18 | Insolences
Les quelques secondes que met mon cerveau à émerger me font croire que tout va bien, mais ne durent pas longtemps.
Allongé à plat ventre sur le sol de la cuisine, au milieu de la vaisselle cassée, je lutte pour ouvrir mes paupières. À peine réussis-je à les soulever que soudain la lumière s'allume. Son rayonnement sur les morceaux de verre se répercute avec intensité au point de m'aveugler.
Tandis que j'essaie de m'adapter à la situation et de reprendre mes esprits à travers la douleur et la confusion, j'entends des pas crisser sur les débris. Peinant à rouvrir les yeux, j'aperçois des chaussures cirées s'approcher tout près de moi.
L'invisible frontière entre l'irréel et le réel s'efface peu à peu pour se juxtaposer et ne faire qu'un. Je compte jusqu'à dix, dernier délai que je m'accorde pour mettre en ordre mes pensées et chasser les effets du sédatif que je me suis administré.
- Quelqu'un m'explique ce bordel ? Tonne la voix distinctive de César.
Des chuchotements d'incompréhension bourdonnent, traduisant la présence de plusieurs personnes.
- Vérifie s'il respire ! Ordonne-t-il d'un ton sec plein d'autorité.
Un type s'approche. Il n'a pas le temps de me toucher car j'use ce que j'ai d'énergie pour me retourner sur le dos. J'ai du mal à respirer. La tension qui règne dans la pièce m'oppresse, l'air lui-même est pesant. Tous retiennent leur souffle, tandis que je range mes méninges en vitesse.
- Y a personne, prononce une voix essoufflée qui vient de faire le tour de mon appartement.
La mémoire des événements s'enclenche comme un film que je rembobine pour le remplacer par la version améliorée. Celle qui, je l'espère, me sortira de cette situation.
Lentement je maîtrise mon rythme cardiaque, et fais de mon mieux pour ignorer les pulsations dans mon crâne. Tandis que je m'assoie avec difficulté, tous les regards sont tournés vers moi.
Dans l'encadrement de la porte, Kristina affiche une mine anxieuse. Elle est habillée exactement comme lorsqu'elle est partie. Derrière plusieurs hommes attendent. Seul César est au milieu de la pièce à quelques mètres de moi.
- Il est quelle heure ? Demandais-je la bouche pâteuse.
Cette question d'apparence anodine, me permet non seulement de gagner du temps pour reprendre mes fonctions vitales, mais elle est également cruciale dans mon scénario où la moindre erreur représente un risque mortel.
Retirant les mains des poches de son costume bleu nuit, César baisse les yeux sur les aiguilles de sa Rolex.
- Treize heure dix-sept, répond-t-il la mâchoire crispée.
Plus de six heures qu'elle aurait dû le prévenir, mais elle ne l'a pas fait. Ça, je ne l'avais pas prévu. Un rire nerveux m'échappe sous leurs yeux médusés.
- Il s'est tiré depuis longtemps, grommelais-je en me relevant.
- "Il" ? Qui ça "il"? Gueule César dont la mauvaise humeur commence à se faire bien visible.
La crevette n'a donc rien dit concernant son blessé. Pourquoi sont-ils ici alors ?
Je lui jette un rapide coup d'œil qu'elle esquive ouvertement pour diriger son regard vers la chambre au fond du couloir.
Tant pis, il va falloir un peu improviser.
De la poche de mon pantalon, je saisie le post-it et m'approche de César. Grace à ma carrure, mon geste reste dissimulé des curieux tandis que je déplie le papier froissé sous ses yeux. Son regard s'illumine lorsqu'il comprend.
D'un mouvement de la main il balaye l'air pour congédier ses hommes qui partent aussitôt. Seule Kristina ne bouge pas. Bras croisés, son langage corporel exige des réponses avant de s'en aller.
Reportant mon attention sur César, je lis dans ses expressions les questions silencieuses auxquels il me soumet et j'acquiesce de la tête.
Oui, je lui fais croire que l'homme présent chez moi est Michel - le sdf dont il m'a donné l'adresse hier -, tout en donnant l'impression à la crevette que je parle de son blessé. Sans quoi, mon plan est foutu. Jeu dangereux mais indispensable.
- Tu as pu en tirer quelque chose ? S'informe-t-il plus détendu en croisant les mains dans le dos.
- J'ai tiré de lui tout ce qui est nécessaire, réponds-je serein. Mais il faut croire que je ne lui ai pas pris sa volonté de m'assommer à la première occasion, finis-je embarrassé en me frottant le crâne.
