanya qui se dirige vers la cuisine. J'aurais aimé passer inaperçue, mais la gourdasse en YSL m'interpelle d'une voix horriblement sucrée :
- Enfin, tu daignes te joindre à nous !
- Comme si j'avais le choix, réponds-je blasée.
- Justement. Tu l'as toujours eue, mais tu préfères évidemment faire les mauvais choix, réplique-t-elle comme si elle s'adressait à une idiote congénitale.
- Tu admettras que partir d'ici a été la meilleure décision que j'ai pu prendre, souris-je en affichant l'air le plus hypocrite que j'ai en stock.
Elle ne se gêne pas pour me regarder de haut avant de me répondre :
- Je te vois beaucoup pour une personne qui est soi-disant partie d'ici.
Sous sa douceur venimeuse, sa voix sifflante sue la méchanceté et cherche à me provoquer. Pour me retenir d'écraser cette punaise, je prends une grande inspiration et lui tourne le dos en me dirigeant vers le salon.
Tanya a vingt ans de moins que César et sa loyauté est redoutable. Elle est prête à tout pour lui. Moi, en revanche, elle me déteste.
À vingt-cinq ans, elle s'est retrouvée à gérer une gamine de seize ans en pleine crise d'adolescence. Elle s'imaginait refaire mon éducation et m'imposer des limites, forcément ça a fait des étincelles.
J'attrape une flûte de champagne sur un plateau. La boisson apaise légèrement ma nervosité. Mon regard balaie la salle, je repère Sacha entouré de ses amis. Le reste des invités est composé d'habitants d'Istok, des gens que je connais et que je préférerais ne pas connaître.
De loin, ils pourraient passer pour une grande famille comme les autres. Dans les faits ces cinglés sont capables du pire pour plaire à leur gourou.
Quelques regards se posent sur moi. Ils sont tous bienveillants. Pourtant, je ne peux m'empêcher de penser que le photographe se cache peut-être parmi eux, et ça m'angoisse.
Je n'aurais jamais dû être là.
Le pirate non plus, d'ailleurs.
Il cachait bien son jeu celui-là quand il prétendait partir. Mes yeux le cherchent sans le trouver. Son absence m'agace presque autant que sa présence.
Une demi-heure de déambulation suffisent à m'assassiner d'ennui. Je ne m'amuse pas, je reste dans mon coin à observer le manège des fausses ententes. Il y a trop de gens, trop de bruits, ma tête bourdonne. Je me ressers une coupe et m'éclipse trouver refuge à l'extérieur.
Apaisée par la nuit silencieuse, je me sens un peu mieux à l'air frais. À l'écart, je reconnais la haute silhouette de Cardini, penché sur une table. Je m'arrête un instant, intriguée par ce qui accapare son attention. Il se tourne, m'aperçoit et m'offre un sourire à faire s'évanouir.
Séduite par ce regard accidentel, je déglutis sans montrer quoi que ce soit, et demande :
- C'est quoi ce livre ?
- Un registre avec les messages que les invités ont écrit pour Sacha.
Je me retiens de frémir au son de sa voix rocailleuse qui donnerait des frissons à une statue de pierres.
- Pourquoi faire ? Il ne les lira même pas, haussé-je les épaules perplexe par cette idée.
- Pour vérifier mes suspicions, répond-t-il en se redressant.
Je ne comprends pas le sens de sa phrase mais, consciente qu'on pourrait nous observer, je réprime ma curiosité et m'éloigne pour aller fumer une clope.
Après quelques secondes, le pirate s'avance droit vers moi, le regard résolu à me faire mourir d'envie pour lui. Je détourne vite les yeux en direction du jardin. Comme s'il ressent mon trouble, il me rejoint tout en restant sur le côté.
Pendant plusieurs minutes aucun de nous ne parle. L'ambiance est bizarre. Ses yeux se posent plusieurs fois sur moi, me donnant l'impression d'être beaucoup plus proche qu'on ne l'est vraiment.
Accrochée avec obstination à ma rancune, je regarde partout, sauf lui. Pourtant il me chamboule, son aura me renverse et mes sentiments se contredisent.
- Quand tu as dit que tu partais, je t'ai imaginé partout, sauf ici... prononcé-je, un sourire sans chaleur aux lèvres en tournant enfin ma tête vers lui.
- Donc tu penses à moi, sourit-il les yeux brillants en sondant mon regard pour y voir la réponse.
Et voilà, il recommence à interpréter mes propos à son avantage.