Dans un geste paternel, il tend le bras gauche jusqu'à toucher mon épaule.
- Ça arrive, même aux meilleurs. L'important c'est que tu sois encore parmi nous. Si tu as besoin... ajoute-t-il à voix basse.
- Je sais où le trouver, le gratifiais-je d'un clin d'œil.
Il fonctionne à merveille mon petit scénario, pourtant quelque chose ne fait pas sens. Et mon instinct me murmure que je ne vais pas tarder à découvrir de quoi il s'agit.
- Alors ? Rassurée ? Demande-t-il soudain en pivotant vers Kristina.
Elle répond par un indifférent haussement d'épaules. Nos regards se croisent. Je perçois pourtant l'inquiétude qui l'habitait fondre et détendre ses traits. Elle le cache sous une arrogante révulsion des yeux. Prête à partir, la voix de César l'arrête dans son élan.
- Tu ne sors pas d'Istok.
Se retournant d'un coup, elle écarquille grands les yeux de stupeur.
- Et pourquoi ? S'exclame-t-elle.
- Tu voulais que je prenne tes inquiétudes au sérieux ?! C'est chose faite ! Pas de sortie jusqu'à nouvel ordre.
Le sujet vient de basculer sans que je ne comprenne rien. Je ne peux qu'observer la dispute naissante pour essayer de déduire quelque chose.
Le visage sans compromis et le regard incendiaire, elle s'approche en vitesse pour mieux hausser le ton.
- Ah, donc JE suis punie ? Je suis prisonnière parce qu'un cinglé a décidé...
- J'AI DIT "tu ne sors pas d'Istok Kristina" ! gueule-t-il le doigt menaçant en lui coupant la parole.
L'altercation est arrivée aux oreilles des hommes de mains qui se sont rassemblés de nouveau dans le couloir.
- C'est injuste ! Tu ne peux pas me faire ça. J'aurais rien dû te dire ! Râle-t-elle furieuse en agitant ses bras.
Hélas pour Kristina, la configuration n'est plus celle d'il y a deux jours quand, dans son bureau, et en comité restreint, il s'était comporté en beau-père déçu. Il en allait à présent de son prestige. Clément à temps partiel, mais autoritaire à temps plein, c'était le moment de faire appliquer l'ordre et rétablir l'autorité.
- Inutile d'insister petite, c'est non-négociable. Axsel, raccompagne-la chez elle.
Le gars s'approche prudemment pour l'inviter à le suivre, il reçoit en retour un violent coup de Dr Martens dans le tibia qui lui fait perdre l'équilibre.
- Négociable ? Et depuis quand la liberté se négocie ? Je croyais qu'il valait mieux, "mourir libre plutôt qu'enfermé". C'est ça qu'est devenu Istok ? Une prison ? Et tu penses que je vais obéir, moi qui suis allergique aux ordres ? Se moque-t-elle d'une voix où flotte une lourde ironie.
Elle lui donnait une sacrée leçon d'humour. Il aurait dû prendre le truc à la rigolade, mais c'était trop demandé. Pour César c'est grave de se faire humilier devant ses hommes par cette rebelle qui refuse l'intégration au système.
- Sois raisonnable, grince-t-il entre ses dents.
Des larmes de révolte lui montèrent aux yeux.
Elle ne voulait plus accepter, c'était aussi voyant que la colère qui bouillonne en lui rougissant les pommettes.
- Fais pas ci, fais pas ça, viens ici, va là-bas, traduit, recommence. Tu ne m'as jamais dit qu'il faudrait que je me comporte comme une esclave ! De toute façon je m'en fiche, j'ai passé l'âge de demander la permission.
Elle devait avoir la tête dure et ne douter de rien pour s'imaginer que ce serait si simple. Mais lui, le grand César, allait lui montrer qu'au pays des truands l'empereur n'avait encore jamais essuyé un refus. Encore moins accepté.
Se rapprochant d'elle, il l'étudie froidement avant de parler.
- Tu es qui pour avoir des privilèges ? Tu penses avoir plus d'importance que ces hommes qui sont prêts à mourir pour moi ? L'interrogea-t-il sans la moindre once de pitié dans la voix.
Du doigt il nous désigne tour à tour. Mon cœur cognait à grands coups de désaccord dans ma poitrine.
- Ce qui vaut pour les autres, vaut pour toi. Tu feras ce que bon te semblera au terme de ton contrat, dit-il d'un ton sans appel.
Contrat ?
Quel contrat ?
Ses lèvres s'ouvrirent comme pour parler mais rien ne vint. En elle, toute révolte est anéantie. César en bon répressif prend son silence pour une capitulation, il se tourne, fait un signe à ses hommes et quitte les lieux.
Incapable de bouger, Axsel pose avec précaution sa main sur son bras pour l'inciter à avancer. Elle le repousse, fulmine et finie par partir les yeux bordés de larmes.
Seul au milieu de ma cuisine, j'observe le désastre. Bien que tout ça soit incompréhensible et rageant, je suis plutôt satisfait de la tournure des événements.
Après m'être douché, avoir rangé et mangé, je me sens beaucoup mieux. Ce répit me permet de prendre des forces pour affronter la suite. Dans ma tête seul le rendez-vous à minuit avec Charly compte.
Dehors, malgré l'heure tardive, c'est l'agitation dans les rues d'Istok. Les gens débattent bruyamment à l'arrêt d'autobus en face de ma maison. Je capte des bribes de conversation et mon pouls s'accélère en comprenant que César a décidé de filtrer la frontière.
Je l'appelle immédiatement pour obtenir des informations. Hors de question de tenter une évasion avec un passager clandestin bâillonné et ligoté dans le coffre.
- Simple mesure de sécurité, c'est temporaire, m'assure-t-il en soufflant dans le combiné.
En fond sonore, j'entends un type hurler d'agonie. Je vais pour raccrocher quand il me demande :
- Dis-moi Dalibor, tu as des balles de Glock 17 par hasard ?
- Oui je dois avoir ça quelque part, marmonnais-je tendu
- Apportes-en une à Kristina de ma part, mais une seule hein ! Elle comprendra, dit-il avant de raccrocher.
Moi, je ne comprends rien à leur langage codé qui ressemble plus à une intimidation qu'a une réconciliation, et ça me gonfle de perdre du temps à cause de leurs conneries.
Tout ce que je veux c'est arriver à l'heure dans la banlieue Nord pour obtenir des réponses à mes questions. Alors, je fonce chercher sa fichue munition et fais un détour vers le quartier huppé d'Istok.
Je gare ma voiture à quelques mètres derrière l'épave qui jure dans ce décor et sourit en me rappelant qu'il a quelques heures c'est dans son coffre que se trouvait le type.
En approchant à pied de la maison, je remarque que Kristina est assise dans la voiture, le regard perdu dans le lointain, tandis que les larmes qui roulent sur ses joues scintillent à la lumière des réverbères.
La voir comme ça me contrarie beaucoup. Je ne comprends pas, cette fille n'est rien pour moi.
Hésitant un instant, je sais que le temps joue contre moi. Sans un mot, j'ouvre la portière passager et m'assois. Son sursaut trahit sa surprise avant qu'elle n'essuie rapidement ses larmes.
Je cherche quelque chose de réconfortant à dire pour ne pas lui donner la balle et partir comme un voleur. Je ne sais pas pourquoi, j'hésite.
D'abord sur ses gardes, elle fouille des yeux la moindre présence à l'extérieur. Le regard qu'elle jette dehors semble inquiet, comme si elle redoutait qu'on ne nous voie. Elle renifle et frotte ses yeux d'un revers de main avant de me lancer un regard assassin.
- Qu'est-ce que tu fais là ?
- Tu as envie de parler ? demandais-je
- Pourquoi ? Tu t'es reconverti en psy à domicile ? rétorque-t-elle sur la défensive en fronçant les sourcils.
Voilà pourquoi !
Je pourrais en sourire, mais je n'aime pas la voir comme ça. Ses traits sont marqués, elle semble complètement épuisée. Son attitude, sa méfiance, tout est si différent que ça m'inquiète.
- Tu as l'air triste. Je pensais que de la compagnie pourrait t'aider.
Ma réponse à l'air de la surprendre. Se confier, recevoir de l'aide, être écoutée, ne font pas partie du vocabulaire de la prison dans laquelle Kristina est enfermée à double-tour.
- Je ne suis pas triste, je suis en colère.
- Pourquoi tu pleures si tu es en colère ?
- Parce que c'est l'expression la moins dangereuse de ma colère, lance-t-elle comme une évidence en haussant les épaules.
J'ai de la peine pour elle. Elle n'en mène pas large, mais son caractère la fait tenir. Incapable d'accepter ses faiblesses, elle préfère rester dure comme du silex. Pareil que ce matin dans ma cuisine.
- J'aurais préféré que tu pleures ce matin plutôt que de vouloir tuer le mec.
- Oh, tu aimes consoler les pauvres filles en détresse, se moque-t-elle amèrement.
- Du moment qu'elles ne pleurent pas à cause de moi, répliquais-je joueur.