- C'est juste une façon de parler ! répliqué-je vite en écrasant mon mégot.
Je m'apprête à faire demi-tour, quand sa main vient saisir mon poignet pour me retenir. Son geste me surprend. Je ne sais pas ce qu'il lit sur mon visage mais ce qu'il y voit le contraint à me libérer aussitôt.
- Tu as peur, lâche-t-il en inclinant la tête.
Ses yeux se plissent, jouant dangereusement avec mon rythme cardiaque. Irritée, je fronce les sourcils et croise les bras.
- Évidemment ! Regarde où on est, dis-je en balayant l'obscurité autour de nous.
Bien que cachés par ses larges épaules, j'ai la trouille qu'on nous surprenne. Cette proximité insensée ne semble pas inquiéter le pirate qui s'approche encore, un sourire en coin.
- Non, reprend-il d'une voix lente et paisible. Tu as peur de ce que tu ressens.
Ces paroles réveillent la rébellion dans mes veines. Je veux nier en bloc, mais mes mots se coincent. Il reste immobile, mystérieux et j'ai envie de le frapper.
- C'est faux, je ne ressens rien du tout, réponds-je en détournant le regard tiraillé dans une dualité étouffante.
Mon ton est assuré, pourtant ma muraille se fissure, alors mes bras se resserrent pour me protéger contre ce qu'il déclenche en moi. Il le sent et souffle, dépité.
- C'est ce qu'ils t'ont appris ? demande-t-il en pointant la fête dans notre dos. Ils t'ont fait croire qu'être fort c'est refouler ce que l'on ressent?
Comme à son habitude, le pirate a la capacité de voir juste et ses paroles me perturbent. Il fait un pas de plus, m'obligeant à lever le nez pour le regarder. Quand ses yeux plongent dans les miens, il fouille avec douceur au plus profond de moi.
- Moi, je n'ai pas arrêté de penser à toi, ma belle...
Je ne sais pas s'il le fait exprès ou si c'est mon cerveau qui amplifie la chaleur de sa voix. Un volcan s'allume dans mon ventre et le rouge me monte aux joues. Butée à ne rien laisser paraître, je soutiens son regard même si mon trouble menace de me trahir.
- Et je suis sensée te croire sur parole ?! demandé-je avec le peu de défiance qu'il me reste.
Tout en me scrutant intensément, sa main vient effleurer avec douceur ma joue pour écarter quelques mèches de cheveux. Mon regard vacille, je déglutis avec difficulté. Lorsqu'il penche son visage près de mon oreille, son souffle chaud me caresse :
- Je pourrais faire n'importe quoi pour te le prouver, murmure-t-il tandis que ses doigts glissent très lentement en descendant le long de mon cou.
Un agréable frisson parcourt ma peau et ma respiration s'accélère de façon incontrôlable.
Piégée par l'intensité de ce que j'éprouve, je ferme les yeux un instant. Lorsque je les rouvre, ses pupilles d'ambre me dévorent, ne laissant aucun doute sur ce qu'il ressent.
-... mais est-ce que j'ai vraiment besoin de te convaincre ?
Le désir qui allume des paillettes d'or dans ses yeux m'hypnotise. Mon cœur cogne à n'en plus pouvoir. La bouffée de chaleur qui m'envahit me donne à la fois envie de l'embrasser et de m'enfuir en courant !
Soudain, la lumière et la musique s'éteignent, annonçant l'arrivée du gâteau. J'envisage de me dérober, mais je n'ai plus la moindre volonté de résister. D'un coup d'un seul, je ne réfléchis plus et mes lèvres s'écrasent sur les siennes.
Cardini doit avoir attendu ce moment lui aussi, car il attrape mon visage à deux mains et approfondit passionnément notre baiser. La chaleur qui se dégage de lui me rend folle. Il est brûlant comme l'enfer... et doux comme le paradis.
Dans la salle, les applaudissements s'élèvent et les bouchons de champagne sautent. On dirait que les invités célèbrent ce moment, alors qu'il pourrait lui coûter la vie.
Pourtant je n'ai pas peur. Peu importe les risques et les conséquences, il dégage une si grande assurance qu'il me donne l'impression que rien ne peut nous arriver et me fait complètement oublier tout le reste.
Il n'y a plus que nous, flottant entre répit et chaos. Les yeux fermés, je m'abandonne dans l'intensité de ce moment si puissant qu'il semble hors du temps.