- Moi qui pensais que tu préférais la "manière forte", grimace-t-elle déçue.
Je l'observe pour savoir quoi répondre. La tension qui l'habite ne laisse aucune place au doute. Elle a beau jouer les impassibles, il y a au fond de ses yeux le souvenir de ce que nous avons vécu. Prise dans la gêne du flagrant délit, elle change aussitôt de sujet.
- En parlant de lui, il est où ?
Tu ne parlais pas de lui ma belle, mais de nous. Il est dans mon coffre et si tu savais ce que je manigance, tu m'arracherais les yeux.
- Sûrement dans la banlieue Nord, je vais le retrouver.
- Tu comptes faire ça quand ?
- Justement, j'y vais.
- Maintenant ?! Tout seul ? S'exclame-t-elle.
Je me fends d'un sourire arrogant, cherchant à démontrer une assurance exagérée. Ça ne lui plait pas.
- Laisse-tomber, il n'en vaut pas la peine, marmonne-t-elle en s'enfonçant dans le fond de son siège.
Sa réponse me déroute, je me cale sur le côté et l'observe en fronçant les sourcils. Ce retournement est incompréhensible mais, comme elle est assez fantasque, je ne m'étonne pas trop.
- Je vais juste faire quelques repérages, lui dis-je pour l'inciter à développer.
- Tu vas te mettre dans la merde, toi et toute famille, pour rien du tout, souffle-t-elle lassée.
- Tu t'es renseignée sur ma famille ? M'étonnais-je à voix haute.
- Inutile. Tu agis avec prudence, comme tous ceux qui ont une famille.
Dans le ton qu'elle emploie, elle s'exclut de cette catégorie. Sa famille c'est Istok, César, Sacha et tous ces hommes armés jusqu'aux dents. Malgré l'immense clan que compose cette enclave de fous furieux, elle est seule. Engagée sur un chemin d'où elle ne peut pas sortir. Tout ça à cause d'un contrat ?
Le silence nous recouvre et les minutes s'égrènent, alors, entre le pouce et l'index, je récupère la balle dans ma poche et la lève à hauteur de son visage. Sans un mot, elle expire sa frustration en gonflant ses joues avant de s'en saisir. Voyant que je n'aurais pas d'explications, je n'insiste pas.
- Passe une bonne soirée ma belle, terminais-je dans un clin d'œil en quittant son tas de ferraille.
Assis dans ma Jeep, je scrute en vitesse le rétroviseur avant de quitter la place de stationnement. Pressé de sortir d'Istok, je mets plein gaz sur l'accélérateur quand soudain, une silhouette apparaît au milieu de la rue.
Mon cœur se serre aussi fort que mes mains sur le volant tandis que j'appuie de toutes mes forces sur les freins et pile d'un coup en fermant les yeux.
Putain, c'était moins une !
Soulagé de ne ressentir aucun choc, je reprends mon souffle et sens l'exaspération m'envahir en observant Kristina à travers le pare-brise. Cette fille me fait halluciner. Jamais vu une furie pareille.
Imperturbable, elle contourne le véhicule, ouvre le côté passager et s'assoit calmement à mes côtés.
- Mais t'es folle ?! m'énervais-je plus fort que ce que j'aurais voulu.
Elle affiche un air surpris et éclate de rire.
- Parfois, oui.
La crevette prend la chose comme un compliment, ça me fait sourire, mais je ne le montre pas. Elle a une idée derrière la tête, je reconnais ce regard et la détermination qui s'y reflète.
- Bon, dis-moi ce que tu veux, soufflais-je excédé et pressé.
Bouclant sa ceinture comme si de rien n'était, elle me lance avec assurance :
- Si tu sors d'Istok, je sors aussi !
La blague. Il manquait plus que ça.
Elle pose son sac à main sur ses genoux et croise les bras, avant de me scruter l'air vraiment déterminée à mettre les voiles.
- Ça ne va pas être poss...
- On pari ? Coupe-t-elle en me regardant sérieusement.
Kristina est une tête dure qui n'abandonne jamais avant d'obtenir ce qu'elle veut. Je lève les yeux au ciel et prend une grande inspiration avant de répondre.
- Comment tu comptes sortir sans que César ne le sache ? demandais-je sans être certain de vouloir connaître la réponse.
- T'as qu'à me cacher dans le coffre, décrète-t-elle avec détachement.
Si elle savait que la place est déjà prise, je donne pas cher de ma peau.
- Toi tu veux vraiment ma mort, dis-je pour moi-même.
N'affichant plus son petit air intrépide, elle me regarde avec intérêt.