Du mouvement à l'entrée nous ramène à la réalité du danger qui nous entoure. Mettant fin à ces quelques secondes de liberté, Cardini pose son front contre le mien pour retarder le moment qui annoncera la fin.
- Tu n'es pas en pierre, Kristina, chuchote-t-il contre ma bouche. Tu ne pourras pas toujours fuir ce que tu ressens, conclut-il en posant une dernière fois ses lèvres sur les miennes.
Chassant cette vérité que je refuse d'entendre, je m'imprègne encore un peu de son parfum et de sa peau avant de mettre de la distance entre nous.
J'allais être triste, je pouvais déjà sentir la peine se tisser autour de mon cœur. Mais pas maintenant. Ce n'est pas l'endroit. Les jambes en coton et le corps en feu, j'avance d'un pas lent vers la fête.
Encore perturbée par ce qu'il vient de se passer dehors, je me glisse discrètement en retrait parmi les invités lorsque Sacha frappe dans ses mains, attirant l'attention générale, avant de prendre la parole :
- Merci à tous d'être venus, à présent il va être l'heure de nous séparer, mais avant ça, continue-t-il avec ce petit sourire calculé qui trahit une idée derrière la tête, j'aimerais inviter ma femme à danser.
Quand je lève les yeux, tout le monde me regarde. Même César me fixe l'air contrarié en fronçant les sourcils. Mes lèvres se pincent sans qu'aucun son n'en sorte. Sacha m'invite d'un geste à le suivre et je n'aime pas du tout comment il me regarde.
Je m'approche avec l'envie de lui abîmer le portrait, mais je ne réussis qu'à le regarder en imaginant la partie de son corps que je briserai en premier.
- Tu te moques de moi ?! grondé-je les dents soudées.
- Souris, au lieu de faire la gueule, chuchote-t-il en posant sur moi des mains propriétaire.
L'une capture ma main gauche, tandis que l'autre se pose désagréablement sur ma taille. Un cercle se forme autour de nous. Sacha jubile, ravi d'être au centre de l'attention. Il ne lui manque que la bave au coin des lèvres.
Au milieu de la piste, je suis engloutie par un terrible sentiment d'oppression. Les traits fermés, les muscles de ma mâchoire me font mal tant je suis crispée.
Les secondes de ce tourbillon écœurant se font de plus en plus longues. Lorsque ses doigts voraces glissent vicieusement sur ma peau au creux de mes reins, mon échine se tend. Une violente pulsion de révolte me submerge.
- Arrête tout de suite, pesté-je avec des flammes dans le regard.
- T'as oublié ? On est mariés ma jolie, relax.
Shooté à mort, ses mots dégoulinent d'une fausse innocence, mais son sourire narquois brille d'une lueur perverse qui me donne envie de vomir. Je lutte pour ne pas lui enfoncer mon talon dans le pied.
- Pas pour de vrai, espèce abrutis !
Indifférent à mes tortillements d'insecte pris au piège, il accentue son déhanchement et se rapproche d'une manière insupportable.
- Pour trois ans quand même, ricane-t-il jouissant d'être enfin maître de la situation.
- 2 ans et 244 jours, mais si tu continues t'iras passer le Salam au sheitan en enfer bien avant !
- Tu sais que ça m'excite quand tu t'agites ?! susurre-t-il en pressant son bas-ventre contre moi pour me faire sentir qu'il est dur.
Ah tu veux jouer au con ?
Fallait le dire plus tôt, c'est mon jeu préféré.
Je ne sais pas si les invités ont apprécié la soirée, mais dommage pour tout le monde, car elle va mal se terminer.
- La fête est finie, soufflé-je tout bas avant que les cris d'effroi dans la salle ne me vrillent les tympans.
Joyeux anniversaire, connard.
________________________
Vous avez le droit de hurler ! 🫠
Bon, je dois admettre que les événements m'ont complètement échappés. Je ne devais plus toucher a ce chapitre et finalement mes prota ont pris le contrôle de la situation. Vous auriez dû voir ma tête quand j'ai compris qu'ils allaient s'embrasser sur la fucking terrasse de César avec 200 paires d'yeux autour d'eux 🤯
Je ne vais pas mentir : je les ADORE ! J'espère qu'ils vous ont coupé le souffle tout comme à moi 😮💨
A votre avis, comment Kristina met fin à la fête ? Vous pensez que quelqu'un à pu les voir ?!
Et le registre, ça donnera quelque chose ? 👀
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