- J'ai ta mort sur le bout de la langue depuis des jours, pourtant tu es encore vivant. Personne ne t'a autant sauvé la vie que moi, Cardini.
Le ton de sa voix, sa sincérité, ses yeux brillants sont autant de lianes ensorcelées. Les volts chamboulent mes sens. Il ne faut pas que je cède à son caprice, surtout pas ce soir.
- Tu sais ce qui va m'arriver si on te découvre dans ma bagnole ?
De son sac, elle sort une arme et la dirige avec rapidité vers moi, mon cœur s'emballe un quart de seconde.
- T'auras qu'à dire que je t'ai menacé, prononce-t-elle détachée dans un haussement d'épaules.
Le cran de sécurité n'est pas enlevé, elle n'a pas répété l'arme et je ne suis même pas sûr qu'il soit chargé, un rire m'échappe.
- C'est mignon mais pas crédible, soufflais-je.
D'un geste vif, je saisie le canon et retourne l'arme contre elle. Pas un sursaut, pas une crainte, seule sa bouche se tord dans une moue blasée tandis que ses yeux roulent dans leurs orbites.
La détente en équilibre sur le bout de l'index, je lui rends son jouet en insultant celui qui a eu l'idée débile de lui mettre une arme entre les mains.
- De toute façon tu risques rien, personne ne vérifiera ta voiture, ronchonne-t-elle en la rangeant dans son sac.
- Comment tu peux en être si sûre ?
- Parce qu'a l'heure actuelle tu es l'unique personne d'Istok dont César ne se méfie pas.
Sa réponse vague titille ma curiosité. Elle voit bien mon incompréhension, pourtant elle ne développe pas. Le temps ne joue pas en ma faveur alors, en soupirant, je décide d'accepter. Je ne suis plus à ça près, à vrai dire.
- Ok, cache toi à l'arrière.
La crevette coopère aussitôt, se détache et enjambe l'accoudoir pour se faufiler au sol derrière mon siège. Je lève les yeux au ciel en démarrant. On n'est pas dans un conte de fées. Si on nous surprend, je suis mort.
Arrivé à la frontière, je vois deux types positionnés de chaque côté de la route. Je ralentis pour le principe en gardant le pied sur l'accélérateur prêt à atteindre les 200 en cas de nécessité.
Heureusement, la sortie se fait sans encombre. Je regarde une dernière fois derrière moi et j'ai l'impression d'avoir fait le casse du siècle.
Ça pourrait prêter à rire quand on connaît mon parcours, mais sortir d'Istok avec la belle-fille du roi Soleil sous la banquette et un blessé ligoté dans le coffre, fait partie du top 10 des trucs les plus dangereux que j'ai fait.
Nous roulons quelques minutes avant que Kristina ne remonte sur le siège arrière. Nos yeux se croisent dans le rétroviseur central.
- Je te l'avais dit, sourit-elle de toutes ses joues.
Ses traits se sont détendus, ça me fait du bien de la voir joyeuse. N'empêche, je m'inquiète pour elle. Obligée de désobéir, de se cacher, de mentir, comme une adolescente qui n'a pas le droit de grandir. À la fois légère et grave, cette fille est prête à prendre tous les risques pour vivre libre.
Je jette encore un œil, la crevette pianote sur son téléphone tout le long du trajet. Vingt minutes plus tard, je la dépose à l'entrée de son quartier.
- Tu vas vraiment y aller ? me questionne-t-elle la voix empreinte de doute en sortant du véhicule.
J'acquiesce d'un signe de la tête. Son regard mécontent n'est pas difficile à interpréter, elle me prend pour un cinglé.
- Appelle-moi demain matin si tu veux que je te raccompagne.
Elle hoche vaguement la tête avant de disparaître dans la nuit. En l'observant, je ne peux ignorer la silencieuse promesse qui se murmure quelque part dans mon cerveau :
« Je finis juste les recherches qui concernent ma sœur et je me pencherais sur ton énigme Esméralda », enfin... « sauf si tu décides de disparaître pour de bon », pensais-je malgré moi.
Allez, encore trois heures et la tumeur qui me ronge le cœur sera exorcisée.
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✨ Guess who's back ✨
Navrée pour cette pause prolongée, la vie est parfois incompatible avec mon envie d'écrire 😩
Ce chapitre étant très long, il est coupé en deux. Vous aurez donc le rendez-vous vous tant attendu à part (et très vite, puisqu'il est quasi fini !).
Vous pouvez toujours me faire part de votre ressenti sur ce chapitre et/ou ce qu'il va se passer, ici 👉🏻
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